Vivant
dans le monde, l’Église a un passé, une histoire. Au XVIe siècle, certains ont cru
qu’avec le temps, elle s’était corrompue dans ses institutions et dans son
enseignement comme si l’Église authentique avait disparu. Ils ont alors
reproché à Rome d’avoir altéré la foi et les pratiques de l’Église primitive.
Mais l’histoire révèle clairement que ces prétendus réformateurs ont en fait
apporté des innovations et de profonds bouleversements dans le dépôt de la foi.
Bravant ses adversaires avec rage et colère, Luther s’est emporté dans ses
audaces et a révolutionné les esprits. De sa révolte est née une nouvelle
religion. Elle peut plaire et satisfaire des âmes. Elle n’est pas celle de
Notre Seigneur Jésus-Christ. Plus réfléchi, Calvin construit à son tour une
nouvelle Église, plus structurée et cohérente, mais froide et rigide comme la raison. Elle
n’est pas non plus celle qu’a fondée Notre Seigneur Jésus-Christ. De la passion
de Luther ou de l’intelligence de Calvin sont ainsi sortis deux systèmes
religieux en rupture avec le christianisme. La conclusion est évidente. « Le protestantisme n’est pas le christianisme
de l’histoire. »[1] Le
luthéranisme et le calvinisme sont deux exemples de réforme de rupture.
Au
XVIe siècle, l’Église catholique est accusée de s’être égarée dans de
malheureuses innovations. Le protestantisme s’avère erroné. Certains ont alors cru
à une voie intermédiaire, à un retour de l’Église des premiers siècles, qui
n’est ni le catholicisme, ni le protestantisme, mais l’anglicanisme. Avant
qu’elle ne soit anglicane, l’Église, ou la foi qui portent ce titre, était
purement anglaise. Revenons à ses débuts…
La
passion d’un roi à l’origine d’un schisme
Henri VIII |
Telle
est la vision sentimentale que nous pouvons porter sur ces événements
historiques. Un autre regard ne verrait que la raison d’État dans cette histoire. Le mariage qu’il
a contracté avec Catherine d’Aragon, fille de Ferdinand et d’Isabelle la
Catholique et tante de Charles le Quint, devait sceller l’alliance entre
l’Angleterre et l’Espagne. Or, les relations entre les deux royaumes se sont
refroidies. En outre, l’Empereur Charles Quint, maître d’Italie, ne peut que soutenir
sa tante auprès de la Curie romaine.
Une
Église aux mains du roi d’Angleterre
Thomas Cranmer (1489-1556) |
Avant
que ne se prononce Rome sur la demande d’annulation du mariage, le Parlement
anglais, acquis à une politique antiromaine, vote successivement trois lois qui
dépouillent le Pape de toute autorité sur le sol anglais. La nomination des
évêques ne relève désormais que du roi seul. Le Denier de Saint Pierre et les
autres taxes autrefois payées à Rome sont désormais supprimés. Aucun canon ecclésiastique
n’est promulgué sans l’assentiment du souverain.
La
troisième phase consiste à gagner la confiance des fidèles, des prêtres et des
religieux. Par l’Acte de Soumission, voté en 1534, le Parlement demande à
chaque Anglais de déclarer l’invalidité du premier mariage et de reconnaître
pour héritier du trône Élisabeth, fille d’Anne Boleyn et d’Henri VIII. Il est aussi
demandé au clergé réuni en convocation de reconnaître que rien dans la Sainte
Écriture ne fonde l’autorité pontificale. Enfin, un serment plus difficile à
tenir est exigé de la part des religieux. Ils doivent non seulement reconnaître
que le roi est le « chef suprême de
l’Église d’Angleterre » mais aussi que le Pape n’a aucune autorité sur
les autres évêques, et renoncer à tous les décrets pontificaux contraires à
l’autorité du roi. Le but d’Henri VIII est de pousser les religieux à quitter
le sol anglais afin de confisquer leurs biens. Notons que les lois
schismatiques soulèvent peu de résistances. Il est vrai que les réfractaires sont envoyés en
prison ou expulsés.
Enfin,
pour achever la rupture entre l’Église d’Angleterre et Rome, trois nouvelles lois sont
votées, toujours en 1534. La première, dite Acte de suprématie, ordonne que
« le roi soit accepté, regardé,
reconnu comme unique et suprême chef, sur la terre de l’Église d’Angleterre et
qu’à sa couronne soient joints et unis pour les posséder en jouir avec ce titre
et cette qualité, tous pouvoirs d’examiner, répudier, redresser, réformer et
amender telles erreurs, hérésies, abus, offense et irrégularités, qui doivent
ou peuvent être réformés légalement par autorité ou juridiction spirituelle »[2]. Elle
donne ainsi la juridiction spirituelle au roi d’Angleterre. Une seconde loi
confère au roi le droit de nommer et de déposer les évêques, en dehors de toute
procédure canonique. Par une troisième loi, le Parlement autorise le roi à
percevoir les annates en lieu et en place du Pape.
Cet ensemble de textes est complété par les lois sur la trahison. Elles déclarent notamment coupable de haute trahison toute personne « d’avoir publié ou proclamé avec malice par des paroles ou des écrits formels que le roi est hérétique, schismatique, infidèle, etc. ». Elles permettent alors à Henri VIII d’envoyer à l’échafaud tous ceux qui s’opposent à sa politique religieuse et qui refusent de le reconnaître comme le chef de l’Église d’Angleterre. Nombreux souffriront le martyr. Saint Thomas More en est le plus célèbre…
La fin du monachisme en Angleterre
Une
des victimes de cette politique religieuse est la vie monastique. Le
Trésor est dans un état lamentable. Il est alors tentant de confisquer les
biens monastiques. Mais comment y parvenir sans craindre la colère du peuple et
la condamnation du Pape ? Les princes luthériens d’Allemagne ont montré la
voix. Il suffit de les imiter. La sécularisation de tous les monastères ne
deviendra en fait possible qu’au jour où ils seront soustraits à l’autorité de
Rome. Les bénéfices qu’Henri VIII peut espérer d’une telle opération pourrait le motiver à se séparer de la papauté.
Ruines de l'abbaye cistercienne de Tintern, vendue en 1536 (Wikipedia) |
Au
niveau matériel, quelle aubaine ! Quel gaspillage aussi ! Les monastères
sont pillés et détruits. Tout est vendu au rabais. Mais cette
manne n’est pas perdue pour tout le monde. Les courtisans du roi et les grands
seigneurs en profitent pour agrandir leur domaine et pour s’enrichir. Le duc de
Suffolk obtient les biens de trente monastères, Cromwell, ceux de six
monastères. Henri VIII peut ainsi les lier définitivement à sa politique
antimonastique et anticatholique.
Certes,
une loi, encore une autre, est votée pour que les revenus des biens monastiques
servent au bien public, par exemple alléger les impôts, faire des aumônes,
améliorer les services publics, etc. Mais ce ne sont que des promesses qui ne
seront jamais tenues. La confiscation des biens monastiques ne profitera
finalement qu’aux riches comme en Allemagne. De nombreuses familles, enrichies
par la sécularisation des biens monastiques, seront ainsi les défenseurs du
nouvel ordre. Tout retour en arrière sera une remise en question de leur
situation financière et sociale. C’est ainsi que les révolutions se gagnent et
s’achètent, sans scrupule ni conscience …
Or
quelle catastrophe pour les pauvres et les faibles ! « Rien n’a causé plus de dommage que la
destruction des abbayes, qui procuraient du travail à beaucoup d’ouvriers du
pays, secouraient les pauvres, hospitalisaient les voyageurs et fournissaient
des subsides aux souverains en temps de guerre. » La misère s’accroît
de manière effrayante. N’oublions pas non plus les dommages que la spoliation
des monastères a causés au niveau intellectuel. Les monastères envoyaient en
effet de nombreux boursiers dans les universités d’Oxford et de Cambridge. Et que
dire de l’aspect spirituel ?...
Une
Église entre luthéranisme et catholicisme
Tout
cet ensemble législatif constitue ainsi l’Église d’Angleterre. Il donne la
suprématie au roi sans partage ni contestation. Les questions de dogmes, de
cultes et de discipline sont désormais soumises à son autorité. Or, si la question de l'autorité est désormais réglée, rien n'est encore fait pour définir la foi et le culte de la nouvelle Église. Ce n’est pas
simple pour Henri VIII. Certes, il est tentant de se rapprocher du protestantisme. Il est entouré de protestants, d’abord des
luthériens puis des calvinistes. Puis pour s’opposer à la politique de Charles Quint et de François Ier, il doit
chercher l’appui des princes luthériens. Pour des raisons de politique extérieure, il doit faire quelques concessions sur
le plan religieux au parti protestant. Mais il doit aussi se soucier des
évêques qui veulent maintenir les dogmes catholiques, et son peuple, plutôt
attaché à la foi traditionnelle. En octobre 1536, les comtés du Nord se
révoltent pour protester contre la suppression des monastères et pour réclamer
le retour de la foi catholique. N’oublions pas enfin sa propre foi. Il est aussi attaché à
la foi catholique. Avant le schisme, il s’est même opposé à Luther et a écrit des ouvrages
apologétiques contre sa doctrine, obtenant la reconnaissance du Pape.
Ainsi pressé par les exigences de la politique tant intérieure qu’extérieure,
Henri VIII fluctue entre deux tendances, protestantes et catholiques. Mais
quand les relations internationales lui permettent, il s’empresse de réaffirmer
les doctrines orthodoxes.
L'Église henricienne, affirmation progressive du catholicisme
L’Église
anglicane connaît plusieurs confessions de foi successives. La première,
promulguée en octobre 1536, est un compromis entre les doctrines catholiques et
luthériennes. Les points convergents sont passés sous silence. Ainsi la
première confession de foi paraît ne pas s’écarter de l’orthodoxie. Néanmoins,
la soumission de l’Église d’Angleterre au roi est rappelée. Le Pape perd toute
autorité.
La
seconde confession de foi, qui se substitue à la première, est promulguée en
septembre 1536. La tendance catholique est accentuée mais elle fait quelques
concessions aux luthériens, notamment sur la justification et sur le
Purgatoire. En 1539, la tendance catholique s’affermit encore par la loi des
Six articles, intitulée « Acte pour
abolir la diversité des opinions ». Elle est nettement
anti-luthérienne. En 1543, une nouvelle confession est définie. Elle est plus
précise et complète que la précédente. Elle affirme avec force la doctrine
catholique sur la sainte Messe. Elle défend la transsubstantiation,
l’efficacité de la communion sous une seule espèce et l’utilité des messes
privées. Elle défend aussi l’utilité des bonnes œuvres pour la justification,
le culte de la Vierge et des saints, le célibat ecclésiastique, etc. La
liturgie traditionnelle est maintenue.
Ainsi,
l’Église anglicane apparaît à ses origines comme étant une Église « catholique » dont l’autorité du
Pape est désormais détenue par le roi. Bref, une Église nationale… Une Église aussi construite dans le sang, le sang de fidèles catholiques. Que de martyrs en effet !
De
l’Église henricienne à l’Église protestante
À
la mort d’Henri VIII, en 1547, Édouard VI, le nouveau roi, n’est âgé que de 9
ans. Le royaume est alors dirigé par le duc de Sommerset, son oncle maternel, à
titre de régent (1547-1549). En matière religieuse, il est aidé par un conseil
dont les principaux membres sont gagnés aux idées protestantes. Il abroge la
loi des Six articles et introduit un nombre de réformes d’esprit luthérien dans
l’Église d’Angleterre, dans la liturgie et le culte, notamment au moyen
d’ordonnances promulguées en 1547. En 1549, une grande réforme liturgique est
mise en œuvre, réduisant les livres liturgiques en deux ouvrages, la Bible et
le Prayer
Book, encore intitulé Book of Common Prayer.
Les
réformateurs cherchent à aller aussi loin que possible dans la voie des
innovations et des suppressions. Quand ils craignent de soulever l’opposition
des catholiques ou une partie des fidèles, ils ont recours à des formules
imprécises, aux interprétations multiples. Certaines réformes sont pourtant claires : le remplacement du latin par l’anglais, la suppression des
textes liturgiques ou du bréviaire ne provenant pas de la Sainte Bible. Mais
sur la nature de la messe ou sur le sacrement de l’Eucharistie, rien n’est dit
clairement. En première lecture, il est difficile de savoir s’il prêche la
présence réelle, la transsubstantiation comme le croient les catholiques ou la
consubstantiation comme le pense Luther, ou la présence virtuelle comme le
défend Calvin. Le mot « messe »
y apparait encore mais elle ne figure qu’en sous-titre. La transformation se
fait ainsi de manière prudente, progressive et sournoise afin de ne pas effrayer clergé et fidèles.
Parallèlement
à cette réforme liturgique, le parti protestant mène une politique iconoclaste.
Les images, les peintures, les sculptures, les vitraux sont détruits dans les
églises. Les murs sont blanchis à la chaux. Les fresques disparaissent. Tous
les objets de « superstition »
sont ainsi supprimés.
Ainsi,
en deux ans, sous la régence du duc de Sommerset, le protestantisme sous la
forme luthérienne s’introduit essentiellement dans le culte.
Sous la régence du duc de Warwick (1549-1553), la politique religieuse est encore plus radicale. La forme calviniste s'impose. Une loi ordonne la destruction de tous les anciens livres liturgiques, toutes les images et peintures encore intactes. Les autels sont remplacés par de simples tables afin de marquer que la Cène n’est pas un sacrifice, mais un simple repas symbolique, dans lequel les communiants ne nourrissent que spirituellement du corps et du sang de Notre Seigneur Jésus-Christ. Un décret ordonne la destruction des autels, puis un autre autorise le mariage des prêtres. Puis en 1552, un second Prayer Book est adopté et imposé. Tout ce qui peut induire à croire que la Cène est un sacrifice et comporte une présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ est éliminé.
Sous la régence du duc de Warwick (1549-1553), la politique religieuse est encore plus radicale. La forme calviniste s'impose. Une loi ordonne la destruction de tous les anciens livres liturgiques, toutes les images et peintures encore intactes. Les autels sont remplacés par de simples tables afin de marquer que la Cène n’est pas un sacrifice, mais un simple repas symbolique, dans lequel les communiants ne nourrissent que spirituellement du corps et du sang de Notre Seigneur Jésus-Christ. Un décret ordonne la destruction des autels, puis un autre autorise le mariage des prêtres. Puis en 1552, un second Prayer Book est adopté et imposé. Tout ce qui peut induire à croire que la Cène est un sacrifice et comporte une présence réelle de Notre Seigneur Jésus-Christ est éliminé.
L’échec
du renouveau du catholicisme sous le règne de Marie Tudor (1553-1558)
Marie Tudor |
La
politique de Marie Tudor est échec. Certes, la population a apprécié
le retour à l’ancien culte et le bannissement des protestants étrangers. Les
liens avec Rome se sont rétablis. Mais le report de la législation des règnes
précédents ne suffit pas à rétablir la foi. Le rétablissement des taxes au
profit de Rome n’enchante guère la population. Son mariage avec Philippe II
d’Espagne, fils de Charles Quint, mécontente ses sujets, qui auraient préféré
la voir se marier avec un anglais. Des maladresses dans sa politique intérieure
la rendent rapidement impopulaires. En outre, ses adversaires sont nombreux. Le
parti des privilégiés, enrichis par les biens monastiques, s’oppose à son règne.
Elle a beau déclaré que les acquéreurs
ne seraient pas inquiétés. Ils ne désarment pas. Le parti protestant s’avère
plus dangereux encore. Il mène des complots pour détrôner la reine. Leur
opposition la pousse dans une politique énergétique contre les protestants. D’abord
portée vers la tolérance, Marie Tudor se montre rapidement implacable à leur
égard. Mais elle ne parvient pas à désarmer ses adversaires. Les complots se
multiplient. Ses échecs dans sa politique extérieure la minent. Finalement, à
la mort de Marie Tudor, le protestantisme sort plus fort des épreuves. Son
influence a encore grandi.
L’établissement
de l’anglicanisme sous le règne d’Elizabeth (1558-1603)
Sa
politique religieuse, forte habile, sera celle du compromis mais avec une
préférence plus affirmée pour le protestantisme. Trois lois définissent
l’autorité du roi, qui demeure le maître incontesté de l’Église anglicane,
l’unité de culte et l’unité de foi.
L’Acte
de suprématie de 1559 déclare le souverain « suprême régulateur de l’Église anglicane, suprême gouverneur de
l’Église ». La juridiction du Pape est abolie. Le roi a donc le
pouvoir suprême en matière religieuse comme en matière civile. Il remplace
finalement le Pape. Il exerce ce pouvoir par l’intermédiaire d’une commission
ecclésiastique. Sera déclarée hérétique toute opinion contraire à l’Écriture,
aux quatre premiers conciles généraux et aux doctrines autorisées par le
parlement et l’assemblée du clergé. Mais, à la grande surprise de la reine,
tous les évêques le refusent, comme dix pour cent des prêtres Des évêques sont vite
alors sacrés. Une nouvelle hiérarchie se reconstitue rapidement. La reine
s’acquière ainsi d’un personnel tout dévoué.
L’Acte
d’Uniformité, voté aussi en 1559, promulgue un nouveau Prayer book. Il est une
reproduction du second Prayer book mais avec des modifications qui manifestent
un recul de l’influence du calvinisme. Néanmoins, l’exclusion de toute idée de
sacrifice et l’insinuation de la présence virtuelle sont maintenues. Il est
vrai que les formules sont suffisamment ambiguës pour croire à une présence
réelle.
Enfin,
après avoir réalisé l’unité de culte, reste à obtenir l’unité de foi. Telle est
la raison d’être des XXXIX articles de religion, élaborés en 1563 et modifiés
en 1571. Ils forment le Credo officiel de l’Église anglicane. C’est un mélange
de catholicisme et de protestantisme.
La
foi de l’anglicanisme
La
doctrine relative à la Sainte Trinité, à Notre Seigneur Jésus-Christ, au Saint
Esprit est celle de la doctrine catholique. Le Credo anglican accepte
l’autorité des quatre premiers conciles œcuméniques. Plusieurs points sur les
sources de la foi et sur les sacrements s’opposent à la foi catholique.
Saint John Rigby (c. 1570 – 21 Juin, 1600), martyr catholique sous Élizabeth |
Le
Credo donne une définition incomplète de l’Église. Elle est « la société des fidèles où est enseignée la
pure parole de Dieu et où les sacrements sont administrés conformément à
l’institution du Christ dans toutes les choses nécessaires pour cela. »
(XIXe article). Il affirme en outre que l’Église de Rome a erré en matière de
foi et de moral. « La doctrine
romaine concernant le purgatoire, les indulgences, le culte et l’adoration tant
des images et des reliques, ainsi que l’invocation des saints, est une
invention frivole qui n’est appuyée sur aucun texte de l’Écriture, mais qui est
plutôt contraire à la parole de Dieu. » (XXIIe article) Il défend la
souveraineté du roi d’Angleterre (XXXVIIe article). « L’évêque de Rome n’a aucune juridiction dans ce royaume d’Angleterre. »
La
doctrine de la justification par la foi seule est présente comme étant une
doctrine très saine et très consolante (XIe article). Le libre arbitre est
défendu (XIIe article). Les œuvres accomplies avant la grâce sont des péchés
(XIIIe article). Les œuvres surérogatoires n’ont aucune valeur (XIVe article).
Conclusion
L’Église
d’Angleterre est une église nationale, dont l’autorité suprême est le roi. Ce
point est la pierre sur laquelle tout a été érigé et se justifie. Elle n'est pas bâtie sur Saint Pierre. Tout est alors
construit pour s’opposer au Pape et lui enlever tout pouvoir sur les fidèles et
le culte. Le reste n’en est qu’une conséquence.
Pour préserver l’unité
nationale tout en restant acteur de la politique européenne, son culte comme sa
foi fluctuent entre diverses tendances, catholiques et protestantes. Tout n’est
que compromis ou pragmatisme. La religion n’est qu’un moyen de gouvernement. Par
étapes, la reine Élisabeth impose ses volontés en matière religieuse, cherchant
à rallier aussi bien les catholiques que les luthériens et les calvinistes,
sans oublier les acquéreurs des biens monastiques. Néanmoins, cet alliage
étrange ne satisfait ni les catholiques rattachés à l’orthodoxie romaine et au
rite liturgique, ni les protestants qui jugent les réformes insatisfaisantes. Elle
n’a donc pas d’autres choix que de réprimer les oppositions et de briser les
résistances. L’Église anglaise naît ainsi dans la répression et dans la
violence. D’elle naîtrons différentes sectes. Que pouvons-nous en effet attendre
d’une Église bâtie par ordonnances, limitée à un royaume, construite par
opposition à Rome ?
Cathédrale Saint Paul, Londres |
L’anglicanisme n’est fidèle ni à un
christianisme apostolique, ni à une histoire du christianisme. Il exprime
encore moins la tradition chrétienne. Elle ne peut non plus se prévaloir d’une
prétendue réforme. Certes, on peut toujours reconstruire l’histoire de manière
à prouver ce qu’on recherche. Mais les origines de l’Église anglicane sont
suffisamment claires pour y voir uniquement la main de l’homme ou plutôt la
main d’un souverain. Elle ne résulte pas non plus d’une croissance ou d’une
extension naturelle de l’Église. Les évolutions qu’elle a subies au grès des
forces en présence, les résistances qu’elle a connues au sein des chrétiens
ainsi que les oppositions qu’elle a soulevées comme la répression qu’elle a
menée sont des signes éclatants d’un profond bouleversement dans le
christianisme ou dit autrement d’une véritable rupture. Or s’il y a rupture,
elle ne peut être unie à l’Église. Certes, elle peut contenter les parties et
satisfaire les politiques, elle ne peut se nourrir de la sève qui anime toute
l’Église. Elle est détachée de l’arbre de vie…
Notes et références
[1] John Henri Newman, Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, Ad Solem, trad. Marcel Lacroix, 2007.
[1] John Henri Newman, Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, Ad Solem, trad. Marcel Lacroix, 2007.
[2] Statutes of the ralm., 26, Henri VIII, chap. I ; cité
d’après Trésal, 1908 dans Histoire générale de l’Église, Tome
III, Les
Temps Modernes, Volume VII, XVI
et XVIIe siècles, 1517-1648, 1ère partie : la
Réforme protestante, Librairie catholique Emmanuel Vitte, 1938, n°85,
chap. IV.
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