" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mercredi 3 octobre 2012

Qu'est-ce que l'homme ?

Après le récit de la Création de l'univers, la Sainte Écriture aborde celle de l'homme. Dans le premier chapitre, elle traite la Création de l'homme de manière sommaire et l'intègre dans l'œuvre globale de la Création. Au sixième jour, Dieu dit : « faisons un homme à notre image et à notre ressemblance. Et Dieu créa l'homme à son image : c'est à l'image de Dieu qu'il le créa : il les créa mal et femelle » (Gen., I, 26-27). Dans le chapitre suivant, la création de l'homme est présentée de manière plus concrète : « le Seigneur Dieu forma donc l'homme du limon de la terre, et il souffla sur son visage un souffle de vie, et l'homme fut fait âme vivante. Or, le Seigneur Dieu avait planté, dès le commencement, un jardin de délice, dans lequel il mit l'homme qu'il avait formé » (Gen., II, 8). A partir des textes saints, nous pouvons connaître quelques grandes vérités sur l'homme. Nous traiterons dans notre article quelques points essentiels : le fait même de sa création, la spécificité de l'homme, sa nature, sa dignité, l'apparition de la femme. 

L'homme, une créature de Dieu ... 

Dieu créa l'homme. Sa création n'a donc pas pour fondement dans la nature, mais dans la volonté divine. Tout ce que nous avons pu dire sur l'œuvre divine de la Création peut donc se rapporter sur la création de l'homme. Il reflète en effet la puissance et la sagesse de Dieu. Il fut aussi librement créé. Cette création est unique. « Ce dont je suis encore certain, c'est qu'avant que le premier homme fut créé, aucun homme n'avait jamais été » (1). 

L'origine unique de l'espèce humaine est une vérité d'une importance capitale. Tous les hommes descendent d'un même et unique ancêtre. Dieu « a fait que d'un seul toute la race des hommes habite sur toute la face de la terre » (Act., Ap., XVII, 26). L'Église refuse absolument tout polygénisme (2). Cela implique donc l'unité du genre humain. Enfin, Dieu est satisfait de sa création. « Et Dieu vit toutes les choses qu'il avait faites, et elles étaient très bonnes » (Gen., I, 31). Comme toute créature, l'homme est bon naturellement … 

L'homme, créé « un peu au-dessous des anges » et « couronné de gloire et d'honneur » (I, Ps, X, 8) 

La Sainte Écriture insiste particulièrement sur la place privilégiée de l'homme dans l'œuvre de la Création. Le style particulier de la Genèse indique fortement un instant solennel (3). Ce n'est pas non plus un hasard si l'homme arrive en dernier dans l'ordre de la Création. Tout est déjà créé pour le recevoir. 


« Qui est donc celui qui va être créé, pour bénéficier d'un si grand honneur ? C'est l'homme, l'être vivant grand et admirable, qui, aux yeux de Dieu, est digne de plus d'honneur que la création toute entière : c'est pour lui que le ciel, la terre, la mer et tout le reste de l'ensemble de la création ont été créés » (4). L'ordre divin lui assigne un rôle unique : assujettir et dominer toutes les créatures. Pour marquer ce pouvoir, Dieu lui demanda de donner un nom à tous les animaux. « Tous les animaux de la terre et tous les volatiles du ciel, ayant donc été formés de la terre, le Seigneur Dieu les fit venir devant Adam, afin qu'il vit comment il les nommerait ; or le nom qu'Adam donna à toute âme vivante, est son vrai nom » (Gen., II, 20). 

L'homme fait donc l'objet d'un honneur particulier par rapport aux autres créatures. « Il n'y a pas de termes assez grands à la disposition de l'homme pour exprimer la création qui le concerne ; et pourtant une brève formule à ce sujet suffit à la Sainte Écriture. Dans ces paroles de Dieu: « faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance », d'abord elle montre la dignité de l'homme. Tout l'univers, Dieu l'avait créé par la parole, tenant tout cela pour accessoire ; il ne juge digne d'être l'œuvre de ses propres mains que la création de l'homme » (5). Cette dignité particulière est en effet soulignée par deux termes qui se rapportent à la nature humaine : l'homme a été créé « à l'image et à la ressemblance » de Dieu contrairement à tous les autres êtres vivants. « Ce n'est pas le ciel qui fut fait à l'image de Dieu, ce n'est pas la lune, ce n'est pas le soleil, ce n'est pas la splendeur des étoiles, rien de toutes les choses qui apparaissent dans la création » (6). L'homme est créé au-dessus de toute créature.. 

L'homme, l'union d'une âme et d'un corps... 

La Genèse nous présente sa formation à partir du « limon de la terre » et de l'effusion du souffle divin. L'homme est en effet composé de deux natures : une nature matérielle, le corps, et une nature spirituelle, l'âme. L'homme n'est ni le corps, ni l'âme. L'homme est l'union du corps et de l'âme. Le corps est comme la matière, il est périssable ; l'âme, un être spirituel, immortelle. L'homme unit ainsi en lui deux extrêmes. 

Par son corps, l'homme appartient à l'univers matériel. Le corps dispose des mêmes qualités que toute matière. Il est sujet aux mêmes lois. Par son âme, par laquelle il fut fait âme vivante, il est supérieur à cet univers. La science comme la biologie ou la génétique ne peuvent donc traiter que du corps humain et non de l'homme. 

L'homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu... 

Évidemment, « s'imaginer que c'est l'être corporel qui a été fait à l'image et à la ressemblance de Dieu, c'est laisser supposer que Dieu lui-même est corporel et possède une forme humaine ; une telle idée de Dieu est de toute évidence une impiété » (7). C'est donc par l'âme que l'homme est fait à l'image de Dieu. « Ce qui fait l'excellence de l'homme, c'est que Dieu l'a fait à son image en lui donnant une âme spirituelle et une intelligence qui le placent au-dessus des bêtes » (8). Cela ne signifie pas que le corps est méprisable. « L'âme est reconnue comme la meilleure partie de l'homme et le corps la moins bonne, mais ni l'âme n'est le bon par nature ni le corps le mal par nature » (9). La dignité de l'âme ne s'accompagne pas du mépris du corps. Le corps a sa place dans la cité divine et dans le plan de Dieu. 

L'Église a aussi développé une autre interprétation en insistant davantage sur « notre image », qui traduit que l'homme a été créé selon l'image de la Sainte Trinité. Les facultés propres à l'homme, que sont l'intelligence, l'amour et la connaissance, font que l'homme est à l'image des Trois Personnes divines. En ce sens, l'esprit humain est le reflet de Dieu. 

Enfin, une autre manière, plus récente, d'interpréter le verset biblique est de prendre en compte son intelligence, sa conscience morale et sa liberté. L'homme agit selon sa conscience et son libre choix. Ainsi, est-il responsable de ses actes. Il est par ailleurs le seul des êtres vivants à avoir cette lourde charge. 

La vraie dignité de l'homme... 

La nature de l'homme reflète donc l'image de Dieu. Elle fonde la dignité de l'homme. Mais, la notion d'image induit une distance entre Dieu et l'homme. L'homme n'est pas Dieu et ne peut qu'être imparfait dans sa ressemblance. Il est plus ou moins éloigné de son modèle. « Il y a une grande différence entre le modèle et la créature faite à son image. Si l'image a bien une ressemblance avec le modèle, elle mérite réellement son nom ; mais si elle s'écarte du modèle qu'elle devait imiter, c'est autre chose » (10). Il y a bien une double notion de distinction et de perfectibilité. Plus il se conforme à Dieu, plus sa ressemblance est grande. L'image tend néanmoins vers son accomplissement. Sinon elle n'a pas de sens. « Tu nous as faits orientés vers toi et notre cœur est sans repos jusqu'à ce qu'il repose en toi » (11). L'homme ne peut pas vivre sans Dieu... 

La femme et l'homme, une seule chair... 

Dieu créa l'homme et la femme. Toute l'humanité descend de ces deux êtres qui proviennent d'une même chair. La Sainte Écriture en montre toute l'unité naturelle. Cette unité est plus profonde que les liens du sang. Notre Seigneur Jésus-Christ nous le rappelle : « n'avez-vous pas lu que celui qui fit l'homme au commencement, les fit mâle et femelle, et qu'il dit : à cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils seront deux dans une seule chair ? » (Matth. XIX, 4-6). Leur union est présentée comme un retour à l'origine. C'est le fondement naturel du mariage. 

Ève est présentée comme une aide pour l'homme. « Ce n'est pas bon que l'homme soit seul ; faisons-lui une aide semblable à lui » (Gen., II, 18). L'homme est un être social. Il ne peut pas être seul. L'homme ne peut pas, non plus, vivre sans la femme. Elle répond donc à une nécessité plus profonde que celle de la reproduction. La femme n'a pas de sens non plus sans l'homme. Et la nature de la femme est « semblable » à celle de l'homme. Ils ont la même dignité. 


[Suite à l'article suivant : "l'homme créé dans le jardin des délices"]

Références
1 Saint Augustin, La Cité de Dieu, tome II, livre XII, chap. XVII, p.85, traduction de Louis Moreau, édition du Seuil. 
2 Le polygénisme consiste à croire que les races humaines descendent de plusieurs couples. 
3 Émeraude, article « La Création selon les Saintes Écritures », juillet 2012.
4 Saint Jean Chrysostome, Sermon sur la Genèse, II, 1 cité dans La Création, Connaissance des Pères de l'Église, déc. 2001. 
5 Saint Théophile d'Antioche, Trois livres à Autolycos, livre II, 10 cité dans La Création, Connaissance des Pères de l'Église.
6 Saint Grégoire de Nysse, Homélies sur le Cantique, 2. 
7 Origène, Homélie sur la Genèse, I, 13. 
8 Saint Augustin, La Genèse au sens littéral, VI, 12, 21. 
9 Saint Cyrille d'Alexandrie, Stromates, IV, 164, 3. 
10 Saint Grégoire de Nysse, Traité sur la Création de l'homme, chapitre V.
11 Saint Augustin, Confessions, I, 1.

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