" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mercredi 2 juillet 2014

De l'apologétique en pratique...

Rencontre avec un témoin de Jéhovah

Récemment, un témoin de Jéhovah nous a accostés. Rapidement, notre sujet de conversation s’est concentré sur la Sainte Écriture qu’il considérait comme étant l’unique Parole de Dieu à suivre. Avant d'entendre son message, nous lui avons demandé d’où venait sa Bible. Ne comprenant pas clairement notre question, nous lui avons alors demandé comment il était sûr de son authenticité ? Sans aucune gêne, il nous a répondu qu’elle était reconnue comme toute autre Bible et qu’elle était semblable aux autres. Une troisième question l’a encore plus troublé. Qui lui garantissait que son interprétation de la Sainte Écriture était bonne ? Sans aucune justification, il a répondu à plusieurs reprises qu’elle était la bonne Bible et qu’elle était reconnue comme telle. Alors nous lui avons demandé de lire le premier verset de l’Évangile selon Saint Jean. Et rapidement, la vérité a éclaté. Leur conception antitrinitaire s’est affirmée.

Dans la version catholique, il est dit que « le Verbe était Dieu » et dans celle des témoins de Jéhovah, il est dit que « le Verbe était un dieu ».  Nous lui avons demandé de nous expliquer ce que ce verset pouvait signifier. Existait-il plusieurs dieux ? Il m’a fait remarquer que « dieu » était mis en minuscule de façon à montrer que le Verbe n’était pas Dieu par nature mais qu’il a été créé par Dieu pour être une créature éminente. Il occuperait ainsi un rang intermédiaire entre Dieu et les hommes, sorte de démiurge gnostique ou de créature arienne.

Arrêtant enfin les questions, nous lui avons informé qu’il ne reconnaissait pas la profession de foi de Nicée et qu’il adhérait à l’erreur d'Arius. Son interprétation de la Bible n’était pas non plus conforme à celle des premiers Pères de l’Église. 

Pour terminer notre conversation, nous lui avons de nouveau demandé d’où venait sa Bible et plus précisément qui avait défini sa composition. Il n’a pas su me répondre. Nous lui avons alors appris qu’une partie de l’Ancien Testament dans sa version catholique n’était pas reconnue par les juifs et les protestants, que des épîtres de Saint Paul n’étaient pas toutes reprises dans certaines versions de la Bible... Alors poursuivant notre enseignement, nous lui avons expliqué en quelques mots comment avait été élaboré le canon de la Sainte Bible. Ainsi à deux reprises, nous avons essayé de lui montrer que la Sainte Écriture ne se suffit pas à elle-même. Il faut nécessairement une autorité pour confirmer son interprétation et définir sa composition. Le recours à la Tradition et au Magistère est donc nécessaire. Le principe sur lequel s'appuyait sa croyant était faux...

Notre discussion ne semble pas vraiment avoir touché notre témoin de Jéhovah. Il est probablement parti avec les mêmes certitudes, même s’il a été démenti à plusieurs reprises. Au cours de nos échanges, il a fortement critiqué les chrétiens de négliger la Sainte Écriture et de ne pas la connaître contrairement aux témoins de Jéhovah. Or il venait de vivre une expérience probablement amère.  C'était lui l'ignorant. Un chrétien venait de lui montrer ses erreurs. Mais comment est-il possible d’ébranler des certitudes si profondes ? Notre discussion a-t-elle été inutile ? Nous ne le pensons pas. Mais laissons la grâce divine accomplir son œuvre…

Rencontre avec un musulman zélé

Quelques semaines auparavant, nous avons vécu une expérience presque identique dans le métro parisien. Nous lisions un livre pieux quand un jeune musulman zélé nous a accostés pour exposer sa foi et tenter de nous convaincre de sa véracité. Nous l’avons alors posé une première question. Était-il sunnite ou chiite ? Nous voulions en effet mieux cerner notre interlocuteur. Surpris, il nous a affirmé que tous les musulmans partageaient la même foi. Laissant alors de côté cette réponse, nous lui avons tranquillement posé d’autres questions. Comment était-il sûr que le Coran venait de Dieu ? Comment l’interprétait-il ? Qui lui garantissait qu’il disait vrai ? Rapidement, nous sommes arrivés au problème de la nature du Coran. Est-il créé ou incréé ? Cette question l’a déconcertée. Sa réponse était plutôt anthropomorphiste. Dieu parlerait comme nous parlons. Sa Parole serait un attribut de Dieu. Confusion entre l’acte de parler et la parole…

Nous lui avons alors appris que d’après des docteurs de la Loi, le Coran était incréé, ni Dieu, ni créature. Encore plus déconcerté, il est revenu sur ses premières palabres. Qui était Jésus, lui avons-nous alors demandé ? Ravi, il nous a exposé fidèlement ce qu’en dit le Coran. Nouvelle question : comment en était-il sûr puisque les chrétiens le considèrent autrement ? Les chrétiens ont dénaturé son histoire, nous a-t-il répondu. Et naturellement, nous sommes de nouveau revenus sur la véracité du Coran qu’il ne pouvait justifier. Et nous sommes tranquillement arrivés à l’absence d’autorité dans l’islam ou plutôt à un foisonnement d’autorités qui divisent les musulmans. Le musulman zélé a rapidement clôt la conversation…

Le fondement de la foi

Les deux entretiens ont tous débouché sur le fondement de la foi. Il est en effet vain de vouloir discuter longuement sur le contenu de la foi si nous ignorons le socle sur laquelle elle se repose. Le témoin de Jéhovah considérait la Sainte Écriture comme seule autorité mais livrée à elle-même, elle ne peut se justifier. Sans le dire, notre interlocuteur s’est appuyé sur l’autorité du fondateur de cette organisation religieuse. Charles Taze Russel (1852- 1916) a repris les idées des protestants adventistes tout en les radicalisant. Le musulman s’appuyait sur le Coran et les hadiths sans connaître l’autorité réelle qui les justifie si ce n’est l’imam qui lui a enseigné les rudiments de sa religion. Dans les deux cas, aucune discussion ne pouvait avancer. Leurs justifications ne reposaient que sur des motifs de crédibilité internes à leurs livres sacrés. L’ignorance de leur religion était aussi un obstacle.

Dans le premier entretien, il est encore facile de discuter puisque l’interlocuteur semble s’attacher à la Sainte Écriture que nous reconnaissons aussi comme une des sources de notre foi. Mais le livre qu’il professe comme étant vérité s’avère être différent du nôtre et son interprétation contraire à la nôtre. Pour nous justifier, nous avons eu recours à la Tradition. Le Concile de Nicée est venu à notre secours. J’aurai pu aussi appeler Saint Irénée, voire Saint Polycarpe qui a connu Saint Jean, l’apôtre préféré de Notre Seigneur Jésus-Christ. D’autres témoins plus sûrs que nous peuvent en effet défendre notre position. Mais ce disciple de Russel, sur qui pouvait-il s’appuyer si ce n’est sur l’enseignement qu’il a reçu de son organisation fondée au XIXe siècle ? Sur le charisme de son fondateur ? Lui qui s’est souvent trompé dans la date de la fin du monde. C’est peu sérieux…

La Sainte Écriture ne peut se justifier par elle-même. La définition même de sa composition nécessite l’intervention d’une autorité incontestable, de même valeur que ce qu’elle définit. Cette autorité, nous la trouvons dans la Sainte Tradition. La connaissance du véritable sens des mots nécessite en outre une grille de lecture que les mots ne peuvent donner par eux-mêmes. Un mystère caché ne se dévoile pas uniquement au travers des phrases, mêmes les plus ineffables. Notre Seigneur Jésus-Christ nous l’a appris. Il ne suffit pas de raconter une parabole pour qu’elle soit saisie dans sa plénitude. Certes la saisie du mystère résulte de la grâce divine qui illumine notre esprit mais qui garantit que cette illumination n’est pas le fruit de notre conscience ou de notre expérience religieuse ? Si ce n’est une autorité garante de l'intégrité et de l'authenticité de son enseignement ?



La foi n’est une source de connaissances que si elle s’appuie sur une autorité crédible, gardienne sûre de son enseignement. Dans l’islam, l’autorité s’incarne dans des individus qui suivent l’enseignement figé d’un des docteurs du XI-XIIe siècle. Chez les témoins de Jéhovah, elle se situe au XIX-XXe siècle dans une organisation dissidente du protestantisme. Les deux se fondent sur une interprétation littérale d’un livre ou d'une version qu’il considère sacré. Or rien dans un ouvrage aussi saint soit-il ne peut se justifier par lui-même. Il faut nécessairement avoir recours à un témoignage extérieur à l’ouvrage.

Le garant de notre foi ne repose ni dans une personne, ni dans une école ou un mouvement de pensée, dans un lieu ou dans une période plus ou moins récente. Nous tenons comme vrai ce que l’Église a toujours enseigné sur toute la surface de la terre depuis sa fondation par Notre Seigneur Jésus-Christ. Cet enseignement est universel tant dans le temps que dans l’espace. Ainsi sommes-nous surs que cet enseignement n’est pas invention mais transmission... Puissant argument pour démentir les faux prophètes et reconnaître les bons docteurs… Puissant argument de crédibilité pour une foi venue de Dieu et non des hommes… N'oublions pas néanmoins que cet argument n’est pas un motif de foi…

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