" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 16 janvier 2021

Le New-Age (5) : les raisons de son succès et de son échec

Le New Age peut paraître désuet et ridicule, un héritage d’une époque révolue, où il était bon ton de se révolter contre la culture contemporaine et de s’exercer à des expériences étranges. Les expériences psychédéliques, les rites ésotériques ou le néopaganisme ne font sans-doute plus guère recette de nos jours. Ils font plutôt sourire. Dès le début de notre siècle, des observateurs notaient déjà la fermeture des librairies et la fin de diffusion de revues spécialisées dans le New Age.

Pourtant, au même moment, de nombreuses autorités s’alarmaient de la diffusion de son esprit et de son succès. En outre, « le succès des librairies et stations de radio ainsi que la myriade de groupes de réalisation de soi apparus dans les villes, petites et grandes, s’inscrivent en faux contre une telle affirmation. »[1] Ce constat date déjà de 2003. De nos jours, le phénomène se confirme avec éclat par le développement de pratiques nées dans les instituts de New Age. Sa musique n’a jamais été aussi florissante. La lithothérapie est un « business » en explosion[2]. Les offres de spa, de massages dits d’Esalen, de chakras ou de thérapies encore plus étranges ne cessent de fleurir sur Internet. En 2020, des librairies peuvent encore vendre des livres du New Age fraîchement publiés. Enfin, pour terminer cette longue litanie, nous pouvons évoquer un vin intitulé « expérimental New Age », né en 2019 dans le Lot-et-Garonne en partenariat avec une entreprise internationale stationnée à Sacramento afin de « retrouver la santé de nos sols. »[3] Peut-être, cette expérimentation ne relève pas du New Age mais son nom n’est pas anodin. Il est désormais un libelle recherché, une marque qui fait vendre…

De nos jours, le New Age demeure encore bien présent. Il est même plus visible dans notre vie quotidienne qu’au début du XXIe siècle. Avec étonnement, nous l’avons constaté cet été quand nous avons vu des touristes envahir une boutique de vente de pierres aux pouvoirs extraordinaires. Quelques signes et livres ésotériques ne semblaient guère les gêner. Et, depuis que nous nous livrons à l’étude de New Age, nous sommes encore plus surpris de sa présence au travers de boutiques, de sites Web, de revues et d’ouvrages en sa faveur. Le succès du bouddhisme occidental en est aussi un de ses aspects, sans doute les plus caractéristiques de ce phénomène toujours vivace dans notre société.

La fin du New Age pour le Next Age ?

Pourtant, dans plusieurs de ses ouvrages[4], une des personnalités du New Age, David Spangler, s’inquiète de sa déviation. Des sociologues parlent même d’une dilution progressive du mouvement dans les sociétés, soulignant le mercantilisme et le narcissisme qui le caractérisent davantage.  

En outre, à l’arrivée du nouveau millénaire, des partisans du New Age annonçaient des catastrophes, catastrophes que nous attendons encore. L’âge d’or, un âge de paix et de prospérité, tant promis, tant espéré, n’est point venu non plus. L’attente est longue, les déceptions plus rapides. Pourtant, le New Age n’est point millénariste. Sa pensée est beaucoup plus profonde et sérieuse, et finalement bien plus dangereuse que les folles idées que portent et diffusent les sectes.

En l’an 2000, pour marquer un tournant dans l’évolution du New Age, un sociologue[5] a introduit une nouvelle expression, le « Next Age ». Il voit lui-aussi un changement dans son discours et dans son esprit. Le New Age aurait abandonné leur vision de transformation planétaire pour se concentrer uniquement sur la transformation de l’individu. Il ne rêverait plus d’un âge d’or pour toute l’humanité mais n’aspirerait désormais qu’à un âge d’or individuel, c’est-à-dire à un plein épanouissement de l’individu.

Comme nous l’avons évoqué à plusieurs reprises dans nos précédents articles, le New Age cherchait à l’origine à faire évoluer un nombre suffisant d’individus pour transformer l’humanité selon le principe que les actions locales devaient aboutir à une évolution totale. De manière concrète, il a voulu développer une nouvelle culture contraire à celle de nos sociétés modernes, une culture globale et pluridisciplinaire, favoriser l’interconnexion entre les hommes par une plus grande communication entre eux, ou encore diffuser une psychologie humaniste plus centrée sur l’individu. Cette volonté n’est pas restée au stade d’une pure théorie ou d’une doctrine verbeuse.  Elle a fait naître des moyens et des outils pour qu’elle se réalise concrètement. Elle a notamment développé de nouvelles thérapies destinées à utiliser tout le potentiel humain jugé encore inexploité.  

Le Next Age aurait-il ainsi abandonné cet objectif pour se consacrer uniquement à l’individu, le moyen devenant la fin ? Le but du New Age était d’élever une nouvelle civilisation alors que désormais, il chercherait à ériger l’individu en un être absolu. Cela se traduirait par la désaffection de l’organisation en groupe ou en mouvement au profit de formes plus individuelles.

Ou une nouvelle réalité du New Age ?

Cependant, ne nous trompons pas. Le temps fait aussi son effet dans le New Age ou plutôt dans son discours. Celui-ci évolue avec les hommes, surtout pour qu’il demeure perceptible et attrayant dans notre société. Certains aspects sont sans-doute abandonnés au profit d’autres plus attirants. Mais, en réalité, le changement en est-il vraiment un ?

Certes, dans les années 60 et 70, le New Age était surtout vécu et perçu comme une réaction contre la culture contemporaine. Il s’inscrivait en effet dans la période des hippies et annonçait les bouleversements qui ont suivi mai 68. Mais contrairement à ce que nous pouvions imaginer avant d’aborder ce sujet, les fondateurs du New Age ne ressemblaient guère à ces individus révoltés ou insouciants, en recherche de nouvelles expériences, de nouvelles sensations. Leurs ambitions étaient plus hautes, leurs pensées plus solides. L’homme était déjà au centre de leur préoccupation. Il s’agissait d’accéder à un nouvel état de conscience, d’une conscience supérieure, comme l’envisageait Sri Aurobindo[6]. Leurs regards étaient donc anthropocentriques. Mais il est vrai qu’ils espéraient une nouvelle ère, une nouvelle conscientisation du monde.

Un New Age qui s’affirme ?

Les changements constatés au XXIe siècle manifestent deux aspects du New Age. D’une part, ils soulignent sa dissension en de multiples tendances. Diffus à l’origine, sans véritable organisation, difficilement saisissable, le New Age se développe au fur et à mesure selon des orientations ou des axes qui se précisent et s’affirment. Tout en gagnant en clarté et donc en force, ilet  se divise plus nettement. Nous pouvons en effet y discerner désormais au moins quatre tendances :

  • la tendance spirituelle, voire religieuse, qui cherche à mettre en place par le syncrétisme une seule vision religieuse, c’est-à-dire une seule religion planétaire, seule solution pour instaurer un âge de paix et de bonheur ;
  • la tendance culturelle, qui veut développer et imposer une culture universaliste, globale et holiste, par la pluridisciplinarité ou l’interdisciplinarité, unissant ainsi les disciplines et finalement les hommes, pour aboutir à une nouvelle civilisation ;
  • la tendance anthropocentriste, qui veut exploiter le potentiel humain pour faire de l’homme un surhomme ;
  • la tendance environnementaliste, qui songe à une planète vivante et veut la soigner pour la sauver de la catastrophe, y compris au détriment de l’homme et de ses activités.

L’aspect commercial, inhérente à chacune de ses tendances, n’est pas non plus oublié, soit par opportunisme, soit par nécessité. Les revues et les livres, les stages, les conférences fournissent d’excellents revenus.

Enfin, selon le temps et la mode, l’une des tendances s’affirme au détriment des autres. Si au début des années 2000, le pouvoir des pierres, notamment du cristal, ne fait plus recette. Ce n’est plus le cas de nos jours. Ces changements révèlent aussi l’influence de la société dans le New Age. Les pensées millénaristes de la fin du XXe siècle n’y ont plus court alors que les idées féministes et environnementalistes s’affirment avec force.

Une unité derrière la division ?

Quelles que soient les tendances et les influences qui le composent et le divisent, le New Age est pourtant inspiré par une même pensée et une même volonté. Partant d’un constat catastrophique, selon lequel l’homme, la société ou la planète sont en danger, il se propose de les sauver par un nouveau système, de nouveaux principes, de nouvelles valeurs, de moyens innovants, toujours opposés à tout ce qui existait auparavant. Le remède ou le salut réside en l’homme, dans sa science, dans son potentiel psychique, ou encore dans son comportement, voire dans son anéantissement.

Le New Age se caractérise donc par :

  • le rejet de notre société, d’une attitude intellectuelle, spirituelle ou comportementale, d’un ensemble de valeurs qui caractérisent notre société ou encore de la vision traditionnelle que nous avons de la vie ;
  • la recherche et le développement de tout ce qui apparaît contraire à la culture contemporaine, donc tout ce qui semble nouveauté (bouddhisme, chamanisme, ésotérisme), ou ce que notre civilisation a rejeté (mythologie, paganisme).

Le New Age ne peut donc qu'évoluer dans ses formes et ses moyens puisque le constat évolue ainsi que l’apparence de la nouveauté.

Des hommes en crise

Nous pouvons alors comprendre les raisons du succès du New Age. Le constat catastrophique n’est pas en effet difficile à faire. Il est partagé par de nombreux observateurs et contemporains. En outre, les journaux ne cessent de le montrer quotidiennement de manière insistante, rabâchant sans-cesse les malheurs de notre temps. Notre vie quotidienne n’est guère non plus plaisante. La lassitude, la fatigue ou le stress ne sont pas de vains mots. Le monde dans lequel nous vivons ne semble donc guère réjouissant et épanouissant ; il court à sa perte.

Nous aspirons donc légitimement à un autre plus reluisant. Dans un tel environnement « crisogène », nous pouvons naturellement éprouver en nous un véritable manque dans notre existence et donc un besoin d’épanouissement. Nos contemporains aspirent « à une spiritualité plus profonde, à quelque chose qui touche leur cœur et donne un sens à un monde confus et souvent aliénant. »[7] Mais ces besoins sont comme étouffés dans notre société actuelle

En outre, il faut bien trouver des responsables dans les crises sociales, environnementales et politiques qui touchent notre société. Les institutions de toute nature sont ainsi dénoncées, comme si par elles-mêmes, elles en étaient les responsables. Il est vrai que certaines idéologies comme le communisme ont tellement érigé le bonheur dans des organisations ou la collectivité que leur échec a abouti à leur discrédit. N’oublions pas non plus que les différents libéralismes, économique, social, religieux ou encore moral, si prégnantes dans notre société, impliquent le rejet de toute forme d’ordre et d’organisation officielle.

L’échec d’une idéologie

Les différentes solutions promises depuis plus d'un siècle pour nous donner le bonheur tant espéré se sont finalement avérées bien impuissantes à répondre aux rêves qu’elles ont suscités. La paix et la prospérité qui s’annonçaient semblent bien éloignées des promesses tant rabâchées. Et dans leurs échecs, les solutions miracles ont montré non seulement leurs limites mais aussi la fausseté de leurs principes. La médecine ou l’agriculture en sont de parfaits exemples.

Pendant des décennies, après d’indéniables progrès, la médecine n’a consisté qu’à traiter les symptômes, qu’à nourrir le corps de médicaments, qu’à injecter des vaccins, rejetant toutes les autres formes qui paraissaient peu rationnelles, peu modernes, dénigrant les « recettes de grand-mère » pourtant si efficaces. L’industrie pharmaceutique a bien profité de cette manne sans concurrence ni véritable contrôle. Elle a aussi été soutenue par l’État. De même, le regard n’était tourné qu’à une seule forme d’agriculture, une agriculture intensive, industrielle, démesurée, considérée comme seule capable de répondre aux besoins et de nourrir la population. L’unilatéralisme et le totalitarisme ont montré suffisamment de maladresses, d’erreurs et de fautes graves pour que de nos jours, ils soient légitimement rejetés. « Le fait que ce qui était autrefois des éléments centraux de la société soit aujourd’hui perçus comme peu fiable ou dépourvu d’une autorité véritable a créé un climat dans lequel les individus regardent en eux-mêmes, à la recherche de sens et de force. Ils se tournent vers les institutions alternatives, dont ils espèrent qu’elles répondront à leurs besoins profonds. »[8]

Une erreur fondamentale

Enfin, les organisations religieuses traditionnelles, dans lesquelles les religions sont enseignées, vécues et organisées, ont aussi perdu toute crédibilité. L’Église visible dans sa hiérarchie et dans les paroisses n’est pas épargnée. Certes, elle subit les critiques que nos contemporains adressent à toute forme d’institution mais elle se montre aussi incapable de remédier les crises actuelles et pire encore, elle a épousé le monde qui en est responsable. Elle est si mêlée au monde actuel qu’elle ne peut proposer de réelles solutions alternatives et crédibles. Ses discours sont ternes, son enseignement inaudible et vieilli, sa voix imperceptible. Elle a oublié ce qu’elle devait être pour se compromettre avec une culture désormais rejetée. Elle a cruellement manqué de courage et de lucidité. L’aggiornamento a été une dramatique erreur qui a coûté chèrement à l’Église et aux hommes. « Beaucoup d’entre eux ont rejeté la religion organisée, estimant qu’elle ne répondait pas à leurs besoins, pour aller chercher ailleurs la spiritualité.»[9]

À la recherche d’une alternative

Dans notre société dite moderne, les véritables besoins de nos contemporains, spirituels notamment, ne sont pas satisfaits. Ils ressentent bien le mensonge du monde dans lequel ils vivent. Ils refusent désormais les chimères qu’il leur vend à bon prix. Ils recherchent une voie alternative. Mais les solutions qui leurs sont proposées sont trop réductrices ou incomplètes.

Or, « le New Age est né, dans une large mesure, en réaction contre la culture contemporaine »[10]. Conscients des crises qui nous frappent et partageant le même constat, des scientifiques, des philosophes, des politiques et bien d’autres encore se sont regroupés et ont partagé leurs idées pour apporter une réponse pragmatique capable de satisfaire des individus en quête d’un autre monde plus plaisant et épanouissant. Finalement, il « séduit surtout parce qu’une grande partie de ce qu’il offre répond à des besoins que les institutions établies n’ont pas toujours été capables de satisfaire. »[11] Comme nous l’avons montré, il prend en compte toutes les dimensions de l’homme, refusant toute restriction dans leur recherche, et s’oppose fortement à l’unilatéralisme de notre société si imbue d’elle-même. Les moyens qu’il a développés ont aussi montré leur succès. Une thérapie inefficace n’aurait guère perduré face à l’immense industrie pharmaceutique.

À la recherche d’une exaltation de soi

Bien qu’ils rejettent la société dans laquelle ils évoluent, nos contemporains demeurent encore ses enfants et ils en sont naturellement conditionnés. 

D’une part, les valeurs que la société prêche à longueur de temps ne peuvent qu’attirer les âmes de bonne volonté qui rejettent les vices et les mauvais sentiments qui causent tant de drames ici-bas. À force de voir les nobles idées exhortées tout en étant bafouées, ils veulent les vivre réellement sans les remettre en question. Les mots gardent leur puissance. Ils recherchent aussi la lumière et la chaleur à force de voir les ténèbres les recouvrir. Ils sont donc friands des bons sentiments que vendent d’innombrables discours et qui envahissent les ondes. Les belles idées de liberté, d’authenticité, de responsabilités plaisent aux cœurs et réjouissent ceux qui rejettent les maux de ce monde. Mais ne soyons pas dupes. Derrière ces nobles idées, ils recherchent surtout à éprouver des sentiments de liberté, d’authenticité, de responsabilité. 

D’autre part, la société développe l’individualisme, l’égalitarisme, fils de la démocratie ou du libéralisme[12], finalement le culte du bien-être pour aboutir au solipsisme. Le regard de chacun est tourné vers soi comme tout se rapporte à soi. Finalement, tout concourt à développer et exalter une haute idée de soi. Nos contemporains n’en échappent pas. 

Notons enfin que nos contemporains sont fortement imprégnés de la culture d’entreprise et celle du consumérisme comme ils sont enchantés par les nouvelles technologies et les nouveaux modes culturelles. Ils embrassent tout ce qui excite leur moi et libère leur force créative. Créer et produire soi-même...

Le New-Age, une solution attirante

Or étrangement, « le New Age s’adresse à ceux qui adhèrent pleinement aux valeurs de la culture moderne. »[13] Tous les bons sentiments, nous les retrouvons dans le New Age. Les services et moyens qu’il propose ont pour objectif de faire cesser la souffrance, d’apporter la paix intérieure, de développer l’altruisme, de vivre authentiquement, d’être soi-même, de se réaliser, d’être même plus créatif, productif et rentable socialement, professionnellement, sentimentalement. En un mot, il leur offre des rêves de bonheur que le monde ne peut plus leur offrir et surtout des moments d’exaltation de leur moi.

Ainsi, en partageant le même constant et les mêmes valeurs, le New Age apparaît comme une solution alternative crédible pour nos contemporains. La pluridisciplinarité et l’interdisciplinarité remettent en cause l’unilatéralisme de notre monde tandis que les mystères, les forces spirituelles, inconscientes ou occultes remettent en question la rationalité de notre société. À cet ensemble en apparence hétérogène et déconcertant, l’holisme apporte du sens et de la cohérence. Le mouvement du potentiel humain rejoint l’exaltation de soi. La volonté de s’interconnecter rejoint le besoin social et le désir de relations humaines.

Des moyens efficaces, un apostolat omniprésent

Comme nous l’avons déjà évoqué dans nos précédents articles, l’esprit du New Age s’est diffusé au travers d’associations, d’instituts, de conférences. Il a inspiré de nombreuses personnalités des sciences et des arts, y compris de la politique, qui, dans leurs domaines, ont développé leur matière, nouvelle psychologie, nouvelles thérapies, nouveaux modèles économiques. Le New Age ne porte plus une contre-culture comme dans les années 60 par la révolte, l’exubérance ou la provocation. Il est désormais porté par des domaines qui inspirent crédibilité et confiance. Il s’exprime dans les sciences par la volonté de rompre les barrières entre la matière et le spirituel, le rationnel et l’irrationnel, entre l’inerte et la vie. Il est particulièrement présent dans la médecine et propose de nombreuses thérapies pour soigner les corps.

L’esprit du New Age est également présent dans des œuvres, notamment au cinéma et dans la musique. Or, le moyen le plus efficace, le plus discret pour toucher une âme, pour la désarmer de toute méfiance, pour rendre banales des idées et des idéologies, demeure l’art sous toutes ses formes.

Mais une solution pas si différente que cela…

Pourtant, le New Age est, « sous bien des aspects, l’héritier direct »[14] de notre culture contemporaine. Ce n’est pas un hasard s’il intègre si bien le bouddhisme occidental et les différentes pratiques ésotériques, qui proviennent du XIXe siècle. L’évolutionnisme qui marque toutes les tendances du New Age est encore un produit de la société contemporaine. Les idées gnostiques qui le nourrissent est une réminiscence du début de l’ère chrétienne. Rien n’est guère nouveau dans ce qu’il offre. En fait, la vision du monde qu’il propose n’est pas éloignée de celle qui domine notre monde. Le New Age est même à l’image de l’homme moderne confronté à ses contradictions.

Les moyens qu’il propose pour sauver l’humanité et la planète sont de même nature que les solutions miraculeuses qu’ont vendues les faiseurs de rêve de notre proche passé. Ils résident tous en l’homme. Le bouddhisme occidentale, le mouvement du potentiel humain ou encore les nouvelles thérapies sont fondamentalement tournées vers l’homme et reposent sur lui. Le New Age développe encore plus le culte de l’homme. Or, cette vision anthropocentrique n’est-elle pas la cause de tous nos maux ?

Les techniques et processus employés tendent à la maîtrise et à la transformation de soi, au développement des forces humaines, à la réalisation de sa personne. Ils offrent de nouvelles expériences, capables d’une expérimentation de soi, c’est-à-dire d’une excitation du moi, alors considérée comme une richesse. Ils donnent confiance et décuplent les forces. Finalement, c’est l’égocentrisme qui se voit ainsi nourrir et par là croître.

La plupart des individus qui viennent dans les centres de nouvelles thérapies se moquent bien des idées qui les ont fait naître. Ils restent en fait des consommateurs de produits destinés à les satisfaire, à leur procurer le bonheur qu’ils ne trouvent pas dans d’autres boutiques. Ils recherchent leurs effets bénéfiques ou espèrent en trouver dans des forces mystérieuses. Le New Age fait ainsi fortune et attire alors bien des entrepreneurs. Il « s’accorde parfaitement avec les modèles de consommation propres aux sociétés »[15]. Comme il a su s’adapter aux règles du marché, il a rapidement compris l’intérêt et la force des nouvelles communications, répandant ainsi son esprit.

Conclusions

Plus mature et plus confiant, le New Age n’a jamais non plus été aussi attrayant pour des hommes et des femmes las et exaspérés d’un monde vain et harassant, d’une société qui court à sa perte. Le New Age appelle en effet au changement, à une culture plus globale, à une transformation de soi, à un nouveau regard sur notre planète. Il semble apporter des réponses aux préoccupations de nos contemporains. Il semble aussi répondre aux besoins de nos contemporains, des besoins spirituels, psychiques, sentimentaux. Les différences tendances du New Age peuvent ainsi apparaître comme une solution aux problèmes quotidiens comme aux grandes crises qui touchent notre société et notre monde.

Le New Age apparaît très intéressant par sa vision plus large et moins étriquée, moins dogmatique et sans frontière. Il a pu développer des thérapies qui semblent finalement se révéler efficaces au moment où une médecine imbue d’elle-même et de ses préjugés se heurte à ses limites et à ses erreurs. Car contrairement à la culture contemporaine, qui ne voit que le corps, réprime l’esprit et méprise l’âme, le New Age prend en compte l’homme intérieur, l’homme psychologique, et il s’en sert habilement.

Comme le montre son évolution, le New Age a également su parfaitement s’adapter aux règles de notre société et tire de ses moyens, de ses technologies, de sa culture la force dont il a besoin pour mieux se diffuser. Même s’il apparaît encore peu structuré et difficilement structurable, il a aussi épousé les grandes préoccupations de notre monde. Par conséquent, il influence les grandes institutions et les organisations internationales. Le New-Age détient donc un véritable pouvoir d’influence

Mais, en dépit des apparentes nouveautés qu’il propose, le New Age n’est guère différent des faiseurs de rêve qui ont causé tant de drames et de maux dans notre histoire. Il est habité par le même vice, le même poison, le même esprit qui a construit le monde tant détesté et qu’il déteste lui-même. Telle est sa profonde contradiction. Dans sa vision anthropocentrique, il ne voit en fait le salut que dans l’homme. Hors de l’homme, point de salut, telle est sa devise.

 


Notes et références

[1] Conseil pontifical de la culture, Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Jésus-Christ le porteur d’eau vive, Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Age », 3 février 2003, vatican.va.

[2] Voir article Les Échos Start, L’étonnant succès du business de la lithothérapie, Ariane Blanchet, 8 septembre 2020, startlesechos.fr.

[3] La dépêche, 29/09/2020, Pour connaître le dessous du vignoble expérimental New Age de Buzet, ladepeche.fr.

[4] Voir Reimagination of the World, David Spangly, 1991 ou The New Age : the movement toward the divine.

[5] Massimo Introvigne, New Age & Next Age, éditions Piemme, 2020.

[6] Voir Émeraude, janvier 2021, article « Le New Age (3) : l'institut Esalen et le développement du potentiel humain pour une nouvelle espèce ».

[7] Conseil pontifical de la culture, Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Jésus-Christ le porteur d’eau vive, Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Age ».

[8] Conseil pontifical de la culture, Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Jésus-Christ le porteur d’eau vive, Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Age ».

[9] Conseil pontifical de la culture, Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Jésus-Christ le porteur d’eau vive, Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Age ».

[10] Conseil pontifical de la culture, Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Jésus-Christ le porteur d’eau vive, Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Age ».

[11] Conseil pontifical de la culture, Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Jésus-Christ le porteur d’eau vive, Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Age ».

[12] Voir Émeraude, août 2020, articles « Le culte du bien-être : syndrome, obsession, narcissisme.  Réalité de l'égoïsme et du solipsisme de l'homme moderne » et « Le culte du bien-être : Tocqueville et la démocratie. De l'égalité à la tyrannie moderne. ».

[13] Conseil pontifical de la culture, Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Jésus-Christ le porteur d’eau vive, Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Age ».

[14] Conseil pontifical de la culture, Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Jésus-Christ le porteur d’eau vive, Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Age ».

[15] Conseil pontifical de la culture, Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, Jésus-Christ le porteur d’eau vive, Une réflexion chrétienne sur le « Nouvel Age ».

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