Les missionnaires catholiques en Corée du Sud
rencontrent actuellement de graves difficultés d’évangélisation auprès des jeunes Coréens. Comment en effet
les toucher quand ils sont pris dans l’engrenage infernal de la
rentabilité ? Ils ne cessent en effet de courir pour qu’aucune seconde ne
soit inoccupée, qu’aucun temps ne soit perdu. Dans une ville agitée, aux
multiples enseignes lumineuses, les rues bruyantes se gorgent d’innombrables Smartphones
qui imperturbables se suivent et se croisent dans une marche haletante. Foule
nombreuse où se mêlent paroles et pages internet… Lutte
effrénée contre le temps…
Comment alors intéresser ces jeunes aux choses essentielles
de la vie ? Comment élever leur âme aux biens célestes ? Comment leur
faire apprécier le silence de la prière ? Ils s’épuisent à suivre le temps. Ils n’ont plus de temps pour
eux-mêmes. Que devient leur vie intérieure et intellectuelle ? Il est
particulièrement ardu de nourrir son esprit quand il n’est jamais au repos. Il
finit par périr quand il est sous l’emprise totale de la vie extérieure.
Quand nous songeons à ces Coréens, nous ne pouvons
ignorer notre propre situation. Car nous-aussi nous ne cessons de courir au
travail et à la maison, dans le métro et dans la rue, pendant la semaine et
les week-ends. Pressés pour mille raisons, nous supportons aussi la tyrannie du
temps. Mais comme cela ne suffit pas, nous courons aussi dans le monde
virtuel de l’Internet. A une vitesse prodigieuse, nous traversons les mers et
les vallées, nous courons à la recherche du dernier buzz ou de la dernière
information, nous cherchons la moindre occasion pour fructifier le temps qui
passe. Et pendant qu’un nombre innombrable de pages Internet défilent devant
nos yeux ébahis, le temps passe en effet…
Malheureusement, empêtrés dans un rythme effréné, nous
finissons par ne plus pouvoir fixer notre esprit. Les textes longs nous sont
très pénibles. La réflexion nous est difficile. Toute lenteur, toute attente nous sont insupportables. Seuls en fait l’imaginaire, l'extraordinaire, l'émotion nous enchantent. Car eux-seules ont le
pouvoir d’emporter de nouveau notre esprit. Nous sommes en quête de mouvement
et non de réflexions.
Posons-nous un instant et contemplons ce gâchis.
Combien de temps perdus dans des chimères ? Ne nous abusons pas. Le
travail n’en est pas la cause. Combien de fois nous sommes-nous surpris de
travailler pour travailler ou pour nous donner de l’importance ?
Combien de choses supposées importantes nous a vainement accaparés ! Le progrès est pourtant censé nous soulager ! Il ne faut pas se leurrer. Le travail
appelle le travail. L’informatique amplifie notre capacité de travail et
nos erreurs… Et il est beaucoup plus simple de courir au travail pour éviter de
travailler véritablement, c’est-à-dire en profondeur. Nous avons souvent été
témoins d’hommes plus soucieux de se perdre dans des réunions que de travailler
sérieusement. D’autres nous ont étonnés par leurs activités débordantes.
Entre deux réunions, ils ont encore le temps de se lancer dans des projets et
de produire. Fantastique ! Pourtant quand le temps de l’émerveillement est
passé, la réalité est toute autre. Que reste-t-il en effet de leur travail
quand ils nous quittent ? Des souvenirs… Rien de solide...
Nous courrons car nous voulons bien courir ou plutôt
fuir... Devons-nous vraiment partir en vacances chaque été ? Devons-nous
toujours bouger le dimanche ? Pourquoi si peu de repos ? La peur de
l’ennui ? Du silence ?... Et quand sonne le moment du repos, nous
n’avons qu’une hâte : se distraire. Qu’est-ce se distraire si ce n’est s' oublier ?...
Et
pendant que le monde égrène les secondes selon un rythme imperturbable, que
devient notre vie intérieure et intellectuelle ?... Dieu compte aussi les
secondes…
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