L’acte
de foi au sens général est le fait d’adhérer à une proposition comme
étant une vérité parce qu’elle nous paraît digne d’être crue. Elle est tenue
pour vraie d’après le témoignage d'une personne qui nous parait suffisamment
crédible car informé et véridique. La foi humaine et naturelle est à l’origine
de la plupart de nos connaissances [1]. Elle n’est
pas un acte aveugle mais raisonnable puisqu'il s’appuie sur des arguments qui
montrent qu’effectivement un tel témoignage est croyable.
Si
Dieu en est l’origine, nous pouvons être convaincus que la proposition est
vraie puisque non seulement Il ne peut se tromper mais encore Il ne peut nous
tromper. Nous devons en effet distinguer dans la personne qui nous propose de
croire sa science et son intention. Quand elle enseigne, elle peut commettre
des erreurs car elle peut ne pas tout connaître et maîtriser ce qu’elle enseigne. La formulation de ses connaissances peut aussi nous induire en erreur. Elle peut aussi
mentir pour diverses raisons : masquer son ignorance, manipuler son
auditoire, se montrer supérieure, etc. D'autres raisons poussent aussi à croire : sa réputation, son expérience, … bref tout ce que nous savons
d’elle concourt à sa crédibilité. Ainsi l'acte de foi se fonde sur des motifs internes et externes.
Dans
le monde du renseignement, il est classique de noter l’information recueillie selon deux
critères : la qualité de la source d’où elle est issue et la qualité
de l’information en elle-même. De même, nous croyons en une personne selon ce que
nous savons d’elle et selon le contenu de son discours. La personne,
est-elle crédible ? L’information est-elle raisonnable et cohérente ?
Différents arguments viennent donc qualifier en quelque sorte le niveau de
confiance que nous pouvons accorder à un témoignage et donc aux connaissances
qu’il nous propose de croire.
Or
Dieu est la Vérité même. Rien ne Lui est caché. Rien ne Lui est inconnu. En
outre, Il est la Bonté même. Il ne veut que notre véritable bien. Il est notre
Bien. Ainsi s’Il nous parle, nous pouvons Le croire avec certitude que non
seulement ses paroles sont vraies mais qu’elles concourent à notre bien. Nous atteignons ainsi le "degré maximal" de certitude que nous pouvons accorder à un témoignage. La foi ne consiste pas
simplement à croire ; elle nous oblige aussi à croire. Il y a bien une obligation
morale.
Mais avant de croire que Dieu est Vérité et Bonté, faut-il croire en
Lui et croire qu’Il nous a donnés des vérités à croire.
La
foi en Dieu est dite surnaturelle ou encore divine pour plusieurs raisons. Le témoignage ne
vient pas d’un homme mais de Dieu. La vérité de foi est en effet une vérité
révélée par Dieu. Elle est aussi dite surnaturelle parce que nous adhérons aux
vérités de foi sous l’inspiration divine avec l’aide de la grâce divine. Nous ne
pouvons pas croire en ce que Dieu nous propose de croire par nous-mêmes, par
notre propre intelligence, par nos propres forces. Cela ne signifie pas que
nous croyons obligatoirement quand la grâce divine nous touche. Nous pouvons en
effet refuser cette grâce et ne vouloir par croire. Mais si nous l’acceptons,
nous faisons un acte de foi divin ou surnaturel. « Si la Révélation est la parole de Dieu à l’humanité, la foi est la
réponse de l’homme »[2].
Revenons à la foi naturelle. Quand
un professeur de science nous enseigne une théorie scientifique, nous croyons
en ce qu’il nous propose de croire car nous sommes convaincus qu’il sait ce
qu’il enseigne et que son métier est de nous transmettre correctement ce qu’il enseigne.
Sa fonction et son autorité sont à l’origine de notre acte de foi naturel. Nous avons besoin de peu de preuves ou de démonstrations pour être convaincus de la véracité de son discours. Posons-nous même la question ? Le contenu de son enseignement nous pousse aussi à adhérer
à ces paroles. Plus son discours se rapporte à des évidences, plus nous sommes portés à le croire. Mais plus notre intelligence se développe en grandissant, plus nous
pouvons l'exercer pleinement, plus le professeur doit nous montrer qu’effectivement ce qu’il
nous enseigne s’appuie sur des motifs raisonnables qui dépassent même l'évidence. Notre acte de foi ne
s’appuie plus totalement sur l’autorité du maître mais aussi sur notre raison. Toutefois, remarquons que dans les arguments qu’il nous propose, dans les démonstrations
qu’il effectue, il y a toujours un acte de foi que nous réalisons. Le
professeur lui-même tient une part de ses connaissances de cet acte puisqu'il
ne peut tout connaître. Lui-même, il a été élève d’un maître…
Finalement,
au fur et mesure que l’intelligence grandit et que nous savons exercer notre
intelligence, notre acte de foi naturelle s’appuie davantage sur notre raison. L’esprit
critique se développant, nous devenons plus exigeants en matière de
connaissance et de démonstration. L’habit ne faisant pas le moine, nous demandons davantage de preuves de la
part de l’enseignant selon la force et la finesse de notre esprit critique. Ainsi la foi naturelle
s’appuie sur divers motifs afin que nous puissions être convaincus de ce que
nous apprenons. Ce premier acte fait, la raison confirme notre conviction. Non
seulement nous trouvons raisonnables de croire en ce que nous propose le
professeur mais par un acte de raison, nous savons que ces propositions sont
vraies. C’est notre raison qui désormais nous propose des vérités à croire.
Mais
les faits ou les propositions que nous avons cru être vrais dans le passé peut
nous apparaître faux aujourd'hui pour plusieurs raisons. Les motifs de crédibilité ne nous
paraissent plus suffisants pour emporter notre adhésion. Mieux exercée et plus instruite, notre raison
nous montre désormais leur fausseté. De nouvelles connaissances ont peut-être remis en
cause leur véracité. Ainsi nos convictions peuvent évoluer. Notre ignorance, nos
limites intellectuelles et notre orgueil peuvent aussi nous avoir trompé et égaré. L’obstination
dans l’erreur est si courante. Comme notre expérience nous le montre parfois,
ce n’est pas seulement une affaire de raison mais de volonté. Nous croyons
parce que nous voulons croire.
Certaines
vérités religieuses sont de l’ordre de la raison. Certaines d’entre elles
peuvent en effet être objets de démonstrations qui nous convainquent davantage
à nous y soumettre. Nous y croyons non pas parce que Dieu a parlé mais parce
que notre raison nous a persuadés de leur véracité.
La
foi surnaturelle a quelques points communs avec la foi naturelle. N’oublions
pas en effet que le surnaturel repose sur le naturel. Il ne le supprime pas. Il
le présuppose. Comme tout acte de foi, la foi surnaturelle a en effet besoin
d’arguments qui nous convainquent qu’il est raisonnable de croire. Cette croyance s’appuie sur l’examen des témoignages et des signes en
faveur du fait de l’existence de Dieu et de celui de la Révélation. Ce sont des
signes à la portée de notre intelligence, de toutes les intelligences.
Mais
une différence fondamentale : notre conviction est absolue. La foi surnaturelle ne dépend
pas de nos connaissances, de notre raison ou de nos capacités intellectuelles. Ce ne sont ni les
motifs de crédibilité, ni l'objet de notre foi qui font que nous croyons de foi divine et qui nous convainc de la nécessité de croire. La foi surnaturelle
est la conviction de la vérité de la Révélation produite sous l’influence de la grâce de Dieu. Comme Dieu est la source de notre adhésion, Il est aussi la cause de notre fidélité. Cependant, à tout moment, nous pouvons refuser son
secours et retomber dans l’erreur. Car nous demeurons libres de croire ou de ne
pas croire. Il est toujours question de volonté dans l’acte de foi. C’est bien
une réponse que l’homme doit donner à Dieu. Nous pouvons ne pas vouloir croire.
En
connaissant mieux le contenu de notre foi, nous pouvons certes y adhérer
davantage en y admirant par exemple sa cohérence et sa force. Les motifs de crédibilité peuvent croître et s'affiner selon les progrès de nos connaissances. Ils peuvent aussi être remis en cause par de nouvelles questions, de nouvelles connaissances. Notre
spiritualité peut aussi gagner en profondeur et nous permettre de mieux comprendre ce que nous croyons. Nous pouvons également éprouver la soif et la désolation spirituelles. Mais notre foi ne se repose pas sur ces motifs ou sur notre spiritualité.
L’acte de foi est et demeure un acte surnaturel.
Quelles que soient nos capacités intellectuelles et nos connaissances, ou notre évolution dans
la vie intérieure, nous ne pouvons pas
croire que Dieu ait parlé sans la grâce divine. Notre croyance s’appuie
fondamentalement sur la Révélation, fait admirable mais indémontrable. Elle est
une nécessité qui nous oblige à croire.
Références
[1] Voir Émeraude, février 2014, articles Croire pour comprendre.
[2] Mgr Bernard Bartmann, Précis de Théologie dogmatique, édition Salvator, 1944.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire