" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


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lundi 7 juillet 2014

La connaissance naturelle de Dieu

Dieu est connaissable par les mystères qu’Il a révélés et que l’Église enseigne par ses dogmes. Cette connaissance atteint sa plénitude en Notre Seigneur Jésus-Christ. Cette vérité de foi a fait l'objet de nombreuses attaques. Le philosophe païen Porphyre (234-305) souligne notamment l’injustice d’un Dieu qui a laissé les hommes antérieurs à la venue du Christ dans l’ignorance du salut [1]L’homme devait-il attendre la venue de Notre Seigneur Jésus-Christ pour connaître Dieu ? Est-il en effet possible que les hommes soient plongés dans une telle ignorance pendant des siècles, incapables de vivre dans la vérité de Dieu ? De telles objections seraient peut-être recevables si Dieu n’était connaissable que par Révélation. Or Dieu est aussi connaissable par nos propres moyens. L’Église nous enseigne en effet que nous pouvons connaître Dieu naturellement même si cette connaissance demeure difficile et imparfaite.

La connaissance naturelle de Dieu

Dans une de ses épîtres, Saint Paul nous rappelle que Dieu est connaissable par la lumière naturelle de la raison humaine : « ses perfections invisibles, rendues compréhensibles depuis la création du monde par les choses qui ont été faites, sont devenues visibles aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité » (Romain, I, 20). L’apôtre dénonce alors l’incrédulité inexcusable des païens et leur idolâtrie. La Sainte Écriture insiste sur ce point : « insensés sont tous les hommes, qui ont ignoré Dieu, dans lesquels ne se trouve pas la science de Dieu et qui n’ont pas su par les biens visibles s’élever à la connaissance de Celui qui est, ni par la considération de ses œuvres reconnaître l’Ouvrier » (Sagesse, XIII, 1-5). 


Saint Paul devant l’aréopage d'Athènes
Cette connaissance est rendue possible par l'existence même des choses. Depuis la Création, ce qui est invisible en Dieu peut être perçu en ses créaturesSaint Paul précise en outre que Dieu est rendu visible par sa bonté. Il n’a cessé de témoigner de Lui-même, « faisant du bien, dispensant du ciel les pluies et les temps fertiles, nous donnant la nourriture avec abondance et remplissent nos cœurs de joie » (Actes des Apôtres, XIV, 15-16). Notre vie quotidienne manifeste l’amour de Dieu. Enfin, dans le discours qu’il adresse aux philosophes réunis à l’Aréopage, Saint Paul rappelle que Dieu est aussi accessible par l’histoire. « Il a fait habiter tout le genre humain, qui est issu d’un seul sang, sur toute la surface de la terre, ayant déterminé pour chaque nation la durée de son existence et les bornes de son domaine, afin que les hommes le cherchent et le trouvent comme à tâtons » (Actes des Apôtres, XVII, 26-27).

La Création nous fait donc connaître Dieu et précisément son existence et ses attributs. Ils sont rendus visibles soit par le monde extérieur à nous, soit par le monde intérieur en nous. Et cette double connaissance nous conduit naturellement à Dieu. Cette connaissance peut être en outre étendue par le témoignage qu’apportent les peuples de manière générale. Généralement, ces trois catégories de preuves suffisent pour nous conduire à la connaissance de Dieu. Notre article rappelle les arguments classiques en faveur de la connaissance naturelle de Dieu…

Par l’existence et l’observation du monde

Face aux païens, les apologistes en appellent au fait de la Création et particulièrement à la sagesse, à l’ordre et à la raison qui se manifestent dans la Création. Elle ne peut qu’être l’œuvre d’une Intelligence extérieure à la Création. « Quand on voit un vaisseau naviguer en mer et se diriger vers la rive, on ne doute pas qu’il y ait dans le bateau un pilote qui les guide. De même, il faut admettre un Dieu comme conducteur de toutes les choses, bien qu’on ne le voie pas avec des yeux de chair »[9]. 

L’ordre révèle un ordonnateur, c’est-à-dire une intelligence capable de penser à l’ordre et une volonté capable de l’appliquer et de le maintenir. Sans cet ordre, il ne serait point possible de concevoir une science telle qu’elle existe de nos jours. Elle implique en effet des lois naturelles et universelles qu’elle est censée exprimer. Ainsi l’observation de la nature oriente notre regard vers une Intelligence supérieure, vers une puissance capable de créer et de maintenir son œuvre, vers Dieu…

Rare sont ceux qui ne peuvent observer la nature sans l’admirer. Cette beauté n’est pas le fruit du hasard. Elle est le reflet de la beauté du Créateur. Tel est un des arguments classiques des Pères de l’Église. « Dieu remplit la nature de sa beauté. »[2] La contemplation de la beauté terrestre doit donc conduire à celle de la beauté divine et donc à la connaissance de l’existence de Dieu, de son action créatrice et organisatrice, de sa puissance.


Saint Thomas d'Aquin


L’existence de Dieu n’est pas seulement connaissable mais également démontrable en s’appuyant sur le principe de causalité qui remonte des effets à la cause. En utilisant ce principe et en partant des choses observables, Saint Thomas d'Aquin aboutit à des attributs de Dieu qui impliquent son existence. L’existence de la Création, le mouvement dont il est animé et l’ordre qui y règne supposent en dehors du monde une cause de son existence, une source de son activité et un principe de l’ordre. Par ces voies [5], il démontre l'existence nécessaire de Dieu

Par notre aspiration au bonheur

Les Pères de l’Église en appellent aussi à des motifs d'ordre psychologique. Le besoin naturel de tendre vers Dieu, de pressentir l’éternité et de l’exprimer ne peuvent s’expliquer que par l’existence de Dieu. Un désir de la nature ne saurait être vain. Si l’homme éprouve le désir de Dieu, Dieu doit exister car les instincts sont toujours en rapport avec des objets réels. 

Pour Saint Augustin, l’inspiration morale de notre être à une plus grande perfection ne peut s’expliquer sans l’existence d’un modèle. Et compte tenu de notre insuffisance et de notre imperfection, nous tendons vers Celui qui est parfait. « Notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi. »[10] Le vrai, le beau et le bien ne peuvent s’imposer à notre esprit sans qu’il n’y ait un être capable de nous les imprimer, sans que la vérité, la beauté et le bien n’existent hors de l’homme. « Ne vas pas au dehors, rentre en toi-même, c’est dans l’homme intérieur qu’habite la vérité. »[11] Le désir naturel de Dieu est en nous. Nous tendons vers le « souverainement désirable » selon Aristote.

Or nous avons bien une intelligence capable d’arriver au vrai, une volonté qui aspire au bien et un cœur insatiable de bonheur. Nous disposons donc des moyens pour satisfaire nos désirs. Mais nous connaissons aussi nos faiblesses et nos lacunes. Et plus nos désirs sont grands, plus nous constatons notre misère. 

Si ce désir est alors inaccessible, comment pouvons-nous l’expliquer ? Cette soif inassouvie, ce besoin impérieux, cet instinct de bonheur si fort en nous et si général ne peuvent exister que s’il existe une source capable de les satisfaire. Il faut qu’il y ait un bien éternel capable d’étancher notre soif. De même, pour qu’il y ait vérité, faut-il aussi une source première de tout être et de toute vérité. Cette source ne peut qu’être Dieu…

Par notre conscience du bien et du mal

« Quand des païens, qui n’ont pas de loi, accomplissent naturellement ce que la Loi commande, n’ayant pas de loi, ils se tiennent lieu de loi à eux-mêmes ; ils montrent que l’œuvre de la Loi est écrite dans leurs cœur, leur conscience rendant en même temps témoignage […] » (Épître aux Romain, II, 14). Pour que la voix de notre conscience condamne ou défende, faut-il que Dieu ait inscrit la Loi dans notre cœur. La conscience nous interpelle quand il y a désaccord entre cette loi non écrite et notre comportement ou nos pensées. Certes nous avons la liberté de violer la voix de notre conscience mais nous ne pouvons pas la supprimer. 

Au fond de nous-mêmes et chez tous les peuples, une voix intérieure nous commande donc le bien et nous défend le mal. Reprenant l’argument de Saint Paul, de cette obligation générale existant en toute conscience de pratiquer le bien et d’observer l’ordre moral, Saint Augustin tire l’existence de Dieu. Il existe bien une conception du bien et du mal en chacun de nous. Qu’importe pour notre sujet si nous nous trompons souvent sur cette conception, le fait de constater sa présence universelle en chaque homme nous suffit. Cette obligation est donc indépendante de l’homme particulier comme de l’humanité en général. 

Tout cela suppose un législateur. S’imposant à tous, elle ne peut pas en effet s’imposer d’un seul. Seul Dieu peut revêtir une telle autorité. Nous craignons aussi la sanction en cas de violation. Pour qu’il y ait obligation et sanction, faut-il aussi un Juge capable de s’imposer à toutes les consciences. Le mal mérite un châtiment comme la bonté a droit à la récompense. Dieu seul peut appliquer à nos actes une sanction équitable et proportionnée à leur valeur.

Par le consentement unanime des peuples

Comme le rappellent les philosophes antiques, « aucune nation n’est si grossière si sauvage, qu’elle ne croie à l’existence des dieux, encore qu’elle se trompe sur leur nature »[6]. L’athéisme est une innovation moderne comme nous le confirme l’histoire des religions. « Obligé par mon enseignement même de passer en revue toutes les races humaines, j’ai cherché l’athéisme chez les plus inférieures, comme chez les plus élevées. Je ne l’ai rencontré nulle part si ce n’est à l’état individuel ou à celui d’écoles plus ou moins restreintes, comme on l’a vu en Europe au siècle dernier, comme on le voit encore aujourd'hui. L’athéisme n’est nulle part qu’à l’état erratique. »[7] Ce sentiment déjà ancien d’un spécialiste est fortement confirmé par les découverts archéologiques ou historiques. De nombreux détails semblent faire croire que les hommes préhistoriques aient éprouvé des sentiments religieux, voire suivi un rituel religieux.

Pouvons-nous alors considérer que ce qui est affirmé d’un commun accord soit entièrement faux ? Il pourrait découler d’un sentiment religieux général. Mais qui l’a déposé au fond de notre âme ? Il pourrait pourrait aussi provenir d'un raisonnement, d'une réflexion, ce qui nous conduit encore à confirmer que la connaissance naturelle est possible.

Ainsi diverses voies permettent de connaître l’existence de Dieu. C’est pourquoi l’Église a toujours défendu la capacité rationnelle de l’homme de connaître naturellement Dieu. « Tout homme a la faculté naturelle de connaître Dieu […] et cette faculté est fondée »[3]. Son existence peut donc être connue par tout homme raisonnable « et démontrée avec certitude par la lumière naturelle de la raison au moyen des choses qui ont été faites, c’est-à-dire par les ouvrages visibles de la création, comme la cause par ses effets. »[4] Ainsi toute incrédulité est inexcusable...


Références
[1]
Voir Sébastien Morlet, Christianisme et philosophie, Les premières confrontations (Ier-Vie siècle), Le Livre de Poche, 2014.
[2] Athénagore d'Athènes cité dans Le Concept de beauté chez les apologistes grecs dans B. Pouderon, La beauté chez les Pères, n°111, septembre 2008, éditions Nouvelle Cité.
[3] Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, I, 93, 4.
[4] Saint Pie X, Motu proprio Sacrorum antistitum, 1er septembre 1910.
[5] Un prochain article rappellera les cinq voies.
[6] Cicéron, Da natura deorum.
[7] Quatrefages, cité dans Manuel apologétique de l’abbé Boulanger, chapitre I, 1928. L'étude de l'athéisme que nous avons entreprise confirme ce fait historique. Voir les articles du mois d'août et de septembre 2014.
[8] Concile de Vatican I, Constitution dogmatique Dei Filius sur la foi catholique, chap. 2, Den. 3004.
[9]  Saint Théophile, évêque d'Antioche, Traité à Autolycus, I, 1, 5.
[10] Saint Augustin, Confession, I, 1. 
[11] Saint Augustin, De la vraie religion, XXXIX, 72. 

mercredi 2 juillet 2014

De l'apologétique en pratique...

Rencontre avec un témoin de Jéhovah

Récemment, un témoin de Jéhovah nous a accostés. Rapidement, notre sujet de conversation s’est concentré sur la Sainte Écriture qu’il considérait comme étant l’unique Parole de Dieu à suivre. Avant d'entendre son message, nous lui avons demandé d’où venait sa Bible. Ne comprenant pas clairement notre question, nous lui avons alors demandé comment il était sûr de son authenticité ? Sans aucune gêne, il nous a répondu qu’elle était reconnue comme toute autre Bible et qu’elle était semblable aux autres. Une troisième question l’a encore plus troublé. Qui lui garantissait que son interprétation de la Sainte Écriture était bonne ? Sans aucune justification, il a répondu à plusieurs reprises qu’elle était la bonne Bible et qu’elle était reconnue comme telle. Alors nous lui avons demandé de lire le premier verset de l’Évangile selon Saint Jean. Et rapidement, la vérité a éclaté. Leur conception antitrinitaire s’est affirmée.

Dans la version catholique, il est dit que « le Verbe était Dieu » et dans celle des témoins de Jéhovah, il est dit que « le Verbe était un dieu ».  Nous lui avons demandé de nous expliquer ce que ce verset pouvait signifier. Existait-il plusieurs dieux ? Il m’a fait remarquer que « dieu » était mis en minuscule de façon à montrer que le Verbe n’était pas Dieu par nature mais qu’il a été créé par Dieu pour être une créature éminente. Il occuperait ainsi un rang intermédiaire entre Dieu et les hommes, sorte de démiurge gnostique ou de créature arienne.

Arrêtant enfin les questions, nous lui avons informé qu’il ne reconnaissait pas la profession de foi de Nicée et qu’il adhérait à l’erreur d'Arius. Son interprétation de la Bible n’était pas non plus conforme à celle des premiers Pères de l’Église. 

Pour terminer notre conversation, nous lui avons de nouveau demandé d’où venait sa Bible et plus précisément qui avait défini sa composition. Il n’a pas su me répondre. Nous lui avons alors appris qu’une partie de l’Ancien Testament dans sa version catholique n’était pas reconnue par les juifs et les protestants, que des épîtres de Saint Paul n’étaient pas toutes reprises dans certaines versions de la Bible... Alors poursuivant notre enseignement, nous lui avons expliqué en quelques mots comment avait été élaboré le canon de la Sainte Bible. Ainsi à deux reprises, nous avons essayé de lui montrer que la Sainte Écriture ne se suffit pas à elle-même. Il faut nécessairement une autorité pour confirmer son interprétation et définir sa composition. Le recours à la Tradition et au Magistère est donc nécessaire. Le principe sur lequel s'appuyait sa croyant était faux...

Notre discussion ne semble pas vraiment avoir touché notre témoin de Jéhovah. Il est probablement parti avec les mêmes certitudes, même s’il a été démenti à plusieurs reprises. Au cours de nos échanges, il a fortement critiqué les chrétiens de négliger la Sainte Écriture et de ne pas la connaître contrairement aux témoins de Jéhovah. Or il venait de vivre une expérience probablement amère.  C'était lui l'ignorant. Un chrétien venait de lui montrer ses erreurs. Mais comment est-il possible d’ébranler des certitudes si profondes ? Notre discussion a-t-elle été inutile ? Nous ne le pensons pas. Mais laissons la grâce divine accomplir son œuvre…

Rencontre avec un musulman zélé

Quelques semaines auparavant, nous avons vécu une expérience presque identique dans le métro parisien. Nous lisions un livre pieux quand un jeune musulman zélé nous a accostés pour exposer sa foi et tenter de nous convaincre de sa véracité. Nous l’avons alors posé une première question. Était-il sunnite ou chiite ? Nous voulions en effet mieux cerner notre interlocuteur. Surpris, il nous a affirmé que tous les musulmans partageaient la même foi. Laissant alors de côté cette réponse, nous lui avons tranquillement posé d’autres questions. Comment était-il sûr que le Coran venait de Dieu ? Comment l’interprétait-il ? Qui lui garantissait qu’il disait vrai ? Rapidement, nous sommes arrivés au problème de la nature du Coran. Est-il créé ou incréé ? Cette question l’a déconcertée. Sa réponse était plutôt anthropomorphiste. Dieu parlerait comme nous parlons. Sa Parole serait un attribut de Dieu. Confusion entre l’acte de parler et la parole…

Nous lui avons alors appris que d’après des docteurs de la Loi, le Coran était incréé, ni Dieu, ni créature. Encore plus déconcerté, il est revenu sur ses premières palabres. Qui était Jésus, lui avons-nous alors demandé ? Ravi, il nous a exposé fidèlement ce qu’en dit le Coran. Nouvelle question : comment en était-il sûr puisque les chrétiens le considèrent autrement ? Les chrétiens ont dénaturé son histoire, nous a-t-il répondu. Et naturellement, nous sommes de nouveau revenus sur la véracité du Coran qu’il ne pouvait justifier. Et nous sommes tranquillement arrivés à l’absence d’autorité dans l’islam ou plutôt à un foisonnement d’autorités qui divisent les musulmans. Le musulman zélé a rapidement clôt la conversation…

Le fondement de la foi

Les deux entretiens ont tous débouché sur le fondement de la foi. Il est en effet vain de vouloir discuter longuement sur le contenu de la foi si nous ignorons le socle sur laquelle elle se repose. Le témoin de Jéhovah considérait la Sainte Écriture comme seule autorité mais livrée à elle-même, elle ne peut se justifier. Sans le dire, notre interlocuteur s’est appuyé sur l’autorité du fondateur de cette organisation religieuse. Charles Taze Russel (1852- 1916) a repris les idées des protestants adventistes tout en les radicalisant. Le musulman s’appuyait sur le Coran et les hadiths sans connaître l’autorité réelle qui les justifie si ce n’est l’imam qui lui a enseigné les rudiments de sa religion. Dans les deux cas, aucune discussion ne pouvait avancer. Leurs justifications ne reposaient que sur des motifs de crédibilité internes à leurs livres sacrés. L’ignorance de leur religion était aussi un obstacle.

Dans le premier entretien, il est encore facile de discuter puisque l’interlocuteur semble s’attacher à la Sainte Écriture que nous reconnaissons aussi comme une des sources de notre foi. Mais le livre qu’il professe comme étant vérité s’avère être différent du nôtre et son interprétation contraire à la nôtre. Pour nous justifier, nous avons eu recours à la Tradition. Le Concile de Nicée est venu à notre secours. J’aurai pu aussi appeler Saint Irénée, voire Saint Polycarpe qui a connu Saint Jean, l’apôtre préféré de Notre Seigneur Jésus-Christ. D’autres témoins plus sûrs que nous peuvent en effet défendre notre position. Mais ce disciple de Russel, sur qui pouvait-il s’appuyer si ce n’est sur l’enseignement qu’il a reçu de son organisation fondée au XIXe siècle ? Sur le charisme de son fondateur ? Lui qui s’est souvent trompé dans la date de la fin du monde. C’est peu sérieux…

La Sainte Écriture ne peut se justifier par elle-même. La définition même de sa composition nécessite l’intervention d’une autorité incontestable, de même valeur que ce qu’elle définit. Cette autorité, nous la trouvons dans la Sainte Tradition. La connaissance du véritable sens des mots nécessite en outre une grille de lecture que les mots ne peuvent donner par eux-mêmes. Un mystère caché ne se dévoile pas uniquement au travers des phrases, mêmes les plus ineffables. Notre Seigneur Jésus-Christ nous l’a appris. Il ne suffit pas de raconter une parabole pour qu’elle soit saisie dans sa plénitude. Certes la saisie du mystère résulte de la grâce divine qui illumine notre esprit mais qui garantit que cette illumination n’est pas le fruit de notre conscience ou de notre expérience religieuse ? Si ce n’est une autorité garante de l'intégrité et de l'authenticité de son enseignement ?



La foi n’est une source de connaissances que si elle s’appuie sur une autorité crédible, gardienne sûre de son enseignement. Dans l’islam, l’autorité s’incarne dans des individus qui suivent l’enseignement figé d’un des docteurs du XI-XIIe siècle. Chez les témoins de Jéhovah, elle se situe au XIX-XXe siècle dans une organisation dissidente du protestantisme. Les deux se fondent sur une interprétation littérale d’un livre ou d'une version qu’il considère sacré. Or rien dans un ouvrage aussi saint soit-il ne peut se justifier par lui-même. Il faut nécessairement avoir recours à un témoignage extérieur à l’ouvrage.

Le garant de notre foi ne repose ni dans une personne, ni dans une école ou un mouvement de pensée, dans un lieu ou dans une période plus ou moins récente. Nous tenons comme vrai ce que l’Église a toujours enseigné sur toute la surface de la terre depuis sa fondation par Notre Seigneur Jésus-Christ. Cet enseignement est universel tant dans le temps que dans l’espace. Ainsi sommes-nous surs que cet enseignement n’est pas invention mais transmission... Puissant argument pour démentir les faux prophètes et reconnaître les bons docteurs… Puissant argument de crédibilité pour une foi venue de Dieu et non des hommes… N'oublions pas néanmoins que cet argument n’est pas un motif de foi…

mardi 1 juillet 2014

Etre en communion de foi et de charité : une nécessité...


Il ne suffit pas d’« être vrai » et de se dire chrétien pour l’être dans la vérité. Il ne suffit pas non plus d’être bon et généreux, de faire de l’humanitaire et de s’épuiser dans des associations caritatives pour être dans la charité. Nous pouvons éprouver des sentiments chrétiens et vivre selon la morale chrétienne mais cela ne suffit pas non plus pour être réellement chrétiens.

Certes le baptême nous fait chrétiens quoi que nous puissions faire. Il imprime dans notre âme un sceau ineffaçable qui nous rend enfants de Dieu. C’est un fait, une réalité qui ne dépend pas de nos sentiments, de nos connaissances et de nos pensées. Mais nous pouvons être chrétiens, nous dire chrétiens tout en étant dans l’erreur et la faute.

Être véritablement chrétien, c’est avant tout être en communion de foi et de charité avec l’Église. Sans cette communion d’intelligence et de volonté, tout n’est qu’illusion. Le fils qui abandonne la maison familiale est toujours l’enfant de son père mais l’est-il véritablement ? Quand il revient auprès de sa famille, le père est heureux et fête son retour comme un retour de son fils à la vie. Il est de nouveau son véritable fils qui n’a pourtant jamais cessé d’être. Sans communion de foi et de charité, tout est vain…

Et pourtant, combien de fois entendons-nous ces fils rebelles oser revendiquer une foi qui n’est pas celle de l’Église et au nom de leur croyance l’accuser de mille maux ? De quels droits peuvent-ils la revendiquer pour lui donner des coups parfois terribles ? Les médias sont friands de leurs témoignages, véritables scandales. Est-ce par ignorance du christianisme ou par volonté de tromper leurs auditeurs ? Et ainsi l’Église et le christianisme sont souvent jugés selon ces dissidents et non selon l'enseignement et la doctrine catholique. Profonde erreur dont nous avons été nous-mêmes victimes…

Ainsi faut-il rappeler sans cesse la doctrine de l'Eglise, épurée de nos opinions...

mercredi 25 juin 2014

Le mutazilisme : le recours à la raison, est-il possible dans l'islam ?

A plusieurs reprises au cours de notre étude de l’islam, nous avons rencontré le mutazilisme [11]. Il apparaît comme une doctrine hétérodoxe contre laquelle s'est développé l’islam orthodoxe. Aujourd'hui, il est considéré comme un « mouvement de libre pensée »[1] ou une tendance déraisonnée du rationalisme appliquée à la doctrine islamique. Ainsi est-il incontournable de l’étudier de plus près dans le cadre de notre étude ...
Qu’est-ce que le mutazilisme ?
Le mutazilisme est généralement présenté comme une école de pensée, un mouvement, une doctrine qui privilégie la raison sur la foi : « nous rejetons la foi comme seule voie vers la religion si elle rejette la raison »[2], tel serait l’adage du mutalizisme.
Le terme de mutazilisme provient d’un terme arabe « al-muʿtazila » qui signifie « ceux qui se sont abstenus » ou encore de « iʿtazala » qui signifie « retiré ». L’article de Wikipédia reprend deux interprétations classiques sur l'origine du mouvement. Elles nous éclairent sur la nature du mouvement. Selon les commentaires les plus courants, Wasil Ibn ‘Ata (699-748) aurait contesté l’enseignement officiel des écoles de l’islam et se serait retiré à Basra au VIIIe siècle pour fonder sa propre école. Dès son origine, le mutazilisme marquerait donc une rupture intellectuelle avec l’islam officiel. Selon une seconde hypothèse, l’origine est plus ancienne. Elle remonterait aux débats qu’a donnés lieu la succession des Omeyyades lors de l’assassinat du calife Othman[12]. Des théologiens de Bassorah aurait refusé de participer aux querelles et auraient fondé une école qui aurait donné naissance au mutazilisme[3]. Le mutazilisme apparaît alors comme indifférent aux problèmes politiques et semble se concentrer sur la pensée théologique.
Vers 750, Wasil Ibn ‘Ata quitte l'école d’Al-Hassan al-Basrî et crée sa propre école à Bassorah. Elle prend le nom de mutazilite. En 827, sous le califat d'al-Mamûn (786-833), elle devient la doctrine officielle de l’empire abbasside. Une persécution est menée pour l’imposer. Elle est aussi la doctrine officielle sous le règne de son frère puis de son neveu, al-Mu‘tasim (794-842) et al-Wâthiq (812-847). Elle est ensuite abandonnée par leur successeur, le calife al-Mutawakkil (821-861). Le mutazilisme est réprimé, ses textes détruits. Il est de nouveau enseigné sous le règne des Buyides aux X et XIe siècle. Sous le pouvoir des Seldjoudikes, il disparaît officiellement au XIIe siècle. Il serait néanmoins maintenu en Asie centrale jusqu’au XIIIe siècle et au Yémen jusqu’au XVIIe siècle[4]. Il aurait influencé des mouvements chiites tels que celui des zaydites [14] et des imamites [15],  et juifs, notamment les karaïtes[13].

Le mutazilisme a donné naissance à de nombreuses écoles dont les deux plus importantes sont celles de Basra et de Bagdad. Il ne présente pas une véritable homogénéité. Les écoles présentent en effet des particularités doctrinales et politiques. A Basra, deux écoles l’enseignent et le développent, l’école d’Abû Hâshim al-Jubbâ`î, dite aussi la Bahshamiyya, et l’école d'Abû al-Husayn al-Basrî. Elles sont hostiles au chiisme. L’école de Bagdad reste fidèle au chiisme modéré. Leurs doctrines varient selon les docteurs. Parmi leurs maîtres, nous pourrions citer Abd al-Gabbar, auteur d’une somme au XIe siècle.
L’opposition au mutazilisme donne naissance aux principales écoles officielles ou madhabs du sunnisme, notamment les écoles acharite et maturidite. Le sunnisme a été construit en partie en opposition à ce mouvement jugé hétérodoxe. Le fondateur de l’école acharite est un ancien mutazilite de Basra. Il regroupe autour de lui les mécontents de ce mouvement devenu tout puissant. Il s’oppose à son rationalisme et défend la soumission de la raison au Coran. Le conflit entre les différents mouvements de pensée marque la période dite de l'Idjtihad, définie comme l'effort d'interprétation des textes sacrés. De manière générale, la fin du mutazilisme caractérise la fin de cette ère. Ainsi est-elle généralement présentée comme la fin de tout développement rationnel de la doctrine islamique.


Le mutazilisme est souvent présenté comme une conséquence de l’influence de la pensée grecque sur l’islam ou un effort de rationalité de la pensée musulmane. Certains commentateurs refusent cette influence et le présentent plutôt comme une réaction à la dialectique grecque et chrétienne. Tous sont néanmoins d’accord sur sa démarche fortement spéculative. Il représente une orientation de la théologie musulmane vers une approche plus philosophique. De ce mouvement sortiront des philosophes considérés éminents aujourd’hui tel Al Kindi et Alfarabi. Il est aussi considéré comme une marque de rationalisme, c’est-à-dire comme une influence excessive de la spéculation intellectuelle dans l’islam. Mais est-il un mouvement unique ou un ensemble de pensées marquées par la philosophie grecque ? « Il y a chez les Mu'tazilites un goût pour l'usage scientifique et philosophique de l'entendement qui ne suffit pas à les caractériser, mais qui les distingue cependant […] »[8]
Les sources 
Il est assez difficile de connaître les doctrines des mutazilites puisque leurs écrits ont été détruits durant les persécutions dont ils ont été victimes. Elles sont généralement connues par les hérésiologues musulmans ou indirectement par leurs influences sur le chiisme et les karaïtes. « Les zaydites et les karaïtes ont non seulement intégré des éléments importants de la doctrine mu`tazilite dans leurs propres systèmes de pensée, mais ils ont également recopié une somme considérable de textes mu`tazilites datant de la période classique du mouvement. »[5] A la fin du XXe siècle, de nombreux textes mutazilites ont cependant été découverts et ont permis une meilleure connaissance du mutazilisme.
Il existe aujourd'hui de nombreux articles sur le mutazilisme mais un grand nombre se rapporte à des notions purement modernes donc inadéquates au temps historique. Il existe néanmoins des ouvrages et des études reconnues sérieux qui permettent de mieux le connaître.
Le mutazilisme se distingue principalement de l’islam orthodoxe  sur :
  •           le rapport entre la liberté de l’humaine et la toute-puissance divine ;
  •           le statut du pécheur ;
  •           la nature du Coran incréé.

Liberté de l’homme et toute-puissance de Dieu
Avant la fondation de l’école mutazilite, les théologiens musulmans se divisaient sur la notion de liberté de l’homme dans ses actes. Est-il totalement libre comme l’enseignaient les Qadariyya ou est-il pleinement déterminé par Dieu comme l’affirmaient les Jabariyya ? Les mutazilites ont des positions proches des Qadariyya au point que selon certains historiens, ils seraient à l'origine du mutazilisme.
« La thèse caractéristique du mutazilisme » est « que les actes de l’homme ne sont pas créés par Dieu »[6]. La liberté de l’homme est plus ou moins importante selon les positions minimalistes ou maximalistes des mutazilismes.
A partir de la reconnaissance de la liberté de l’homme face à la puissance de Dieu, les mutazilites déduisent la pleine responsabilité de l’homme dans ses actes, dans le bien et le mal qu’il accomplit. En faisant le bien, il se soumet à Dieu donc il sera récompensé ; en faisant le mal, il s’oppose à Dieu donc il sera condamné. Car selon les mutalizites, le bien ne provient que de Dieu et Dieu ne peut pas vouloir du mal. L’homme est donc capable d’être libre car Dieu lui a donné un pouvoir qui lui permet effectivement d’user d’une liberté pleine et entière. C’est pourquoi Dieu ne peut lui demander que ce qu’il est capable de faire. L’homme crée ses propres actes.
Mais selon les sunnites, cette doctrine s’oppose au Coran. « Il accorde sa faveur à qui Il veut » (3, 73 – 4) ou encore « C’est Lui qui vous a créés, et tout ce que vous faites » (37, 96). En outre par le pouvoir octroyé par Dieu, l’homme poserait des actes indépendants de Dieu, hors de son pouvoir. Et si la justice de Dieu dépend de l’obéissance ou de la désobéissance de l’homme, cela induit une contrainte à Dieu. Selon certains mutazilites, Dieu agirait pour le plus grand avantage des hommes d’où une nouvelle contrainte qu’ils imposent au Tout-Puissant. Face aux mutazilites est donc réaffirmée la toute puissance de la volonté de Dieu dont tout être et tout acte tirent leur existence. L’homme croit être libre quand finalement Dieu crée ses actions. Il est contraint au bon choix non selon la vue de l’homme qui agit mais selon la vue de Dieu qui en est le véritable auteur.
« Pour les Sunnites, Dieu se définit avant tout par Sa toute-puissance, que rien ne limite et à quoi rien n'échappe : tout ce qui existe est voulu et créé par Dieu. Pour les Mu'tazilites, la puissance de Dieu a pour limite Sa justice : tout ce qui est mauvais ne saurait procéder de Lui. »[7]
Le statut du pécheur
La question de la liberté de l’homme est majeure dans toute religion puisque elle définit l’action morale et le statut du « pécheur ». Ce statut divise aussi la communauté musulmane. D'après les hérésiologues musulmans, il est la raison du départ de Wasil Ibn ‘Ata. Elle explique aussi la scission des kharidjites.
Les kharidjites les plus radicaux affirment que le pécheur est un infidèle, ce qui est grave aux yeux de l’islam. La faute morale est donc équivalente à une apostasie. Le pécheur mérite donc la mort. Certains refusent cette confusion et définissent un état intermédiaire entre l’infidèle et l’incroyant, entre l’apostasie et la soumission totale du fidèle à Dieu. Des historiens proposent de voir en ces « tolérants » des ancêtres du mutazilisme. Le nom de mutazilisme pourrait provenir de l’expression « al-manzila baina'l'manzalitain », « la demeure entre les deux demeures ».
A cette époque, il  existe aussi une tendance plus tolérante, celle des murdjites. Selon ces derniers, l’homme n’est pas jugé sur son obéissance mais sur son amour à l’égard la toute puissance de Dieu. Par conséquent, il peut violer les commandements divins sans cesser d’aimer Dieu. Il peut rester un bon fidèle. Le mutazilisme semble ainsi apparaître comme une position intermédiaire.

La nature du Coran
Les mutazilites se séparent des sunnites par leur rejet de la doctrine du Coran incréé [16]. Le Coran ne serait ni Dieu, ni une créature mais une création de Dieu. Éternel, infaillible et inaltérable, il reprend tous les attributs de Dieu sans être de nature divine. Ils sont en effet conscients des implications d’une telle doctrine. Elle conduit inévitablement à rompre l’unité de Dieu. A côté de Dieu, il y aurait une autre « entité ». Il dénonce un associationnisme...

La primauté de la raison
Pour justifier leurs doctrines, les mutazilites appliquent une démarche opposée à celle des écoles de droit. Ces dernières cherchent surtout à définir l’autorité des hadiths pour se référer à cette source de la foi musulmane. Les mutazilites étudient plutôt le contenu des hadiths sans craindre de le remettre en question. Concernant l’interprétation du Coran, les mutazilites rejettent son interprétation littérale fortement anthropomorphistes. Ils appliquent une méthode critique, ce que ne peuvent accepter les sunnites qui orientent définitivement l’exégèse coranique vers l'interprétation littérale et le mysticisme.
Le mutazilisme est souvent présenté comme un effort d’intégration de la philosophie grecque dans l’islam. Il a développé une démarche rationnelle tant dans l’interprétation des sources de la foi musulmane que dans le traitement des grands problèmes théologiques.

Conclusions

Faute de sources suffisantes, il semble difficile de connaître véritablement le mutazilisme sans appliquer nos conceptions modernes. Au-delà d’une tendance très probable à une forte rationalisation, il marque une volonté de résoudre les incohérences de l’islam et d’insérer la philosophie grecque dans la doctrine islamique. L’échec est flagrant. Le jabrisme, la théorie du coran incréé, l’interprétation littérale du Coran se sont définitivement ancrés dans l’islam. Les écoles sunnites se sont élevées contre le mutazilisme et toute autre tendance philosophique.

A la fin du XXe siècle, il est noté une tendance à faire revivre un certain mutazilisme « pour la rénovation de la culture arabe et musulmane »[9]. Il se caractérise par le recours à la raison : « le mu'tazilisme encourage la réflexion spéculative, voire la méditation comme premier moyen de connaître Dieu et pour comprendre et pratiquer la religion. Ceux qui croient en cela, peuvent se dire mu'tazilites. »[10] Ce mouvement est souvent mis en avant pour montrer la rationalité possible de l’islam. Nous pouvons encore constater aujourd'hui un véritable échec. L’islam ne peut que refuser cette voie s’il veut effectivement persister. Accepter une telle démarche serait suicidaire. C’est pourquoi il est aussi difficile de débattre avec un musulman. Le débat tourne court. La raison n’a pas sa place. Comment pouvons-nous alors considérer l’islam comme une source de progrès ? ...



Références
[1] Sylvain Métafiot, Le mutazilisme : la libre pensée islamique, 28/05/2010 dans http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/
[2] Article « les principes mu’tazilite anciens et nouveaux », dans mutazilareturn.over-blog.com, un blog en faveur du mutazilisme.
[3] L’historien Tabari (839-923) serait à l’origine de cette thèse.
[4] Voir Un projet international : le manuel des œuvres et manuscrits mu`tazilites Gregor Schwarb, Arabian Humanities, 1 juin 2006 dans http://cy.revues.org/198.
[5] Un projet international : le manuel des œuvres et manuscrits mu`tazilites Gregor Schwarb.
[6] Daniel Gimaret, Théories de l'acte humain en théologie musulmane, 1980, Revue de l’histoire des religions de Jean Jollivet, compte rendu de lecture, tome 199 n°2, 1982, www.persee.fr.
[7] Islamisme, Conférence de D. Gimaret dans École pratique des hautes études, 5e section, Sciences religieuses. Annuaire. Tome 82, Fascicule III. Comptes rendus des conférences de l'année universitaire 1973-1974, www.persee.fr.
[8] Jean Jollivet, Revue de l’histoire des religions, compte rendu de lecture, tome 199 n°2, 1982, www.persee.fr.
[9] Cheikh Bouamrane, Le problème de la liberté humaine dans la pensée musulmane (Solution Mu'tazilite), Paris, J. Vrin, 1978, cité dans Revue de l'histoire des religions, tome 197 n°2, 1980, www.persee.fr.
[10] Article « les principes mu’tazilite anciens et nouveaux », dans mutazilareturn.over-blog.com.
[11] Notamment Émeraudemai 2014, article "L'apogée de la science : mythe et réalité" et février 2014 article "Une pluralité relative de la sharia".
[12] Voir Émeraude, article "La douloureuse question de l'autorité dans l'Islam", décembre 2012.
[13] Courant du judaïsme qui n'adhère qu'à la Bible hébraïque et rejette la Loi orale. Il s 'oppose au judaïsme rabbinique.
[14] Zaïdisme, branche du chiisme qui ne reconnaît le 5e imam comme étant le dernier imam. Très présent au Yémen.
[15] Imamisme, duodécimains (croyance chiite en l'existence des 12 imams) qui croient en des imams saints et infaillibles après Mahomet.
[16] Voir Émeraude, mars 2012, article "Le Coran incréé, une contradiction fondamentale".

jeudi 19 juin 2014

Des Apôtres aux Docteurs de l'Eglise

Depuis la Pentecôte, le christianisme s’est développé et s'est répandu notamment grâces à des chrétiens qui sont demeurés fermes dans la foi et dociles au Saint Esprit. Par la pureté de leurs doctrines, ils sont devenus des références incontournables. Leurs œuvres font autorité dans l’Église en matière de foi. Ainsi est-il important de les connaître pour approfondir notre foi et notre culture chrétienne, et pour la défendre face aux erreurs et aux mensonges.
Apparition alors que les Apôtres sont à table
(Duccio di Buoninsegna)
Les Apôtres, les envoyés de Notre Seigneur Jésus-Christ

Commençons par les Apôtres, les fondateurs de l’Église. Notre Sauveur les a choisis, instruits et formés par son exemple et ses amicales réprimandes pour les envoyer ensuite dans le monde prêcher l’Évangile. Ainsi sont-ils préparés à leur triple mission : enseigner, gouverner et sanctifier. Il leur a promis d’être toujours avec eux pour agir par le Saint Esprit et affronter les épreuves qu’ils devront endurer.

Du vivant de leur maître, les apôtres L’ont suivi et écouté ses enseignements. Témoins de sa Résurrection, ils ont assisté à l’accomplissement de ce que les Prophètes et Notre Seigneur ont annoncé. Le Jour de la Pentecôte, le Saint Esprit est descendu sur eux. A partir de ce moment, sur l’ordre de Notre Seigneur Jésus-Christ, ils prêchent l’Évangile sans aucune crainte et fondent les premières communautés chrétiennes. Institués porte-clefs du royaume de Dieu et porté par le Saint Esprit, ils fondent l’Église. Ainsi est-elle appelée apostolique.
Quelques jours après sa Résurrection, Notre Seigneur Jésus-Christ a confirmé aux Apôtres leur mission : la conquête spirituelle du monde. Il leur a demandé de témoigner de sa vie, de sa Passion et de sa Résurrection. Ils doivent aussi être pécheurs d’hommes, le sel de la terre, la lumière du monde. Ce sont les témoins officiels de l’Évangile, institués et formés par Notre Seigneur Jésus-Christ. 
Voici les douze Apôtres : Saint Simon, que Jésus appela Pierre, Saint André, Saint Jacques le Majeur et Saint Jean, Saint Philippe, Saint Matthieu, appelé aussi Lévi, Saint Barthélémy, Saint Thomas, Saint Jacques le Mineur, Saint Judée ou Thaddée, Saint Simon le Zélé et Saint Mathias qui a remplacé Judas. Parmi les Apôtres, trois forment un groupe privilégié auprès de Notre Seigneur : Saint Pierre, Saint Jacques et Saint Jean. A ce premier groupe, l’Église ajoute Saint Paul, le grand apôtre des Gentils [5] et parfois Saint Barnabé.
Nous connaissons surtout leur histoire dans les Évangiles et les Actes des Apôtres. Parmi ces Apôtres, certains ont écrit des lettres ou épîtres sous l’inspiration de Dieu. Ainsi nous connaissons davantage leur enseignement. Face aux difficultés des premiers chrétiens, ils ont éclairé les paroles de Notre Seigneur et approfondi la foi. Ils ont aussi réfuté des erreurs et pointer de mauvais comportements. Dans l’Acte des Apôtres et dans les épîtres, nous suivons aussi leurs apostolats à travers l’empire romain.
Œuvres inspirées comme les autres textes sacrés, les épîtres de Saint Paul jouent un rôle considérable dans la connaissance et la compréhension de la Révélation. L’Apôtre des Gentils n’a rien innové mais demeure fidèle à l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ. Comme il ne cesse de l’écrire, nous devons être disciples du Christ...

Les Évangélistes, les écrivains inspirés de Dieu
Les évangélistes sont les auteurs des quatre évangiles dites canoniques, c’est-à-dire inscrits par l’Église dans la liste des livres inspirés. Dans l’ordre, ce sont Saint Mathias, Saint Matthieu, Saint Luc et Saint Jean. Ils sont témoins, apôtres ou disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ. Chacun écrit selon une intention particulière et à un public propre. Tout en étant inspirés, ils sont aussi bien documentés.

Les Pères de l’Église
Au sens strict, les Pères de l’Église regroupent les écrivains orthodoxes de l’Église primitive. Ils ont exprimé la doctrine apostolique et ont vécu de manière exemplaire. En effet, ils sont « remarquables par la pureté de leur doctrine et de leur sainteté »[1]. Ils sont l'une des voix de la Tradition. Pour ces raisons, l’Église les considère de manière particulière.
Dans un sens plus large, il est devenu de plus en en plus courant d’attribuer ce titre à des auteurs chrétiens antiques qui ont contribué de manière significative au développement de la doctrine même si leurs œuvres peuvent présentent des erreurs, soit par l’imprécision de leur formulation, soit par de véritables déviations doctrinales. Certains d’entre eux sont devenus hérétiques ou des sources d’hérésie. Ils restent des références souvent utiles mais délicats à utiliser. Ils sont appelés écrivains ecclésiastiques.
Un « Père » est celui qui enseigne. « Ce n’est point pour vous donner de la confusion que j’écris ceci, mais je vous avertis comme mes fils très chers. Car eussiez-vous dix mille maître dans le Christ, vous n’avez cependant pas plusieurs pères ; puisque c’est moi qui, par l’Évangile, vous ai engendrés en Jésus-Christ » (I. Corinthiens, IV, 14-15). Le « fils » est celui qui reçoit l’enseignement. Dès les premiers siècles, des chrétiens en appellent aux « Pères » pour justifier de leur foi.
Les quatre pères de l'Eglise latine
(Jacob Jordaens)
Dans les premiers temps, la fonction d’enseigner dans l’Église était réservée à l’évêque et en particulier au Pape et aux Patriarches. Ainsi dans les premières controverses théologiques, des évêques sont cités comme « Pères » pour justifier la foi. Dans la crise arienne, Eusèbe de Césarée semble avoir utilisé pour la première fois l’expression « Pères de l’Église »[2]. Leurs œuvres sont reconnues comme étant des témoins véridiques de la doctrine. L’argument patristique, c’est-à-dire fondé sur l’autorité des Pères de l’Église, a rapidement pris une importance particulière dans la formulation de la foi et dans la définition des dogmes. A partir du Ve siècle, le titre ne désigne pas seulement des évêques. Saint Augustin cite par exemple Saint Jérôme comme témoin de la tradition.
Les caractéristiques d’un Père de l’Église
Le titre de Père de l’Église est réservé à des maîtres d’une certaine période du christianisme. Généralement, ils se situent du Ier au VIIIe siècle. Les avis sont partagés sur les derniers Pères de l’Église. De manière unanime, Saint Isidore de Séville et Saint Jean Damascène en sont les derniers. Saint Bède le Vénérable et Saint Bernard reçoivent  parfois ce titre.
Les Pères de l’Église sont tous des écrivains. Leurs œuvres s’inscrivent dans un contexte particulier. Ils ont en effet la particularité d’avoir vécu avant que l’Orient et l’Occident ne se séparent pour des siècles dans le schisme (1054). Il est devenu classique de les regrouper selon leur langue. Ainsi, les Pères sont dits latins ou grecs, voire syriaques.
Les Pères de l’Église sont reconnus comme des maîtres approuvés par l’ensemble des communautés chrétiennes orientales et occidentales en communion de foi. Leur enseignement a été approuvé par l’Église au moins sous la forme d’un recours officiel à leur témoignage. De manière directe ou indirecte, ils ont œuvré dans des conciles régionaux ou œcuméniques qui ont défini les formules de foi, ont éclairé et confirmé la doctrine de l’Église, l’ont défendue contre les hérésies. Ils ont ainsi contribué de manière importante à l’élaboration et au développement de la doctrine de l’Église.
Enfin, les Pères de l’Église ne sont pas simplement des docteurs de la foi. L’Église considère certains d'entre eux comme des modèles de sainteté. Ils ont atteint un niveau de spiritualité parfois considérable. Deux d’entre eux, Saint Basile de Césarée et Saint Augustin, ont élaboré des règles de vie pour la vie monastique qui ont fait et font encore autorité dans l’Église. Certains demeurent des modèles de vie mystiques.
Ainsi au sens strict, les Pères de l’Église se définissent par quatre notes : 
  • leur antiquité ;
  • l’orthodoxie de leur doctrine ;
  • l’approbation universelle de l’Église ;
  • leur sainteté

Ils sont reconnus comme étant des « Pères », c’est-à-dire des maîtres incontestés et approuvés de l’enseignement de la foi.
Sentiment unanime des Pères de l’Église, source de la Tradition
Mais la voix d’un Père de l’Église ne constitue pas un élément suffisant pour garantir une règle de foi. C’est bien « l’accord unanime des Pères dans les vérités éternelles » qui constitue « un critère de la Tradition divine »[3]. Nous devons par exemple interpréter la Sainte Écriture conformément au sentiment unanime des Pères. C’est bien cette unanimité qui garantit que les Pères de l’Église au sens strict sont des sources de la Tradition.

Selon Saint Augustin, « il faut peser leurs voix et non les compter »[4]. Ce sont des chaînons dans la transmission de la doctrine mais n’en constituent pas la fin. Un Père de l’Église n’est ni inspiré ni exempt d’erreurs. Dans les polémiques, il peut parler « sans précaution », sans la rigueur et la prudence exigées. Il est donc nécessaire de l’interpréter selon le contexte dans lequel s’inscrivent ses ouvrages. Certains Pères comme Saint Augustin n’ont pas hésité à se rectifier et à modifier leurs positions au cours du temps. Ainsi est-il important de prendre en compte la totalité de leurs œuvres pour connaître leurs pensées afin de bien apprécier leur enseignement.

Depuis au moins le XVIIIe siècle, les Pères de l’Église ont été répartis selon leur rôle ou leur époque. Certains ont été témoins ou acteurs de la naissance et du développement des églises quand d’autres les ont affermies et consolidées ou reconstruites. Certains ont vécu leur foi dans un milieu indifférent ou hostile, voire dans une ère de persécution quand d’autres n’ont connu qu’un terrain déjà chrétien. Selon la période dans laquelle ils ont vécu et selon leur rôle, il est devenu classique de les regrouper selon des titres particuliers : 

  • les Pères apostoliques ;
  • les Pères apologistes ;
  • les Pères dogmatiques.
Les Pères apostoliques
Sont appelés Pères apostoliques ceux qui ont reçu directement des Apôtres ou de leurs disciples immédiats les enseignements qu’ils nous ont transmis. Ils ont vécu pendant les deux premiers siècles du christianisme. Leur haute antiquité leur donne une importance considérable.
Ils sont surtout préoccupés de former les premiers chrétiens. Ils s’adressent en effet uniquement aux fidèles. Dans leurs œuvres, très peu nombreuses, ils apportent un témoignage précieux de l’Église naissante, sur ses préoccupations, sa doctrine et sa piété. Nous pouvons citer Saint Ignace (v. 35 - 107 ou 113), évêque d’Antioche et Saint Clément (mort vers 99), troisième Pape, l’auteur anonyme de la Didaché ou appelé plus précisément Doctrine des douze Apôtres, Hermas, Saint Polycarpe (vers 69 -155), évêque d’Éphèse.
Les Pères apologistes
Les Pères apologistes désignent les Pères dont les écrits ont répondu aux injustices des lois romaines et aux attaques des philosophes et des gnostiques. Leurs œuvres décrivent les périls extérieurs et intérieurs que connaît l’Église naissante dans un empire hostile. Ils sont évêques, prêtres, laïcs.
Certains Apologistes défendent les fidèles contre les crimes que les païens leur imputent injustement, s’efforcent d’obtenir la tolérance et l’équitable application des lois et montrent que le christianisme mérite l’attention, le respect, l’adhésion des esprits réfléchis. Ils exposent les principaux points de la doctrine, de la morale et du culte chrétien.

D’autres Apologistes, des évêques, défendent les éléments doctrinaux face aux hérésies et à toutes sortes de déviations doctrinales. Ils affirment la valeur de l’enseignement traditionnel et réfutent tout élément étranger. Isolés ou groupés en école, ils élaborent les premières synthèses du christianisme. La doctrine chrétienne s’affirme face aux systèmes philosophiques et gnostiques. Ce sont les premiers véritables théologiens.
Exemples : Saint Aristide d'Athènes (mort v. 134), Saint Justin de Naplouse (mort v. 165), Tatien le Syrien (né entre 110 et 120), Athénagore  d'Athènes (133 - 190), Théophile (mort en 183 ou 185), évêque d’Antioche, Méliton, évêque de Sardes, l’auteur de la Lettre à Diognète, Saint Irénée de Lyon (v. 130-202), Tertullien (160 - 220), Saint Cyprien (v. 200-258), évêque de Carthage, Saint Clément d’Alexandrie (v. 150 - v. 220), Origène (182 - 254), etc.
Saint Athanase et Saint Cyrille de Jérusalem
(1561, BNF)
Les Pères dogmatiques
Les Pères dogmatiques regroupent les Pères qui à partir de la liberté accordée à l’Église exposent la doctrine chrétienne et la défendent contre les païens, les hérétiques et les schismatiques. Ils œuvrent donc dans un contexte généralement favorable. Ils élaborent les premières véritables synthèses et rédigent les premiers essais théologiques de la doctrine chrétienne. Ils vivent à une époque reconnue comme étant l’âge d’or de la patristique.

Les principaux sont :
  •   de langue grecque : Saint Athanase (296-373), archevêque d’Alexandrie, Saint Basile (329-379), évêque de Césarée, Saint Grégoire (329-389), évêque de Nazianze, Saint Grégoire (335-394), évêque de Nysse, Saint Jean Chrysostome (347-407), archevêque de Constantinople, Saint Éphrem (306-373), etc. ;
  • de langue latine : Saint Ambroise (340-397), archevêque de Milan, Saint Jérôme (346-420), prêtre, Saint Augustin (358-430), évêque d’Hippone, Saint Grégoire le Grand (543-604), pape, Saint Hilaire (300-368), évêque de Poitiers, Saint Isidore (vers 560 et 570, mort en 636), évêque de Séville, etc.

Les Docteurs de l’Église
Saint Thomas d'Aquin,
le docteur angélique
L’Église a publiquement décerné le titre de Docteurs de l’Église à des théologiens à cause de leur science éminente de la doctrine. Ils sont ainsi reconnus comme étant qualifiés par leur savoir orthodoxe et par leur sainteté pour nous instruire sur la foi. Le nom de Docteur n’est pas simplement un titre d’honneur qu’attribue l’Église. Mais certains n'étant pas des Pères de l’Église, ils ne peuvent pas être considérés comme des témoins de la Tradition.
Contrairement au titre de Pères de l’Église, l’Église confère de manière officielle et publique le titre de Docteurs de la foi. Les premières nominations datent de 1295 sous le pontificat de Boniface VIII. Le pape décerne ce titre à quatre auteurs latins : Saint Ambroise, Saint Jérôme, Saint Augustin et Saint Grégoire le Grand. En 1568, Saint Pie V l’attribue à quatre auteurs grecs : Saint Athanase, Saint Basile de Césarée, Saint Grégoire de Nazianze et Saint Jean Chrysostome.

Les principaux Docteurs de l’Église sont : Saint Cyrille (315-386), patriarche d’Alexandrie, Saint Cyrille (376-444), patriarche de Jérusalem, Saint Léon le Grand (mort en 461), pape, Saint Pierre Chrysologue (mort en 452), archevêque de Ravenne , Saint Isidore (570-636), archevêque de Séville, Saint Jean Damascène (676-754), Saint Pierre Damien (968-1072), évêque d’Ostie, Saint Anselme (1033-1109), archevêque de Cantorbéry, Saint Bonaventure (1221-1274), religieux franciscain, évêque d’Albiano, Saint Thomas d’Aquin (1225-1274), religieux dominicain, Saint François de Sales (1567-1622), évêque de Genève, Saint Alphonse de Liguori (1696-1787), évêque de Sainte-Agathe-des-Goths, etc.



Références
[1] Chanoine E. Marcel, Dictionnaire de culture religieuse et catéchistique, Imprimerie Jacques et Demontrond, 1938.
[2] Voir Sébastien Morlet, Christianisme et Philosophie, chapitre I, Le Livre de Poche, 2014.
[3] Mg Bernard Bartmann, Précis de Théologie dogmatique, introduction, chapitre II, §6, II, éditions Salvator, 1944.
[4] Saint Augustin, Contre Julien, II, 35.

[5] Saint Paul est aussi appelé Apôtre des Nations, le terme de "nation" étant équivalent à "gentil", qui désigne le non-Juif.