Vierge de Miséricorde, Enguerrand Quarton,
retable Cadard, vers 1444, musée Condé.
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Rappelons qu’au début du XVe
siècle, Benoît XIII occupe le siège d’Avignon alors que Grégoire XII dirige une
partie de l’Église à partir de Rome. Alors que les royaumes de France,
d’Écosse, de Castille, d’Aragon soutiennent le « pape d’Avignon », le « pape de Rome » peut compter principalement sur le Saint Empire
Germanique, l’Angleterre, la Scandinavie, le Portugal. Les positions des rois
et des princes s’expliquent en partie par des considérations politiques.
Mais la Chrétienté est aussi déchirée par des intrigues et des conflits
entre les royaumes et au sein des États. C’est le temps de la guerre de Cent
ans (1337-1453), des luttes entre les Armagnacs et les Bourguignons, de
l’entreprise italienne des ducs d’Orléans. On garde encore le souvenir des terribles pestes noires (1347-1352) et des épidémies qui ont dépeuplé l’Europe. Pouvons-nous
imaginer l’état d’esprit des fidèles
à cette époque ?
De la soustraction
d’obédience au Pape Benoît XIII à la neutralité
Bulletins de vote de la soustraction d'obédience |
Cependant, la soustraction d’obédience soulève des difficultés au sein du clergé
français. Certes, à première vue, elle lui apporterait de nombreux
avantages. Elle donnerait une très grande liberté aux évêques et clercs, en
particulier dans le choix des bénéficiaires. Elle devrait aussi leur procurer
une grande richesse puisque les taxes et impôts en tout genre ne seraient
désormais prélevés qu’à leur profit. Mais c’est oublier le pouvoir temporel,
encore bien plus intéressé par une telle indépendance du clergé. Car rapidement
les princes et les seigneurs
interviennent pour imposer leur choix dans les élections des évêques et des
abbés. Au niveau financier, dès mars 1399, si un décret supprime toutes les
contributions financières levées au profit du Saint-Siège, il demande au clergé
de fournir au roi et aux princes quelques subsides financiers pour répondre aux
grandes dépenses qu’ils ont engagés pour rechercher l’union. Une décime est
ainsi levée au profit du royaume. Certains évêques résistent aux empiétements
du pouvoir séculier mais ils sont bien peu nombreux et trop faibles pour
résister. Ainsi se vérifie dans le royaume de France « durant les années 1398 à 1403, la loi
générale qui veut qu'aucune église ne puisse s'affranchir de l'autorité du pape
sans retomber sous le joug de l'autorité laïque. »[4] Le clergé français se retrouve rapidement
dans la situation qu'il a connue avant la réforme grégorienne…
Mais cette situation profite
à Benoît XIII. Enfermé dans son palais, il voit son prestige grandir, surtout
lorsqu’il parvient à s’évader de son palais pour se mettre sous la protection
de Louis II d’Anjou. En outre, avec la soustraction d’obédience, le « pape de Rome » s’est aussi affermi sans
que l’union ne progresse. Enfin, la situation divise aussi la cour royale du
royaume de France.
La
solution française s’avère donc un échec. Amoindri, le Sacré Collège
d’Avignon et le Comtat Venaissin finissent par se soumettre à Benoît XIII. Des
royaumes, comme celui de Castille, lui restituent son obédience. Le 28 mai
1403, sur demande d’une majorité de prélats et de clercs, et d’Universités, et
appuyé par son frère Louis d’Orléans, et forts de nouvelles promesses de Benoît
XIII favorables à l’union, le roi
Charles VI décide de lui restituer l’obédience. Dans
une bulle, le « pape d’Avignon »
se déclare en effet prêt à abdiquer si son adversaire abdique lui-même ou vient
à mourir, ou à être déposé afin qu’un nouveau pape puisse être élu. Il promet
aussi de revenir sur la réforme et les libertés de l’Église, sur les taxes et
autres charges qui pèsent sur le clergé français. Qui peut encore le
croire ?
L’obstination de Benoît XIII
Des négociations sont alors entamées
entre Rome et Avignon à la recherche de compromis mais comme les précédentes, elles
n’aboutissent pas. Pire encore. Lorsque Boniface VIII meurt le 1er octobre 1404, Benoît XIII n’abdique pas. Au contraire, profitant des faiblesses
du nouveau « pape de Rome »
et d’un mouvement favorable à sa cause, notamment en Italie, il feint des
négociations avec Innocent VIII puis sous prétexte de leurs échecs, il décide
de reprendre les armes pour s’emparer de Rome. « Voie de cession, voie de concile et voie de compromis, voie de
convention même, si longtemps préconisée par Benoît XIII, étaient abandonnées
le pape d'Avignon revenait à celle qui avait toujours eu ses secrètes
préférences, la « voie de fait, » en d'autres termes, l'emploi de la force, le
recours aux armes. »[5] Mais de
nouveau, les armes sont impuissantes à résoudre la crise. Qui peut encore s’illusionner sur son désir d’union ? …
En 1406, devant l’attitude désolante
de Benoît XIII, un nouveau « concile
national » s’ouvre à Paris à la demande de Charles VI. Le plus grand
nombre des prélats demande une
soustraction d’obédience particulière, c’est-à-dire le refus au pape de
pourvoir aux bénéfices et de prélever des taxes, tout en lui reconnaissant le
pouvoir de gouverner les âmes. Il réclame aussi la mise en place de réformes
pour défendre les privilèges du clergé français. Néanmoins, en janvier 1407, l’Université de Paris retire au pape
l’obédience et demande au roi de faire de même, le jugeant hérétique et
parjure, cessant ainsi d’être pape...
Le devoir de neutralité
Retable de Cinctorres (XVe siècle) st Pierre sous les traits de l'antipape Benoît XIII |
Plus tard, constatant
l’échec de toute tentative d’union de la part des deux « papes », le roi de France publie
deux édits qui affermissent de nouveau sa position et menace de prendre de
nouvelles sanctions. Dans celle du 26 janvier 1408, le terme de « neutralité » est employé. Il défend
en effet de n’obéir à aucun des deux « papes »
sous peine de perdre corps et biens. Benoît XIII lui répond par des menaces
d’excommunication qui soulèvent un vent de colère à la cour royal. Le 25 mai 1408, le roi de France adopte
finalement la neutralité à l’égard des deux « papes » avec le plein assentiment des provinces
ecclésiastiques réunis dans un nouveau concile national ainsi que des
Universités françaises. L’exemple est suivi par d’autres royaumes.
Puis, en août 1408, le roi
de France convoque un nouveau concile à Paris. Celui-ci approuve sa position à
l’égard de Benoît XIII et prend à son tour des sanctions contre lui et ses
partisans, en particulier la confiscation des bénéfices. Il définit également
une organisation au sein du clergé de France de façon à suppléer l’absence d’autorité pontificale et à renforcer son autonomie. C’est à cette occasion que le rôle de
primats, tenu par certains archevêques comme Lyon et Rouen, titre alors
purement honorifique, est confirmé et prend de l’importance. Il devient un
degré supplémentaire dans la hiérarchie entre le Pape et les métropolitains[6].
Devant l’attitude de leur
pape et en raison de leur engagement pris lors du conclave qui l’a élu, neuf
cardinaux romains[8]
quittent « le pape de Rome »
Grégoire XII pour la ville de Livourne. Ils veulent désormais travailler avec
des cardinaux d’Avignon pour rétablir l’union. À leur appel, six cardinaux de
Benoît XIII les rejoignent. Puis, en octobre 1408, le groupe réunit dix-neuf
cardinaux. Les cardinaux des deux obédiences réunis à Livourne déclarent qu’en
raison de la négligence des deux prétendants, il leur est de leur devoir de convoquer un concile général pour rétablir l’unité religieuse. Les
deux « papes » sont invités
à s’y présenter en personne et à abdiquer. En cas de refus, ils seront déposés.
Un concile est ainsi
convoqué à Pise le 25 mars 1409. Mais, prenant les devants, les deux « papes » ont déjà convoqué des
conciles, Benoît XIII à Perpignan[9]
(septembre 1408) et Grégoire XII à Cividale dans le Frioul en Italie (juin
1409), concile ensuite transféré à Rome (août 1409). Ce sont des conciles à
leur image, c’est-à-dire restreints à leur obédience et donc bien peu
universels …
Frappés par l’attitude
désolante de Grégoire XII ou las des faux-fuyants de Benoît XIII, ou sous
l’influence du roi de France favorable au « concile de Pise », de nombreux rois et princes décident de le
soutenir et de s’y associer. Néanmoins, certains refusent d’y participer comme
le roi des Romains Robert ou le roi de Hongrie Sigismond restés fidèles au
« pape de Rome », ou encore
les rois de Castille et d’Écosse résolus à suivre le « pape d’Avignon ». Certains d’entre
eux ne reconnaîtront alors aucune valeur aux actes décrétés par cette assemblée.
Ainsi à la veille du « concile de Pise », la Chrétienté
demeure profondément divisée. « Il
était sûr que les papes, sans lesquels et même contre lesquels on prétendait
agir à Pise, conserveraient, chacun de son côté, un nombre important de
partisans. »[10]
Le concile de Pise,
l’élection d’un « pape certain » contre les « papes
douteux »
En dépit des protestations
des deux « papes », le « concile de Pise » s’ouvre dans la
cathédrale de Pise le 25 mars et s’achèvera le 7 août 1409. Au moment où les
membres sont les plus nombreux, il réunit vingt-quatre cardinaux, venant des
deux obédiences, quatre patriarches, quatre-vingts évêques, les procureurs de
cent deux évêques absents, quatre-vingt-sept abbés, généraux des quatre Ordres
mendiants, les députés de nombreuses universités, sans oublier plus de trois
cents docteurs et enfin les ambassadeurs de nombreux rois, princes et
républiques de l’Occident. Noël Valois souligne une forte unanimité des membres du concile. L’assemblée se déroule en
trois parties.
Lors de la première, les
partisans de la voie conciliaire défendent la légalité et la légitimité du
« concile ». Sa convocation soulève en effet une
difficulté juridique puisqu’il n’a pas été convoqué par aucun pape. Ce sont
bien des cardinaux révoltés qui l’’ont convoqué ! En outre, il est bien
contradictoire de ne pas reconnaître la légitimité d’Urbain VI et de Clément
VII quand des cardinaux qu’ils ont eux-mêmes nommés sont reconnus légitimes ! Il faut attendre la huitième session, le 10 mai, pour que l’union des
deux collèges des cardinaux soit déclarée légitime et canonique ainsi que la
légalité du concile. Il est notamment déclaré qu’il représente bien l’Église universelle, et que, par conséquent, étant le juge le plus élevé sur la terre,
il a droit de décider sur les deux « papes ».
La deuxième partie du
concile se réduit à un procès. En
effet, « le concile se borna
longtemps à faire office de cour de justice. »[11] Après
de nombreux témoignages et discours, les
deux « papes » sont
convaincus d’être des schismatiques et des hérétiques, notoires et endurcis,
coupables de nombreux crimes. Ce jugement est essentiel pour le concile. Sans
cette accusation, il lui est bien difficile de les déposer avec une apparence
de légalité. Le concile « prononce,
décide, détermine et déclare que lesdits Angelo Correr et Père de Luna […] ont
été et sont, chacun d’eux, schismatiques notoires, qu’ils ont nourri un vieux
schisme, l’ont prolongé, excité, approuvé et soutenu avec entêtement, et qu’ils
sont hérétiques notoires, qu’ils s’écartent de la foi, s’enlisent dans des
crimes énormes et notoires de parjures et de faux serment, qu’ils scandalisent
notoirement la sainte et universelle Église de Dieu, en se montrant de façon
notoire, évidente et manifeste incorrigibles, contumaces et entêtés. »[12]
Le
concile dépose ensuite les deux « papes »,
puis les destitue de toute dignité ecclésiastique et enfin les exclut de
l’Église. Les fidèles sont aussi déliés de toute obligation d’obéissance à leur
égard. Le Siège apostolique est alors déclaré
vacant. Il est alors possible de procéder à une nouvelle élection…
La troisième partie consiste
à élire un nouveau pape. Le 26 juin,
le cardinal de Milan, Pierre Philarghi, franciscain, est élu à l’unanimité des
cardinaux présents au concile et intronisé à la cathédrale de Pise sous le nom
d’Alexandre V.
Le concile de Pise, un
remède pire que le mal
Or
Grégoire XII et Benoît XIII ne se démettent pas. Qui
aurait pu s’en doute ? Certains royaumes n’abandonnent pas leur pape. La
Castille, l’Aragon et l’Écosse soutiennent encore le « pape d’Avignon », qui peut aussi
compter en France sur le soutien des Armagnac, alors que des États italiens et
une partie de l’Allemagne demeurent sous l’obédience de Grégoire XII. Ainsi, l’Église
n’a plus désormais deux prétendants au trône pontifical mais trois !
Avec le soutien des troupes
françaises et de la ville de Florence, les États de l’Église se soumettent au
nouveau « pape » Alexandre
V. Celui-ci peut alors entrer en triomphe à Rome et en devenir le maître.
Néanmoins, la guerre se poursuit en Italie. Il prêche une croisade contre ses
ennemis, soulevant par ailleurs la révolte de Jean Hus en Bohême. En dépit de
ses victoires, le « pape de Pise »
est en fait dans une situation difficile. Certes, une grande partie de la
Chrétienté le reconnaît comme seul et unique pape mais la légitimité du « concile de Pise » et donc son
élection présentent de véritables
difficultés au niveau juridique. Le « concile » ne peut guère prétendre à une certaine universalité
puisqu’il s’est réuni contre l’assentiment des deux « papes » et de leurs partisans. Et un concile a-t-il le droit
de déposer deux « papes douteux »
pour en élire un « pape certain » ?
A-t-il surtout le droit de les déclarer schismatiques et hérétiques ? En
outre, contrairement aux aspirations, le
« concile de Pise » n’a pas
cherché à mener de réelles réformes, ce qui génère déception et
mécontentement. En outre, le « pape de Pise » n’a pas l’autorité
morale suffisante pour s’imposer. Après dix mois de règne seulement,
Alexandre V meurt. Le cardinal de Cossa lui succède sur le trône pontifical
sous le nom de Jean XXIII. Ses
vertus ne seront pas à la hauteur des événements…
Certes, Alexandre V a
abandonné certaines prérogatives pontificales concernant des taxes et des
impôts tout en maintenant d’autres à son profit. Il partage aussi le droit au
pourvoir aux bénéfices avec les évêques. Mais le 7 août 1409, il déclare la
réforme suspendue et congédie le « concile ».
Et prenant l’exemple de ses prédécesseurs, il lève encore des décimes sur tout
le clergé du royaume de France et dans le Saint Empire Germanique. Il invente
encore une nouvelle taxe, dite « dons
gratuits »[13], et
pourvoit sans scrupule à des bénéfices. Et de nombreux prélats du « concile de Pise » en
profitent ! L’évêque de Verden, Thierry de Nieheim (1340 ? - 1418),
parle d’une véritable chasse aux
bénéfices[14]…
Sur demande du « concile de Pise », Jean XXIII en
convoque un autre pour poursuivre les réformes. Il a lieu à Rome en 1412-1413
mais l’assemblée se montre très réduite, voire insignifiante, et doit
finalement être ajourné. Néanmoins, il a le temps de condamner des thèses de
Wyclif et de Jean Hus.
Finalement, non seulement
« la réforme annoncée au concile de
Pise ressemble fort à une mystification »[15], mais
l’élection d’un nouveau pape ne résout pas le grand schisme. « Rien de changé dans l’Église, si ce n’est un
Pape en plus. La réforme s’en est allée à peu près en fumée. »[16] L’« assemblée de Pise » est donc
non seulement un échec mais surtout désastreux…
La dernière phase du
Grand-Schisme : le concile de Constance
Sigismond de Luxembourg Albrecht Düre |
Le moment est aussi propice
pour Sigismond puisque, menacé par les troupes napolitaines, qui saccagent et
pillent Rome, Jean XXIII se rallie à lui.
En outre, relevant traditionnellement de l’obédience du « pape de Rome », il ne s’est pas
rallié au douteux « concile de Pise ».
Puis, divisé et amoindri par le conflit qui oppose les Armagnacs et les
Bourguignons, le roi de France ne peut guère défendre la solution qu’elle a
imposée à Pise. Enfin, le 4 septembre 1414, la paix d’Arras met un terme au
moins provisoirement, à la guerre entre l’Angleterre et la France. Le contexte est donc favorable pour que
Sigismond impose son autorité…
En octobre 1413, Sigismond obtient de Jean XXIII la
convocation d’un concile sur ses terres, à Constance, pour le 1er novembre 1414. Il définit quatre objectifs : la suppression du schisme,
l’extinction des hérésies, la réforme de l’Église dans son chef et dans ses
membres et enfin la réconciliation des Grecs. Il prie les trois « papes » de s’y rendre. Jean XXII
expédie les bulles de convocation le 9 décembre.
Le concile s’ouvre le 5 novembre
1414 dans la cathédrale de Constance. Jean XXIII est seul « pape » présent. Ses deux
adversaires sont néanmoins représentés. Le « pape de Pise » est confiant, fort de ses partisans et de son
argent qui coule à flot mais rapidement, il s’aperçoit de son erreur,
c’est-à-dire de sa position de faiblesse. Très tôt en effet, la solution de triple cession s’affirme
clairement : les trois « papes »
rivaux doivent abdiquer, la nécessité de l’union prévalant sur les questions de
légitimité.
Peu rassuré pour sa liberté
et sa sécurité, Jean XXIII s’enfuit de
Constance pour se mettre sous la protection du duc Frédéric d’Autriche. Il
n’est plus qu’un fugitif aux abois. Furieux, le concile ordonne aux « papes »
de lui obéir en tout ce qui concerne l’union et la réforme et déclare
punissable toute personne, y compris de conditions papales, qui refuseraient
d’obéir à ses décrets. Si un « pape »
refuse d’abdiquer ou ajourne son abdication pour contribuer à l’unité de
l’Église, il sera déchu de sa dignité pontificale et de ses droits. Mis au ban
de l’Empire et battu par les troupes impériales, le duc Frédéric d’Autriche
finit par livrer le malheureux Jean XXIII au concile. Il est arrêté et
emprisonné. Le concile le dépose du
trône pontificale. Il accepte la sanction et refuse de faire appel. Il sera
prisonnier en Allemagne pendant trois ans.
Après
que son légat ait de nouveau convoqué le concile de Constance en son nom,
Grégoire XII accepte d’abdiquer devant l’Empereur Sigismond
qui préside le concile. À la treizième session, le concile accepte la démission
de Grégoire XII et valide toutes les mesures qu’il a prises si elles sont
conformes aux canons ainsi que ses nominations de cardinaux. Reste désormais le
troisième « pape ».
Martin V (1417-1431) |
Après
la déposition de Benoît XIII le 26 juillet 1417, le siège pontifical est enfin
vacant. Il est désormais possible d’élire un nouveau pape. Reste
à déterminer le mode de l’élection. Après de rudes négociations, il sera élu
par une assemblée comprenant le Sacré-Collège,
constitué des cardinaux des différentes obédiences, et des représentants des nations[17] afin de
lui garantir une légitimité incontestable,
y compris devant les États. En la fête de Saint Martin, le 11 novembre 1417,
Odon Colonna est élu pape sous le nom de Martin V. Ainsi se termine la longue
et triste période du Grand Schisme…
Conclusion : quel pape
légitime finalement ?
La
question peut paraître présomptueuse puisqu’aucun texte officiel de l’Église ne
lui apporte une réponse claire. Des éléments semblent néanmoins nous donner de sérieux éléments de réponse. Des papes
ont pris le nom de Jean XXIII ou de Benoît XIII. Puis l’Église n’a pas reconnu
l’« assemblée de Pise »
comme un concile général. Mais revenons au concile de Constance. S’il ne
cherche pas à légitimer un pape et donc à condamner les autres d’intrus ou
d’antipape, ses décisions et le silence qui les couvre ne laissent guère de
doute pour celui qui veut entendre…
Le
concile de Constance condamne d’abord Jean XXII de nombreux crimes et le dépose
de la papauté, défendant « à tous
les chrétiens de donner désormais le nom de pape à celui qui a été ainsi déposé
de la papauté, ou de s’attacher à lui comme pape, ou de lui obéir de quelque
manière. »[18]
Le concile ne juge pas sur la légitimité de ce « pape ». Néanmoins en le déposant, il reconnaît qu’il est monté
sur le siège pontifical. Mais, il remet sérieusement en question la légitimité
du « concile de Pise ».
Cependant, il refuse d‘apporter un jugement sous prétexte que cette question
est aussi insoluble que celle soulevée par l’élection d’Urbain VI.
Vierge au manteau, 1417. |
Revenons
au cas de Grégoire XII. Avant de démissionner, celui-ci convoque le concile
qu’il considère comme « un concile
générale ». Ce même concile statue et ordonne que « tout ce que, en vertu de l’autorité
apostolique, […] celui que l’on
appelle Grégoire VII a canoniquement ou raisonnablement accompli, fait,
ordonné, concédé, accordé […] ne
peuvent être cassées, qu’on ne peut faire appel contre elles, qu’elles ne
peuvent pas être mises en doute pour raison ou sous prétexte de schisme ou
faute quelconque et inhabilité qui proviendraient de celui-ci »[21].
Rappelons surtout que le concile accepte sa démission, ce qui signifie
clairement qu’il était reconnu comme pape. En outre, comme le pape seul a droit de le faire, il convoque le concile,
pourtant déjà réuni, convocation que le concile ne récuse pas.
Notes et références
[2]
Dès le « concile national » de 1395, le clergé de France prévoit la
soustraction d’obédience en cas de refus de Benoît XIII. Il propose aussi la
réunion d’un concile général pour élire notamment un Pape si les deux
prétendants refusent d’abdiquer. Au deuxième concile tenu en 1396, le parti
modéré parvient à s’imposer.
[3]
17 cardinaux sur 22 adhèrent à l’acte de soustraction d’obédience.
[4]
Noël Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident,
tomes III, chap. III, VII.
[5]
Noël Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident,
tomes III, chap. III, VII.
[6]
Il est défini que les primats confirmeraient les archevêques, les sacraient et
connaîtraient des appels de leurs sentences.
[7]
Le « concile de Pise »
n’est pas reconnu par l’Église. Ainsi pour le désigner, on utilise les
guillemets ou l’expression « assemblée
de Pise ».
[8]
Le sacré collège de Rome est composé de quinze cardinaux dont quatre
nouvellement nommés par Grégoire XII en dépit de sa promesse.
[9]
Le concile a compté environ trois cents représentants de l’Église, provenant
essentiellement de Castille, d’Aragon et du Navarrais, avec quelques Lorrains
et Savoyards : 8 archevêques, 33 évêques, 83 abbés, 4 chefs d'ordres
religieux, 5 dignitaires d'ordres militaires, et des représentants d’une
dizaine d'évêques, une quarantaine d'abbés, d'autant de chapitres cathédraux,
de quatre Universités et d'environ quatre-vingts monastères.
[10]
Noël Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident,
tomes IV, chap. I, IV.
[11]
Noël Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident,
tomes IV, chap. I, V.
[12]
Gien Dominici Mansi, Sacrorum Conciliorum nova et amplissima
collectio, Venise, 1784 dans La question de la vérité dans la
résolution du Grand Schisme d’Occident (1378-1417), Hélène Millet, p.461-480,
éditions de la Sorbonne, books.openedition.org/psorbonne.
[13]
Notons que certaines de ces décimes, prévues pour la convocation d’un concile
de réforme, ont été détournées par le roi de France.
[14]
Thierry de Nieheim, De scismate. Il a travaillé successivement à la chancellerie pontificale
d’Urbain VI et de Boniface IX. Il est une source d’informations du Grand
Schisme. Il donne l’exemple des nouveaux archevêques de Bourges, de Reims,
évêques de Carcassonne, de Mende, de Coutances.
[15]
Noël Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident,
tomes IV, chap. II, IV.
[16]
Noël Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident,
tomes IV, chap. II, IV.
[17]
Le corps électoral est composé de vingt-trois cardinaux et trente délégués des
nations (Allemagne, Angleterre, Espagne, France, Italie). L’élu doit emporter
les deux-tiers du suffrage dans le sacré collège mais aussi dans chaque nation.
Le but est de sauvegarder la tradition (vote par le sacré-collège) et de
garantir à l’élu l’adhésion des nations (vote par chaque nation).
[18]
Concile de Constance, 12e session, 29 mai 1415, Mansi, XXVII, 715, E-716
C, dans Constance et Bâle-Florence, Joseph Gill, S. J., Textes, IV Déposition
du Pape Jean XXIII.
[19]
Concile de Constance 37e session, 26 juillet 1417, Mansi,
XXVII, 1141 B-1142 A dans Constance et Bâle-Florence, Joseph
Gill, S. J., Textes, VIII, Déposition de Benoît XIII.
[20]
Concile de Constance 37e session, 26 juillet 1417, Mansi,
XXVII, 1141 B-1142 A dans Constance et Bâle-Florence, Joseph
Gill, S. J., Textes, VIII, Déposition de Benoît XIII.
[21]
Concile de Constance 14e session, 4 juillet 1415, Mansi,
XXVII, 734 dans Constance et Bâle-Florence, Joseph Gill, S. J., Textes, VIII, Déposition
de Benoît XIII.
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