Notre Dame de la Salette |
Notre
temps est aussi particulièrement préoccupant. Les fidèles sont de nouveau
confrontés à des choix. Depuis le second concile de Vatican, il est en effet
bien difficile de comprendre le chemin que suit l’Église. Comment ne pas être
surpris des bouleversements qui se sont produits depuis les années 60 ?
Nos aïeuls la reconnaîtraient-ils encore ? Perplexes et sans réponse, certains
chrétiens ont quitté la voie officielle pour rejoindre d’autres chemins, voire
pour se perdre. Des églises se sont vidées. Délaissées et abandonnées, elles
finissent par être transformées en musée, en salle de concert, voire en mosquée.
Comment
pouvons-nous reconnaître le bien et la vérité pour notre âme en un temps où tout semble être
confus, désorientant, déconcertant ? Quelle est la règle qui nous permettrait
de discerner la vérité de l’erreur ? Un moine s’est déjà posé la question
au Ve siècle. Il a proposé une méthode, devenue classique, que récemment
encore, le Pape François a rappelé, au moins en partie. C’est la célèbre
méthode de Saint Vincent de Lérins. Elle est décrite dans un court traité
intitulé Le traité de Pérégrinus pour l’antiquité et l’universalité de la foi
catholique contre les nouveautés profanes de toutes les hérésies, plus
communément appelé Commonitorium. Il aurait été écrit en 434 selon l’auteur. Derrière
le nom de Pérégrinus, qui signifie pèlerin, se cache en effet Saint Vincent de
l’abbaye de Lérins comme l’atteste Gênais, prêtre de Marseille, contemporain du
moine.
Le
Commonitorium de Saint Vincent de Lérins
Le
terme de « commonitorium » vient
du latin « commoneo » qui
signifie « je me souviens »,
« je conseille ». Au temps
de Rome, il désignait les instructions écrites que recevait un fonctionnaire de
l’Empire pour traiter une affaire. Il peut être traduit par « aide-mémoire », « avertissement » ou encore « mémoire ». Saint
Vincent résume dans son traité ses idées sur un sujet qui le préoccupe. En son
temps, de nombreuses hérésies [8] se sont développées et se sont répandues. Depuis
l’arianisme, nombreuses sont les erreurs qui viennent diviser les Chrétiens. Alors
que le nestorianisme vient d’être condamné par le Concile d‘Éphèse (431), le
semi-pélagianisme [7] trouble l’Occident. La question de discernement est donc pertinente…
Saint
Vincent de Lérins a écrit deux « commonitorium »
auquel s’ajoute un résumé. Le second livre a aujourd’hui disparu. Son mémoire
est riche en exemples. Son auteur est très bien renseigné. Il connaît les
doctrines hérétiques ainsi que les débats qui ont conduit aux Conciles de Nicée
et d’Éphèse. Il rapporte aussi les opinions d’Origène et de Tertullien.
Saint
Vincent de Lérins se propose donc de répondre à une question
fondamentale : existe-il une règle qui permet au fidèle de discerner la
vérité de la foi de l’erreur de l’hérésie ? Car « il est assurément nécessaire pour tous les
catholiques qui ont à cœur de démontrer qu'ils sont des fils légitimes de leur
mère l'Église, qu'ils adhèrent à la sainte foi des saints pères, qu'ils
s'attachent à elle, meurent en elle, et qu'ils détestent les profanes
nouveautés des profanes, qu'ils en aient horreur, qu'ils les traquent, les
poursuivent. »(XXXIII, 1) Sa question apparaît donc encore pertinente
en un temps où nombreuses sont les déviations doctrinales. Le traité a en effet
pour but de décrire « une méthode
sûre, générale pour ainsi dire, et constante » permettant de « discerner la vérité de la foi catholique
d'avec les mensonges de la perversité hérétique » (II, 1). La méthode qu’il
propose a donc pour objectif de donner au chrétien une certaine autonomie pour
vérifier l’authenticité de la foi.
L’interprétation
canonique de la Sainte Écriture
Saint
Vincent de Lérins nous rappelle que le remède le plus sûr et le plus certain
est de recourir aux deux sources de la foi, que sont la Saint Écriture et la
Tradition. De manière classique, nous en appelons en effet à l’autorité de la
Révélation. Mais cette solution n’est pas si simple que cela. La Sainte
Écriture présente quelques limites, notamment dans son interprétation, ce qui
explique des divergences parfois essentielles. « En raison simplement de sa profondeur, tous ne l'entendent pas dans un
seul et même sens : les mêmes énoncés sont interprétés par l'un d'une façon,
par l'autre d'une autre, si bien qu'on a un peu l'impression qu'autant il y a
de commentateurs, autant il est possible de découvrir d'opinions. »
(II, 2) Les interprétations sont donc nombreuses. Les hérétiques justifient
leurs erreurs à partir d’une certaine lecture biblique.
Pour
discerner la vraie interprétation, il est nécessaire d’appliquer « la règle du sens ecclésiastique et
catholique. » (II, 2) « Il
est nécessaire que l'intelligence de la divine Écriture soit dirigée selon la
règle unique du sens admis par Église, particulièrement pour les questions sur
lesquelles reposent les fondements de tout le dogme catholique. »
(XXIX, 3) Mais quel est le sens de l’Église ?
Les
critères de discernement de la vérité : universalité, antiquité, consensus
Saint
Vincent de Lérins expose alors les moyens de discerner la vraie foi catholique :
« Et, dans l'Église catholique
elle-même, il faut veiller soigneusement à s'en tenir à ce qui a été cru
partout, et toujours, et par tous ; car c'est cela qui est véritablement et
proprement catholique, comme le montrent la force et l'étymologie du mot
lui-même, qui enveloppe l'universalité des choses. »(II, 5)
La
règle s’appuie donc sur trois critères :
- l’universalité,
« ce qui a été cru partout » ;
- l’antiquité,
« ce qui a été cru toujours » ;
- le
consentement général, « ce qui a été
cru par tous ».
En
un mot, c’est la règle de la catholicité. Universalité, antiquité et
consentement général, voilà les critères de la foi.
Pour
préciser encore sa pensée, Saint Vincent de Lérins précise ce qu’il entend par
universalité, antiquité, consentement général. « Nous suivrons l’universalité, précise-t-il, si nous confessons comme uniquement vraie la foi que confesse l’Église
entière répandue par tout l’univers ; l’antiquité, si nous ne nous
écartons pas en aucun point des
sentiments manifestement partagés par nos saints aïeux et par nos pères ; le
consentement enfin si, dans cette antiquité même, nous adoptons les définitions
et les doctrines de tous, ou du moins de presque tous les évêques et les
docteurs. » (II, 6)
Plus
loin, il apporte encore des précisions sur les pères qui méritent une telle
créance. « Il ne faut se fier à eux
qu'à la condition suivante : ce que tous, ou la plupart, d'un accord unanime,
ont affirmé clairement, souvent et dans la continuité, en le recevant, en le
gardant et en le transmettant, comme s'il s'agissait d'un concile de maîtres en
accord les uns avec les autres, c'est cela qui doit être tenu pour indubitable,
assuré et reconnu. »(XVIII, 7) Il faut donc s’écarter de toute opinion
personnelle, particulière, privée d’un homme, aussi saint et savant soit-il.
Une
hiérarchie dans le discernement
Comment
concrètement devons-nous réagir face à une opinion qui nous paraît nouvelle ?
Il y a deux cas possibles. Dans premier cas, elle a déjà été traitée. Il faut
alors s’en tenir aux décisions des anciens conciles œcuméniques, même si
l’erreur touche une ville ou une région, voire plus. Dans le deuxième cas, aucun
décret ne l’a encore traitée. Le catholique « s'appliquera à consulter, à interroger, en les confrontant, les
opinions des ancêtres, de ceux d'entre eux notamment qui, tout en vivant en des
temps et des lieux différents, mais demeurés fermes dans la communion et dans
la foi de l'unique Église catholique, y sont devenus des maîtres autorisés ; et
tout ce qu'il saura avoir été soutenu, écrit et enseigné non pas par un ou
deux, mais par tous ensemble, d'un seul et même accord, ouvertement,
fréquemment, constamment, un catholique se rendra compte qu'il doit lui-même y
adhérer sans hésitation. »(III, 4) Ainsi, face à ce qui peut paraître
une nouveauté, il faut donc d’abord interroger les décrets conciliaires puis en
absence de décisions, il faut se tourner vers l’accord des maîtres autorisés
qui, en des temps et des lieux différents, ont donné, sur cette question, un
enseignement écrit unanime.
Par
des exemples historiques bien détaillés, Saint Vincent de Lérins montre alors
que cette solution est le moyen traditionnel que l’Église a utilisé pour combattre
des erreurs et défendre la vérité. Il justifie sa méthode par l’histoire des
hérésies et des conciles. Il s’appuie aussi sur la Sainte Écriture, notamment sur
les recommandations de Saint Paul.
Néanmoins,
Saint Vincent de Lérins sait combien la recherche de vérité est difficile et
que l’opinion peut revêtir un aspect persuasif redoutable par sa dimension, sa
longévité et par l’autorité de ceux qui la défendent ou la professent. Il nous
propose alors une hiérarchisation dans sa méthode. Le discernement de l’erreur consiste
en effet à suivre « la totalité,
l'antiquité, le consensus, et s'il arrive qu'une partie se dresse contre la
totalité, la nouveauté contre l'antiquité ou la dissension d'un ou de plusieurs
contre le consensus universel ou du moins la plus grande partie des
catholiques, qu'ils préfèrent l'intégrité du tout à la corruption de la partie
; dans cette même totalité, qu'ils préfèrent la religion de l'antiquité à la
profanation que constitue la nouveauté, et que, dans l'antiquité, à la témérité
d'un seul ou d'un petit nombre, qu'ils préfèrent avant tout, s'il y en a, les
décrets généraux d'un concile universel ; enfin, si ce n'est pas possible,
qu'ils suivent, ce qui est presque la même chose, les avis de maîtres nombreux
et importants. Si, avec l'aide du Seigneur, nous observons tout cela avec
fidélité, retenue et application, nous débusquerons sans grande difficulté
toutes les erreurs des hérétiques en train de se lever. »(XVII, 3-5)
Progrès
et changement [10]
Mais
si les Chrétiens ne peuvent adhérer aux nouveautés, le progrès dans le
christianisme serait-il alors impossible ? Telle est l’objection à
laquelle Saint Vincent apporte des réponses.
Saint
Vincent commence par préciser certains termes. Il distingue le progrès avec le
changement, deux notions à ne pas confondre. « Ce qui constitue le progrès c'est que chaque chose soit augmentée en
restant elle-même, tandis que le changement, c'est que s'y ajoute quelque chose
venue d'ailleurs » (XIII, 2). L’intelligence, la science ou encore la
sagesse peuvent donc croître, mais dans le même dogme, dans le même sens, et
dans la même pensée. Comme un corps qui se développe au cours des âges, le
dogme peut être « consolidé par les
années, développé par le temps, rendu plus auguste par l'âge, mais qu'il
demeure sans corruption et inentamé, qu'il soit complet et parfait dans toutes
les dimensions de ses parties et, pour ainsi parler, dans tous les membres et
dans tous les sens qui lui sont propres, qu'il n'admette après coup aucune
altération, aucune perte de ses caractères spécifiques, aucune variation dans
ce qu'il a de défini. » (XIII, 9) Ainsi les dogmes « peuvent recevoir plus d'évidence, plus de
lumière et de précision, oui ; mais il est indispensable qu'ils gardent leur
plénitude, leur intégrité, leur sens propre. » (XIII, 13) Le
changement n’est donc pas admissible puisqu’il remet en cause l’intégrité du
dépôt de la foi.
Gardienne
du dépôt de la foi, l’Église travaille au progrès de la foi tout en veillant à
son intégrité. Elle sait « perfectionner
et polir ce qui, dès l'antiquité, a reçu sa première forme et sa première
ébauche ; consolider, affermir ce qui a déjà son relief et son évidence ;
garder ce qui a été déjà confirmé et défini. » (XIII, 17) Son
enseignement s’approfondit, s’affermit, se précise au cours de temps sans
néanmoins en subir des changements.
Second Concile de Nicée (787) |
Qu’est-ce
que le progrès ? Saint Vincent de Lérins définit le progrès de cette façon :
« enseigne les mêmes choses que tu
as apprises, afin que, quand tu parles d'une manière nouvelle, tu ne dises
pourtant pas des choses nouvelles. » (XXII, 5). La nouveauté n’est donc
possible que dans la manière d’enseigner afin de transmettre les vérités de
foi, sans les dénaturer, sans rien ajouter de nouveau, ni rien supprimer de
manière substantielle. Ainsi il tient fermement au dépôt de la foi et à son
intégrité tout en défendant le progrès de la foi. Il concilie donc continuité
et accroissement, perpétuité et progrès.
L’influence
du Commonitorium
Peu
connu au Moyen-âge, le Commonitorium a surtout été utilisé
à partir du XVIIe siècle dans les controverses entre les catholiques et les
protestants, par les deux parties, puis dans les débats de la foi au premier
Concile de Vatican[1]
et dans les querelles avec le modernisme[2]. Le
second Concile de Vatican en appelle aussi à lui. Il est encore aujourd’hui
évoqué. Le Pape François l’a ainsi longuement cité dans une de ses dernières
interventions[3].
Le
traité est surtout célèbre à partir du XVIe siècle. À cette époque, nous
pouvons compter au moins soixante-douze éditions auxquelles s’ajoutent
soixante-dix traductions. Bossuet le qualifie d’une des lumières de son siècle.
En 1682, l’Assemblée du Clergé l’exalte. Au XIXe siècle, quatorze éditions et
vingt traductions sont encore sorties.
Cependant,
l’appel au Commonitorium n’est pas sans difficulté ni danger. Il est en
effet utilisé pour défendre deux positions contraires. Soit il sert à défendre
le refus de toute nouveauté au nom de la Tradition et à dénoncer son erreur. L’exemple
le plus flagrant est celui des Vieux Catholiques qui ont rejeté le dogme de
l’infaillibilité pontificale en usant des principes de Saint Vincent de Lérins.
Soit il sert à défendre l’évolution dogmatique telle que professent les
modernistes. Les anglicans s’en est aussi servi pour condamner les catholiques
et les protestants.
Les
limites du Commonitorium
Les
critères d’universalité, d’antiquité et de consensus présentent en effet quelques
difficultés dans leur application. Certes, de manière absolue, ils s’avèrent redoutablement
efficaces mais lorsqu’il s’agit de les appliquer dans des cas particuliers,
l’exercice devient terriblement ardu. Toutes les vérités de foi ne sont pas
toujours explicitées de manière claire au temps antique ou suffisamment
partagées pour imposer un large consensus. La dernière difficulté, sans-doute
la plus importante, est le silence de nos sources. Nous ne connaissons de
l’antiquité que ce qu’elle a bien voulu nous transmettre ou ce que le temps a
bien voulu épargner. Les critères que nous propose donc Saint Vincent Lérins ne
suffisent donc pas de manière absolue pour confirmer l’authenticité de la foi. Ces
difficultés expliquent peut-être que ces critères n’ont pas été repris par des
conciles contrairement aux critères qui légitiment le progrès de la foi.
Le
Commonitorium
est en effet surtout évoqué pour avoir légitimé et encadré l’évolution dogmatique.
Les Papes Pie IX[4]
s’en inspirent fortement pour définir le caractère homogène du développement du
dogme. Le Cardinal Newman [11] a rappelé la pensée de Saint Vincent de Lérins. Il a
montré que l’innovation était possible dans la formulation, la
conceptualisation du langage, et non dans l’affirmation ou dans le sens qui a
été défini. Aujourd’hui, il est mis en exergue pour défendre la Tradition comme
une Tradition vivante. « Avant tout,
nous dit le Pape François, je voudrais définir ce qu’est la tradition. La
tradition, ce n’est pas un immuable compte en banque. La tradition, c’est la
tradition qui est chemin, qui avance. Et c’est vous, les Français, qui avez dit
une très belle phrase, qui date du Ve siècle. Elle est de Vincent de Lérins, un
moine et théologiens français qui dit que « la tradition est en
mouvement ». »[5]
Mais
en soulignant l’aspect dynamique de la tradition, que définit en effet Saint
Vincent de Lérins, il ne faut pas oublier les critères de la vraie foi
catholique, qu’il défend avec la même vigueur. Ce sont de puissants compléments
pour encadrer le progrès de la foi. Des modernistes ont justifié leurs
doctrines de développement de la foi au nom du progrès mais les canons de Saint
Vincent les ont vite contredites. Certes, l’enseignement de la foi peut faire
l’objet de progrès mais il ne faut pas confondre progrès et changement. Tout
développement n’est donc pas légitime. Et c’est justement une des idées
principales que défend Saint Vincent de Lérins. En dépit de leurs limites, les
critères d’antiquité, d’universalité et de consentement général sont de
précieux compléments pour identifier ce qui est un authentique progrès et ce
qui n’est pas.
La
règle d’autorité
Enfin,
notons que le Commonitorium n’est pas évoqué au Moyen-âge, c’est-à-dire
lorsque la scolastique se développe et atteint ses hauts sommets. « Dans cette œuvre du développement
dogmatique, il est remarquable que Vincent n’attribue aucun rôle à la
philosophie. »[6] Cela ne
nous surprend guère. Saint Vincent de Lérins s’appuie essentiellement sur la
règle d’autorité et aucunement sur la raison. Il est alors contradictoire de
s’appuyer sur Saint Thomas d’Aquin pour dénoncer une nouveauté selon la pensée
de Saint Vincent de Lérins. C’est fondamentalement contraire à sa pensée. Or
comment pouvons-nous garantir l’authenticité d’un progrès sans porter un regard
sur la méthode utilisée, sur les circonstances qui ont conduit à ce progrès et
sur sa finalité ? Il est en effet nécessaire d’analyser l’environnement, d’identifier
les facteurs de progrès et ses résistances, son moteur et ses adversaires.
Certes, un homme se développe en restant lui-même physiquement mais son
développement est-il naturel ou le fruit d’une manipulation ou d’une
maladie ? Et si ce développement est le fruit d’une manipulation, l’homme
est-il encore ce qu’il doit être ? La corruption, n’est-elle qu’une
illusion ? La méthode de Saint Vincent ne répond pas à ces questions…
Conclusion
Devant
la difficulté de discerner la vérité de l’erreur, c’est-à-dire d’identifier
l’orthodoxie de la foi, Saint Vincent de Lérins a rassemblé toutes ces pensées
sur la question dans le Commonitorium. Il définit comme
critères de foi l’universalité, l’antiquité et le consentement général. C’est
le fameux « ce qui a été cru partout,
ce qui a été cru toujours, ce qui a été cru par tous ». Il défend aussi la légitimité du progrès de
foi en donnant des critères d’authenticité. « Ce qui constitue le progrès c'est que chaque chose soit augmentée en
restant elle-même ». Finalement, tout progrès n’apporte pas de véritable
nouveauté. « Enseigne les mêmes
choses que tu as apprises, afin que, quand tu parles d'une manière nouvelle, tu
ne dises pourtant pas des choses nouvelles. » Saint Vincent affirme donc l’immutabilité
substantielle de ce que nous devons croire, ce qui n’empêche pas un certain
développement légitime de la doctrine chrétienne. Il y a bien continuité et donc
cohérence dans l’enseignement de l’Église. Lorsqu’on vient rompre cette
continuité et cette cohérence dans le temps et dans l’espace, il y a suspicion
d’erreur. Et dans un temps de trouble, il est alors sage de ne pas y adhérer,
quelle que soit la sainteté et la compétence de l’homme qui la défend.
Néanmoins,
la méthode de Saint Vincent est bien insuffisante en raison de ses difficultés
pratiques. Elle est surtout impuissante pour évaluer le développement en
lui-même ou encore l’esprit qui l’anime. Certes, la tradition est dynamique ou
encore vivante mais faut-il encore savoir sur quel chemin et avec quel esprit,
elle doit progresser. Là est la véritable question. Il ne s’agit donc plus
d’opposer conservateurs ou réformateurs. C’est un débat qui ne mène à rien. Ou
plutôt le conservateur est déjà vaincu dans cette vaine opposition. Il est plutôt important de définir ce qui génère le progrès ou encore ce qu’est l’esprit de la tradition…
Note et références
Les extraits du Commonitorium viennent d'une version traduite par Pierre Monat accessible sur http://www.patristique.org/Vincent-de-Lerins-Commonitorium.html
[2] Voir
Benoît XV, encyclique Ad beatissimi Apostolorum, 1er
novembre 1914, Denz. 3626.
[3] Pape
François. Rencontre avec Dominique Wolton. Politique et société, Un
dialogue inédit, éditions de L’Observance, 6 septembre 2017.
[4] Pie IX,
Bulle Ineffabilis Deus, 8 décembre 1854, Denz. 2802.
[5] Pape François.
Rencontre avec Dominique Wolton. Politique et société, Un
dialogue inédit.
[6]
Tixeront, Histoire des Dogmes dans l’Antiquité chrétienne, III, La fin de
l’âge patristique (430-800).
[7] Voir Émeraude, mars 2013, Le pélagianisme: son histoire.
[8] Voir Émeraude, juin 2014, Vérité et Dogme.
[9] Voir Émeraude, mars 2013, Le pélagianisme: son histoire.
[10] Voir Émeraude, août 2014, Le développement du dogme et son immutabilité. Cet article reprend la position de l'Église sur le sujet.
[11] Voir John Henry Newman, Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, Ad Solem, 2007.
[7] Voir Émeraude, mars 2013, Le pélagianisme: son histoire.
[8] Voir Émeraude, juin 2014, Vérité et Dogme.
[9] Voir Émeraude, mars 2013, Le pélagianisme: son histoire.
[10] Voir Émeraude, août 2014, Le développement du dogme et son immutabilité. Cet article reprend la position de l'Église sur le sujet.
[11] Voir John Henry Newman, Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, Ad Solem, 2007.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire