La
doctrine chrétienne contient des vérités d’ordre différent. Il y a des vérités
de raison et des vérités de foi. Les premières peuvent être déterminées par la
seule raison naturelle, les secondes par la seule Révélation. Les vérités de
foi sont des vérités révélées par Dieu. Nous y adhérons sur l’autorité de Dieu
qui ne peut ni se tromper ni nous tromper. Parmi ces vérités, certaines sont
compréhensibles, d’autres obscures. Ces dernières sont des mystères au sens
propre du terme. C’est parce que Dieu a parlé que nous pouvons accéder à
des vérités inaccessibles autrement. « Nous
sont proposés à croire les mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus
s’ils sont divinement révélés. »[1] Que
serait en effet notre foi sans la Révélation ? Le christianisme ne serait
qu’une philosophie comme le néoplatonisme. Or, de nombreuses attaques mêlées
d’incompréhensions et de mensonges détournent bien des âmes de cette source
inestimable de vérités qu’est la Révélation.
Abraham se prosterne devant les anges (mosaïque de la Cathédrale de Monréale (XIIe) (Wikipédia) |
Il est en effet classique d’opposer les définitions dogmatiques aux rapports que Dieu a établis avec les hommes. Telle l’affirmation suivante qui frise la caricature : « la révélation a été conçue trop souvent comme la communication par Dieu d’un certain nombre d’affirmations déconcertantes que les hommes devraient tenir pour vraies sans les comprendre. En réalité, la révélation se présente dans l’Écriture d’une manière moins notionnelle et beaucoup plus personnelle : elle est avant tout la manifestation de Dieu lui-même qui, à travers une histoire sacrée, culminant dans la mort et la résurrection du Christ, fait entrevoir le mystère de son amour.»[3] Une autre erreur serait de distinguer l’acte de la Révélation de son objet en considérant le premier comme vérité de foi, le second, vérité accessible à la raison [27]. Il est important de prendre en compte les deux éléments sans cependant les dissocier de crainte de biaiser la réalité et de manquer le bien que Dieu nous propose.
Une
Révélation surnaturelle
Moïse et le buisson ardent par Dirk Bouts (Wikipédia) |
La
Révélation divine est une chose manifestée par Dieu soit de manière naturelle
quand les créatures manifestent la vérité divine, soit de manière surnaturelle
quand Dieu intervient pour manifester la vérité. Lorsqu'elle est manifestée de
manière naturelle, elle est dite improprement Révélation divine. Dans la suite
de notre article, nous ne traiterons que de la Révélation divine surnaturelle.
L’Église
nous enseigne que la véritable Révélation divine est surnaturelle dans son
origine et dans son acte : « il
a plu à sa sagesse et a sa bonté de se révéler lui-même au genre humain ainsi
que les décrets éternels de sa volonté par une autre voie, surnaturelle
celle-là »[5].
L’origine de la Révélation divine est bien Dieu qui librement a révélé une
chose que l’homme ne connaissait pas. Elle est « une initiative pleinement
gratuite »[6] de Dieu.
Le
concile de Vatican II ne souligne guère l’aspect surnaturel de la Révélation.
Ainsi faut-il ne point oublier cet enseignement essentiel et se reporter à
l’enseignement de l’Église dans sa totalité, c’est-à-dire dans ce qu’elle a
déjà énoncé de manière infaillible.
La
Révélation nécessaire à notre salut
Vision du prophète Daniel par Gustave Doré (www.interbible.org) |
Dieu
n’est pas indifférent à notre véritable bonheur. Il pouvait ne rien faire et
nous laisser dans notre turpitude. « Il
a plus à sa sagesse et à sa bonté de se révéler lui-même au genre humain » [9]. Quelle
plus grande révélation que cette attention divine sur notre pauvre personne !
Nous ne sommes pas perdus dans ce monde de misère dans lequel nous connaissons
l’amertume de l’exil. L’acte de la Révélation manifeste donc
un Dieu soucieux de notre véritable bien. Il s’agit bien d’un mystère qui nous
dépasse, le mystère de l’amour de Dieu, le mystère de sa miséricorde. L’objet
de la Révélation nous est alors précieux pour répondre à la volonté de Dieu.
Comment pouvons-nous en effet répondre à l’amour de Dieu si nous ignorons le
bien qu’Il promet et la voie qu'Il nous a tracée ? L’acte de la Révélation
impose donc l’adhésion aux vérités contenues dans la Révélation. Le maître
parle, faut-il encore l’entendre…
La plénitude de la Révélation en Notre Seigneur Jésus-Christ
Le
Concile de Vatican II souligne clairement le rôle de Notre Seigneur
Jésus-Christ dans la Révélation. Il rappelle en effet que Notre Seigneur
Jésus-Christ est « la plénitude de
la Révélation »[10]. Par
ses œuvres et par ses paroles, Il a révélé les profondes vérités sur Dieu et sur
le salut de l’homme. Ses actes et ses paroles communiquent donc la Révélation.
Ses
paroles et ses œuvres sont intimement liées. « Les œuvres attestent et corroborent et la doctrine et le sens indiquées
par les paroles tandis que les paroles publient les œuvres et éclairent le
mystère qu’elles contiennent. »[11]. Notre
Seigneur nous a instruits par ses actes, par son exemple. Cependant, ces
réalités prennent tout leur sens dans la lumière de l’enseignement qu’Il nous a
donné directement ou par ses Apôtres. Seule la parole est porteuse d’un sens
déterminé. C’est le seul langage capable d’exprimer de manière intelligible un
sens précis. Si les œuvres et les paroles sont liées en quelques sortes,
n’oublions pas que tout se réfère aux vérités qu’a enseignées Notre Seigneur
Jésus-Christ par la parole. Cela signifie que l’énoncé des vérités,
c’est-à-dire l’objet même de la Révélation, a un rôle primordial sans lequel
l’acte n'aurait peu de sens. Ainsi la Révélation est un ensemble de vérités
formulées en nos idées et en nos mots. Elle n’est pas directement et
essentiellement une réalité offerte à l’expérience spirituelle ou religieuse.
Toutefois, la Révélation ne se réduit pas à Notre Seigneur Jésus-Christ. Depuis le commencement, Dieu s’est manifesté par des œuvres, des paroles ou par des songes tout le long de l’histoire des hommes directement ou par l’intermédiaire d’hommes élus.
Tout ce qui est nécessaire à notre salut se retrouve donc dans la Révélation, et particulièrement dans les paroles et dans les œuvres de Notre Rédempteur de manière pleine et entière. La Révélation est suffisante. Il atteste « divinement que Dieu Lui-même est avec nous pour nous arracher aux ténèbres du péché et de la mort et nous ressusciter pour la vie éternelle. » [15]
Absolue nécessité du rôle des énoncés dans la Révélation
Une Révélation achevée en Notre Seigneur Jésus-Christ
Le Concile de Vatican II rappelle que Notre Seigneur Jésus-Christ achève la Révélation en la complétant. « Aucune nouvelle révélation publique n’est dès lors à attendre »[14]. Tout a été dit. C’est pourquoi elle a été close par le dernier des Apôtres. Instruits et préparés par Notre Seigneur, ils ont reçu son enseignement. « De sa plénitude, nous avons tous reçu » (Jean, XVI, 13).
Absolue nécessité du rôle des énoncés dans la Révélation
La
Révélation comprend donc l’acte même de Dieu révélant et les vérités manifestées aux
hommes par Dieu sous forme d’énoncés. Ces mêmes vérités sont exprimées en
langage humain.
Une illumination de l'intelligence
De manière générale, selon Saint Thomas, dans la parole, nous voulons faire connaître un signe de la chose même que nous
voulons faire connaître. De même, le songe et l’œuvre sont révélateurs par le
signe qu’ils manifestent. Et contrairement à nos paroles et à nos œuvres, les
signes que Dieu nous profèrent illuminent directement l’intelligence. Dans les évangiles,
nous voyons la foule éblouie par les paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Aucun homme n’a parlé comme Lui. Et ses œuvres sont encore aujourd'hui lumineuses de sens et de vérité. « Or il arriva
que, lorsque Jésus eut achevé son discours, le peuple était dans l’admiration
de sa doctrine. Car il les instruisait comme ayant autorité, et non comme leurs
scribes et les pharisiens » (Matthieu, VII, 28-29). Et quand Il
parle ou agit, Il le fait comme un maître à l’égard d’un disciple pour le faire
progresser dans la connaissance. « Le
Seigneur m’a donné une langue savante, afin que je sache soutenir par la parole
celui qui est abattu ; il prépare dès le matin, dès le matin, il prépare
mon oreille, afin que je l’écoute comme un maître » (Isaïe,
L, 4). Il enseigne comme une autorité. « Vous
m’appelez vous-mêmes Maître et Seigneur ; et vous dites bien, car je le
suis. » (Jean, XIII, 13).
Dieu
ne se manifeste pas toujours par un phénomène perceptible aux sens. Dans la Sainte Ecriture, le terme de
parole est parfois utilisé de manière analogique. Elle est néanmoins perçue par l’âme
et parfois accompagnée de signes extérieurs physiques (apparition, miracle,
incarnation). Elle consiste essentiellement dans une illumination intérieure
reconnue comme divine, de manière individuelle ou collective. De manière
individuelle, elle s’arrête à celui qui l’a reçue. De manière collective, elle
est présentée comme un dogme.
Vérités
naturelles et surnaturelles dans la Révélation
La
Révélation contient donc des vérités absolument nécessaires et suffisantes pour notre salut.
Elles sont de plusieurs ordres. Certaines vérités sont accessibles de soi à la raison,
notamment les vérités religieuses ou morales naturelles. Par notre intelligence, il est possible de les connaître
sans Révélation. C’est pourquoi l’objet de la Révélation n’est pas uniquement
des vérités de foi. C’est aussi pourquoi la Révélation n’est pas absolument
nécessaire à cause de son contenu. D'autres vérités ne peuvent être connues que
par Révélation mais elles demeurent intrinsèquement compréhensibles par la
raison après Révélation. Ce sont des
mystères au sens impropre. Enfin, il existe des vérités absolument
inaccessibles à la raison, obscures même après la Révélation. Ce sont des
mystères au sens strict. « […] Nous
sont proposés à croire les mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus
s’ils ne sont divinement révélés. » [16]
A qui s’adresse la Révélation ?
Seuls
les Patriarches, d’Adam à Abraham, le peuple juif et les chrétiens ont reçu
la Révélation, les premiers de manière parcellaire, les chrétiens de manière pleine et entière. Elle a grandi et s’est développée avec une clarté progressive,
s’achevant en Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais
elle est destinée à tous les hommes depuis la promulgation de l’Évangile [28].
Par la
lumière intérieure de la foi, le fidèle peut juger qu’une proposition est divine dans son origine et qu’elle est proposée par Dieu. Dieu seul peut diffuser cette lumière. C’est
ainsi que nous pouvons obéir à Dieu mais surtout atteindre la communion
intelligible avec la Vérité première qui se révèle.
Le Saint-Esprit assiste en outre l’Église pour qu’elle enseigne de manière infaillible les vérités contenues dans la Révélation.
Le Saint-Esprit assiste en outre l’Église pour qu’elle enseigne de manière infaillible les vérités contenues dans la Révélation.
Où
s’exprime la Révélation ?
Dieu a laissée les vérités révélées à l'Eglise, comme un dépôt sacré pour que chaque génération puisse les connaître. Couvert par le Saint-Esprit, ce dépôt conserve son intégrité. Il es pleinement accessible dans la Sainte Écriture et la Sainte Tradition telles
qu’elles ont toujours été transmises et enseignées dans l’Église catholique.
« Le saint concile œcuménique et général de Trente […] voit clairement aussi que cette vérité et cette règle [17] sont contenues dans les livres écrits et dans les traditions non écrites qui, reçues par les apôtres de la bouche du Christ lui-même ou transmis comme de main en main par les apôtres sous la dictée de l’Esprit Saint, sont parvenues jusqu'à nous. »[18]
Nous
appelons Sainte Écriture la Parole de Dieu écrite par des auteurs que Dieu a
inspirés. Elle constitue la Bible, qui se divise en deux parties :
l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. Elle comprend un ensemble de livres
que l’Église a admis officiellement dans une collection, appelée canon. La Sainte Tradition est l’enseignement non écrite. Elle vient de « la bouche du Christ ou dictées par l’Esprit
Saint et conservées dans l’Église catholique » [19] Ainsi
la Sainte Écriture et la Sainte Tradition ont Dieu pour auteur et elles ont été
transmises comme telles par l’Église. C’est
pourquoi « les traditions ont la même autorité que les livres sacrées eux-mêmes. »[20] Le
Concile de Trente souligne bien qu’il les « reçoit et vénère avec le même sentiment de piété et le même
respect ». Le dépôt de la foi comprend donc les Saintes Écritures et
la Tradition qui jouissent de la même autorité.
« La Sainte Tradition et la Sainte Écriture constituent un unique dépôt sacré de la parole de Dieu, confié à l’Église » [21].
Selon
l’enseignement de l’Église
Pour
éviter les interprétations défectueuses de ce dépôt, « dans les
matières de foi et de mœurs qui concernent l’élaboration de la doctrine
chrétienne, on doit tenir pour véritable sens de la sainte Écriture celui qu’a
tenu et tient notre Mère la sainte Église, à laquelle il appartient de juger du
sens et de l’interprétation véritable des saintes Écritures ; et que dès
lors, il n’est permis à personne d’interpréter cette sainte Écriture
contrairement à ce sens ni non plus contrairement au consentement unanime des
Pères. »[22]
L’Église détient donc le rôle de magistère. « Le Magistère, en matière de foi et de mœurs, doit être pour tout
théologien la règle prochaine et universelle de la vérité »[23]. Notre Seigneur lui a confié le rôle de les exposer[24]
fidèlement comme vérités à croire, de les conserver, de les défendre et de les
interpréter de manière authentique[25] avec
l’assistance du Saint Esprit. C’est pourquoi les vérités « demeurent à jamais dans leur intégrité »
et elles sont « transmises à toutes
les générations »[26].
Références
[1] Constitution dogmatique Dei Filius sur la foi catholique, Concile de Vatican I, session III, 24 avril 1870, Denzinger 3021.
[2] Mgr Bernard Bartmann, Précis de théologie dogmatique, tome I, chap. II, A, §4.
[3] Roger Aubert, Questions actuelles au sujet de l’acte de foi paru dans le recueil Problemi e Orientamenti di Teologia dommatica, Milan, 1957, cité par Latourelle, Théologie de la Révélation, dans Révélation et Tradition de l’abbé Bernard Lucien, éditions Nuntiavit, 2009.
[4] Chanoine L.-E. Marcel, Dictionnaire de culture religieuse et catéchistique, imprimerie Jacques et Démontrond, 1938.
[5] Dei Filius, Denzinger 3004.
[6] Jean-Paul II, Fides et ratio, 7, 14 septembre 1998.
[7] Dei Filius, Denzinger 3005.
[8] Dei Filius, Denzinger 3005.
[9] Dei Filius, Denzinger 3004.
[10] Concile de Vatican II, constitution dogmatique Dei Verbum, 2, 18 novembre 1965.
[11] Abbé Bernard Lucien, Révélation et Tradition, éditions Nuntiavit, 2009.
[12] Fides et Ratio. Réaffirmé dans l’encyclique Humani Generis de Pie XII.
[13] Journet, Le message révélé, sa transmission, son développement, ses dépendances, 1964.
[14] Dei Verbum, n°4.
[15] Dei Verbum, n°4.
[16] Dei Filius, Denzinger 3015.
[17] Il s’agit de « toute vérité salutaire et de toute règle morale » dont l’Évangile est la source. L’Évangile est pris au sens de la Révélation plénière accomplie par Notre Seigneur Jésus-Christ.
[18] Concile de Trente, Décret sur les livres sacrés et les traditions à recevoir, 8 avril 1546, Denzinger 1501.
[19] Concile de Trente, Décret sur les livres sacrés et les traditions à recevoir, Denzinger 1501.
[20] Cardinal Del Monte, premier président du Concile Cité par Salaverri, dans Abbé Bernard Lucien, Révélation et Tradition.
[21] Dei Verbum, 10.
[22] Dei Filius, Denzinger 3007.
[23] Pie XII, Humani Generis, 12 août 1950, Denzinger 3884.
[24] Voir Dei Filius, Denzinger 3011.
[25] Voir Humani Generis, Denzinger 3886.
[26] Dei Verbum, 7.
[27] C'était une des erreurs de Günther. Voir Émeraude, avril 2014, article Le semi-rationnalisme.
[28] La Révélation faite à un peuple particulier est dite particulière non dans le sens qu’elle n’est plus valable en dehors de ce peuple mais qu’elle lui est destinée à l’origine.
[28] La Révélation faite à un peuple particulier est dite particulière non dans le sens qu’elle n’est plus valable en dehors de ce peuple mais qu’elle lui est destinée à l’origine.
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