On
rejette l’Église catholique car ses disciples ont commis des fautes et des
crimes. On refuse de croire en elle car son histoire est marquée de taches de sang. On n’a aucune confiance en elle car on a entendu des mensonges et des
silences dans l’Église. Des catholiques n’ont pas pratiqué les vertus
évangéliques. Des ecclésiastiques ont refusé la vérité. Ne trouvant pas en eux
ce qu’ils professent, certains ont fini par la quitter. Nous ne pouvons pas parler des
catholiques sans évoquer l’Église. Nous ne pouvons pas non plus parler de l’Église
sans évoquer Notre Seigneur Jésus-Christ.
Si
des catholiques se montrent cupides ou vicieux, on accuse l’Église d’en être
responsable et donc d’être fausse. Or si on remet en question son authenticité,
on atteint Notre Seigneur Jésus-Christ. Comment alors un chrétien peut-il entendre
de telles critiques sans se poser de véritables questions sur son
Maître ? De telles critiques sont faciles. Il est beaucoup plus difficile
et exigeant de se poser la question des liens entre les Chrétiens et l’Église
au regard de Notre Seigneur Jésus-Christ. Écoutons plutôt Celui qui est Vérité
au lieu d’entendre l’homme si prompt à réagir dans la colère et la désillusion.
Le véritable problème ne réside peut-être pas là où on le croit…
L’Église,
épouse du Christ
Pour
saisir ce que sont les véritables rapports entre l’Église et Notre Seigneur
Jésus-Christ, nous allons évoquer une des images qu’utilise Notre Seigneur
Jésus-Christ pour parler d’elle. Un disciple de Saint Jean Baptiste Lui demande
pourquoi ses disciples ne jeûnent pas comme les Pharisiens. « Les fils de l’époux peuvent-ils s’attrister
pendant que l’époux est avec eux ? » (Matthieu, IX, 15) L’image
est suffisamment claire pour être entendue. Notre Seigneur se présente comme un
époux et les Chrétiens comme ses fils. Quelle est alors l’Épouse du
Christ et notre Mère ? Saint Cyprien de Carthage nous donne la réponse : « personne ne peut plus avoir Dieu pour Père
s’il n’a pas l’Église pour Mère »[1].
La
réponse de Saint Cyprien ne nous surprend guère. Il la puise dans la Sainte
Écriture, et plus précisément dans une épître de Saint Paul. « Maris, aimez vos femmes, comme le Christ a
aimé l’Église » (Éphésiens, V, 25) L’union qui unit les
mariés est comparée à celle qui unit Notre Seigneur Jésus-Christ à son Église.
C’est bien l’Église son épouse.
L’Église
unie au Christ
L’amour
du Christ à l’égard de l’Église
Notre
Seigneur Jésus-Christ aime donc l’Église comme son épouse. Elle est sa
bien aimée. « Que tu es belle, mon
amie ; que tu es belle ! Tes yeux sont les yeux des colombes. »
(Le
Cantique des Cantiques, II, 14) Il s’est même livré pour elle pour
qu’elle paraisse devant Dieu « glorieuse,
n’ayant ni tâche ni ride, ni rien de semblable mais pour qu’elle soit sainte et
immaculée » (Épître aux Éphésiens, VI, 27). Il
s’est livré en personne pour elle. Quel plus beau témoignage d’amour !
« Personne n’a un plus grand amour
que celui qui donne sa vie pour ses amis. » (Jean, XV, 13) C’est bien
l’amour qui a commandé sa Passion. « Tu
es belle, mon amie, douce et gracieuse comme Jérusalem » (Le
Cantique des Cantiques, VI, 3)
Les
Chrétiens, les fils de l’Église
Comme
Il nous l’a enseigné, Notre Seigneur Jésus-Christ a voulu subir la mort de la
croix et toutes les souffrances de sa Passion par amour pour son Père « afin que le monde connaisse que j’aime mon
Père, et que comme mon Père m’a commandé, ainsi je fais. » (Jean,
XIV, 31) Que sa volonté soit faite ! C’est bien ce que nous disons dans
notre prière « Que votre volonté
soit faite ! » Il ne s’agit pas bien-sûr de demander à Dieu de
réaliser ce qu’Il veut. Sa puissance n’a pas de limite. Ne doutons pas de son
efficacité. Nous savons que nul ne peut Lui résister. Que demandons-nous
alors ? Que nous obéissons à la volonté de Dieu, quel que soit le prix de
notre obéissance. Nous ne pouvons demeurer en Lui que si nous restons fidèles à
sa volonté. « Si vous gardez mes
commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi-même, j’ai gardé les
commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. » (Jean,
XV, 10).
Notre
Seigneur Jésus-Christ s’est donc livré à ses bourreaux et accepté toutes ses
souffrances pour sanctifier l’Église, son Église. Par la mort sur la Croix, par
son sacrifice, librement accepté, Il a mérité pour l’Église l’abondance des
grâces qui la rendent belle et glorieuse. Et c’est par elle que nous recevons
les grâces...
Notre
Seigneur Jésus-Christ est donc uni à l’Église comme l’épouse à son époux, ne
formant plus qu’un, et de cette union naît la vie. L’Église est aussi Mère.
Nous sommes ses fils. Par le baptême, l’Église nous engendre dans la liberté.
Enfant rebelle, nous renaissons enfant de Dieu. « La grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. » (Jean,
I, 17) L’Église nous engendre pour qu’un jour nous puissions rejoindre la cité
céleste.
La
maternité de l’Église
Dans
une de ses épîtres, Saint Paul évoque un des aspects de la maternité de
l’Église. Elle figure dans l’histoire de Sara et d’Agar. « Abraham eut deux fils, l’un de la servant,
l’autre de la femme libre. » (Galates, IV, 21) La première
préfigure l’ancienne alliance, celle qui engendre la servitude, la seconde, la
nouvelle alliance, celle de la liberté. « Le Jérusalem d’en haut est libre ; c’est elle qui est notre mère. »
(Galates,
V, 26)
L’image
de Jérusalem est présente dans une des visions de l’Apocalypse. Saint Jean voit
« la nouvelle Jérusalem, descendant
du ciel, d’auprès de Dieu, parée comme une épouse et ornée pour son époux.
» (Apocalypse,
XXI, 2) Et un ange montre à Saint Jean « l’épouse, la femme de l’Agneau » (Apocalypse, XXI, 9) Il
lui montra « la cité sainte,
Jérusalem » (Apocalypse, XXI, 10). Il lui montre
l’Église dans sa gloire, sa beauté, dans la paix et la félicité. « Sa lumière était semblable à une pierre
précieuse, telle qu’une pierre de jaspe, semblable au cristal. » (Apocalypse,
XXI, 12) Il n’y avait point de Temple dans la cité « parce que le Seigneur tout-puissant et l’Agneau en sont le
Temple. » (Apocalypse, XXI, 22)
Nous
sommes donc les enfants de l’Église qu’elle a fait naître au jour de notre
baptême. Et comme toute mère, elle nous nourrit, nous soigne, nous
réconforte. Elle nous accompagne aussi dans
toutes les étapes de notre vie. Avec elle, nous prenons les graves décisions
sur notre vie…
L’Église,
notre mère
Comme
une mère, tendre et attentive, l’Église est dévouée à ses enfants, à ceux qui
sont nés de ses entrailles. Elle sait ce qu’est notre bonheur. Elle le désire
de toutes ses forces. Nos âmes valent à ses yeux plus que tous les mondes. Car son
Époux, Notre Seigneur Jésus-Christ, est mort sur la Croix pour nos âmes. « Elles valent, toutes et chacune, tout le
sang de son Époux divin. »[3] C’est
aussi pour nos âmes qu’elle ne cesse de faire entendre la parole de Dieu et de
leur enseigner ses commandements. C’est encore pour nos âmes qu’elle dénonce
les mensonges qui les trompent et les détournent des véritables biens, qu’elle
réclame justice et défende leurs droits et les siens. Vigilante, elle
avertit, alarme, interdit. Comme une mère soucieuse de ses enfants, elle
n‘hésite pas à corriger. Elle pleure aussi quand l’un de ses enfants meurt. Sa
douleur est profonde. « Elle nous
prend et nous porte sans cesse dans notre misère et notre nudité morale et
physique, comme seule peut faire une mère ; elle dépouille nos langes au
baptême, pour nous imprimer ses onctions ; elle soulève nos linceuls, au
lit de mort pour nous oindre encore. Dépendance de tout notre être, intérieur
et visible, privé et public, sans réserve ni gêne. » [4]
L’Église par la liturgie
L’Église par la liturgie
Nous
entendons aussi l’Église par ses évêques et ses prêtres qui nous transmettent
l’enseignement de son Époux et nous rappellent l’exigence de notre filiation.
Elle agit par leurs voix et par leurs mains. Elle parle et respire à travers
les luttes des Pères de l’Église, les débats des conciles, la geste épique des
grands Papes. Elle est aussi historique que l’ont été la mort et la
résurrection de son Époux. Elle est bien vivante et concrète. Elle se laisse voir
et entendre pour ceux qui veulent bien la voir et l’entendre.
L’Église,
mère aimante
Comme
une mère, l’Église connaît enfin nos faiblesses et nos infirmités. Elle sait
être souriante et sévère, y compris pour ceux qui l’attaquent, l’offensent et
la calomnient. Elle tend la main à ceux qui se noient, elle relève ceux qui
tombent. Elle ne refuse ni pardon ni réconciliation. Il n’est pas d’hérétique à
qui l’Église refuse la paix. Il n’est pas de pécheur que l’Église ne soit
disposée à réintégrer dans la communion. Mais comme toute mère, elle attend de
ses enfants la répudiation de leurs erreurs, la pénitence de leurs fautes. Que
serait une mère qui élève ses enfants en excusant ses calomnies, ses mensonges,
ses crimes sans qu’ils ne disent pardon ?
Fils
de l’Église, elle-même épouse de Notre Seigneur Jésus-Christ, nous ne sommes
pas exclus de l’amour intime qui les unit. Nous aimons Notre Seigneur Jésus-Christ
avec elle. Nous vivons de la sainteté de ces noces. « Honorez, aimez et célébrez la sainte Église votre Mère, comme la
sublime Jérusalem, comme la ville sainte de Dieu. Elle est l’Église du Dieu
vivant »[6].
C’est pourquoi nous ne devons pas nous lasser d’appeler toutes les brebis qui
sont dispersées à nous rejoindre. L’Église les appelle en gémissant. « L’Esprit et l’épouse disent : Viens.
Que celui qui a soif vienne ; et que celui qui vient reçoive gratuitement
l’eau de la vie. » (Apocalypse, XXII, 17)
Lorsque
le trouble saisit notre âme ou notre intelligence, nous nous tournons donc naturellement
vers la Mère de notre foi, la Sainte Église. « Pourquoi es-tu triste, mon âme, et pourquoi me troubles-tu ? »
(Psaumes,
XLII, 5) C’est au sein de l’Église que nous puisons notre force et notre
lumière. Car en elle, nous trouvons Notre Seigneur Jésus-Christ. Là où est
l’Église, là est l’Esprit, nous dit Saint Ignace d’Antioche. L’Église est une
maison agréable qui nous accueille, nous soigne et nous nourrit. Elle est comme
un nid qui nous abrite, nous couvrant des ailes de la charité. Comment ne pas
trouver en elle ce qu’il nous plaît alors que Dieu Lui-même s’y complaît ?
Conclusion
Mais
d’où proviennent leurs critiques ? De ceux qui agissent si mal ? De
ces hommes et de ces femmes qui ne font pas ce qu’ils professent ? Ignorent-ils
alors la faiblesse humaine ou portent-ils plutôt l’homme au-delà de ce qu’il
est ? L’image qu’ils peuvent avoir de l’Église ne les aveugle-t-elle pas
non plus ? Les enfants de Dieu ne sont ni des esclaves enchaînés à des
commandements, ni des êtres sans
sentiment ni passion. Nés dans la liberté et non dans la servitude, ils
conservent une pleine liberté pour obéir comme pour désobéir, pour aimer comme
pour haïr, pour choisir Notre Seigneur Jésus-Christ ou le rejeter.
L’appartenance à l’Église ne donne ni impeccabilité ni infaillibilité. L’homme
reste tout entier, hormis le péché originel. Il lui reste à combattre ses
tentations. La concupiscence demeure…
Au-delà
des mauvais exemples, bien nombreux hélas, on devrait plutôt porter le regard vers
ceux qui demeurent fidèles à leur Mère en dépit de toutes les épreuves de
l’existence humaine. On verrait alors la valeur réelle d’une union inépuisable
en grâces. Si le cœur est pur, on pourra alors contempler le mystère de
l’Église, et se montrer plus exigeant à l’égard de la réalité et de la vérité…
Notes et références
[1]
Saint Cyprien, De l’Unité de l’Église, 4.
[2]
Jean Daujat, La vie surnaturelle, 2ème partie, chapitre VII,
édition du vieux Colombier, 1950.
[3]
Humbert Clérissac, Le mystère de l’Église, Dismas, 1985.
[4]
Humbert Clérissac, Le mystère de l’Église, Dismas, 1985.
[5]
Don Marmion, Le Christ, vie de l’âme, IX, Desclée de Brouwer, 1936.
[6]
Saint Augustin, Sermon CCXIV, 11.
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