L'eau changée en vin |
La multiplication du pain |
Or depuis le XIXe siècle
au moins, la réalité historique des miracles est contestée, méprisée, rejetée au point que des théologiens et des catholiques sont aujourd'hui réticents à en parler. Le
sujet est soigneusement évité. Les récits païens ne sont-ils pas emplis
de fables et de mythes ? Pire encore. Certains y voient une forme
littéraire du récit, ou encore l’expression parabolique d’une sorte d’enseignement
sans aucune référence à une réalité bien concrète. Tout ne serait donc qu’artifices
pédagogiques. Mais un tel discours mène à une impasse. Comment l’âme peut-elle
différencier un discours d’un autre ? C’est aussi oublier la force apologétique du
miracle sans lequel il serait bien difficile d'attester de la crédibilité du christianisme. Un tel discours conduit
aussi à une catastrophe puisqu’il contredit l’enseignement de l’Église.
Rappel sur les motifs de
crédibilité
Le miracle de l’hémorroïse (Sauveur-in-chora, Istanbul) |
Revenons aussi sur la notion
du signe. Un signe a pour rôle de nous donner des éléments d’identification. Il
doit nous faire reconnaître une chose parmi tant d’autres. Il est donc suffisamment
clair pour être discriminant. Mais sa valeur ne réside pas en cette chose mais
en sa signification. Elle porte une autre réalité qui la dépasse. Le signe
permet de l’atteindre au-delà de l’apparence. Nous avons rappelé dans un
précédent article[1]
qu’un signe est l’union d’un fait sensible et d’une haute vérité, deux éléments, l’un visible, l’autre invisible. Le fait sensible nous fait accéder à une vérité, inaccessible par d'autres voies. C’est bien par des éléments concrets, accessibles aux sens, que
l’élément invisible est connaissable. L’élément invisible doit aussi avoir du
sens. Il n’est pas l’œuvre de l’imagination. Il n’est pas irrationnel. Et il
n’est pas non plus le sens que voudrait donner celui qui le saisit. Ce sens est fourni
par celui qui est l’auteur du signe. Enfin, la crédibilité d’un signe dépend autant du
fait sensible que de la vérité qu’il révèle.
Les motifs de crédibilité
dans le domaine religieux
Guérison de la fille de la cananéenne |
Défendre la foi revient
souvent à présenter et à défendre ces critères. Ils ne démontrent pas que la religion est
vraie puisque nous sommes de l’ordre de la foi. Ils n’apportent que des
éléments de crédibilité plus ou moins forts. Cependant, de manière négative,
ils sont capables de montrer qu’une religion ou une croyance est fausse. Une
contradiction réelle suffit en effet pour démontrer sa fausseté. Ainsi est-il
important de connaître ces critères et de les présenter pour justifier sa foi
et dénoncer l’erreur.
Mais le plus souvent, la
présentation des motifs de crédibilité reste nettement insuffisante. Nous
sommes en effet conduits à démontrer la véracité et la pertinence de ces
critères, c’est-à-dire leur réalité et leur efficacité. Dans ce cas, nous
devons mener une démarche rationnelle, loin de toute sentimentalité, pour
attester leur force probante.
Les motifs de crédibilité
internes
Giotto, La Résurrection de Lazare,
Cappelle degli Scrovegni, Padoue
|
Il existe aussi des critères internes positifs au sens où ils justifient de manière probante la véracité d’une religion. Parmi ces critères, nous pouvons citer les effets de la religion elle-même. Ils doivent correspondre à sa doctrine et aux valeurs qu’elle enseigne. Si elle prône la douceur et l’humilité et qu’effectivement elle engendre de telles vertus, nous pouvons alors la recevoir raisonnablement comme étant vraie. La conformité entre les paroles et les faits est un fort élément de crédibilité.
Les motifs de crédibilité
externes
Les critères externes ou extrinsèques
sont des faits externes au témoignage. Si la personne témoignant de la chose
est malhonnête, indigne ou folle, ses paroles ne présentent alors guère de
crédibilité, la chose elle-même est probablement fausse. La valeur du témoin
est donc importante. Il ne s’agit pas de juger de la personne elle-même mais de
ses œuvres. Sont-elles conformes à ce qu’elle prétend dire ? Ses œuvres
sont ainsi de puissants témoignages en la faveur de la chose. Si une personne
prétend révéler un message divin tout en menant une vie contraire à ce message
même, pouvons-nous vraiment avoir confiance en elle et donc en la véracité de
son message ? Les principaux critères extrinsèques de la religion sont les
miracles et les prophéties. Comme Origène, nous pensons que les prophéties sont
les motifs les plus convaincants.
La définition du miracle
Le miracle désigne tout ce
qui est merveilleux et excite la surprise. Le mot vient du terme « mirari », qui signifie « admirer ». Il suscite en effet
l’admiration, l’étonnement. Un phénomène est étonnant quand il nous paraît
inexplicable et inattendu. La cause nous est donc inconnue, ou la chose
impossible.
Mais tout ce qui étonne
n’est pas considéré comme un véritable miracle. Pour qu’il y ait véritablement
miracle, il faut que le fait soit sans cause connue, hors de l’ordre naturel,
c’est-à-dire en dehors de l’ordre ordinaire des choses. Une éclipse de soleil
peut exciter l’admiration des hommes mais n’a rien de merveilleux pour
l’astronome. Elle n’est donc pas un miracle. L’étonnement ne dépend pas de la
science de l’homme. Selon Saint Thomas d’Aquin, « ce que suggère le nom de miracle, c’est-à-dire ce qui est par soi le
comble de l’étonnement, et non seulement pour telle ou telle personne. »[2]
La guérison d’un malade considéré comme incurable par les médecins les plus
compétents est un miracle lorsqu’aucune raison d’ordre naturel ne l’explique.
La prophétie est en un
certain sens un miracle. Cependant, contrairement aux miracles proprement dits,
une prophétie étonne lorsqu’elle se réalise, bien après son avènement, alors
que le miracle suscite l’étonnement au moment même où il se manifeste. C’est
pourquoi nous la distinguons généralement du miracle.
Miracles, éléments de la
foi
L’Ancien Testament nous
relate de nombreux miracles. Les plus connus sont certainement ceux qui sont
accomplis par Moïse : l’eau sortie du rocher, le bâton transformé en
serpent, la traversée de la mer Rouge, etc.
Selon les Évangiles
et l’enseignement de l’Église, Notre Seigneur Jésus-Christ a aussi accompli de
nombreux miracles[3] :
eau changée en vin, tempête apaisée, multiplication des pains, pêche
miraculeuse, nombreuses guérisons (aveugle-né, lépreux, sourd-muet, main
desséchée), morts ressuscités, etc. Les Apôtres en réalisent également au cours
de leur apostolat. Saint Pierre guérit un aveugle au pied du Temple, excitant
l’admiration de la foule.
Les miracles ne se
résument pas aux récits de la Sainte Écriture. Des faits sont rapportés dans le
monde catholique comme étant miraculeux. Certains d’entre eux sont reconnus par
l’Église comme étant de vrais miracles. Lourdes est le lieu le plus célèbre où
apparaissent de tels prodiges. Les Saints en ont aussi accomplis. C’est même
indispensable pour que l’Église les proclame bienheureux. L’histoire en recèle
de nombreux. Chaque jour, des miracles se produisent aussi sur les autels
lorsque le pain et l’eau se changent en corps et en sang de Notre Seigneur
Jésus-Christ dans le mystère de l’Eucharistie. Le miracle est par conséquent un
élément essentiel de la vie du catholique.
La valeur probante de
l’argument du miracle selon l’enseignement de l’Église
Au XIXe puis au XXe siècle,
l’Église est souvent intervenue pour défendre la véracité des miracles et des
prophéties. Parmi les vingt quatre propositions erronées que condamne le Pape
Pie IX dans le Syllabus, nous pouvons citer la suivante : « les prophéties et les miracles exposés et
racontés dans les Écritures saintes sont des fables des prêtres, et les
mystères de la foi chrétienne sont le fruit d’inventions philosophiques ;
et dans les livres des deux Testaments sont contenus des inventions
mythiques ; et Jésus-Christ lui-même est une fiction mystique »[4]
Contre toutes les théories opposées à la réalité et à la possibilité des
miracles, l’Église défend avec constance et fermeté leur véracité.
L’Église a aussi rejeté toute idée remettant en cause la valeur apologétique des critères externe. « Si quelqu’un dit que la foi divine ne peut être rendue croyable par des signes extérieurs et que, dès lors, les hommes doivent être poussés à la foi uniquement par leur expérience intérieure personnelle ou par une inspiration privée, qu’il soit anathème. »[5] Les critères internes ne suffisent pas. Il est donc légitime d’user de l’argument des miracles pour justifier et défendre notre foi.
De manière positive,
l’Église déclare aussi que « Dieu a
voulu que les secours intérieurs du Saint Esprit soient accompagnés de preuves
extérieures de sa Révélation, à savoir des faits divins et surtout les miracles
et les prophéties qui, en montrant de manière impressionnante la
toute-puissance de Dieu et sa science sans borne, sont des signes très certains
de la Révélation divine, adaptée à l’intelligence de tous. »[6] Deux notes caractérisent l’argument du miracle :
Pie XII rappelle enfin l’existence d’« un grand nombre de signes extérieurs éclatants permettant, même avec la seule lumière naturelle, de prouver de façon certaine l’origine divine de la religion chrétienne. »[7]
- ils sont accessibles à tous ;
- ils manifestent de manière certaine la toute puissance divine.
Pie XII rappelle enfin l’existence d’« un grand nombre de signes extérieurs éclatants permettant, même avec la seule lumière naturelle, de prouver de façon certaine l’origine divine de la religion chrétienne. »[7]
Cependant, Pie XII nous
enseigne que « l’esprit humain peut,
parfois, éprouver des difficultés simplement à formuler un jugement ferme de
crédibilité ». De nombreux éléments peuvent en effet faire obstacles à
l’évidence des signes extérieurs : les préjugés, les passions, la mauvaise
volonté. Ces difficultés ne viennent pas des motifs de crédibilité en eux-mêmes
mais de la personne qui les reçoit. Il nécessite une disposition d’esprit
adapté pour qu’ils soient effectivement efficaces. Le refus devient à son tour un
véritable signe : « Vous ne croyez point, parce que vous n’êtes
pas de mes brebis. » (Jean, X, 26) S’il n’y avait pas de
motif de croire, il n’y aurait pas de péché. « Si je n’avais pas fait au milieu d’eux des œuvres que nul autre n’a
faites, ils seraient sans péché ; mais maintenant ils ont vu, et ils me
haïssent, moi et mon Père. » (Jean, XV, 24) …
Ainsi l’Église défend la
réalité historique des miracles et leur valeur probante dans la justification
de la foi. Elle condamne naturellement toute thèse qui rejette la réalité et la
possibilité des miracles ou encore qui refuse d’y voir un signe de la manifestation
divine. Pour justifier et défendre la foi et l’enseignement de l’Église, il
n’est donc guère possible de ne pas en parler. Les miracles et les prophéties
font partie de la vie chrétienne et de notre foi.
L’Église nous enseigne que
les miracles démontrent deux points importants. D’une part, comme nous l’avons déjà
évoqué, ils prouvent la valeur du témoignage de Notre Seigneur Jésus-Christ auprès
de ses auditeurs. Ce sont des signes clairs et éclatants qui nous permettent de
reconnaître sa messianité. La Sainte Écriture nous apprend en effet que le
Messie doit accomplir de nombreux prodiges. C’est pourquoi Notre Seigneur
Jésus-Christ insiste auprès de ses auditeurs pour être jugé par ses œuvres.
D’autre part, ses miracles
prouvent la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ et l’origine divine du
christianisme. En effet, les miracles ne peuvent être accomplis que par Dieu. Qui
d’autre que le Créateur peut-Il donner des ordres à la nature ? Nous
reviendrons plus longuement sur la nature du miracle. Cela mérite en effet un
article à part entière.
Deux cas se
présentent :
- soit le miracle est fait au nom de Dieu. Dans ce cas, il atteste une complaisance divine. L’Ancien Testament nous décrit de nombreux miracles que réalisent les envoyés de Dieu pour justifier l’origine divine de leur mission ;
- soit le miracle est fait au nom propre de Notre Seigneur Jésus-Christ, montrant ainsi sa toute-puissance divine.
Dans les deux cas, le
miracle a pour objectif la foi. Comme les prophéties, les miracles sont des
signes très certains de l’origine divine d’un témoignage.
Conclusion
C’est pourquoi les
miracles et les prophéties sont des points essentiels qui nous permettent de
distinguer la vraie religion des innombrables croyances. Certes, ils peuvent
être rejetés par ceux qui ne sont pas dans de bonnes dispositions mais ils ne
doivent pas être négligés ou méprisés par ceux qui sont soucieux de répandre la
vérité et la foi. Un tel refus revient à enlever aux hommes de bonne volonté un
moyen sûr et efficace d’accéder à la lumière. Cela revient aussi à les
maintenir dans l’obscurité de l’ignorance …
Note et références
[1] Émeraude, septembre 2015, article, « Les signes : derrière le visible, l'invisible».
[2] Saint Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, Livre III, chapitre 101.
[3] Voir Émeraude, septembre 2015, article « Prophétie et miracles, des arguments apologétiques de premier ordre ».
[4] Pie IX, Syllabus ou Catalogue d’erreurs qui ont été condamnées dans différentes déclarations de Pie IX, 8 décembre 1864, §1, n°7, Denzinger 2907.
[5] Ier Concile de Vatican, constitution dogmatique Dei Filius sur la foi canonique, canon 3 du 3§ intitulée la foi, 28 avril 1870, Denzinger 3033.
[6] 1er Concile de Vatican (1870), Constitution dogmatique Dei Filius sur la foi catholique, 3ème session, 24 avril 1870, chapitre 3, Denzinger 3009.
[7] Pie XII, encyclique Humani Generis, 12 août 1950, Denzinger 3876.
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