Au début du XVIème siècle,
un souffle de vitalité et de ferveur réveille l’âme de l’Église. Nombreux sont en
effet les signes d’un réveil religieux et spirituel dans le clergé, les
monastères et le peuple chrétien. L’échec du Vème Concile de Latran (1512-1517) n’éteint
pas le désir de réforme qui se lève partout. Dans de nombreux pays, notamment en
Espagne et en Italie, de nombreuses initiatives sont menées pour éclairer les
Chrétiens, former des clercs, rénover la vie monastique. La crise qui affecte
l’Église ne laisse pas indifférents ou abattus les fidèles. On restaure, on
innove, on construit…
Pourtant, ignorant ces
faits historiques, on présente parfois Luther comme le premier à vouloir
répondre aux besoins religieux de l’époque. Il aurait été le réformateur que
les Chrétiens attendaient ! L’Église ne l’a pas attendu pour se redresser.
La réforme catholique, si spectaculaire après le Concile de Trente (1545-1548),
a commencé bien avant sa révolution. Mais Luther a-t-il vraiment voulu réformer
l’Église et combattre les abus ?
Un souci de réforme ?
Impertinente et inutile
question ? Il est vrai que des signes montrent un certain souci de
réformer l’Église et de combattre les abus qui la défigurent. En 1520, Luther
annonce à l’un de ses amis qu’il est « en
train de publier en allemand un livre sur le pape et sur la réforme de la
société chrétienne »[1].
Ce livre est un manifeste à la noblesse chrétienne de la nation
allemande sur
l’amendement de l’état chrétien. Il écrit aussi
deux autres écrits considérés comme réformateurs La liberté du chrétien et
De
la captivité babylonienne de l’Église. Son mouvement pourrait donc
s’inscrire dans une volonté de réforme. Les abus de la pratique des Indulgences
semblent être à l’origine de sa révolte. La publication de ses 95 thèses en
1517 a été le début d’un mécanisme qui aboutira à la rupture.
Mais après avoir annoncé à son
ami la publication de son ouvrage en faveur d’une réforme, il rajoute qu’il
« y attaque le pape de la manière la
plus violente » au point de « l’assimiler
à l’antéchrist »[2].
Sa remarque pourrait insinuer que son mouvement ne serait qu’une réaction aux
résistances qu’il rencontre. La forte et fougueuse personnalité de Luther
pourrait aussi nous le suggérer. Est-ce ce vraiment l’intérêt de l’Église et
des Chrétiens qui le préoccupe ?
Pour confirmer son désir
de réforme, on s’appuie encore sur son appel à un concile. Certes, à plusieurs
reprises, Luther prétend obéir au Pape et aux jugements des universités mais
les faits historiques montrent tout le contraire. Il obéira au Pape si ce
dernier adhère à ses idées. Le concile qu’il appelle de ses vœux ne doit, à ses
yeux, qu’entériner sa doctrine et convaincre le Pape de ses erreurs.
Enfin, on présente le voyage
de Rome qu’a entrepris Luther en 1510 comme le déclencheur de sa réforme. Il
aurait été si scandalisé par les abus dont il a été témoin qu’il aurait cherché
à les combattre. « Les abus, ces
abus que la Chrétienté unanime flétrissait, il les avait vus, incarnés, vivre
et s’épanouir insolemment sous le beau ciel romain. […] À Rome en 1510, c’était l’affreuse misère morale de l’Église qui
lui était apparue dans sa nudité.»[4] Mais tous les biographes et les
historiens sérieux remettent en cause cette thèse. Il découvre plutôt les arcanes de la curie pontificale lors
de son procès, c’est-à-dire bien après 1517.
Ainsi sans hésitation, on
décrit Luther comme « à l’origine du
vaste mouvement de réforme religieuse du XVIème siècle »[5].
Cela justifierait aussi le titre de « réformés » attribué aux mouvements que Luther et d’autres ont
fondés et à certaines églises protestantes. Mais une telle conclusion est
hâtive, voire erronée…
Les véritables motivations
de Luther
Dans un de nos précédents articles,
en décrivant sa personnalité avant 1520, nous avons vu que Luther recherche avant
tout à apaiser son âme tant elle est tourmentée par la crainte de son salut.
Rien ne semble atténuer ses angoisses. Ses exercices de mortification ne
parviennent pas à le calmer. Dieu lui apparaît comme un Juge intraitable. En
dépit de sa forte volonté, il sent ses œuvres inutiles et son salut incertain. C’est
alors en changeant la conception qu’il a de Dieu et de la foi qu’il parvient à
trouver une certaine paix. Intelligent et sûr de lui-même, il élabore alors une
doctrine de justification qui lui apporte de la sérénité. Elle est en grande partie
issue de son expérience et d’une interprétation particulière de la Sainte
Écriture et des écrits de Saint Augustin. Les principales préoccupations de Luther sont
donc d’ordre doctrinal. Nous dirons même plus. Elles sont d’ordre
conceptuel. Elles touchent en effet sur la conception de l’Église et de la foi.
La réforme des mœurs et la
lutte contre les abus dans l’Église sont alors secondaires pour Luther. « Quelqu’un me dira : quels crimes, quels
scandales, ces fornications, ces ivrogneries, cette passion effrénée du jeu,
tous ces vices du clergé ! De grands scandales, je l’avoue, et qu’il faut
dénoncer et qu’il faut corriger. Mais ces vices dont vous parlez sont visibles
par tous : ils sont grossièrement matériels ; ils tombent sous le
sens de chacun et émeuvent donc les consciences. Hélas, le vrai mal, la peste
incomparablement plus malfaisante et cruelle, est le silence organisé sur la
parole de Vérité ou son adultération, et celui qui éprouve de l’effroi. »[6]
Luther se servira des abus et des scandales pour affermir sa conception de
l’Église et de la foi. Il essaiera de montrer que ses doctrines pourront les
supprimer. Il ne s’attaque donc pas aux véritables raisons de la crise…
“L’âne-pape” Feuille satirique antipapiste Source : akg-images |
Certes, Luther accuse violemment
le clergé d’être corrompu et dénonce les scandales de l’époque mais ces
accusations sont d’ordre polémique. Sa révolution est essentiellement d’ordre
doctrinal ou conceptuel. Elle entraînera avant tout un bouleversement des
dogmes et plus encore d’une vision particulière et nouvelle de l’Église et de
la foi. Il développe une nouvelle conception des rapports entre l’homme et Dieu,
de nouvelles notions de morale, de piété, de vie chrétienne. Il érige tout un
système théologique et moral qui fait naître une nouvelle vie chrétienne. C’est
une véritable révolution d’ordre religieux et spirituel qui s’est mise en place.
Luther ne peut que
défendre son système car sa doctrine fonde ses raisons de vivre, de croire, d’espérer.
Il met dans son combat tout son être et toute sa fougue. Toute sa passion tumultueuse
le guide de manière inéluctable vers des sentiers de plus audacieux. Luther se
serait finalement soumis au Pape si Pape avait adhéré à son système…
Ainsi quand d’autres
réforment les monastères, instruisent les clercs, soulagent les populations et
leur donne l’enseignement dont elles ont besoin, Luther se préoccupe surtout de
créer un nouveau christianisme. Les premiers réformateurs catholiques et leurs
successeurs cherchent avant tout à réformer l’homme de l’intérieur et c’est cet
homme nouveau qui mènera la réforme catholique. Le peuple chrétien a besoin de
retrouver la ferveur chrétienne et un clergé digne de ce nom. Le besoin est
d’ordre spirituel et moral. Il a besoin de saints et de sainteté ! Il n’a
pas besoin d’un nouveau système théologique. Luther répond-il vraiment aux
besoins du peuple chrétien ? Nous en doutons fortement.
Pourtant, les idées de
Luther réussissent à s’imposer. Le succès est incontestablement prodigieux. Comment
pouvons-nous l’expliquer s’il ne répond pas aux besoins religieux de son
temps ? Pour essayer d’apporter des réponses, nous allons désormais nous
attarder sur le contenu de sa réforme tel qu’il est défini dans ses ouvrages.
Un programme de réformes
au-delà du religieux et du spirituel
Le manifeste est en effet un
véritable « pêle-mêle »[8].
Une « impression de disparate »[9]
se dégage de sa lecture, nous dit un de ses commentateurs. Luther parle en
théologien, en moraliste, en politique. « Très souvent aussi, Luther aborde des problèmes sur lesquels sa
doctrine ne jette aucune lumière particulière et il se contente alors de
parapher quelque passage des Gravamina[10]
ou de débiter quelques conseils moraux comme les prédicateurs avaient accoutumé
d’en disposer à leur auditoire. » [11]
Entre des propositions dogmatiques s’entremêlent ainsi des remèdes de bon sens
auxquels tous devraient adhérer sans difficulté. Comme le souligne encore un de
ses commentateurs, il cherche probablement à montrer aux Allemands qu’il
connaît leurs difficultés et à démontrer que s’il connaît leurs soucis et qu’il
les partage, il peut parfaitement leur apporter la solution de tous les
problèmes qu’ils se posent. Est-il finalement le prophète qu’attendait
l’Allemagne ? Un homme capable d’apporter une conscience à la nation
allemande ?...
En outre, le clergé, les
nobles, les bourgeois, les ouvriers et les paysans allemands se retrouvent
nécessairement dans ces réformes disparates. Tout cela ne peut que les émouvoir
et les rallier à sa cause. Luther a bien compris le besoin de la population allemande
en quête d’unification et de reconnaissance. « Les Allemands attendent un message ; ils sont mécontents et ils
cherchent un chef, une doctrine, un but autour desquels pourront se
cristalliser leurs espoirs, leurs efforts et leurs ambitions. »[12]
Que cherche alors
Luther ? Réformer l’Allemagne ou la chrétienté ? Former une nation
allemande ou une nouvelle curie ? Tout est confus. On ignore même s’il
dispose d’un programme ou s’il le développe selon la direction du vent. « Il ne faut pas dire qu’entre une Réforme
nationale et une Réforme universelle, qu’entre une réforme allemande et une
réforme catholique, Luther ne choisit pas. Il ne sent pas le besoin de choisir.
L’alternative lui échappe. »[13]
De sa « réforme » sortiront
des Églises d’État…
Sûr de lui-même et
polémiste né, grand prédicateur, remarquable prêcheur, Luther suit son verbe.
Il « a le besoin de posséder son
public, utilise pour ses discours, ses pamphlets, ses appels passionnés, les
formules, les injures, les images qu’on lui tend » [14].
Ses écrits sont très compréhensibles pour tous les Allemands. À partir de 1520,
Luther écrit en allemand, dans une langue qui deviendra la langue de référence.
Et il écrit comme il
prêche. « Ainsi rédige-t-il comme un
homme habitué aux tournures orales bien plus qu’au style propre à la langue
écrite. »[15]
Ses écrits sont riches de mots concrets, d’exemples précis, d’images vivantes.
Il sait aussi jouer de la plaisanterie et de la satire. On rit de ces tableaux
réalistes qui ridiculisent. Il excelle dans son art. Un véritable
Rabelais ! Il use à merveille de son art pour attirer le lecteur, le
convaincre, modifier sa façon de voir. Il innove aussi le vocabulaire et rompt
avec les mots classiques pour combattre la doctrine classique et imposer
progressivement sa conception de l’Église et de la foi. Au lieu du terme « prêtre », il emploie par
exemple le mot « ministre ».
Finalement, il écrit pour que son lecteur adhère à ses doctrines et à sa façon
de concevoir le christianisme.
Or face à lui, les écrits
ne sont pas du même niveau. Certes, au niveau doctrinal, ils sont de bonnes
qualités et parviennent à montrer toutes les faiblesses des œuvres de Luther et
ses erreurs doctrinales, mais ils sont inefficaces. Ils ne parviennent pas
atteindre le grand public. Rares sont en effet ses adversaires capables de le
rivaliser. On peut citer le franciscain Thomas Murner (1475-1537), prédicateur et poète
populaire.
Luther excelle donc dans
l’art de la polémique et attire à lui le peuple allemand, tant le noble, le
bourgeois que l’ouvrier ou le paysan. Mais il est pressé, il écrit vite, il
avance vite. Sauvage et brutal, son verbe est d’une audace folle. Il est à
l’image de Luther, fougueux et impétueux. Et comme toute pensée rapide et vive,
celle de Luther est de courte vue. Il écrit pour le présent et ne pressent pas
l’avenir. Est-il conscient des effets dévastateurs de son verbe ? Il
enflamme les cœurs, éveille des ambitions, soulève d’impossibles espérances.
Comment peut-il satisfaire des intérêts aussi contradictoires ?
Un Réforme à sa
mesure ?
Rome s’oppose à Luther.
Rome est donc maudite. Comment peut-il ne pas croire en Lui quand son entourage
le considère comme le héraut de la nation allemande, un nouvel Augustin, un
nouveau Saint Paul ? « Le pape
était l’Antéchrist, oui ; parce qu’il n’admettait pas, parce qu’il refusait
d’admettre la justification par la foi et cette théologie de la croix qui, tout
à la fois, pacifiait et exaltait Luther. » [16]
Luther veut alors détruire
l’Église de Rome. Elle est incompatible avec sa conception. « Je veux être libre. Je ne veux devenir
l’esclave d’aucune autorité, que ce soit celle d’un concile, ou de n’importe
quelle puissance, ou d’une université, ou du pape. Car je proclamerai avec
confiance ce que je crois la vérité, que ce soit avancé par un catholique ou
par un hérétique ; que ce soit approuvé ou rejeté par n’importe quelle
autorité » [17] Il crée une Église à sa mesure, sans aucune hiérarchie, une nouvelle Église
conforme à ses pensées et à ses sentiments. De tels mots lancés avec rage et
passion ne laissent pas insensibles les penseurs, les nobles, les paysans. De
la « réforme » de Luther
naîtront des révoltes qu'on réprimera par la force et des sectes religieuses aux
doctrines les plus radicales. De sa « réforme »
naîtront finalement une nouvelle Église structurée, de nouveaux chefs, de
nouveaux dogmes…
Une réforme
nationaliste ?
Enfermé dans ses
certitudes, Luther veut convertir les Chrétiens. Condamné par le Pape, il
s’appuie sur la « nation allemande »
et tente de la gagner à sa cause. Si au début Luther écrit aux théologiens, donc
en latin, à partir de 1520, il s’adresse en allemand aux Allemands. Il oppose alors
les autorités catholiques au peuple allemand en un temps où les Allemands ne supportent
plus la curie pontificale et voient des états se construire à leurs frontières
quand ils sont incapables de s’unir dans une nation digne de ce nom. Or Luther
défie Rome, l’ennemi du Saint Empire germanique, et exalte le patriotisme
allemand.
Un des premiers ouvrages
après son excommunication est révélateur. Il écrit à la noblesse chrétienne de la
nation allemande, c’est-à-dire à tous les chefs allemands, à toutes les
autorités : empereur, princes, nobles, villes libres. Le manifeste
contient aussi quelques réminiscences de doléances formulées par la diète
allemande contre les abus et les exactions de Rome. « Il stigmatise la tyrannie exercée par la hiérarchie contre les fidèles. »[18]
Il ne peut qu’attirer et toucher des lecteurs allemands.
Son manifeste n’est pas
non plus exempt de stéréotypes en usage dans les libelles anti-romains de
l’époque. Comme les ouvrages satiriques qu’il a certainement lus, Luther
emploie le terme de « romanistes »
pour désigner le Pape et la curie romaine et s’inspire des pamphlets les plus
populaires. Dans son proche entourage, il côtoie Ulrich Von Hutten[19],
violent et très populaire auteur de libelles, qui ne cherche qu’à défendre la
caste des chevaliers allemands. Luther utilise aussi les clichés qu’ont
utilisés les sectes et les hussites pour salir le Pape et Rome. Le terme
d’ « antéchrist » pour
désigner le Pape n’est pas nouveau. « Luther
ne cherche nullement à déterminer des stéréotypes, mais à utiliser des
stéréotypes existants. »[20]
Il n’hésite donc pas à employer des images et des clichés anti-romains courants
pour gagner à sa cause l’opinion publique, en colère contre Rome.
Le réveil de la guerre
entre Rome et l’Empire ?
Luther dénonce les abus
qui pervertissent l’Église. Les reproches s’adressent à Rome, c’est-à-dire au
Pape et à la curie pontificale. Il accuse surtout leur cupidité et leur
fourberie. Il décrit une Allemagne pillée par les "Welches"[23], un empereur dominé
par le Pape. Nous revoilà aux sombres heures de la querelle entre le Pape et
l’Empereur, entre la Papauté et le Saint Empire Germanique, du conflit qu'on appelle communément "la lutte du Sacerdoce et de l'Empire" au XIIème et XIIIème siècle ! Luther montre
combien les Allemands sont humiliés et opprimés par Rome. Il veut leur rendre
leur fierté et les invite à ne pas céder devant l’imposture romaine.
Luther s’attaque ensuite
aux fautes religieuses de Rome, fautes qu’il considère comme étant plus
importantes. Il reproche la confusion entre les intérêts temporels et les
affaires spirituelles à la cour pontificale. Il dénonce les pouvoirs du Pape
qu’il décrit comme s’élevant au-dessus du Christ, substituant ses lois à l’enseignement
de l’Évangile. Il l’accuse d’être l’Antéchrist à cause des tares morales qui
s’attachent à la papauté, des crimes qu’il a commis et du désordre qu’il a mis
dans l’Église. « Il est absolument
impossible que les choses deviennent jamais pires que le Siège romain ne les a
faites : il foule aux pieds les commandements de Dieu, il dresse les siens
à la place. Si ce n’est pas l’Antéchrist, qu’un autre vienne dire ce que ce
peut être ! »[21]
L’ironie d’un réformateur
pris à son piège
Le schéma de la prétendue
« réforme » semble
désormais se dessiner. À l’origine, Luther n’a certainement pas voulu réformer
l’Église. Il est plutôt préoccupé d’apaiser les tourments qui le hantent. Il y
parvient en élaborant une doctrine sur la justification puis une nouvelle
conception de l’Église et de la foi. Or sa doctrine fait l’objet d’une
réprobation au niveau des autorités ecclésiastiques, des universités et
notamment de Rome. Au niveau religieux, il ne parvient pas à se faire entendre.
Il tente alors de gagner à sa cause toute la société allemande qui, elle, est
prête à l’entendre et à le suivre. Pour l’attirer, il utilise tous les moyens
qu’un polémiste est capable d’user : excès, généralisation, mensonge,
injure, calomnie. Il maîtrise en outre la langue allemande qui captive son
auditoire…
Dans sa réforme, chacun y
trouve son compte. Emporté par ses audaces et les hardiesses de son langage, il
n’hésite pas à traiter de toutes les difficultés que la société allemande
éprouve et propose des remèdes à partir de sa conception de l’Église. Il
exacerbe les passions, il excite les rêves les plus fous, il attise de
nombreuses envies. Le grand clergé est plutôt satisfait de voir l’autorité
romaine remise en cause et d’entendre la proposition d’une église nationale.
Les curés adhèrent à un discours qui attaque les Ordres religieux et de
nombreuses règles de discipline, comme celle du célibat ecclésiastique. Les
grands nobles sont contents d’entendre un clerc protester contre l’ingérence
des clercs dans le domaine temporel et de leur demander d’intervenir dans les
affaires de l’Église pour la réformer. Les petits nobles écoutent avec
satisfaction l’opposition de Luther contre les marchands et les courtisans
romains qui accaparent des bénéfices allemands à leur détriment. Les bourgeois
apprécient toutes les idées luthériennes qui s’adaptent au capitalisme moderne.
Et enfin, les humanistes entendent avec joie un
moine condamner l’aristotélisme et la scolastique.
Son programme de réformes
est finalement un « pêle-mêle »
de propositions aux intérêts contradictoires. Comment le noble pourrait-il
accepter l’égalité de tous comme semble prôner Luther ? Le bourgeois,
sera-t-il longtemps sourd aux condamnations que lance Luther contre la richesse
et les dépenses inutiles ? La réforme que propose Luther renferme en fait
de nombreux malentendus. Plus conscients du danger, ses amis s’effrayent mais
leur crainte ne le freine pas. Luther se sent comme un nouveau
prophète. Rien ne semble l’arrêter …
Conclusion
Dans ses 95 thèses, Luther
a dénoncé la pratique des indulgences car elle fait croire aux chrétiens que leur
salut est chose facile. Il accuse les autorités romaines de duper les fidèles
et d’abuser de leur crédulité. Dans une des thèses, il veut « détruire les imaginations erronées qu’ils
font naître dans l’esprit de leurs auditeurs ». Or, que fait-il ?
Il propose aux fidèles allemands une réforme capable de répondre à tous leurs soucis
au nom d’une nouvelle conception de l’Église et de la foi. Avec fougue et passion,
il leur vend du rêve, faisant entendre à chacun ce qu’il veut entendre. Mais
que deviendront ces hommes aux esprits enflammés quand ils feront face aux
réalités de la vie ? Que se passera-t-il en effet quand les paysans réclameront
leurs droits ? Que deviendront les communautés chrétiennes quand les
princes voudront la gouverner à leur guise ? Que deviendront les ouvriers
quand les bourgeois développeront le capitalisme sans les exigences de la
charité chrétienne ? Qui sort finalement vainqueur de la « réforme » ?... La « réformation », un jeu de dupes ?…
Notes et références
[1] Luther dans Luther et le luthéranisme, L. Cristiani, dans Les Temps modernes, l’abbé A. Boulanger, Volume VII, XVI et XVIIème siècle, 1ère partie, La Réforme protestante, n°17, Librairie E. Vitte, 1938
[2] Luther dans Luther
et le luthéranisme, L. Cristiani, dans Les Temps modernes,
l’abbé A. Boulanger, Volume VII, XVI et
XVIIème siècle, 1ère partie, La Réforme protestante, n°17
[3] Luther dans Martin
Luther : un temps, une vie, un message, chap.16, 1983, Liénard
dans L'année
Luther - A propos de Lienhard (M). Martin Luther : un temps, une vie, un
message. Paris, 1983, Michel Peronnet.
[4] Lucien Fèbvre,
Martin Luther, un destin.
[5] Martin
Luther et la Réforme luthérienne, Musée virtuelle du Protestantisme, www.museeprotestant.org.
[6] Luther dans L’Église
de la Renaissance et de la Réforme, Daniel-Rops, Une révolution
protestante : la Réforme protestant, chap. V, Fayard, 1955.
[7] Maurice Gravier, Luther,
les grands écrits réformateurs, Introduction, Flammarion, 1992.
[8] Strohl, L’épanouissement
de la pensée religieuse de Luther, de
1515 à 1520, Strasbourg, 1924.
[9] Maurice Gravier, Luther,
les grands écrits réformateurs, Introduction.
[10] Gravamina nationis germanicae : remontrances adressés à l'empereur Charles Quint à sa demande lors d'une Diète.
[11] Maurice Gravier, Luther,
les grands écrits réformateurs, Introduction.
[12] Maurice Gravier, Luther,
les grands écrits réformateurs, Introduction.
[13] Lucien Fèbvre,
Martin Luther, un destin.
[14] Lucien Fèbvre,
Martin Luther, un destin.
[15] Maurice Gravier, Luther,
les grands écrits réformateurs, Introduction.
[16] Lucien Fèbvre,
Martin Luther, un destin.
[17] Luther, Résolutions,
dans Lucien Fèbvre, Martin Luther, un destin.
[18] Liénard,
Martin Luther : un temps, une vie, un message, c, chap. V.
[19] Il est notamment
l’auteur de auteur de Vadiscus ou de la triade romaine.
[20] J. Stoetzel, Théorie
des opinions, Paris, 1943 dans Luther, les grands écrits réformateurs,
Introduction, M. Gravier.
[21] Luther, À la
noblesse chrétienne de la nation allemande, traduit par Maurice Gravier
dans Luther,
les grands écrits réformateurs.
[22] Voir Émeraude, décembre 2016, article "Luther (1483-1546)".
[23] Welches : mot péjoratif désignant de manière général les populations de langue latine et plus spécialement les Italiens. Il provient du mot "welf" qui est dérivé du nom d'une famille ducale de Bavière qui soutenait la papauté lors du conflit entre les Papes et les Empereurs au XIIème-XIIIème siècle.
[22] Voir Émeraude, décembre 2016, article "Luther (1483-1546)".
[23] Welches : mot péjoratif désignant de manière général les populations de langue latine et plus spécialement les Italiens. Il provient du mot "welf" qui est dérivé du nom d'une famille ducale de Bavière qui soutenait la papauté lors du conflit entre les Papes et les Empereurs au XIIème-XIIIème siècle.
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