" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 3 décembre 2016

L'Église, l'épouse du Christ

On rejette l’Église catholique car ses disciples ont commis des fautes et des crimes. On refuse de croire en elle car son histoire est marquée de taches de sang. On n’a aucune confiance en elle car on a entendu des mensonges et des silences dans l’Église. Des catholiques n’ont pas pratiqué les vertus évangéliques. Des ecclésiastiques ont refusé la vérité. Ne trouvant pas en eux ce qu’ils professent, certains ont fini par la quitter. Nous ne pouvons pas parler des catholiques sans évoquer l’Église. Nous ne pouvons pas non plus parler de l’Église sans évoquer Notre Seigneur Jésus-Christ.

Si des catholiques se montrent cupides ou vicieux, on accuse l’Église d’en être responsable et donc d’être fausse. Or si on remet en question son authenticité, on atteint Notre Seigneur Jésus-Christ. Comment alors un chrétien peut-il entendre de telles critiques sans se poser de véritables questions sur son Maître ? De telles critiques sont faciles. Il est beaucoup plus difficile et exigeant de se poser la question des liens entre les Chrétiens et l’Église au regard de Notre Seigneur Jésus-Christ. Écoutons plutôt Celui qui est Vérité au lieu d’entendre l’homme si prompt à réagir dans la colère et la désillusion. Le véritable problème ne réside peut-être pas là où on le croit…

L’Église, épouse du Christ

Pour saisir ce que sont les véritables rapports entre l’Église et Notre Seigneur Jésus-Christ, nous allons évoquer une des images qu’utilise Notre Seigneur Jésus-Christ pour parler d’elle. Un disciple de Saint Jean Baptiste Lui demande pourquoi ses disciples ne jeûnent pas comme les Pharisiens. « Les fils de l’époux peuvent-ils s’attrister pendant que l’époux est avec eux ? » (Matthieu, IX, 15) L’image est suffisamment claire pour être entendue. Notre Seigneur se présente comme un époux et les Chrétiens comme ses fils. Quelle est alors l’Épouse du Christ et notre Mère ? Saint Cyprien de Carthage nous donne la réponse : « personne ne peut plus avoir Dieu pour Père s’il n’a pas l’Église pour Mère »[1].

La réponse de Saint Cyprien ne nous surprend guère. Il la puise dans la Sainte Écriture, et plus précisément dans une épître de Saint Paul. « Maris, aimez vos femmes, comme le Christ a aimé l’Église » (Éphésiens, V, 25) L’union qui unit les mariés est comparée à celle qui unit Notre Seigneur Jésus-Christ à son Église. C’est bien l’Église son épouse.

L’Église unie au Christ





Or à un pharisien qui Lui demande s’il est permis à un mari de répudier son épouse, Notre Seigneur Jésus-Christ répond : « ils seront deux dans une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Ce que Dieu donc a uni, que l’homme ne le sépare point. » (Marc, X, 8-9) Nous devons rapprocher ces paroles à celles de Saint Paul sur le mariage. « Le Christ et l’Église sont deux en un seul Esprit, car l’Esprit Saint est l’Esprit de l’Église, l’Église unie à Dieu par le même Esprit qui unit le Christ au Père. Le Christ et l’Église sont deux dans un même cœur : l’Église n’a pas d’autre cœur que le cœur du Christ […] Le Christ et l’Église n’ont qu’une seule pensée : la pensée de l’Église, c’est la contemplation et l’enseignement des mystères révélés par le Christ, la doctrine de l’Église est la doctrine du Christ développé et expliqué. Le Christ et l’Église n’ont qu’une seule volonté, la volonté de la gloire de Dieu et du salut des âmes ; Le Christ et l’Église n’ont qu’une seule vie. »[2] Notre Seigneur Jésus-Christ et son Église ne forment qu’un.

L’amour du Christ à l’égard de l’Église

Notre Seigneur Jésus-Christ aime donc l’Église comme son épouse. Elle est sa bien aimée. « Que tu es belle, mon amie ; que tu es belle ! Tes yeux sont les yeux des colombes. » (Le Cantique des Cantiques, II, 14) Il s’est même livré pour elle pour qu’elle paraisse devant Dieu « glorieuse, n’ayant ni tâche ni ride, ni rien de semblable mais pour qu’elle soit sainte et immaculée » (Épître aux Éphésiens, VI, 27). Il s’est livré en personne pour elle. Quel plus beau témoignage d’amour ! « Personne n’a un plus grand amour que celui qui donne sa vie pour ses amis. » (Jean, XV, 13) C’est bien l’amour qui a commandé sa Passion. « Tu es belle, mon amie, douce et gracieuse comme Jérusalem » (Le Cantique des Cantiques, VI, 3)

Les Chrétiens, les fils de l’Église

Comme Il nous l’a enseigné, Notre Seigneur Jésus-Christ a voulu subir la mort de la croix et toutes les souffrances de sa Passion par amour pour son Père « afin que le monde connaisse que j’aime mon Père, et que comme mon Père m’a commandé, ainsi je fais. » (Jean, XIV, 31) Que sa volonté soit faite ! C’est bien ce que nous disons dans notre prière « Que votre volonté soit faite ! » Il ne s’agit pas bien-sûr de demander à Dieu de réaliser ce qu’Il veut. Sa puissance n’a pas de limite. Ne doutons pas de son efficacité. Nous savons que nul ne peut Lui résister. Que demandons-nous alors ? Que nous obéissons à la volonté de Dieu, quel que soit le prix de notre obéissance. Nous ne pouvons demeurer en Lui que si nous restons fidèles à sa volonté. « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi-même, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. » (Jean, XV, 10).

Notre Seigneur Jésus-Christ s’est donc livré à ses bourreaux et accepté toutes ses souffrances pour sanctifier l’Église, son Église. Par la mort sur la Croix, par son sacrifice, librement accepté, Il a mérité pour l’Église l’abondance des grâces qui la rendent belle et glorieuse. Et c’est par elle que nous recevons les grâces...

Notre Seigneur Jésus-Christ est donc uni à l’Église comme l’épouse à son époux, ne formant plus qu’un, et de cette union naît la vie. L’Église est aussi Mère. Nous sommes ses fils. Par le baptême, l’Église nous engendre dans la liberté. Enfant rebelle, nous renaissons enfant de Dieu. « La grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ. » (Jean, I, 17) L’Église nous engendre pour qu’un jour nous puissions rejoindre la cité céleste.

La maternité de l’Église

Dans une de ses épîtres, Saint Paul évoque un des aspects de la maternité de l’Église. Elle figure dans l’histoire de Sara et d’Agar. « Abraham eut deux fils, l’un de la servant, l’autre de la femme libre. » (Galates, IV, 21) La première préfigure l’ancienne alliance, celle qui engendre la servitude, la seconde, la nouvelle alliance, celle de la liberté. « Le Jérusalem d’en haut est libre ; c’est elle qui est notre mère. » (Galates, V, 26)

L’image de Jérusalem est présente dans une des visions de l’Apocalypse. Saint Jean voit « la nouvelle Jérusalem, descendant du ciel, d’auprès de Dieu, parée comme une épouse et ornée pour son époux. » (Apocalypse, XXI, 2) Et un ange montre à Saint Jean « l’épouse, la femme de l’Agneau » (Apocalypse, XXI, 9) Il lui montra « la cité sainte, Jérusalem » (Apocalypse, XXI, 10). Il lui montre l’Église dans sa gloire, sa beauté, dans la paix et la félicité. « Sa lumière était semblable à une pierre précieuse, telle qu’une pierre de jaspe, semblable au cristal. » (Apocalypse, XXI, 12) Il n’y avait point de Temple dans la cité « parce que le Seigneur tout-puissant et l’Agneau en sont le Temple. » (Apocalypse, XXI, 22)

Nous sommes donc les enfants de l’Église qu’elle a fait naître au jour de notre baptême. Et comme toute mère, elle nous nourrit, nous soigne, nous réconforte.  Elle nous accompagne aussi dans toutes les étapes de notre vie. Avec elle, nous prenons les graves décisions sur notre vie…

L’Église, notre mère

Comme une mère, tendre et attentive, l’Église est dévouée à ses enfants, à ceux qui sont nés de ses entrailles. Elle sait ce qu’est notre bonheur. Elle le désire de toutes ses forces. Nos âmes valent à ses yeux plus que tous les mondes. Car son Époux, Notre Seigneur Jésus-Christ, est mort sur la Croix pour nos âmes. « Elles valent, toutes et chacune, tout le sang de son Époux divin. »[3] C’est aussi pour nos âmes qu’elle ne cesse de faire entendre la parole de Dieu et de leur enseigner ses commandements. C’est encore pour nos âmes qu’elle dénonce les mensonges qui les trompent et les détournent des véritables biens, qu’elle réclame justice et défende leurs droits et les siens. Vigilante, elle avertit, alarme, interdit. Comme une mère soucieuse de ses enfants, elle n‘hésite pas à corriger. Elle pleure aussi quand l’un de ses enfants meurt. Sa douleur est profonde. « Elle nous prend et nous porte sans cesse dans notre misère et notre nudité morale et physique, comme seule peut faire une mère ; elle dépouille nos langes au baptême, pour nous imprimer ses onctions ; elle soulève nos linceuls, au lit de mort pour nous oindre encore. Dépendance de tout notre être, intérieur et visible, privé et public, sans réserve ni gêne. » [4]

L’Église par la liturgie

Mais comment pouvons-nous l’entendre ? Comment sentir sa tendre maternité ? Dans ses prières, ses litanies et ses oraisons. La liturgie est sa voix. Elle est la prière de l’Église. « L’Église connaît bien nos besoins, et c’est pourquoi, comme une mère attentive, elle met sur nos lèvres toutes ces aspirations si profondes et si ardentes de repentir, de confiance, de joie, d’amour, de complaisance, dictées par l’Esprit-Saint lui-même. »[5] Chaque église est sa demeure. C’est là que nous entendons ses douleurs lorsqu’elle pleure la mort de ses enfants, ses joies quand elle fête la victoire de son Époux. Elle vit par les fêtes qui chaque année nous font vivre les mystères de Notre Seigneur Jésus-Christ. Elle garde précieusement son souvenir dans la liturgie. Elle nous fait pénétrer, pour autant que nous pouvons y pénétrer, dans l’âme de son Époux afin que nous soyons plus unis à Lui. « Ayez en vous les sentiments qu’avait en lui le Christ, Jésus » (Philippiens, II, 5).

Nous entendons aussi l’Église par ses évêques et ses prêtres qui nous transmettent l’enseignement de son Époux et nous rappellent l’exigence de notre filiation. Elle agit par leurs voix et par leurs mains. Elle parle et respire à travers les luttes des Pères de l’Église, les débats des conciles, la geste épique des grands Papes. Elle est aussi historique que l’ont été la mort et la résurrection de son Époux. Elle est bien vivante et concrète. Elle se laisse voir et entendre pour ceux qui veulent bien la voir et l’entendre. 

L’Église, mère aimante

Comme une mère, l’Église connaît enfin nos faiblesses et nos infirmités. Elle sait être souriante et sévère, y compris pour ceux qui l’attaquent, l’offensent et la calomnient. Elle tend la main à ceux qui se noient, elle relève ceux qui tombent. Elle ne refuse ni pardon ni réconciliation. Il n’est pas d’hérétique à qui l’Église refuse la paix. Il n’est pas de pécheur que l’Église ne soit disposée à réintégrer dans la communion. Mais comme toute mère, elle attend de ses enfants la répudiation de leurs erreurs, la pénitence de leurs fautes. Que serait une mère qui élève ses enfants en excusant ses calomnies, ses mensonges, ses crimes sans qu’ils ne disent pardon ?

Fils de l’Église, elle-même épouse de Notre Seigneur Jésus-Christ, nous ne sommes pas exclus de l’amour intime qui les unit. Nous aimons Notre Seigneur Jésus-Christ avec elle. Nous vivons de la sainteté de ces noces. « Honorez, aimez et célébrez la sainte Église votre Mère, comme la sublime Jérusalem, comme la ville sainte de Dieu. Elle est l’Église du Dieu vivant »[6]. C’est pourquoi nous ne devons pas nous lasser d’appeler toutes les brebis qui sont dispersées à nous rejoindre. L’Église les appelle en gémissant. « L’Esprit et l’épouse disent : Viens. Que celui qui a soif vienne ; et que celui qui vient reçoive gratuitement l’eau de la vie. » (Apocalypse, XXII, 17)

Lorsque le trouble saisit notre âme ou notre intelligence, nous nous tournons donc naturellement vers la Mère de notre foi, la Sainte Église. « Pourquoi es-tu triste, mon âme, et pourquoi me troubles-tu ? » (Psaumes, XLII, 5) C’est au sein de l’Église que nous puisons notre force et notre lumière. Car en elle, nous trouvons Notre Seigneur Jésus-Christ. Là où est l’Église, là est l’Esprit, nous dit Saint Ignace d’Antioche. L’Église est une maison agréable qui nous accueille, nous soigne et nous nourrit. Elle est comme un nid qui nous abrite, nous couvrant des ailes de la charité. Comment ne pas trouver en elle ce qu’il nous plaît alors que Dieu Lui-même s’y complaît ?

Conclusion



Ainsi ceux qui accusent l’Église parce que ses enfants ne sont pas à la hauteur du titre qu’ils portent devraient davantage connaître l’objet de leurs critiques. Qu’ils interrogent notre Mère pour savoir si effectivement ses enfants font ce qu’elle demande au lieu de porter un jugement faux et grave sur elle ! Qu’ils écoutent sa prière et étudient les soins qu’elle prend pour élever ses enfants ! …

Mais d’où proviennent leurs critiques ? De ceux qui agissent si mal ? De ces hommes et de ces femmes qui ne font pas ce qu’ils professent ? Ignorent-ils alors la faiblesse humaine ou portent-ils plutôt l’homme au-delà de ce qu’il est ? L’image qu’ils peuvent avoir de l’Église ne les aveugle-t-elle pas non plus ? Les enfants de Dieu ne sont ni des esclaves enchaînés à des commandements,  ni des êtres sans sentiment ni passion. Nés dans la liberté et non dans la servitude, ils conservent une pleine liberté pour obéir comme pour désobéir, pour aimer comme pour haïr, pour choisir Notre Seigneur Jésus-Christ ou le rejeter. L’appartenance à l’Église ne donne ni impeccabilité ni infaillibilité. L’homme reste tout entier, hormis le péché originel. Il lui reste à combattre ses tentations. La concupiscence demeure…

Au-delà des mauvais exemples, bien nombreux hélas, on devrait plutôt porter le regard vers ceux qui demeurent fidèles à leur Mère en dépit de toutes les épreuves de l’existence humaine. On verrait alors la valeur réelle d’une union inépuisable en grâces. Si le cœur est pur, on pourra alors contempler le mystère de l’Église, et se montrer plus exigeant à l’égard de la réalité et de la vérité…


Notes et références
[1] Saint Cyprien, De l’Unité de l’Église, 4.
[2] Jean Daujat, La vie surnaturelle, 2ème partie, chapitre VII, édition du vieux Colombier, 1950.
[3] Humbert Clérissac, Le mystère de l’Église, Dismas, 1985.
[4] Humbert Clérissac, Le mystère de l’Église, Dismas, 1985.
[5] Don Marmion, Le Christ, vie de l’âme, IX, Desclée de Brouwer, 1936.
[6] Saint Augustin, Sermon CCXIV, 11.

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