Deux
"papes" [15] s’affrontent depuis 1378. Urbain VI est à Rome
alors que Clément V est installé à Avignon. Sûrs de leurs droits et forts de
leurs élections, ils dirigent chacun l’Église ou du moins une partie qui se
réclame d’eux. La Chrétienté est ainsi séparée entre deux obédiences. Les
royaumes choisissent leur camp selon leurs convictions et leurs intérêts
politiques. Cette division touche aussi le clergé, les ordres religieux, les
familles. De nombreux chrétiens hésitent et ne savent que faire devant cette
situation. Prudents, certains ne prennent aucune position, espérant à une
fin rapide de la crise. La démission à plus ou moins brève échéance, voire la mort, d’un
des deux "papes" suffirait à la résoudre et à ramener la paix dans les âmes et dans les esprits. Vain espoir. Ils s’obstinent.
Car l’un d’eux vient à mourir, et il est aussitôt remplacé. Les cardinaux de chaque obédience se réunissent et
élisent un nouveau "pape", perdurant ainsi le schisme…
Conscients
de la crise et de ses conséquences, des chrétiens veulent faire cesser le schisme.
Les rois et les princes ne sont pas non plus indifférents. Certes, ils en profitent
pour affermir leur propre autorité dans leur clergé ou pour étendre leurs
privilèges dans leur domaine. En échange d’un service, ils obtiennent des "papes" qu'ils soutiennent quelques faveurs financières.
Mais cette situation présente aussi pour eux des inconvénients, et comme tout fidèle, ils peuvent
être réellement scandalisés de l'état de l'Église.
Quelle
légitimité ?
Urbain VI |
Rappelons
l’origine de la crise que nous avons longuement développée dans l’article
précédent. Tout commence par l’élection d’Urbain VI [1] qui se déroule à Rome dans des
conditions tumultueuses, élection que remettent en cause des cardinaux en raison
de ce contexte. Ces derniers élisent alors un autre "pape" qui prend le nom de Clément VII. Chaque État, chaque prélat, chaque communauté, chaque fidèle doivent alors choisir entre l'un des deux.
Selon
les « clémentistes »,
partisans de Clément VII, dit « pape
d’Avignon », les cardinaux n’auraient pas été suffisamment libres dans
le choix tant ils étaient terrorisés. Ils refusent alors la validation de
l’élection et considère le "pape de Rome" comme un intrus. Considérant l’élection nulle
et non valide, ils déclarent le siège pontifical vacant. Ils ont alors procédé
à une nouvelle élection sous la protection du roi de France.
Pourtant,
comme le rappellent les « urbanistes »,
partisans du « pape de Rome »,
c’est-à-dire Urbain VI, les règles ont été respectées en dépit d’un climat en
effet tumultueux. Certes, des cardinaux ont voté avec crainte mais non sous
l’effet de la crainte. Ils ont été pleinement consentants et ont confirmé la
régularité de l’élection au nouvel élu avant que celui-ci n’accepte leur choix.
En outre, rien ne semble signaler le moindre doute de légitimité chez les
cardinaux le jour de son intronisation et les trois mois qui l'ont suivi.
Tous se sont soumis volontiers à son autorité et l'ont publiquement montré. La véritable raison est ailleurs. C’est surtout
à cause du caractère difficile d’Urbain VI, de sa dureté et de ses menaces que
des cardinaux ont changé d’avis et dénoncé l’invalidité de l’élection.
Un
effort de justification et de réfutation de la part des protagonistes mais non
décisifs
Quelques
temps après l’élection, les cardinaux « clémentistes » exposent au roi de France la situation à Rome
et leur perplexité quant à régularité de l’élection pontificale. C’est à partir
de leur récit que Charles V décide de soutenir Clément VII. Dès le début du
mois d’août 1378, des manifestes sont placardés. Ils annoncent aux fidèles
qu’Urbain VI, élu de manière illégale, n’est qu’un intrus.
Robert de Genève (antipape Clément VII) |
Pour
se défendre auprès des rois, notamment du roi de France et de l’Université de
Paris, Urbain VI envoie des émissaires et des lettres mais la mission des
ambassadeurs échoue et les lettres n’arrivent guère à destination. Diffusé dès
août 1378, un « factum »
décrit les faits, expose les thèses des cardinaux « clémentistes » et les réfute. Il a certainement été élaboré
sous la direction d’Urbain VI. Jean de Legnano (1320-1383), canoniste renommé
de l’Université de Bologne, écrit le traité De Fletu Ecclesiae en
faveur de la légitimité du Pape Urbain VI[2].
Le
traité de Jean de Legnano donne lieu à une réfutation de Jean le Fèvre
(1320-1390), alors abbé de Saint-Vaast puis évêque de Chartres, et chancelier du
roi Charles V. Un autre conseiller du roi, Jean de Bournazel, prieur de
Chartres, rédige aussi un mémoire, dans lequel il réfute les allégations des « urbanistes » et de certains
docteurs de l’Université de Paris favorable à Urbain VI. Clément VI envoie
aussi des ambassadeurs auprès des rois et des princes pour se défendre. Ces différents traités réussissent à remettre en cause le récit des événements des « clémentistes » et ainsi de soulever de sérieuses interrogations, en
particulier au niveau des Universités et des fidèles.
Un débat est aussi organisé à Milan en 1379 entre Alphone Pecha, évêque de Jaen devenu ermite et confesseur de Saint Brigitte de Suède, et le célestin Philippe de Mézière, représentant respectivement Urbain VI et Clément VII. Mais la joute oratoire ne donne aucun résultat probant.
Ainsi, la situation demeure
difficile et de plus en plus obscure. Il est même illusoire illusoire de vouloir connaître les
véritables circonstances de l’élection et donc de juger de sa régularité. En
outre, les positions de chacun s'affermissent, n’évoluant guère, chaque
partie accusant l’autre de schismatiques et d’hérétiques. « Tandis que les clémentins occupaient le
terrain de l’évidence et de la notoriété, les urbanistes portèrent leurs causes
sur celui du droit et de la justice. »[3]
La
mise en place d’enquêtes, qui aboutissent à des conclusions contradictoires
Charles V, roi de France |
Urbain
VI est de plus en plus délaissé et isolé en raison de ses emportements et son
caractère difficile. Beaucoup de curialistes l’abandonnent et ses
partisans sont découragés. Certains le quittent pour Clément VII, plus souple
et habile diplomate.
Le roi de France se fie toujours aux cardinaux du Saint Siège, favorable au « pape d’Avignon ». Qui d’eux
peuvent-ils en effet mieux connaître ce qu’il s’est réellement passé ?
« Qui est le vrai pape ? Sur
cette question, le peuple chrétien est dans la nécessité de s’informer en
conscience auprès des personnes. On doit donc s’informer auprès de celles qui,
bien mieux que les autres, peuvent avoir une connaissance parfaite de la
vérité ; elles sont d’ailleurs les seules dans ce cas, et ce sont les
cardinaux. En l’occurrence, il est donc de nécessité de les croire. »[4] Il faut noter
que lors de son élection, Barthélemy Prignano, le futur Urbain VI,
n’était qu’archevêque de Bari. Il ne faisait pas partie du Sacré Collège.
Or,
comme le soulignent avec pertinence certains "urbanistes", l'argument de ceux qui ont un telle confiance à l'égard des cardinaux révoltés n’est
guère solide puisque ils sont aussi des partisans et ne peuvent
donc être impartiaux. Le doute peut donc subsister. C’est pourquoi des chefs
d’États diligentent des enquêtes pour en savoir davantage[5]. En
1379, sur avis de son conseil, une enquête est menée par Ferdinand (1345-1383),
roi du Portugal. Il en conclut à la régularité de l’élection d’Urbain VI. Il
prend alors fait et cause pour le « Pape
de Rome ». Mais une année plus tard, après une autre enquête aussi
minutieuse, Jean Ier (1358-1390), roi de Castille, reconnaît Clément
VII comme « vrai vicaire de
Jésus-Christ, canoniquement élu ». La même procédure est suivie par le
roi d’Aragon. Il en arrive aux mêmes conclusions. Pourtant, après d’autres
examens, le roi de Navarre décide de ne pas prendre position. Ainsi, les
enquêtes ne permettent pas non plus d’éclaircir la situation. L'impasse est totale...
La "voie de fait" : faire
parler les armes pour imposer la solution
Les
deux « papes » préconisent
la guerre pour mettre fin à la division. Le principal théâtre d’opérations est l’Italie, en particulier Rome et Naples. Des expéditions sont aussi
menées dans les Flandres (1382), en Castille et en Hongrie. Les princes en
profitent pour satisfaire leurs ambitions et agrandir leur domaine ou leur zone
d’influence. Quelques conflits se mêlent aussi à la querelle, rendant alors
plus complexe la situation : la lutte entre les Anjou et les Durazzio
pour le trône de Naples, la guerre entre les Français et les Anglais, entre les
Armagnac et les Bourguignons, etc.
Certains
princes et rois payent chers leur soutien auprès des « papes », qui n’hésitent pas
notamment à aliéner des terres pontificales pour acheter leurs services[6]. Mais
les alliances se font et défont. Les victoires demeurent éphémères quand les
défaites ne sont point des désastres. Aucun des « papes » ne parviennent à battre son adversaire. Quinze ans de
lutte ne suffisent pas à rompre l’équilibre des forces.
D'autres solutions pour l’union
Les
deux « papes » sont donc impuissants
pour remporter la décision, par l’esprit ou par les armes, par la négociation
ou par le combat. Il devient alors évident que la solution ne peut pas provenir
d’eux. Un acteur intervient alors pour tenter de mettre fin à la
division : l’Université de Paris.
L’Université
de Paris veut en effet faire cesser le scandale. Durant l’hiver 1393, elle fait
appel publiquement aux bonnes volontés pour trouver des remèdes. Son appel a un énorme
succès. Elle reçoit dix mille projets. De ces différentes propositions, elle
dégage trois voies : la cession, le compromis et le concile général.
Dans la "voie
de cession", les deux « papes » doivent renoncer volontairement à leurs droits, réels ou fictifs, pour procéder ensuite à l’élection d’un
nouveau pape, soit par les cardinaux nommés avant 1378, soit par les cardinaux
des deux obédiences.
Dans la "voie de compromis", des arbitres désignés
par les deux « papes », ou
d’une autre manière canonique, étudient les droits des deux compétiteurs et se
prononcent pour l’un ou pour l’autre, ou, le cas échéant, en élisent un autre.
Enfin,
la troisième et dernière solution, "la voie conciliaire", consiste à réunir un concile général qui
rassemble des prélats et des docteurs en droit et en théologie, concile qui
devra imposer la solution et auquel les « papes » devront se soumettre.
Les
trois voies sont présentées dans un mémoire intitulé Quanquam majorum[7] que des représentants de l’Université de Paris remet au roi de France Charles VI au cours d’une audience royale.
Ce mémoire propose aussi que le « pape »
qui les rejetterait sera accusé de schismatique endurci, voire d’hérétique. Il
devra ne plus être obéi et être condamné à mort. Enfin, dans sa conclusion, il
demande au roi de France de consacrer toutes ses forces à la pacification de
l’Église.
Remarquons
que, parmi les trois solutions, seule la voie de la cession ne cherche pas à
déterminer la vérité, c’est-à-dire à savoir qui est le pape légitime. Il est en
effet bien pertinent de ne point la rechercher tant elle paraît bien
insaisissable. Sa recherche serait alors vouée à l’échec. La nécessité de l’union de
l’Église est alors considérée comme supérieure à la question de la légitimité du pape. Néanmoins,
en se bornant à l’essentielle, elle évite aussi d’apporter une réponse au
véritable problème.
La
voie de cession évite aussi de jeter la confusion. Elle ne désigne pas un
vainqueur et un vaincu mais choisit finalement un troisième homme. Cependant,
cette solution paraît la plus fragile puisqu'elle s'appuie sur une hypothèse forte : les deux compétiteurs doivent volontairement s’effacer devant le
nouveau venu et celui-ci doit avoir suffisamment de légitimité pour s’imposer.
Cette solution nécessite donc une adhésion de l’ensemble de la Chrétienté.
La
voie de cession permet enfin aux deux compétiteurs d’éviter le scandale et de
quitter la scène la tête haute. Par leur conjointe abdication et leur
effacement volontaire, ils sauveraient même leur honneur et se montreraient
dignes. « Si dur qu'il puisse être
pour un chef de l'Église de descendre de son trône, surtout quand cette
abdication risque d'être interprétée comme l'aveu d'une usurpation, ce
sacrifice n'avait rien qui fût au-dessus de ce qu'on était en droit d'attendre
du courage d'un grand pape, de l'abnégation d'un saint. Le malheur de l'Église
a voulu que ce saint ne se rencontrât point parmi les six pontifes »[8].
Les
« papes » de Rome et
d’Avignon proposeront une quatrième solution : la "voie de discussion", dite
encore "voie de convention". Ils se proposent de se rencontrer avec leurs cardinaux et dans une conférence, ils confèrent ensemble sur les moyens de
rétablir la paix et l’union. L'initiative appartient donc aux seuls "papes".
Après avoir présenté les trois solutions, la
lettre Quanquam majorum privilégie la voie de cession pour régler le
schisme. Elle persuade Charles VI, et en 1395, un concile national, convoqué
par le roi, choisit cette solution. Il tente alors de persuader les autres
nations. Mais les esprits sont divisés. En Angleterre, l’Université d’Oxford,
d’obédience romaine, repousse la voie de cession et propose comme solution soit
la reconnaissance du « pape »
de Rome par toute la Chrétienté, soit la convocation d’un concile général. Le
Saint Empire germanique est partagé entre la voie conciliaire et la voie
de cession. Néanmoins, une réunion restreinte de la diète allemande est plutôt favorable à
la première solution quand des princes et l’Université de Vienne prônent plutôt
la seconde mais sous condition qu’elle soit acceptée par le roi des Romains ou
le « pape de Rome ». Or
ces derniers y sont opposés. Les autres rois ne montrent guère d’empressement. Des
intérêts purement politiques et des jalousies ou craintes « nationalistes » justifient en
partie cette absence d’unité.
Mais, la situation finit par changer. L’apaisement des relations entre les royaumes et une trêve
entre la France et l’Angleterre rapprochent les rois et tempèrent leur
division. L’attitude obstinée et lassant des deux « papes » favorise aussi une certaine unité. Après quelques
négociations, les rois de France, d’Angleterre et de Castille finissent par trouver
un accord commun. Ils demandent aux deux « papes » de résigner leur charge. Après une entrevue avec le
roi de France et un colloque à Reims en 1398, l’Empereur germanique Wenceslas
s’associe à leur démarche. La vie de cession s'impose...
L’échec
de la voie de cession
En
1394, la mort de Clément VI rend encore plus réalisable la voie de cession. L’un
disparu, le second « pape »
aura plus de faciliter de quitter avec honneur son trône. Le roi de France
presse alors les cardinaux "clémentistes" de ne pas élire un successeur au pape défunt et de déterminer un moyen de parvenir à l’union. Mais Pierre de Luna,
cardinal d’Aragon, proteste contre l’intervention du roi de France au nom des
règles canoniques et défend la liberté du Sacré-Collège. Et finalement, c’est
ce cardinal qui succèdera à Clément VI sous le nom de Benoît XIII ! Le
schisme se perpétue…
La
voie de cession n’est possible que si les deux « papes » renoncent volontairement à leurs fonctions. Il faut
donc les convaincre. Peu enclin aux propositions de l’Université de Paris,
Clément VII meurt avant de se prononcer. En dépit de ses vagues déclarations et
de ses promesses au double sens, Benoît XIII ne travaille guère à l’union et ne
cherche qu’à traîner les choses en longueur. Pourtant, avant que le conclave ne
le choisisse comme pape, une forte majorité de cardinaux "clémentistes"[9] s'étaient engagés
à tout faire pour cesser le schisme, y compris par la voie de cession. « Nous promettons sur l'Évangile de travailler
de toutes nos forces à l'union, de ne rien faire, de ne rien dire qui soit de
nature à l'empêcher ou simplement à la retarder. Nous suivrons loyalement, si
nous devenons pape toutes les voies profitables conduisant à l'union, y compris
la voie de cession, au cas où la majorité des cardinaux actuels le jugerait à
propos »[10]. Pierre
de Luna a aussi prêté ce serment, qu’il renouvelle après son élection. Mais, après de multiples tergiversations, de promesses incertaines et de déclarations
ambigües, Benoît XIII finit par refuser formellement d’abdiquer. Il s’obstine à
demeurer sur le trône pontifical…
Les
propositions du roi de France ne sont pas non plus acceptées par le « pape de Rome », notamment de
crainte de voir les Romains se révolter. Les ambassadeurs français les exposent
à Boniface VIII avec tant de rudesse que les insultes ne tardent pas à
fuser de part et d’autre. De santé fragile, très malade, Boniface VIII meurt le
1er octobre 1404.
L’échec
définitif de la voie de convention
Piedro de Luna (antipape Benoît XIII ) |
À la
mort de Boniface VIII, les cardinaux de Rome élisent un successeur qui prend le
nom d’Innocent VII après s'être engagés, s’ils sont élus, à abdiquer si le
« pape d’Avignon » en fait
autant ou vient à mourir, à la seule condition que les cardinaux des deux
obédiences consentent à s’unir pour élire le nouveau pape. Si dans les deux
mois, aucune entente n’est conclue, ils seraient autorisés à reprendre
l’initiative. Dix mois après, à la mort d’Innocent VII en 1406, la même
promesse est renouvelée…
Ange
Correr, aussitôt élu sous le nom de Grégoire VII, renouvelle aussi l'engagement et demande aussitôt à Benoît XIII un entretien pour traiter de
l’union, entretien que le "pape d’Avignon" accepte. « Notre dessein, dit-il, n'est point de perdre de temps mais plus nos
droits sont sûrs, plus nous jugeons glorieux d'en faire le sacrifice dans
l'intérêt de l'union. »[11] Comme le
rappellent les émissaires du « pape
du Rome » aux représentants de Benoît XIII lors des négociations en
vue de préparer leur rencontre, « le
pape de Rome consentait généreusement à abdiquer, non pas qu'il doutât de ses
droits, mais parce qu'il comprenait qu'une discussion sur un tel sujet serait
interminable. »[12]
Mais
brusquement Grégoire XII change d’attitude. Sous différents prétextes, il finit
par refuser de rencontrer son adversaire dans les conditions prévues. À la
suite de nombreuses et stériles tergiversations, l’entretien est finalement
annulé. C’est l’échec de la voie de convention.
Le
choix de la ville de Savone comme lieu de conférence, ville sous obédience
avignonnaise, a été le principal prétexte de la répugnance de Grégoire XII. Certains
commentateurs expliquent plutôt ce changement dans l’influence néfaste de ses
neveux alors que Noël Valois le justifie par les dangers qui
menacent les terres pontificales [13] et par sa faiblesse de caractère. « Il eût fallu une âme mieux trempée que la
sienne pour braver ces menaces, un jugement plus solide, une conscience mieux
éclairée, pour oser, en dépit de tant d'avis sinistres, maintenir que l'union
devait se faire et se ferait à Savone. »[14] En
outre, toujours selon Noël Valois, ces neveux l’auraient même poussé à
satisfaire aux conditions qu’ils ont eux-mêmes définies auprès des mandataires
de Benoît XIII lors des négociations. L’attitude de Grégoire XII permet à son
adversaire de jouer le défenseur zélé de l’union alors que perdant toute
créance, il est de plus en plus abandonné…
La
voie de cession comme celle de convention échouent donc. Aucune discussion ni
initiative véritable au profit de l’union de l'Église ne peuvent être attendues de la part
des deux prétendants. Toute solution n’est alors possible qu’en dehors d’eux.
La voie conciliaire apparaît alors comme la solution la plus judicieuse.
Notes et références
[1] Voir Émeraude, septembre 2018, "Le Grand Schisme, un événement pour l'Eglise (2) : les origines".
[2] De Fletu Ecclesiae porte
le titre suivant : Factum domini Johannis de Ligniano super
electione Urbani missum Universitati Parisiensi.
[3] Hélène Millet, La
question de la vérité dans la résolution du grand Schisme d’Occident
(1378-1417), http://www.openedition.org/6540.
[4] Cardinaux Flandrin,
Ameli et von Gelhausen, Traité Quia res memoratu digna, édition
Bliemetzrieder, 1910. Ces cardinaux sont passés sous obédience de Clément VII.
[5] Voir Émeraude, août 2018, "Le Grand Schisme, un événement pour l'Eglise (1) : introduction".
[6] Parmi les
concessions faites par Clément VII au duc d’Anjou pour son intervention en
Italie : aliénation d’une partie des terres pontificales, produits des décimes
levés dans les pays de Langue d’Oc et d’Oïl, produits de différents impôts et
taxes pontificales.
[7] Quanquam majorum, offert
à Charles VI le 6 juin 1394.
[8] Noël Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident,
tomes IV, chap. V, I.
[9] Seuls trois des 21
cardinaux, dont 11 français, refusent de prêter serment.
[10] Selon les actes du
conclave, cités par Noël Valois, La France et le Grand Schisme
d'Occident, tomes III, chap. I.
[11] Grégoire XII dans Noël Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident,
tomes III, chap.VI.
[12] Grégoire XII dans Noël Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident,
tomes III, chap.VI, II.
[13] Le roi de Sicile
Ladislas de Durazzo menace en effet Rome et la Marche d’Ancône. Le 18 avril
1408, il entre à Rome qui se livre à lui. Comme Louis II d’Anjou, fervent
clémentiste, il est un prétendant à la couronne de Naples. Il est un des
adversaires de toute union entre les prétendants. Le grand schisme d’Occident
est aussi le cadre dans lequel ces deux princes s’affrontent.
[14] Grégoire XII dans Noël Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident,
tomes III, chap.VI, II.
[15] Comme nous l'avons indiqué dans l'article précédent, "Le Grand-Schisme d'Occident, un événement pour l'Église (1) : Introduction", août 2018, on utilise les termes de "pape" (entre parenthèse), "pape de Rome", "pape d'Avignon" pour désigner les papes et antipapes au cours de ce schisme. Nous considérons les "papes de Rome", c'est-à-dire Urbain VI et ses successeurs comme étant les seuls papes légitimes.
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