Après plusieurs mois d’étude sur la pensée de Teilhard, il est temps d’en faire une synthèse. Est-il encore opportun de la poursuivre tant l’évidence nous frappe? Nous pourrions encore continuer à nous étendre sur ses intuitions, ses hypothèses, ses propositions mais tout cela nous semble vain. Est-il même possible de réfuter toutes ses idées disséminées dans ses nombreux essais ? Nous pensons avoir atteint le but de notre voyage. Nous sommes en effet convaincus que ses idées sont contraires à la foi et à l’enseignement de l’Église. Dans ses écrits, nous avons aussi rencontré une certaine désinvolture et malhonnêteté. De nombreuses contre-vérités nous affligent. Son lyrisme et sa réputation scientifique ne nous font pas oublier ses fautes et ses erreurs. Il est donc temps de synthétiser notre travail …
De l’audace et de la conviction à tout prix ?
Les premiers reproches s’adressent à la forme de ses discours : usage nombreux de néologismes, goût immodéré de mots nouveaux, emploi hasardeux de termes riches en sens... Tout cet attirail manque de clarté et de rigueur, gène notre compréhension et peut tendre à des confusions regrettables. Que d’équivoques dans ses propos ! Tout cela est source d’erreurs et de malentendus sur des sujets qui méritent cependant de la précision et de la clarté.
Et du mépris…
En dépit de sa joie expansive, nous retenons surtout de nos lectures une impression très désagréable et insupportable. Car derrière ses envolées lyriques, nous sentons un certain mépris à l’égard de ceux qui ne partagent pas ses convictions. Les mots sont durs contre les opposants de l’évolutionnisme et les fidèles de l’enseignement traditionnel de l’Église. Il les présente comme les adversaires du « progrès », enchaînés dans un catholicisme dépassé. Il est regrettable qu’un homme d’Église ait autant de verbes méprisants et arrogants contre son prochain, même contre ceux qui seraient dans l’erreur. Les techniques qu’il utilise pour dénigrer l’enseignement de l’Église sont en outre subtiles et efficaces mais reflètent une certaine malhonnêteté…
Un discours sans fondement sérieux
Son argumentation nous étonne par sa faiblesse. Certes il peut parfois s’épancher sur des découvertes scientifiques, des faits d’observation ou encore sur des faits « universellement » connus mais son discours n’est le plus souvent qu’une suite d’affirmations sans preuves, dénuées de toute rigueur scientifique. Peu de faits ou d’exemples précis, surtout dans le domaine religieux. Il dessine le portrait du chrétien moyen mais quel portrait dresse-t-il ?! Ce n’est que des stéréotypes, des caricatures, des clichés ! Il prétend être fidèle à la Parole de Dieu mais ce n’est parfois qu’une évocation imprécise, fugace de la Sainte Écriture. Il se justifie en évoquant un enseignement qu’il juge erroné sans cependant le dévoiler. Et que d’implicites dans ses phrases, que d’informations entre les lignes, que d’intentions dans les images qu’il dessine ! On pourrait nous dire qu’il n’avait pas le choix, compte tenu de la censure et de l’opposition ecclésiastique qu’il connaissait. Sa stratégie est peut-être compréhensible mais nullement louable !
Teilhard s’attaque à l’enseignement de l’Église sans apporter de véritables arguments solides. Ce n’est que des hypothèses bâties sur des intuitions, des caricatures et sur une expérience humaine. Son discours ne présente guère de rigueur intellectuelle compatible à la gravité et à l’importance du sujet traité.
Teilhard s’attaque à l’enseignement de l’Église sans apporter de véritables arguments solides. Ce n’est que des hypothèses bâties sur des intuitions, des caricatures et sur une expérience humaine. Son discours ne présente guère de rigueur intellectuelle compatible à la gravité et à l’importance du sujet traité.
Ce manque de rigueur nous étonne. Nous pouvions aussi espérer rencontrer plus d’humilité et de prudence dans ses ouvrages. Nous avons plutôt découvert un esprit sûr de lui, sûr de sa science. Sa foi en la science est en outre impressionnante. Se pose-t-il des questions sur l’évolutionnisme qu’il nous impose sans aucune condition ? Sa participation à l’affaire de Piltdown, fortement critiquée, ne peut plus nous surprendre[1]. Aujourd’hui, nous pouvons sourire de ses prétentions…
Comment pouvons-nous finalement adhérer à un tel discours ? D’un style déconcertant et lyrique, il est finalement sans fondement sérieux. Il s’appuie davantage sur le mépris et l’arrogance, sur une foi incompatible avec la nôtre…
Des idées dangereuses qui ne peuvent qu’affaiblir l’Église et la séparer du monde scientifique
Comment en effet pouvons-nous adhérer à ses idées ? Elles nous paraissent imprudentes et dangereuses. Que veulent-elles en effet ? Que l’Église prenne enfin en compte l’évolutionnisme et y adapte son enseignement car, affirment-elles, l'évolutionnisme est un fait acquis ! Convertir l'Eglise ? Mais comment pouvons-nous dire, et surtout à l’époque où Teilhard écrit ses ouvrages, que l’évolutionnisme est un fait acquis ? Et même si une théorie scientifique semble indiscutable, l’histoire nous montre bien combien elle reste éphémère. Elle est vraie jusqu’au jour où une autre la remplacera ou viendra mieux cerner ses limites. Devons-nous alors fonder l’enseignement de l’Église sur une théorie par essence instable ? Ne risquons-nous pas de reproduire l’erreur qu’ont commise des ecclésiastiques en défendant le modèle obsolète de Ptolémée ? Teilhard veut rapprocher l’Église de la Science en adaptant son enseignement à l’évolutionnisme mais sa tactique ne peut conduit qu'à un échec et à des conflits.
Comment pouvons-nous rapprocher les scientifiques de l’Église quand les scientifiques se disputent âprement sur les idées qu’il propose ? Des évolutionnistes éminents s’opposent à ses intuitions qu’ils jugent contraires à l’idée même de l’évolution. Il risque ainsi d’engager l’Église dans un débat qui oppose plusieurs tendances au sein de l’évolutionnisme. Le chrétien doit-il être finaliste, vitaliste, spiritualiste ou matérialiste ? Doit-il plutôt tendre vers un évolutionnisme progressif ou brutal ? Teilhard, veut-il vraiment engager l’Église dans ce conflit où s’affrontent de nombreuses théories ? L’Église ne pourra trouver que confusion et division.
Que d’erreurs également dans ses interprétations ! En érigeant la complexification comme loi scientifique, il confond causes et conséquences. Il généralise au Monde un constat particulier. Il prétend aussi saisir la totalité du Monde comme s’il pouvait s’extraire du Tout. Il va même à l’encontre de l’évolutionnisme et de la philosophie de Bergson. Il radicalise des idées déjà contestables …
Une doctrine contraire à la foi chrétienne dans sa finalité et ses fondements
Selon son propre témoignage, nous constatons que sa foi chrétienne repose sur des motifs purement naturels, sur « une foi psychologique », sur une certaine conception de l’Univers. Tout doit être dérivé de cette croyance. Est-ce cela la foi chrétienne ?
Nous pouvons énumérer ses erreurs : refus du péché originel tel qu’il est enseigné par l’Église, confusion entre ordre naturel et ordre surnaturel, valorisation excessive des actions humaines, … Nous en avons décrit quelques-unes. Nous laissons à des hommes plus compétents que nous le soin de les dénoncer et de les réfuter pleinement, par exemple la confusion entre les deux ordres naturel et surnaturel ou sur sa conception du Corps mystique du Christ…
Un autre regard que celui de l'Eglise
La doctrine de Teilhard s’oppose à l’enseignement traditionnel de l’Église et à la Révélation telle qu’elle a toujours été interprétée et comprise par l’Église. Teilhard se défend pourtant de toute infidélité : il ne fait que présenter, dit-il, une nouvelle lecture de la Parole de Dieu tout en lui demeurant fidèle. Mais justement, être fidèle, n’est-ce pas avant tout de garder la même lecture, un même regard ? Orienter notre esprit et les yeux de notre âme dans la direction que Dieu nous a indiquée ? Voir le Monde et la Vie tels que Dieu nous demande de les regarder et non comme nous voulons les voir ?...
Or Teilhard nous demande de changer radicalement de direction : la Rédemption qui a toujours été au cœur de l’enseignement de l’Église doit désormais être secondaire. Car elle est fondée sur le péché originel, chose que Teilhard ne peut en effet accepter tant ce dogme est contraire à l’idée même de l’évolutionnisme. Il est en effet conscient que nous ne pouvons y adhérer sans rejeter ce dogme. Nous y insistons fortement car là est le point d’achoppement :
l’idée du péché originel est fondamentalement incompatible avec celle de l’évolutionnisme.
Teilhard demande en effet à l’Église de centrer désormais sa doctrine sur le Christ cosmique, sur le Point Omega. Mais quel est ce Christ qui nous propose ? Est-ce celui de l’Histoire ou de ses pensées ? Est-ce Notre Seigneur Jésus-Christ en chair et en sang, le Verbe Incarné, ou plutôt une abstraction, une pensée, sans matière, sans forme ? Que devient par exemple la Résurrection de la chair dans sa doctrine ?
Une conception de l'Homme idéalisée
Revenons à la notion de grâce. Teilhard semble attribuer à l’homme un rôle primordial dans sa sanctification au point de reléguer la grâce à un rôle d’assistance. Pouvons-nous l’accuser de pélagianisme ? Peut-être. Le manque de clarté et de précision dans son discours conduit peut-être à le penser...
Une christologie déséquilibrée
Le Christ est Omega mais il est aussi Alpha. Il est Alpha et Omega. Or Teilhard traite peu du Christ en tant qu’Alpha. Il se concentre sur l’Omega. Ne fait-il pas ce qu’il reproche à l’Église : biaiser la vérité en insistant trop sur un des points de son enseignement ? Car le Christ ne peut être Omega s’il n’est d’abord Alpha. Or parler du Christ comme Alpha revient à parler de la Grâce, des mérites de Notre Seigneur et donc de la Rédemption. En outre, comment peut-il parler d’un Point Alpha quand l’évolutionnisme ne porte son regard que vers le devenir, c’est-à-dire vers le Point Omega ? Un évolutionniste ne peut songer à la source, à l’origine, il ne pense qu’au lendemain, au devenir…
Un Univers qui exclut le surnaturel
Enfin, que devient le surnaturel dans sa vision de l’Univers ? Par son action, l’homme contribue à sa sanctification et à celle du Monde. La Matière et l’Esprit évoluent selon une « loi scientifique ». L’Esprit dérive de la matière. Le mal n’est vu que sous un aspect physique, etc. Le surnaturel existe-il encore ou disparaît-il derrière le naturel [2] ?
Conclusion
Une étude attentive des œuvres de Teilhard nous dévoile donc des erreurs manifestes, contraires à l’enseignement de l’Église. Certaines de ses idées présentent de véritables dangers. Elles proviennent probablement d’une confiance abusive en la Science et au Monde, ou plutôt à une certaine science, à une certaine conception du Monde, finalement à une certaine philosophie. Il nous le dit lui-même. La foi qu’il professe d’abord est une foi au Monde et en la Science, et non une foi en Dieu. Comment pouvons-nous alors adhérer à une telle pensée si contraire au christianisme ?
Teilhard couvre sa pensée sous la voile de la science quand elle est surtout philosophique et religieuse. Nous pensons que sa véritable intention n’est pas de renouer les relations entre le Christianisme et la Science, mais d’intégrer une philosophie évolutionniste dans l’Église…
En conclusion, la doctrine de Teilhard est étrangère au christianisme. Nous ne pouvons que la rejeter et la dénoncer. « N’est-ce pas plutôt une nouvelle forme de gnose, l’une de ses multiples tentatives toujours vaines de rationaliser le contenu de la foi […] ?» [2].
[1] Voir Émeraude, novembre 2012, article « La scandaleuse affaire de l’homme de Piltdown ».
[2] Voir Dom Georges Frenaud, moine de Solesmes, Pensée philosophique et religieuse du Père Teilhard de Chardin, collection Octobre. Cette article récapitule les pensées philosophiques et religieuses de Teilhard et en montre toute leur dangerosité, http://teilhard.org/panier/1_fichiers/Pere(Don).G.Frenaud.et.le.Monitum.pdf.
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