" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


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mardi 14 octobre 2014

La Sainte Bible, oeuvre inspirée de Dieu

La Sainte Écriture fait autorité dans le christianisme. « Ce trésor, qui lui est venu du ciel, l'Église le tient comme la source la plus précieuse et une règle divine de la doctrine de la foi et des mœurs. »[1] Pourtant, elle peut surprendre. Écrite par des hommes, la Sainte Bible est considérée comme une œuvre de Dieu. Écrite pour des hommes, elle contient des vérités que Dieu seul peut nous révéler et nous met véritablement au contact de la pensée divine. Livre de Dieu et livre des hommes, la Sainte Écriture est unique en son genre et peut dérouter les esprits.
Mésestimer le caractère divin de la Sainte Écriture

Oublier ou négliger le caractère divin de la Sainte Écriture revient naturellement à remette en cause son autorité. Certes elle ne peut pas être un livre comme un autre. Son influence culturelle est trop forte. Son importance historique le préserve aussi de la banalisation. Mais elle risque de ne devenir qu’un ouvrage historique, un témoin d’un lointain passé, et finalement de n’être plus qu’un objet scientifique auquel on appliquerait des méthodes normalement dévolues aux manuscrits anciens. Son langage est ainsi disséqué, le moindre mot analysé. L’œil critique l’ausculte dans tous les sens à la recherche de la moindre anomalie...
Sans jamais remettre en cause son autorité, nous agissons parfois à l’égard de la Sainte Bible comme si nous oublions son caractère divin. Elle est probablement une référence de nos bibliothèques. Nous possédons peut-être une version d'une grande beauté, illustrée de belles gravures, à la reliure peut-être luxueuse, mais ne risque-t-elle pas de n’être que cela ? Ou est-elle encore un objet vénéré ou respecté pour son grand âge ? Quand nous entendons des extraits de la Sainte Écriture ou quand nous lisons des versets bibliques, avons-nous une attitude d’adoration et de crainte ? Avons-nous conscience du caractère sacré des paroles que nous entendons ou lisons ? Elles peuvent s’enchaîner machinalement d’une rapidité déconcertante… « Nous avertissons enfin avec un paternel amour, tous les disciples et tous les ministres de l’Église, de cultiver les Saintes Lettres avec un respect et une piété très vifs. »[2]
Mésestimer le caractère humain de la Sainte Écriture
Si au contraire son caractère divin est surestimé, la Sainte Écriture devient la seule norme de la foi au point qu’elle-seule dicte la vérité. Tout jugement doit alors se plier à son autorité, toute science doit s’y conformer. Elle risque de devenir le seul lieu où l’homme doit puiser son véritable savoir et rechercher son bonheur. La lecture de la Sainte Bible et sa compréhension sont en fait divinisées. Soit nous nous soumettons au sens littéral des textes sacrés et la lettre seule dicte le sens des versets. Soit l’interprétation est possible mais alors elle devient inspirée de Dieu. Autorité suprême, elle ne nécessite aucun intermédiaire, aucun guide, aucun défenseur. La Sainte Bible est finalement un livre sorti du ciel ou un murmure des anges.
Le caractère divin de la Sainte Écriture pourrait être tellement accentué que notre vénération légitime se transformerait en frayeur au point que nous craindrions non d’une crainte filiale mais d’une peur servile. Ainsi resterait-elle fermée… Une autre crainte pourrait aussi nous éloigner de la Sainte Écriture. Œuvre de Dieu, elle pourrait devenir Œuvre dédiée aux seules personnes consacrées. Des mains profanes n’oserait alors la toucher.
Ignorer l’un des caractères - humain, divin - de la Sainte Écriture ou estimer l’un au détriment de l’autre est donc source de profondes erreurs qui fragilisent son autorité et finalement notre foi. Certaines de ces erreurs prennent généralement leur origine dans une méconnaissance de l’autorité de la Sainte Écriture et plus exactement dans le fondement de cette autorité. Ainsi est-il utile de rappeler la véritable notion de l’inspiration…
Œuvre d’experts ?

Un des manuscrits de la mer morte
Un malentendu peut être à l’origine d’une autre erreur, malentendu qui s’est approfondi au cours du temps. Initialement œuvre pour les hommes, elle est devenue œuvre pour les experts en toutes sortes. Des spécialistes ont accumulé de nombreuses et profondes connaissances sur la Sainte Écriture quand la majorité des fidèles a fini par la considérer comme une œuvre hors de sa portée. Alors qu’un savoir biblique s’est accumulé et fortement développé depuis de nombreuses années dans des communautés très réduites, les questions que la recherche a générées et les problèmes qu’elle a soulevés ont largement été diffusés dans le public non préparé et ignorant. La Sainte Écriture a fini par être recouverte d’une épaisse couche d’inquiétudes et de doutes. Ainsi dans le meilleur des cas, les fidèles se contentent des extraits du missel, voire de la lecture biblique à la Sainte Messe.
Or la Sainte Écriture n'est-elle vraiment destinée qu’aux historiens des religions, aux exégètes, aux théologiens et à toute sorte de docteurs aux multiples talents ? C’est croire qu’elle est inopérante par elle-même et que son efficacité ne dépend que de nos facultés intellectuelles. La Sainte Écriture est finalement au rang des œuvres humaines.
Cela ne signifie pas que nous devons ignorer ou négliger les difficultés que présente la lecture biblique. Comme nous l’avons déjà souligné, sans une véritable docilité à l’égard de l’Église et sans une disposition intérieure conforme au caractère sacré de la Sainte Écriture, nous pouvons nous égarer dans les erreurs en nous y aventurant. La source des erreurs provient généralement de notre imprudence et de notre vanité. Elle naît encore d’une profonde ignorance des caractères divin et humain de la Sainte Écriture.
L'inspiration de Saint Matthieu
Caravaggio (1602)
L’Inspiration de la Sainte Écriture
Revenons donc au fondement de l’autorité de la Sainte Écriture, c’est-à-dire à l’inspiration.
Qu’est-ce que l’inspiration ? Au sens étymologique, le terme vient de « inspirato » qui veut dire « qui a reçu le souffle de Dieu ». Dieu est bien à l’origine du texte sacré. Nous disons parfois que tel ouvrage est inspiré de Dieu au sens où le contenu de leur ouvrage est fortement influencé par Dieu. C’est le cas par exemple de l’Imitation de Jésus-Christ ou des Exercices de Saint Ignace Loyola. Mais cette inspiration extraordinaire ne correspond pas à celle de la Sainte Écriture. Léon XII l’a définie ainsi : 
« une impulsion surnaturelle par laquelle l’Esprit Saint a excité et poussée les écrivains à écrire et à les a assisté pendant qu’ils écrivaient, de telle sorte qu’ils concevaient exactement, voulaient rapporter fidèlement et exprimaient avec une vérité infaillible tout ce que Dieu leur ordonnait et seulement ce qu’il leur ordonnait d’écrire. »[3]
Vérité et Sainte Écriture
Par l’inspiration, Dieu exerce réellement sur l’intelligence et sur la volonté de l’écrivain depuis la conception de l’œuvre jusqu'à son achèvement. Il y a bien une double influence:
  • l’une préalable à l’écriture afin de décider l’écrivain à écrire ;
  • l’autre continuel afin :
    • qu’il puisse comprendre ce qu’il doit écrire et 
    • qu’il s’exprime exactement ce que Dieu veut 
    • afin qu’il y ait une parfaite correspondance entre la volonté de Dieu et ce que l’homme écrit.
Dieu agit donc sur la volonté de l’écrivain puis illumine son intelligence et le soutient pendant qu’il écrit, soit par une simple assistance, soit en influant directement sur la rédaction de telle sorte que l’écrit contienne tout ce que Dieu a l’intention de transmettre et ne contienne que cela.


L’impulsion peut provenir soit de circonstances particulières, soit d’une disposition intérieure voulues par Dieu. Les difficultés dans les communautés chrétiennes ont été l’occasion pour Saint Paul d’écrire ses épîtres. L’élévation des sentiments et des pensées a probablement poussé la rédaction du Cantiques des Cantiques. Ou Dieu peut aussi agir directement sur l’écrivain pour qu’il écrive, notamment dans les livres historiques.

L'évangéliste Saint Matthieu
inspiré par un ange,

Rembrandt


L’illumination de l’intelligence peut se produire de manière directe. Elle peut être la manifestation pure et simple de vérités et de mystères surnaturels. Elle se confond alors avec la Révélation. Mais l’inspiration s’étend au-delà de la Révélation. Elle peut influencer sur le jugement pratique de l’écrivain. Après des méthodes ordinaires, des recherches personnelles, une expérience naturelle, l’auteur peut connaître des vérités d’ordre naturel mais Dieu influence sur son intelligence pour que ces vérités soient transmises par écrit. C’est pourquoi l’inspiration n’est pas incompatible avec les efforts des écrivains. Ainsi l’inspiration ne s’identifie pas à la Révélation.
L’inspiration donne à l’intelligence la capacité de concevoir les idées, les affirmations, l’organisation essentielle du livre. Elle apporte une assistance pour la réalisation concrète du Livre sacré. Elle agit sur la volonté pour que l’écrivain écrive uniquement tout ce dont Dieu veut la mise par écrit et seulement cela.
Au cours de la rédaction du Livre sacré, Dieu agit afin de le préserver de l’erreur. Intervient-il dans le choix des mots ? Nous pouvons simplement dire que puisque les textes connaissent différents styles particuliers, l’activité humaine est préservée tout en étant mue par Dieu.
Origine divine de la Sainte Écriture
L’inspiration ne se réduit pas à une assistance divine. Le texte sacré est soumis à l’influence de Dieu dès son origine. C’est pourquoi nous pouvons affirmer que Dieu est bien à l’origine du texte sacré. L’inspiration s’étend de sa conception jusqu'à la rédaction définitive au point que nous pouvons dire que Dieu en est l’auteur. C’est pourquoi l’Église a particulièrement défendu l’origine surnaturelle de la Sainte Écriture et pas uniquement l’absence d’erreurs.
L’homme, un écrivain libre
Mais l’écrivain n’est pas un instrument qui ne ferait qu’écrire sous la dictée de Dieu. Il reste un écrivain doué d’intelligence et de volonté, libre d’exercer ses pleines capacités.
Dans la Sainte Écriture, il y a donc une relation particulière, une coopération entre Dieu qui en est l’auteur principal et l’écrivain qui en est l’auteur second, dit aussi cause instrumentale, mais comme un instrument raisonnable et libre.
Une inspiration globale de la Sainte Écriture

Saint Jean dictant
sous l'inspiration du Saint Esprit




L’inspiration s'étend à toute la Sainte Écriture. « Tous les livres entiers que l’Église a reçus comme sacrés et canoniques dans toutes leurs parties, ont été écrits sous la dictée de l'Esprit-Saint »[4]. L’Église ne l’applique pas uniquement dans les choses de la foi et de la morale comme le rappelle le Pape Pie XII pour s’opposer à une erreur commune. « Quelques écrivains catholiques n'ont pas craint de restreindre la vérité de l'Écriture Sainte aux seules matières de la foi et des mœurs, regardant le reste, au domaine de la physique ou de l'histoire. »[5] De nouveau, il ne faut pas confondre la Révélation et l'inspiration. Dieu nous a communiqué des vérités pour nous sauver et non pour nous fournir des connaissances scientifiques. Ainsi des écrivains sacrés ont pu s’exprimer sur des choses indépendantes de notre salut d’après le jugement et la mesure de connaissance de leur époque. Ils ont alors pu adopter des manières impropres pour décrire des faits historiques ou des phénomènes naturels pour qu’ils soient compris par leurs contemporains. Leur intelligibilité est en effet une nécessité. Leurs écrits servent à éclairer les vérités et à les expliquer. Ainsi Dieu a pu permettre que ces choses ne soient pas exprimées selon les vérités scientifiques ou historiques. La Sainte Écriture n’est pas destinée à nous livrer les connaissances de notre monde et de notre passé.
Ainsi les textes sacrés de la Sainte Écriture sont inspirés dans leur intégralité et dans toutes leurs parties. Mais évidemment, une partie ne peut être comprise isolément du tout.
La nature de l’inspiration
L’inspiration est un don gratuit de Dieu ordonné à notre salut. Elle n’agit que pour transmettre des vérités de foi et de morale. Insistons lourdement : cela ne signifie pas que les faits historiques ou les phénomènes naturels en sont exclus comme nous l’avons déjà expliqué car ils concourent à l’expression et à la transmission de la vérité.

Le Prophète Joël

Michel Ange
L’inspiration est donnée d'une manière temporaire de façon à ce que l’écrivain soit subordonné à Dieu qui inspire depuis la conception jusqu’à la rédaction achevée de son texte. Elle nécessite l’action de Dieu le temps de la conception et de la rédaction définitive du texte sacré. Seul, l’écrivain n’aurait pas pu écrire tout ce qu’il a écrit. Dieu en est bien l’auteur principal.
Les fausses notions de l’inspiration
L’inspiration n’est pas un don de prophétie. Par la prophétie, Dieu parle aux hommes. Elle est parole et nécessite obligatoirement une révélation. Or l’inspiration porte sur l’écrit au sens strict. Elle n’exige pas la révélation ; elle ne l’exclut pas non plus. « Gardons-nous bien de l’oublier, l’inspiration scripturaire diffère de la Révélation proprement dite par son but, son objet et son mode d’action sur les facultés de l’homme. »[6] La révélation fait connaître quand l’inspiration fait écrire des vérités ou des faits qui ont été préalablement révélés ou non. La Sainte Écriture n’est qu’une source de la Révélation au même titre que la Sainte Tradition. Enfin, l’inspiration agit sur toutes les facultés de l’homme alors que la révélation n’agit directement que sur l’intelligence.
Un texte n’est pas inspiré par qu’il est approuvé par l’Église. Ce n’est pas par le fait qu’il est inscrit dans le canon qu’il est inspiré. Ce n’est pas en effet son approbation qu’il le rend inspiré. C’est le contraire. C'est parce qu’il est inspiré qu’il a été approuvé. L’autorité de la Sainte Écriture ne repose pas sur une origine humaine mais bien divine. C’est bien parce que Dieu est son auteur qu’elle est une autorité divine. « L’Église les tient pour sacrés et canoniques non parce que, rédigés par la seule science humaine, ils ont été ensuite approuvés par l'autorité de ladite Église; non parce que seulement ils renferment la vérité sans erreur, mais parce que, écrits sous l'inspiration du Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur. »[7]
Un texte n’est pas tenu pour inspiré parce qu’ils contiennent sans erreur la Révélation en vertu d’une assistance de Dieu. Certes, il contient des vérités révélées mais l’inspiration ne se réduit pas au fait de les contenir.
Il n’est pas nécessaire que, pour qu’un livre soit inspiré, que son auteur soit connu ou identifié. Il ne faut pas confondre inspiration et authenticité. Nous pouvons être pleinement assuré de son origine divine sans rien savoir ni de son auteur humain ni de l’époque à laquelle le livre a été rédigé.
Un livre n’est pas inspiré parce que l'écrivain a été ravi en extase. Au contraire, l’écrivain est parfaitement maître de lui-même. Il conserve le plein usage de ses facultés naturelles. Sa personnalité est entièrement conservée.
Une écoute attentive et sérieuse
La Sainte Écriture est un ouvrage humain d’origine divine. Les écrivains étant inspirés, elle a pour auteur principal Dieu. L’inspiration ne peut se confondre avec la Révélation ou la prophétie. Elle porte sur l’écrit de manière intégrale. Ainsi faut-il aussi la considérer comme étant divine. Mais Dieu a laissé l’homme libre d’exercer pleinement ses dons. Comme notre salut, la Sainte Écriture est l’œuvre incompréhensible d’une coopération particulière entre Dieu et l’homme. Si Dieu nous a laissé une telle œuvre, ce n’est pas pour répondre à une curiosité historique ou pour nous rendre plus instruits dans les sciences historiques, sociales, humaines, etc. Une telle coopération n’a qu’un but, celui de nous élever vers les cieux, de nous éveiller à la science divine, de nous instruire sur nos devoirs et sur notre salut. Elle a pour but de nous transmettre la pensée de Dieu selon la volonté même de Dieu. 

« Vivre au milieu de ces choses, les méditer, ne connaître ni ne chercher rien d'autre, cela ne vous paraît-il pas dès ici-bas comme le paradis sur terre ? »[8] 

Ainsi devant la pensée de Dieu, nous devons être emplis de crainte filiale et de joie incommensurable. Nous devons être attentifs et vigilants à l’entendre avec sérieux et piété. La Sainte Écriture ne se lit pas, ne s’étudie pas comme un livre ordinaire…
« Que les âmes des fidèles se nourrissent aussi du même aliment, qu'elles y puisent la connaissance et l'amour de Dieu, le progrès spirituel et la félicité. »[9] 








Références
[1] Pie XII, Divino Afflante Spiritu sur les études bibliques, 1, 30 septembre 1943, www.vatican.va.
[2] Léon XIII, Providentissimus Deus, 18 novembre 1893, www.vatican.va.
[3] Léon XIII, Providentissimus Deus.
[4] Léon XIII, Providentissimus Deus.
[5] Pie XII, Divino Afflante Spiritu, 4.
[6] Initiation biblique, sous la direction de A. Robert et de A. Tricot, Desclée et Cie, 1938.
[7] 
Concile de Trente, De la Révélation, Sess. III, chapitre II.
[8] Saint Jérôme, Ep. LIII, 10 cité dans Pie XII, Divino Afflante Spiritu, 48.
[9] Pie XII, Divino Afflante Spiritu, 48.

vendredi 10 octobre 2014

La Sainte Bible, un livre unique, une lecture exigeante...


« De par son origine, sa nature, son contenu et son but, la Bible est un livre à part. »[1] La Sainte Écriture est la Parole de Dieu, une source inépuisable de vie spirituelle toujours jaillissante. Ainsi l’Église recommande aux fidèles sa lecture et son étude. Néanmoins, elle présente des difficultés et des dangers qui peuvent égarer les esprits et les éloigner des vérités qu’elle contient. Ce n’est pas en effet un livre comme un autre. « […] Les Livres Saints sont enveloppés d’une certaine obscurité religieuse, de sorte que nul n’en peut aborder l’étude sans guide »[2]. Ainsi l’Église invite les fidèles à se préparer à la lecture de la Sainte Bible et à la connaître. Double nécessité impérieuse qui ne doit pas décourager les fidèles à la rencontre de la Parole de Dieu.

Mille raisons pour ne pas lire

De nombreuses hérésies proviennent d’une lecture inadéquate et d’une mauvaise interprétation des Saintes Écritures. Certains lecteurs imprudents ou téméraires peuvent se perdre dans les textes sacrés et finir par suivre leurs préjugés ou suivre des guides peu orthodoxes. Une lecture peut aussi paraître insatisfaisante, incompréhensible ou inabordable au point que, décontenancés, certains lecteurs peuvent rejeter la Parole de Dieu. Enfin, dépourvus devant de nombreuses remises en cause et oppositions, d’autres lecteurs préfèrent s’abstenir de tout contact direct avec la Sainte Bible.

L'enseignement de l’Église suffirait pour connaître les vérités révélées et approfondir notre foi. Un catéchisme serait aussi suffisant pour connaître les vérités auxquelles nous devons adhérer. Pourquoi devrons-nous alors lire la Sainte Écriture au risque de nous perdre ? Nous manquerions enfin de temps et de savoir pour nous nourrir des textes sacrés. Et pourtant, la vie chrétienne est inséparable de la « lectio divina ».

Une présence continuelle de la Sainte Écriture

La liturgie est toute empreinte des versets bibliques. A la Sainte Messe, nous entendons des textes sacrés tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament. La nuit de Pâques en est la plus belle illustration. Les prières de l’Église s’inspirent fortement de la Sainte Écriture. Et les chants reprennent les psaumes et autres merveilles de la Sainte Bible. Comme aux premiers temps du christianisme, nous ne cessons de louer Dieu par les paroles inspirées de son peuple. Dans les églises, les vitraux et les peintures retracent les événements qui ponctuent l’Histoire sainte que raconte la Sainte Bible au point que les édifices religieux sont de véritables livres ouverts qui nous immergent dans la Sainte Écriture. Et dans les livres religieux, nous rencontrons de belles et instructives paroles qui nous conduisent vers de hautes vérités. Tirées de la Sainte Bible, elles ponctuent les œuvres chrétiennes, éclairent ou confirment la pensée des écrivains. Tels sont les contacts indirects que nous pouvons nouer avec la Sainte Bible. Mais ces rencontres suffisent-elles pour nourrir nos prières et notre âme ? Suffisent-elles pour approfondir notre foi et élever notre regard vers Dieu que nous adorons ?

Suffisent-elles aussi pour s’opposer à tous ceux qui manipulent et maltraitent les textes sacrés pour appuyer leurs idées erronées ? Et comment pouvons-nous défendre les vérités de foi si les Livres Saints nous sont étrangers ?

Une disposition d’âme nécessaire à la « lectio divina »

Mais comme nous l’avons déjà évoqué, la lecture et l’étude de la Sainte Bible présentent des difficultés et des dangers. Elles nécessitent des précautions et exigent une disposition d’esprit particulière. « Je ne discute pas, je ne raisonne pas. L’esprit de Dieu est là ; je le sens, et si je me trompe, c’est le fond même de mon jugement qui m’abuse, c’est l’idée de Dieu telle que je la conçois. »[3]

Excellence et unité de la Sainte Écriture

Avant de commencer toute lecture, nous devons être convaincus que la Sainte Bible n’est pas un livre comme les autres, une œuvre dont nous tournons les pages comme dans un roman ou un livre de science. Les noms qui la désignent ne sont pas anodins. Nous disons en effet qu’elle est la Bible[4], l’Écriture, les Textes. Ces termes le désignent comme le Livre par excellence.

Ils affirment aussi que la Sainte Bible est une. Elle est la Bible ou l’Écriture en dépit des nombreux et divers éléments qui la composent. Cela suppose que sa lecture et son étude doivent s’inscrire dans l'unité.

Les deux grandes parties de la Sainte Bible sont aussi appelées Testament (Ancien et Nouveau). Ce nom provient d’un terme grec qui se réfère à l’idée d’alliance et donc à des parties qui établissent un contrat, en hébreu « bérith ». La Sainte Bible raconte l’origine et le développement de cette alliance. Le mot « testament » nous conduit aussi à la notion d’héritage, c’est-à-dire à la remise de biens selon les volontés du testateur qui en était le propriétaire. Elle décrit des promesses et formule les conditions auxquelles il faut satisfaire pour qu'elle se réalise en raison de cette alliance. Le contenu nous apprend qu’effectivement Dieu a établi une alliance avec les hommes, ses créatures, et leur promet des biens ineffables en échange d’une fidélité sans faille tant au niveau intellectuel qu’au niveau comportemental. Elle comporte donc une doctrine et une morale

Il y a donc unité et excellence de la Sainte Écriture dans son contenu et son but.

Inspiration et inerrance

Selon l’enseignement de la Sainte Église, les Livres Saints ont été composés par des hommes mais ces derniers ont été déterminés à écrire par le Saint Esprit ; ils ont écrit avec son concours spécial et sous son influence immédiate. Cette influence est appelée inspiration. C’est pourquoi nous disons que la Sainte Bible a pour auteur Dieu. 

Son excellence et son unité s’expliquent donc par l’origine divine de son auteur et par l’unité de son origine.

Comme les Livres Saints ont été écrits sous l’inspiration directe de l’Esprit Saint, nous pouvons affirmer que par son origine divine, ils ne peuvent contenir d’erreurs. Nous parlons d’inerrance de la Sainte Écriture. « Dieu ne peut se tromper ni nous tromper. Sa parole est toujours véridique. Si donc il pousse un homme à écrire en son nom, il ne peut lui permettre d’enseigner l’erreur »[5]. La  Sainte Bible est donc « règle de vérité »[6]. Elle dispose donc d’une autorité infaillible et irrécusable. Mais cette inerrance ne s’applique qu’en relation avec le but de la Sainte Bible, c’est-à-dire la réalisation effective des promesses divines. Ainsi est-elle infaillible en matière de foi et de morale.

Au contact de Dieu

Par la « lectio divina », nous sommes ainsi en contact avec la pensée de Dieu qui s’exprime à travers le langage biblique. Par l’intermédiaire de l’écrit, nous nouons un commerce intime avec Dieu, ce qui nous procure joie et grâce. En s’adonnant régulièrement à une lecture méditée, nous nous nourrissons de la Parole de Dieu qui vivifie notre foi. C’est pourquoi il est vraiment nécessaire de s’adonner à la lecture de la Sainte Bible. Si l’enseignement de l'Église suffit pour connaître les vérités révélées, il est bien impuissant pour leur donner vie et force. Avec le temps, elles risquent de devenir abstraites, froides, dénuées de la présence de Dieu.

Une lecture chrétienne de la Sainte Bible

Ainsi nous qualifions la Bible de sacrée ou de sainte pour proclamer son caractère divin tant par son origine, son contenu et son but. Elle n’est donc pas un livre comme un autre. Sa lecture et son étude ne peuvent donc être identiques à toute autre lecture ou étude. Nous devons au préalable être convaincus de ses deux caractères fortement inséparables que sont l’inspiration divine et l'inerrance, deux principes qui doivent impérativement gouverner notre lecture et notre étude. Cela revient à dire que nous devons soumettre notre raison et notre imagination à l’autorité de la Sainte Bible. Si nous voulons demeurer dans la Vérité, nous ne sommes pas libres dans son interprétation…

Mais comment pouvons-nous savoir si notre compréhension de la Sainte Bible est exacte, c’est-à-dire conforme à la pensée de Dieu qui s’exprime ? Comment pouvons-nous aussi nous assurer que la Sainte Écriture que nous lisons au travers d’une traduction ou interprétation soit exacte ? Qui peut en fait nous garantir de la véracité de notre interprétation et de l’authenticité des textes que nous lisons ? La Sainte Écriture ne suffit pas à elle-même pour nous mettre véritablement au contact de la Parole de Dieu.

La Sainte Écriture est en effet étroitement liée au Magistère de l’Église qui seule peut fournir cette garantie, source de sérénité et de fermeté. Il revient donc à l’Église seule de juger du vrai sens et de l’interprétation véritable de l’Écriture Sainte. Sa lecture doit toujours se faire selon le sens de l’Église dans la lumière de la foi. Cela consiste concrètement à lire une version des Livres Saints qu’elle approuve avec l’aide des commentaires de docteurs approuvés, des décisions des autorités de l’Église[7], des dogmes qu’elle enseigne. Nous pouvons aussi nous appuyer sur l’accord unanime et moral des Pères de l’Église.

Toute interprétation qui suppose donc une erreur dans la Sainte Écriture ou dans l’enseignement de l’Église en matière de foi et de morale est donc à proscrire. Il ne peut avoir de contradictions dans le dépôt sacré que forment la Sainte Bible et la Sainte Tradition, les deux seules sources des vérités révélées que Dieu a confiées à la garde du Magistère de l’Église en vue de les transmettre à toutes les générations. La lecture et l’étude de la Sainte Écriture ne peuvent donc ignorer la Sainte Tradition et le Magistère de l’Église. Elle prend toute sa richesse, sa force et sa joie dans l’intime lien qui les unit inextricablement.

La lecture méditée de la Sainte Écriture est source de joie et de grâce qui vivifie notre foi et rend les dogmes véritablement vivifiants. Inspirée de Dieu et inénarrable, elle nous met au contact de la véritable pensée de Dieu par l’intermédiaire du langage biblique. Pour éviter les dangers et diminuer les difficultés inévitables, nous devons nous mettre dans des dispositions d’esprits conformes au caractère sacré de la Sainte Bible. Nous devons en particulier nous soumettre au sens qu’a tenu et tient l’Église à qui Dieu a confié le dépôt sacré. Comme les alpinistes amateurs qui suivent leur guide avec confiance pour atteindre les hautes cimes des plus belles montagnes, nous devons nous-aussi suivre fidèlement l’Église que Dieu a instituée pour nous élever jusqu'aux célestes beautés…

« Il y a longtemps que je brûle de méditer votre Loi, et de vous confesser à son propos ma science et mon ignorance, les premières clartés dont vous m’avez illuminé et ce qui reste en moi de ténèbres, jusqu’à ce que votre force ait dévoré ma faiblesse. Je ne veux pas que se dispersent en d’autres soucis des heures de liberté que je puis me ménager en dehors des soins indispensables du corps, du travail intellectuel, des services que nous devons aux hommes et de ceux que nous leur rendons sans les leur devoir. »[8]



Références
[1]
Introduction à l’étude des Saintes Écritures sous la direction de A. Robert et A. Tricot, Desclée et Cie, 1838.
[2] Léon XIII, Providentissumus Deus.
[3] Abbé Crampon, Introduction du Nouveau Testament, 1885.
[4] Le terme de « bible » provient du grec qui signifie les livres. Il est formé à partir du nom de la ville phénicienne Byblos en raison de son rôle dans la diffusion du papyrus à travers le monde méditerranéen.
[5] Père Benoît, École biblique de Jérusalem.
[6] Isidore de Peluse, mort en 440.
[7] Ces décisions se sont exprimées dans des définitions des Conciles et des Papes, soit de manière positive ou négative, ou dans des décrets des Sacrés Congrégations romaines (Commission biblique pontificale, Congrégation pour la doctrine de la foi). Les deux principales encycliques sur la Sainte Écriture sont Providentissimus Deus  de Léon XIII (18 novembre 1873) et Divino Afflante Spiritu sur les études bibliques de Pie XII (30 septembre 1943). 
[8] Saint Augustin, Confessions, XI, 2, Flammarion, traduit par J. Trabucco, 1964.

mardi 7 octobre 2014

La connaissance naturelle de Dieu à la portée de tous...

A partir de la réalité sensible, la raison peut nous conduire à l’affirmation de l’existence de Dieu en dépit de réelles difficultés. La philosophie est ainsi un moyen de Le connaître. Mais elle n’est pas l’unique voie que Dieu nous a donnée pour que nous puissions nous approcher de Lui. Réduire la connaissance naturelle de Dieu à une démonstration rationnelle est une erreur. La Création nous parle sans cesse de son Créateur…

La vérité n’est pas l’apanage d’une élite intellectuelle

De nombreux philosophes chrétiens ont proposé des démonstrations satisfaisantes de l’existence de Dieu. Saint Thomas d’Aquin en a exposé une synthèse. Mais cela ne signifie pas que seuls les philosophes peuvent accéder à Dieu de manière naturelle. La superstition n’est pas non plus propre à une certaine catégorie d’hommes. De telles pensées feraient alors croire que les hommes adhèrent à des religions plus ou moins vraies selon leur capacité intellectuelle. Plus nous serions doués, plus nous nous approcherions de la véritable religion. Telle était aussi la pensée de certains philosophes grecs qui réservaient le paganisme au peuple. D’autres méprisaient aussi le christianisme car il se diffusait parmi le bas peuple. Or cette croyance n’est pas seulement erronée, elle est aussi dangereuse et nuisible. Elle donne une image détestable de Dieu. Elle écarte la plupart des hommes de la connaissance réelle et intime de Dieu. Elle justifie finalement le rejet de Dieu et l’indifférence. Elle favorise le comportement athée…

La vérité, affaire de spécialistes ?…

Nous pouvons peut-être approcher cette erreur d’une autre encore plus préoccupante qui nous détourne d’une des sources de notre foi. Parlons en effet des difficultés que nous pouvons rencontrer lors de la lecture de la Sainte Bible. Elle n’est pas un ouvrage aisé à lire et à comprendre. Avant même de la lire, nous pourrions déjà être persuadés qu’elle nous est inaccessible. Nous finirions alors par croire que seuls les experts sont capables de la comprendre et donc de la lire. De même, face aux difficultés que soulèvent certaines objections antichrétiennes, nous finirons aussi par croire que seuls les spécialistes peuvent être des apologistes, voire des apôtres. Les connaissances à acquérir seraient finalement si complexes et approfondies qu’aujourd’hui seuls les experts ou les spécialistes seraient capables d’accéder à un tel savoir. Il serait même inconcevable de croire que nous puissions parvenir à une connaissance de Dieu et du christianisme.

Nous arrivons aujourd'hui à une telle spécialisation des connaissances que nous pourrions en conclure à l’impossibilité de connaître et donc à la vanité de toute recherche. A quoi bon ?!... Belle justification pour ne rien entreprendre et demeurer dans l’ignorance…. Belle faiblesse à exploiter pour ceux qui veulent imposer leur opinion ou leur idéologie… Belles raisons à défendre pour prôner le relativisme et l’agnosticisme. « Vous avez peut-être raison de croire mais vous ne pouvez pas affirmer votre croyance puisque vous n’avez pas toute la connaissance. » En un mot, tout devient opinion aux yeux de tous. Notre foi est ainsi ravalée à une opinion peut-être belle et honorable mais elle reste au niveau de l’opinion. Que devient alors la vérité ?...

Certes, certaines choses ne sont pas accessibles à l’homme sans de longues études et une bonne formation. Croire que toute connaissance serait accessible serait même folie. Mais cela ne signifie pas que la vérité n’est accessible qu’aux spécialistes et aux experts. Cela ne signifie pas non plus que les spécialistes et les experts ont toujours raison. Nous pouvons évidemment évaluer la véracité d’une proposition en fonction de la compétence de celui qui la propose mais elle n’est pas le seul critère de crédibilité.

Un discours rationnel pour exposer, éclaircir, défendre la foi

Revenons aux philosophes chrétiens et à leurs démonstrations de l’existence de Dieu. Ne nous trompons pas en effet sur leurs intentions. D’une manière générale, leur but n’est pas de démontrer que Dieu existe mais que la foi et la raison sont compatibles, surtout à une époque où cette relation posait problème ou était remise en cause. Ils ont aussi pour objectif de justifier la foi en y apportant des motifs de crédibilité efficaces face à tous ceux qui doutent ou qui s’y opposent. Ils n’ont pas pour but de démontrer les dogmes ou d’édifier une religion intellectuelle ou philosophique. 

Par ailleurs, leurs discours sont généralement destinés à des élèves et à des philosophes et non à l’ensemble de la population. Nous oublions souvent le contexte dans lequel ils rédigeaient leurs textes. Nous avons aussi tendance à présenter ces démonstrations comme seule voie d’accès à la vérité. Or si ce chemin est la voie royale et sûre, il est aussi rude et exigeant. Il ne convient pas à tous. La rudesse du chemin ne doit pas nous détourner du point à atteindre, de la vérité elle-même.

« Par le spectacle de la Création, [Dieu] nous a pris par les mains pour nous conduire à la connaissance de Dieu »[1]

« Les cieux racontent la gloire de Dieu » (Psaumes, XVIII, 2). La philosophie n’est pas la seule voie qui peut nous conduire à Dieu. La beauté de la Création peut aussi nous mettre au contact de notre Créateur. « Qui peut suffire à raconter ses œuvres ? Car qui sondera ses merveilles ? Et la puissance de sa grandeur, qui l’énoncera ? » (Ecclésiastique, XVIII, 1-4).

Par le spectacle de la nature, Dieu offre à tous la possibilité de Le connaître. « Oui lorsque tu vois la beauté [des cieux], leur grandeur, leur hauteur, leur place, leur allure qu’ils conservent depuis si longtemps, comme si tu entendais une voix et recevais un enseignement par leur spectacle, tu adores celui qui a fait un corps si beau et si extraordinaire. »[2] Elle n'a point de bouche pour parler et pourtant elle enseigne de grandes vérités. « Le ciel se tait mais sa vue émet un son plus éclatant qu’une trompette : elle nous instruit par les yeux, non par l’ouïe. » [3]

Il n’est pas besoin de livres et de cours pour entendre ce que la Création nous dit. Le riche comme le pauvre, le savant comme l’ignare accèdent à la même connaissance. Le français, le chinois, l’arabe ou l’américain entendent sa voix et peuvent la comprendre. Il suffit d’être un homme. Et en tout lieu, nous accédons à la même connaissance en levant les yeux et en contemplant le spectacle. « La création émet une voix que peuvent facilement embrasser d’un seul coup d’œil les barbares aussi bien que les Grecs et en un mot tous les hommes » [4].

La vérité est donc accessible à tous par la beauté qui se manifeste dans la Création. Ce n’est ni par un discours savant ou un ouvrage ardu, ni dans une langue particulière qu’elle se livre à tous. Dieu « offre à tous un spectacle, son spectacle, celui de la Création dont il est l’auteur » [5]. La contemplation de la Création se poursuit alors naturellement par une action de grâce. « Que vos œuvres sont magnifiques. Seigneur ! Que vos pensées sont infiniment profondes ! » (Psaumes, XCI, 6).

La beauté de la Création participe donc à notre connaissance de Dieu. Mais nous devons dépasser cette contemplation du réel pour atteindre l’auteur de la réalité. Il faut s’élever vers la source de cette beauté. Il faut s’appuyer sur ce qui est visible pour voir l’invisible. « En effet, ses perfections invisibles, rendues compréhensibles depuis la création du monde par les choses qui ont été faites, sont devenues visibles aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité » (Épître aux Romains, I, 20).

Élever son regard

Il faut impérativement dépasser le visible et ne pas s’arrêter à ce niveau de connaissance. « Ne t’en tiens pas là : tends ton esprit jusqu’à leur créateur. »[7] Le danger autrefois était de confondre le Créateur avec la créature au point que la créature était adorée au lieu du Créateur. La Création est admirable mais c’est perversion de remplacer Dieu par son œuvre. Les Justes, les Apôtres et les Pères de l’Église n’ont pas cessé d’insister sur ce manque de discernement.


Aujourd’hui, le danger n’est plus le paganisme. Rares sont ceux qui adorent véritablement les créatures. Nous sommes face à une autre difficulté : l’incapacité d’élever le regard vers le ciel à partir des choses créées. Nos contemporains admirent toujours la Création et les œuvres humaines mais leur admiration s’arrête là. Leur regard est comme figé, paralysé. « Représente-toi comment pourrait être, si l’objet créé est si admirable et extraordinaire et s’il dépasse tout entendement humain, celui qui par un seul ordre verbal l’a produit. »[8]

Peut-être cette beauté les interroge-t-elle ? Parfois, surpris dans leur admiration, ils se demandent comment tout cela est possible. La beauté est alors source d’un questionnement étrange. Il ne s’agit pas en effet de savoir « qui » en est l’auteur mais « comment » cela est possible. Leur regard devient scientifique. Ils se tournent donc vers la science pour avoir des réponses. Ils cherchent à expliquer ce qu’ils admirent. Car peut-être sont-ils convaincus que tout cela vient naturellement ?

Se détacher de l’homme…

Nos contemporains vivent dans un monde qui a profondément été modifié par l’homme. Ils vivent dans un univers presque artificiel au sens que leur perception a été terriblement rabaissée à celle de leur existence ordinaire. Les conquêtes de l’homme, les progrès scientifiques et technologiques qui ont apporté puissance, confort, quiétude, ont probablement fait croire à l'homme que tout était à sa mesure. En outre, emporté par l’urbanisation, l’exode rural, le développement industriel et des services, l’homme s’est de plus en plus détaché de la terre. Il s‘est éloigné de la Création pour vivre sur une autre planète où il est en quelque sorte devenu le créateur, l’architecte, l’autorité. Les villes sont son ouvrage. Il apporte l’électricité et tous les moyens modernes pour que sa vie soit sans accroc. Et naturellement, il s’admire. Comment ne peut-il pas s’émerveiller devant les capacités humaines qui ont permis de tels ouvrages ? Lorsque nous nous émerveillons devant la Tour Eiffel ou Notre Dame de Paris, nous en venons naturellement à louer leurs auteurs. 

Moins assujettis au travail, nous avons plus de temps pour nous consacrer à nos propres envies. Le tourisme s’est en particulier développé. Toute la terre ou presque est un lieu de villégiature, voire encore d’aventure. Mais nous ne vivons plus avec la nature. Nous partons peut-être dans le but d’être émerveillés, de connaître des sentiments que nous n’éprouvons plus, d’oublier notre quotidienneté. Nous cherchons à approfondir notre culture, à vivre d’autres expériences, à nous divertir et à nous distraire. Notre regard est encore tourné vers nous-mêmes et non vers la Création et par conséquent il ne perçoit plus notre Créateur. Nous restons encore au niveau de l’homme…

Un regard plein de vie intérieure

Comment pouvons-nous nous attarder sur les créatures pour les contempler quand notre esprit est pris dans un engrenage et dans un mouvement incessant ? La contemplation a besoin de repos, d’un repos silencieux, d’un esprit maître de lui-même. Il a aussi besoin de silence intérieur, de vie intérieure. Dans nos sociétés modernes, nous sommes loin de ces dispositions. La contemplation de l’œuvre divine nous est devenue difficile.

Une vie terrestre propre à rabaisser notre regard

Dans ces conditions, nous comprenons les raisons du succès de certaines philosophies et idéologies athées ou agnsotiques. Les hommes sont de plus en plus réceptifs ou dociles envers les idées pernicieuses car elles correspondent à leur environnement et à leur comportement. Le monde dans lequel nous vivons nous éloigne de la Création et par conséquent de la connaissance naturelle de Dieu. Ce n’est donc pas étrange que l’idée de Dieu s’éloigne lentement du cœur des hommes ou que les vérités naturelles deviennent aussi inaccessibles pour un grand nombre de nos contemporains. Les philosophies ne sont pas les principales responsables de l’agnosticisme, de l’indifférentisme ou de l’athéisme même si elles les favorisent.

Une doctrine est fortement liée à l’environnement dans lequel elle s’est construite et se diffuse. Ce n’est pas un hasard si au XIXe siècle, le matérialisme, le positivisme, l'évolutionnisme et tant d’autres idéologies se sont développées. Aujourd’hui, le déconstructivisme ne surprend guère dans notre société très bouleversée. Aurait-il eu un avenir aux temps antiques ou au Moyen-âge où l’être était primordial, la stabilité une vertu ? Évidemment, ces idéologies à leur tour influencent la société. Mais faut-il encore qu’elle soit réceptive à ces nouveautés…

Tous peuvent connaître la vérité sans appartenir à une élite mais cet accès dépend fortement de notre manière de vivre, de notre capacité à nous abstraire de notre environnement pressant, à nous détacher d’un regard purement matériel. La Création est riche de connaissances si nous parvenons à la contempler et élever notre regard vers le ciel. Elle a beaucoup de choses à nous dire mais faut-il encore l’entendre.

Quel drame d'enliser notre esprit dans la créature au lieu de la dépasser ? Nous avons tendance à avoir un regard uniquement scientifique, cherchant uniquement à questionner la nature. Nous devrions ne pas oublier que notre regard doit dépasser cette dimension certes légitime mais réductrice. Autrefois, faute d’élan, l’homme se perdait dans le paganisme, adorant ce qu’il contemplait. Aujourd'hui, le risque est de se laisser cloisonner dans un regard uniquement scientifique tel qu’il est développé dans les sciences modernes depuis plus de deux siècles. Pourtant, la science est aussi source de questionnement. Elle appelle à d'autres questions, à un autre regard, à une autre dimension. Il faut donc profiter de nos connaissances plus étendues et approfondies pour davantage élever notre regard vers l’auteur de toutes les choses.

Reconnaître ses faiblesses



La contemplation de la Création conduit à celle de son Créateur. Cela répond à la volonté de Dieu. « Il a fait la création tout à la fois belle, grande et admirable, et par ailleurs, il a placé dans les créatures visibles de nombreux signes qui montrent leur faiblesse : la première afin que ses créatures fassent admirer sa sagesse à ceux qui les voient et les entraîne à lui rendre un culte à lui ; la seconde afin que les spectateurs de leur beauté et de leur grandeur ne laissent pas celui qui les a faites pour adorer les créatures visibles au lieu de lui, la faiblesse qui se trouve en elles étant capables de redresser leur erreur. »[9] La beauté de la Création nous ouvre les portes d’un monde qui nous émerveille et nous dépasse. Sa faiblesse nous évite de nous perdre dans notre émerveillement.

Et à chaque instant, tout homme est spectateur d'une œuvre superbe et fragile. Pourtant, ce spectacle passe inaperçu. Le monde qu’il a construit tend à voiler ces merveilles qui perdurent. Il éloigne l’homme de cette connaissance accessible à tous. Elle est pourtant encore possible s’il ose détourner son regard de sa propre personne. S’il s’obstine à ne penser qu’à lui et à satisfaire ses désirs, s’il construit un univers autour de lui-même, il demeurera dans une ingratitude affligeante. Et « Dieu nous demandera des comptes des jours de notre vie : à quoi avons-nous dépensé chaque jour ? »[10] Avons-nous persisté dans notre ingratitude ? Avons-nous entendu son œuvre qui révèle sa sagesse et sa puissance de Dieu ? Qu’avons-nous fait de cette connaissance à portée de tous ? Quelles que soient notre position sociale, notre richesse, notre capacité intellectuelle, Dieu se fait connaître par l’admiration qu’Il suscite en nous au moyen de ses œuvres…



Références

[1] Saint Jean Chrysostome, De Anna, I, 2 cité dans Connaissance des Pères de l’Eglise, La Création, décembre 2001, n°84, article La Lecture chrysostomienne des deux premiers chapitre de la Genèse : une Création ordonnée et offert en spectacle à l’homme, Laurence Brottier.
[2] Saint Jean Chrysostome, De statuis, IX, 2.
[3] Saint Jean Chrysostome, De statuis, IX, 2.
[4] Saint Jean Chrysostome, De statuis, IX, 2.
[5] Laurence Brottier, La Lecture chrysostomienne des deux premiers chapitre de la Genèse :une Création ordonnée et offert en spectacle à l’homme dans Connaissance des Pères de l’Eglise, La Création.
[7] Saint Jean Chrysostome, Homélie sur la Genèse, VI, 6.
[8] Saint Jean Chrysostome, Homélie sur la Genèse, VI, 6.
[9] Saint Jean Chrysostome, De Anna, I, 2, cité dans Connaissance des Pères de l’Eglise, La Création.

[10] Saint Jean Chrysostome, Contra ludos et theatra, 2, cité dans Connaissance des Pères de l’Eglise, La Création.

vendredi 3 octobre 2014

Croire ... et alors ?

Pourquoi devons-nous connaître Dieu ? Devant la pluralité des religions et des attitudes religieuses, devant le foisonnement des sentiments religieux, n’est-il pas plus raisonnable de vivre selon notre bon plaisir, dans l’indifférence et dans le refus de toute recherche ? Certes, il est possible de connaître Dieu par nos lumières naturelles mais cette possibilité induise-t-elle des obligations ?...
Grâce en particulier au télescope spatial Hubble, nous pouvons admirer les merveilles qui peuplent l’espace. En soi, cette connaissance n’apporte rien à l’homme. Certes, elle nourrit notre soif de connaissance et cultive notre curiosité mais elle nous semble bien inutile pour notre vie quotidienne bien terrestre. Pourtant, la beauté des nébuleuses, des supernovas et des astres célestes nous élèvent à une connaissance incroyable. Elle nous mène à la contemplation de Dieu. « Bénis, mon âme, le Seigneur ; Seigneur, mon Dieu, votre magnificence a paru avec un grand éclat. » (Psaume CIII, 1).
La connaissance de Dieu n’est pas vaine. Elle nous est en effet utile. Elle implique en outre des exigences. La Sainte Écriture rappelle à plusieurs reprises le manque d’intelligence de ceux qui résistent dans l’incrédulité. « Insensés sont tous les hommes qui ont ignoré Dieu » (Sagesse, XIII, 1-5). En quoi est-il en effet folie de refuser une telle connaissance ?
La réalité qui nous entoure nous répond. La voie qui peut nous conduire à la connaissance de Dieu est source de lumière. L’existence de Dieu s’impose à notre esprit notamment par le principe de causalité que nous appliquons aux choses et aux êtres qui nous entourent. Elle nous montre également leur contingence. Par la raison, Dieu s’impose naturellement comme la cause première, moteur immobile, principe de toute chose et de toute vie. Ainsi nous pouvons reconnaître notre dépendance envers un Être qui est l’Être même. Nous en concluons que nous dépendons entièrement de notre Créateur. Cette dépendance prend naissance dès notre origine et se poursuit dans le temps. Dieu ne laisse pas sa Création se mouvoir seule à travers le temps après avoir déclenché l’impulsion nécessaire. Notre dépendance perdure depuis le commencement. Elle est permanente. Elle est à tout instant. « Ainsi je vous bénirai pendant ma vie ; et en votre nom je lèverai mes mains » (Psaume, LXII, 5).
Notre connaissance naturelle de l’existence de Dieu induit donc une double reconnaissance : 
  • reconnaissance de notre dépendance à l’égard de Dieu qui est puissance et souverain de toute chose ;
  • reconnaissance de sa bonté sans laquelle nous n’aurions point vu le jour

Sans Dieu, nous ne serions point là. Et rien n’oblige Dieu. Rien ne nécessite notre existence. Par conséquent, un double sentiment doit habiter notre âme : le respect et le remerciement
Ce ne sont point des sentiments éphémères mais un devoir impérieux de justice que nous devons envers Dieu. Comme il est juste d’être reconnaissant envers nos parents qui nous ont transmis la vie et nous ont élevés, il est juste et bon de l’être encore plus pour Celui qui en est la source. Cet hommage s’impose donc à tout homme qui reconnaît l’existence de Dieu.
« Le ciel est beau, mais c’est afin que tu te prosternes devant celui qui l’a fait ; le soleil est brillant, mais c’est enfin que tu adores son auteur ; si tu dois t’arrêter à l’admiration de la création et t’en tenir à la beauté des œuvres, la lumière est devenue pour toi obscurité, ou plutôt tu t’es servi de la lumière pour la changer en obscurité. »[1]
Conscients de notre dépendance envers Dieu, nous nous rendons compte que notre destin, notre avenir, notre bonheur sont liés à sa volonté. Nous ne sommes donc pas les seuls acteurs de notre propre existence, de nos joies comme de nos peines. Dieu peut influencer le cours de notre vie.
L’homme n’est donc point seul, pleinement indépendant au sens qu’il serait la cause absolue de ce qu’il entreprend et réalise. Il ne peut maîtriser sa propre existence. Il ne peut donc pas vivre comme s’il était le seul maître à bord. 
Il prend également conscience que le monde dans lequel il vit et agit avec d’autres créatures ne lui appartient pas. Son action sur son environnement est donc limitée et encadrée. Lorsqu’une chose ne nous appartient pas, naturellement, nous en prenons soin car évidemment le véritable propriétaire en demandera des comptes. Nous reconnaissons ses droits comme une voix intérieure nous appelle aux sentiments et aux vertus les plus simples. De même, nous ne pouvons pas abîmer l’œuvre divine. Nous sommes donc redevables envers Celui qui a tout créé et qui maintient son œuvreCela est aussi vrai à l’égard des rapports que nous pouvons établir avec les hommes. Nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons à l’égard de toute créature. La connaissance de l’existence de Dieu impose aussi des obligations sociales.
L’homme se rend aussi compte qu’il n’est pas non plus maître de lui-même. Si la vie et son existence sont dues à Dieu, elles lui sont aussi redevables. Nous ne pouvons pas agir envers nous-mêmes comme si nous croyons que nous sommes la raison même de notre subsistance. Dieu est notre maître qui légitimement a des droits envers nous. De Lui viennent la vie et l’être…
Notre raison nous montre que Dieu n’est pas simplement Créateur mais aussi Providence. Il donne à chacun les moyens dont il a besoin pour parvenir à une finalité qu’Il a lui-même fixée. Il soutient notre existence. Il nous accompagne dans notre vie afin que nous atteignions notre épanouissement, c’est-à-dire le bien. Dieu est donc aussi source de notre bonheur. Ainsi notre reconnaissance dépasse le simple constat de notre dépendance envers Dieu. La créature que nous sommes ne voit pas simplement en son Créateur un maître à qui nous devons un véritable hommage empli de gratitude, nous voyons aussi en Lui le guide qui nous garantit la plénitude de notre être, la plénitude de notre existence, en un mot, le bien ineffable auquel nous aspirons. 
« Mon Dieu, mon Dieu, je veille et j’aspire vers vous dès la lumière. Mon âme a soif de vous ; en combien de manière ma chair est pour vous ! » (Psaume LXII, 2).
Nous reconnaissons finalement que tout n’est pas vain ici-bas, le fruit d’un hasard ou les résultats d’un jeu de dés machiavélique. Tout a un sens. Tout prend sens. La connaissance prend également tout son sens. La science est ainsi possible.
Et notre connaissance ne se réduit pas à ce que nos sens peuvent nous fournir puisque nous connaissons Dieu et que Dieu n’est point directement accessible à nos sens. Par les choses visibles, nous atteignons l’invisible. Le monde tel qu’il existe prend ainsi une dimension qui dépasse notre nature humaine. Notre perception de l’Univers se trouve ainsi changée. Nous ne sommes plus au centre du monde. L’Univers tourne désormais autour d’un autre pôle, Dieu.
Enfin, la connaissance naturelle de Dieu nous pousse inévitablement à nous poser la question de l’intervention de Dieu dans le monde et dans l’histoire. L’idée de la Révélation devient possible, compréhensible, crédible. Elle peut même s’imposer naturellement. Si Dieu agit ici-bas, ne peut-Il pas aussi parler aux hommes ? Sa bonté se limite-elle à la Création et à la Providence ? …

En accédant à Dieu et en apercevant ses attributs, certes de manière imparfaite, nous arrivons à une meilleure connaissance du monde dans lequel nous vivons et de nous-mêmes. Sa grandeur et sa puissance éclairent notre faiblesse et notre petitesse. Nous prenons conscience de ce que nous sommes réellement. Aujourd’hui, la science nous montre de manière éclatante notre ignorance abyssale et nos vanités. Les connaissances que nous puisons de l’infiniment petit comme de l’infiniment grand nous montrent notre fragilité et nos prétentions. Que pouvons-nous alors dire quand nous découvrons Dieu ? Nous ne pouvons guère cacher notre misère quand la raison rend visible l’Absolu… Nous sommes peu de choses. Et pourtant, nous sommes encore présents, profitant pleinement du monde qui nous entoure…
Ainsi la connaissance naturelle de Dieu nous impose des obligations, une légitime et profonde reconnaissance de Dieu en tant que Créateur et Providence. Elle encadre aussi nos actions à l’égard de l’Univers et de l’humanité, et envers nous-mêmes. Elle donne sens à notre vie, à notre science, à notre bonheur. Elle rend compte de notre foi sans en être la cause. La connaissance naturelle de Dieu nous pousse finalement à élever notre regard vers Dieu, c’est-à-dire à prier. Le connaissant comme source de tant de bienfaits, pouvons-nous en effet croire qu’Il n’est pas à l’écoute de notre âme ? Une mère si intentionnelle se désintéresserait-elle des pensées de ses enfants, de ses souhaits, de ses peines ? A la connaissance s’ajoute donc la confiance en Dieu.

La connaissance naturelle de Dieu n’est donc pas vaine. Elle est source d’une connaissance plus vaste, plus profonde, qui agit véritablement dans notre vie. Elle nous conduit vers la source de notre bonheur et vers notre fin. Le monde et notre existence finissent par être remplis de Dieu. Dieu finit par être l’objet de nos désirs, l’être aimé. « Je bénirai le Seigneur en tout temps ; toujours sa louage sera dans ma bouche. Mon âme se glorifiera dans le Seigneur ; que les hommes doux m’entendent et qu’ils soient comblés de joie. » (Psaume XXXIII, 2-3).
Mais ce premier contact peut apparaître insatisfaisant, voire déroutant. Comment en effet pouvons-nous répondre aux exigences d’une telle prise de conscience ? Contrairement aux êtres qui l’entourent, l’homme a une conscience. Il sait qu’il sait et donc il vit selon cette connaissance. Comment pouvons-nous en effet être justes et pleins de gratitude envers Dieu, connaissant nos faiblesses et notre misère ? Comment pouvons-nous prier ? Qu’attend Dieu de notre part ? Quand nous prenons conscience de l’existence de Dieu, nous n’en nous contentons pas. Nous avons faim d’une connaissance plus approfondie, plus haute, plus lumineuse encore. Nous voulons encore mieux Le connaître et mieux connaître sa volonté. Et nous découvrons notre misère, notre incapacité de répondre à cette faim qui nous démange. En fait, une conclusion s'impose : seul Dieu peut nous nourrir…
« Si Dieu s’est manifesté à nous dans la Création et se manifeste continuellement, Il veut que nous fassions attention à cette manifestation.»[2]



Références
[1]
Saint Jean Chrysostome, Sermon sur la Genèse, I, 1 cité dans cité dans Connaissance des Pères de l’Église, la Création, décembre 2001, n°84, article La Lecture chrysostomienne des deux premiers chapitre de la Genèse :une Création ordonnée et offert en spectacle à l’homme, Laurence Brottier.
[2] Mgr B. Bartmann, Précis de Théologie dogmatique, Livre premier, chapitre I, §19, éditions Salvator, 1944.

mercredi 1 octobre 2014

Dieu : lumière, contemplation, émerveillement…

En grec ancien, « theos » signifie Dieu. D’où vient ce terme ? Quand nous voguons sur Internet, nous pouvons trouver trois sources étymologiques possibles[1]. Selon certaines sources, il viendrait du verbe « aithein » (« allumer, faire brûler, flamber »). La racine indo-européenne serait « aidh-» qui a le sens de brûler. Telle aurait été l’opinion de Saint George le Théologien. Dieu est-il la lumière qui éclaire ? 

Il pourrait aussi venir d’une racine grecque « thaw » ou du verbe « theaomai » qui signifie « contempler ». Est-ce Dieu qui contemple tout ? Rien ne pourrait lui être caché. Telle serait la suggestion de Saint Jean Damascène. Ou est-ce les hommes qui le contemplent ? La racine est aussi à l’origine de « théâtre ». Il désigne en fait le lieu où se trouvent les spectateurs qui contemplent la scène. Ne sommes-nous pas en effet dans le monde contemplant Dieu dans ses manifestations ? La Création n’est-elle pas l’œuvre de Dieu ?
Un ouvrage récent traduit « theaomai » par « je suis bouche bée ». Un fait ou une chose est tellement étonnant que notre corps en est réellement affecté. Le corps exprime immédiatement ce que l’âme éprouve sans que la volonté ne puisse contrôler ses mouvements. Dans l'instant, l’homme est parfaitement fidèle à lui-même. Il est vrai.
Nous sommes "bouche-bées" quand la surprise est totale, une surprise qui nous émerveille, nous réjouit, nous éblouit. Cela dépasse tout ce que nous aurions pu imaginer. L’impression de la réalité est si forte que nous n’ajoutons rien à ce que nous éprouvons. Tout est pur dans cet étonnement. Ainsi le terme de « theos » exprime un émerveillement extraordinaire. Et quelle est cette réalité qui cause tant d’étonnements ? 
Lorsque l’homme prend véritablement conscience qu’il existe, qu’il vit dans un monde parmi tant de choses réelles et vivantes, que ce monde est plein de beautés et de sagesse, la stupéfaction le gagne et du fond de son âme, il lance ce cri : Dieu. Quand nous découvrons l’espace et ses nébuleuses, quand nous étudions le moindre organisme vivant, quand nous nous plongeons dans l’infiniment petit à la limite de la raison, nous ne pouvons qu’en être bouche-bée. La raison n’est pas étrangère à ce cri. Elle y contribue. Car elle perçoit une réalité plus haute qui se cache derrière toutes ces choses si parlantes. Derrière le visible, elle perçoit l’invisible. « Il y a de la musique plutôt que du bruit »[2]. Tel est notre étonnement...

Références
[1] Voir notamment « Le mystère de la foi » de Mgr Hilarion Alfeyev, évêque orthodoxe, repris dans divers documents : Hosanna, bulletin d'information de la paroisse orthodoxe du Saint Apôtre André, à Montpellier, n°7, février 2005 ; article « catéchisme orthodoxe » du département des relations extérieures du patriarcat de Moscou.

[2] Hugo Reeves, L’origine de la matière dans La Matière d’origine, édition du Seuil, 1981.