" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 23 juillet 2021

Un jeu qui va nous coûter cher : l'exemple du "pass-sanitaire" ...

Nous avons souvent cherché à ne pas nous impliquer dans les polémiques éphémères de notre temps, parfois bien inutiles et voués à l’échec, plus propres aussi à répondre à nos émotions qu’à nourrir l’intelligence. Nous avons ainsi évité les luttes du moment pour nous préoccuper du véritable combat, plus soucieux de l’essentiel. Le temps est suffisamment compté pour nous intéresser aux véritables questions, aux véritables enjeux. Et nous savons aussi que d’autres, plus habiles et compétents que nous, sont à même d’entrer dans l’arène pour mener une lutte efficace contre les erreurs du moment.

Mais pouvons-nous nous taire :quand nous sommes témoins de tant de mensonges et de perfidies qui divisent et sèment la discorde, quand nous sommes accablés par tant d’erreurs et d’hypocrisie qui méprisent les intelligences et abaissent le bon sens, quand l’arrogance se mêle à l’incompétence avec une telle inconvenance au point de faire naître la colère et la violence ?

Depuis mars 2020, nous subissons les décisions arbitraires et incohérentes d’un pouvoir qui nous surprend par ses improvisations et ses contradictions, ses audaces et ses reculades. Avec une régularité aussi étonnante, nous voyons le même processus agir. La crise est en effet révélatrice. Tout commence par un discours d’un président sûr de lui-même, un discours aux formules détonantes, au ton alarmiste. Les principes et les détails se mêlent dans une longueur parfois insupportable. Nous découvrons à notre stupéfaction que notre vie va être bouleversée en très peu de temps. Le discours nous impose de nous mettre devant nos responsabilités et  nous impose une solution simple : le suivre ou périr. En clair, tout dépend de notre civisme… Après la stupéfaction, la colère…

Nous ne sommes souvent guère préparés à ces décisions si tranchées et pourtant si bouleversantes au sens propre du terme. Pire encore. Les paroles heurtent d’autres. Un discours précédent, aussi affirmatif et clair, avait pourtant dit clairement le contraire devant des Français et les caméras. Paroles insouciantes, paroles peu de valeur. Une fois, deux fois, … Si la situation évolue souvent sans nous surprendre, elle ne peut justifier tant de volte-face. La parole scientifique, toujours probable et restreinte par nature, ne peut non plus justifier une parole aussi incertaine et contradictoire. S’il est plaisant à un chef de plaire à ses interlocuteurs ou de s’abriter derrière des experts, nous savons que des décisions et des choix contradictoires sur des points essentiels abîment la confiance et éloignent le chef rapidement de ses troupes. Il peut encore se croire le chef mais ses hommes l’ont abandonné en esprit et la guerre venue, il sera définitivement délaissé…

Après un tel discours, mille questions traversent notre esprit. Comment allons-nous nous rendre au travail ? Comment nos enfants vont-ils poursuivre leurs études ? Comment allons-nous nous nourrir ? Des questions que nous ne nous posions plus depuis plusieurs générations. Un discours suffit pour remettre en cause subitement les actes les plus simples de notre vie quotidienne ou encore nos habitudes les plus ancrées. Nous sommes naturellement assaillies par de nombreuses questions auxquelles nous voulons rapidement des réponses concrètes puisque notre existence concrète est remise en cause. Point de palabres mais des solutions. Mais une décision si conséquente suppose une préparation. En guerre, un ordre émane d’une réflexion et s’appuie sur une stratégie, des moyens, une tactique…

Les mesures tardent à venir. Mais rapidement, la décision nous paraît improvisée. Elle nous semble être une réaction face à un événement, à des chiffres, à des alarmes, à des émotions. Comme nous l’avons appris de source sûre, la parole du chef peut aussi surprendre le gouvernement lui-même, qui de manière précipitée doit alors réagir et élaborer un projet de loi dans la précipitation. Le confinement, quand l’a-t-il su ? Quelques heures avant l’annonce ? Quel chef oserait donner des ordres à une armée de milliers d’hommes sans prévoir les modalités d’exécution ? Les heures sont longues dans le cabinet, les nuits courtes. Et pendant ce temps, la population s’inquiète. Les questions se multiplient. L’angoisse monte

Enfin, le projet de loi est publié, parfois dans des détails qui frisent le ridicule. Il devient force de loi. Volontaires et civiques, nous essayons alors d’appliquer les mesures dans notre vie quotidienne. Mais il nous faut peu de temps pour y déceler des incohérences et contradictions, voire des stupidités. Dans l’actuel projet, le gouvernement refuse de préciser ce qu’il entend par « transport sur longue distance » mais impose aux personnes atteintes du virus de les isoler et de leur autoriser une sortie entre 10h et 12h ! Des voix porteuses d’incompréhension s’élèvent alors pour les dénoncer. Le gouvernement se raidit, affermit sa position et les rejette. Les protestations augmentent, souvent par catégorie professionnelle ou communauté d’intérêts. Mais peu à peu, cette résistance s’effrite. Le gouvernement finit par alléger des mesures au point de les vider de toute substance et d’accroître l’incohérence au risque de s’opposer à l’intention du projet. Le but est de défendre le texte. Après de vives réclamations, les restaurateurs ne contrôleront pas finalement l’identité des porteurs de pass-sanitaire, alors ce contrôle est supprimé au moment même où des faux circulent. Qui est dupe de cette mascarade ? Mais, le pouvoir a réussi à les contenter…

Pourtant, le gouvernement, est sûr de lui. Tout est bon pour montrer la pertinence et l’efficacité des mesures. Mais, nous avons appris à nous méfier des mots et des chiffres tant l’esprit est habile à les manipuler pour répondre à des desseins souvent peu avouables. Le mensonge est évident. La dialectique est puissante pour faire avaler l’inconcevable. Que les sages grecs avaient raison ! La démagogie étale toute son efficacité…

Revenons à l’assemblée nationale à la lecture du projet de loi. Les amendements se suivent et se succèdent pour supprimer des articles ou les rendre plus souples, plus applicables. Inflexible, soutenu par une majorité silencieuse et soumise, ils sont les uns après les autres rejetés. La majorité sait qu’elle est toute puissante. Et comme elle est majoritaire, elle est convaincue qu’elle a raison. Les élections sont derrière elle. Les prochaines sont encore loin. Dans un moment de faiblesse, un amendement réussit à passer mais ressaisie, la majorité parvient finalement à le rejeter en fin de séance. Assistant à ce nouveau jeu, où la fonction de chacun se vide, nous ne pouvons qu’être indignés. Pourtant, que de paroles sages, que de réalisme chez certains députés pour essayer de rendre des mesures applicables. Ils sont à l’écoute de leur administré. Mais à la fin, opposants ou non, le discrédit tombera sur tous

Le projet devient loi si le conseil constitutionnel parvient à le valider. Et en dépit des bonnes intentions et d’une parole toujours inflexible, le réal dicte pourtant sa loi. Nous constatons peu à peu que les mesures tant défendues et élaborées dans un cabinet ne sont finalement guère appliquées, ou plutôt elles sont appliquées par ceux qui le veulent, de moins en moins nombreux, au fur et à mesure que les contrôles se relâchent, les contrôleurs eux-mêmes peu convaincus. La peur de l’amende s’estompe. Les zones de non-droit se multiplient. Le pouvoir se complaît de la désobéissance passive, du silence apparent…

Mais le processus se poursuit. Des citoyens ont l’audace d’appeler au gardien du temple pour faire cesser des injustices. Le conseil constitutionnel finit par annuler des mesures. Le mécontentement s’élève, souvent par communauté d’intérêt. Les uns sont écoutés, les autres rejetés. La loi se vide ainsi encore plus de sa substance. Il suffit de crier tout en étant moralement correct …

Et l’épidémie finit par cesser. Les chiffres baissent, les lits se vident. Le pouvoir politique se relâche. La pression diminue. Et dans une insouciance bien compréhensible, tous oublient le proche passé sans imaginer qu’il n’est qu’une pause. Au-delà des frontières, le mal est encore présent, plus virulent. Mais qui s’inquiète de ce qu’il se passe au loin. Cela ne nous regarde pas. Et comme aux premiers jours, nous refusons de comprendre que le mal nous touchera. La tempête reviendra…

Si nous n’ignorons pas la complexité de la situation qui rend toute décision difficile, la crise met en valeur un processus souvent joué par le pouvoir :

  • une décision arbitraire non préparée, souvent perçue comme une solution improvisée, une réaction souvent disproportionné à un événement, refusant de dire clairement les intentions réelles, n’hésitant pas à contredire d’autres paroles aussi affirmatives ;
  • un projet de loi hâtivement élaborée, peu réaliste et incohérent, sûre d’aboutir en raison d’une majorité de députés soumis ;
  • des mesures progressivement vidées de leur substance à force de répondre aux mécontentements, souvent soutenus par une communauté d’intérêt ;
  • des mesures peu suivies en raison d’une applicabilité limitée, peu adaptée à la réalité et à la diversité des circonstances.

Que de tartufferie et de faux-semblants ! Et pourtant, l’enjeu est de taille : la résolution d’une épidémie. Le processus que révèle la crise actuelle n’est non plus sans conséquence à moyen terme. Il accentue le discrédit des autorités politiques, divise la population, nourrit la colère, y compris chez les plus sages et les plus prudents, les plus dociles. La colère gronde aussi chez ceux qui doivent protéger le pouvoir et assurer la sécurité de la nation. Sommes-nous conscients de la situation de plus en plus instable et dangereuse en raison d’un pouvoir qui réagit aux événements au lieu de traiter les problèmes ? … Nous craignons le pire...

 

 

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