" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 19 octobre 2012

Les mutations, mécanismes d'évolution de l'ADN

Après avoir vu les mécanismes mettant en œuvre les activités cellulaires, notamment lors de la formation de l'individu, essayons de comprendre comment la théorie d'évolution peut s'y appliquer. Les individus d'une espèce ont tous un A.D.N. identique, même s'il existe des différences mineures permettant d'expliquer qu'un tel a tel caractère. L'espèce est donc caractérisé par l'A.D.N. des individus la constituant. S'il y a évolution des espèces, il y a alors évolution de l'A.D.N. de manière significative. En effet, si cette différence est trop importante, les brins d'ADN père et mère ne pourront plus se relier. Il n'y aura pas de fécondation. Nous aurons donc la naissance d'une nouvelle espèce. Dans cet article, nous allons décrire comment l'A.D.N. peut évoluer. 

Il peut arriver que dans une lignée d'individus ayant des caractères identiques, surgit un individu qui diffère légèrement de ses ancêtres. Dans une lignée d'une souris blanche, peut apparaître ainsi une souris sans queue. Nous sommes devant une mutation génétique. Elle se produit de manière aléatoire, rare et imprévisible. 
On appelle donc mutation, toute modification qui apparaît brusquement sans causes apparentes chez un individu donné et qui se transmette génétiquement à la génération suivante. 
On peut citer comme mutation : le changement de couleur chez la Perruche, l'absence de cornes chez les bœufs ou de queue chez la souris, l'absence de poils ou de bâtonnets de la rétine encore chez la souris, etc. Seules les modifications touchant la lignée des cellules qui relient l'œuf à l'individu (cellules germinales) sont transmises par hérédité. Le caractère se transmet alors à la descendance selon une proportion qui peut être définie par les lois de la génétique. 

Un caractère correspond à un gène ou plus souvent à un ensemble de gènes. La couleur d'une souris est due à un pigment, fabriqué sous la direction d'un groupe de gènes. Si l'un de ces gènes ne synthétise plus la protéine qui participe à cette synthèse, la chaîne de réaction qui aboutit au pigment ne se fera plus. La souris aura donc une autre couleur. La pigmentation de l'œil d'une drosophile (mouche) nécessite l'intervention d'une centaine de gènes. Un gène peut fabriquer une protéine qui active un autre gène qui fabrique à son tour une deuxième protéine, qui active un troisième gène, responsable de la synthèse d'une autre protéine, etc. C'est pourquoi la modification d'un des gènes responsables d'un caractère provoque un arrêt de la chaîne de réaction, donc la perte du caractère. Le mécanisme est encore plus complexe. Il a été constaté que la modification des gènes responsables de la disposition écartée des ailes du drosophile enlève aussi les poils sur le dos de la mouche. Il est donc difficile d'identifier le rôle de chaque gène... 


La plupart des mutations font ainsi apparaître des tares qui handicapent grandement les individus qui en sont affligés. Elles peuvent compromettre le fonctionnement d'un organe. Si cet organe est vital, l'individu meurt. Le plus souvent, l'embryon n'a pas achevé son développement. Le taux des mutations est donc assez faible : une mutation sur 10 000 à 100 000 individus chez les animaux complexes. Pour qu'un allèle A1 se modifie en un allèle A2 chez l'homme et pour que A2 se diffuse suffisamment pour être majoritaire dans la population, il faudrait 1,4 million d'années (1). 

Il existe des facteurs d'environnement capables de modifier l'A.D.N. d'un individu (rayonnement ionisants, substances « mutagènes », âge de la mère). De telles mutations provoquent la plupart du temps des anomalies graves. Le taux de mortalité est plus fort que dans le cas d'une mutation naturelle. Il a été constaté que de telles mutations ne sont pas contrôlables. On sait aussi qu'ils sont insuffisants pour expliquer des mutations. 

On distingue trois niveau de mutations selon son échelle : les mutations à l'échelle du génome (2), des chromosomes ou des gènes. La mutation à l'échelle du génome consiste en l'apparition d'un chromosome supplémentaire identique à l'un des chromosomes normaux. Elle est responsable du mongolisme. Évidemment, elle n'explique pas l'évolution des espèces. La mutation à l'échelle des chromosomes correspond à des cassures du chromosome qui, de manière aléatoire, se recolle. L'A.D.N. est donc complet mais dans un autre ordre. Il existe exceptionnellement des recollements viables qui n'entraînent pas la mort de la cellule ou de l'individu. Le nouveau positionnement des gènes introduit donc une mutation. Il arrive qu'au cours de ces remaniements, une partie du chromosome se reproduit plusieurs fois. Le troisième niveau de mutation est due à des modifications de l'A.D.N. mais à l'intérieur des gènes eux-mêmes. Elle entraîne la modification du fonctionnement du gène, voire sa suppression. Cette mutation peut être définitive, par exemple dans le cas d'une erreur de copie de l'A.D.N. lors de sa duplication. Elle peut être aussi réversible. En effet, si un caractère disparaît ou se modifie par le blocage d'un gène par une substance chimique, ce caractère réapparaîtra de nouveau si cette substance bloquante disparaît. 

Les mutations sont aléatoires. Elles frappent des gènes et par conséquent des organes quelconques. On observe que ces mutations ne concernent que des caractères accessoires. Pourquoi ? Car les autres sont létales. Nous pouvons en comprendre les raisons, compte tenu de la grande complexité de la formation du corps. Le mécanisme peut donc s'arrêter au stade de l'embryon, de la fécondation ou de la formation des gamètes. Il a été constaté que les mutations létales observées sont dix fois plus nombreux que les mutations viables. Nous ne prenons pas en compte toutes les mutations non observables, c'est-à-dire entraînant l'arrêt de la formation de l'individu. 

On distingue trois types de mutations : une substitution d'un nucléotide par un autre, une suppression ou un ajout d'un ou plusieurs nucléotides. Cela a donc pour conséquence la fabrication d'une nouvelle protéine ou l'absence de la synthèse d'une protéine. Mais, c'est encore plus complexe. Certaines mutations peuvent ne rien produire, notamment si les gènes initiaux ou modifiés sont non-codantes. Les impacts sont donc variables selon le rôle du gène muté. 



L'A.D.N. dispose aussi d'un mécanisme qui répare certaines mutations. Plusieurs gènes peuvent produire une même protéine. Si l'un est modifié, les autres peuvent toutefois fonctionner et le caractère voulu pourra exister. Il existe des processus permettant aussi d'inactiver le gène modifié, ce qui permet de ne pas voir la synthèse d'une protéine indésirable. 

En conclusion, certains gènes de l'A.D.N. qui caractérisent un individu peut ne pas provenir de l'A.D.N. de ses parents. Ces différences proviennent de mécanismes aléatoires qui entraînent une modification non seulement des caractères de l'individu, mais surtout du mécanisme de sa formation. Un changement aléatoire d'un plan de construction d'une maison peut avoir un impact conséquent sur la maison. C'est pourquoi une mutation entraîne le plus souvent l'arrêt de ce mécanisme ou la mort de l'individu. Certaines mutations peuvent ne rien produire. Elles sont neutres. 


1 Joël Cuguen, cours Génétique des populations, 2007, Université de Lille 1, Laboratoire génétique et évolution des populations végétales, CNRS, Lille. 

2 Voir l'article précédent : "l'A.D.N, la clé de la vie"...




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