" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 22 septembre 2017

L'usure, une faute contre la charité, selon les Pères de l'Église

Le prêt à intérêt est une pratique ancienne, déjà connue au temps des anciennes civilisations. Alors que des lois antiques l’encadrent pour réduire les maux que génère l’endettement, la Sainte Écriture l’interdit au peuple juif. Fidèle à ses prescriptions, l’Église l’interdit à son tour. Néanmoins, au XVIIe siècle, Calvin réinterprète les textes sacrés de façon à légitimer sa pratique, favorisant ainsi le développement d’un capitalisme moderne naissant. Selon certains commentateurs, il aurait ainsi ouvert son temps à la modernité. D’autres n’hésitent pas à accuser l’Église d’avoir été un obstacle à l’essor économique des sociétés. Calvin considère notamment que l’interdiction biblique s’explique par un contexte particulier, contexte qui n’est plus justifié à son époque, et que le prêt à intérêt n’a pas été condamné en soi. Pourtant, l’interprétation de Calvin est-elle exacte ? L’Église se serait-elle alors trompée pendant des siècles ? Pour mieux comprendre l’attitude de l’Église, tournons-nous vers les Pères de l’Église qui eux-aussi se sont préoccupés de l’usure.

Position des Pères de l’Église : une condamnation du prêt à intérêt



 
De nombreux Pères de l’Église ont écrit sur l’usure dans le sens de perception d’un intérêt pour tout prêt, et l’ont nettement condamnée. Dans son commentaire du livre de Tobie, Saint Ambroise le définit comme « tout ce qui y est ajouté, exigé et reçu au-delà de fort principal, soit habits, soit denrées, soit argent »[1]. Saint Augustin est encore plus clair, même s’il ne traite que d’un prêt d’argent : « si vous prêtez à un homme avec stipulation d'intérêts, c'est-à-dire si vous attendez de lui, en échange de l'argent prêté, plus que vous n'avez avancé, que ce soit de l'argent, du blé, du vin, de l'huile ou autre chose, vous êtes un usurier et en cela vous êtes blâmable. »[2] Dans les écrits anciens, l’usure est donc confondue avec le prêt à intérêt, quelle que soit la forme que prend l’intérêt versé. Le prêt à intérêt est donc condamné sans équivoque. Parmi les Pères de l’Église qui ont traité de ce sujet, nous pouvons citer parmi les Grecs, Saint Basile, Saint Grégoire de Nysse, Saint Jean Chrysostome, et parmi les Latins, Saint Ambroise, Saint Augustin et Saint Jérôme.

Leur préoccupation s’explique aisément puisque « l’usure était une des plaies les plus profondes de la société ancienne »[3] ? Ainsi, « les Pères de l’Église proclamèrent impie quiconque, prêtant à un frère, exigeait de lui une redevance quelconque, soit en nature, soit en argent, et ils engagèrent contre l’usure une lutte ardent et implacable. » [4]

… universel et sous toutes ses formes

Les Pères de l’Église insistent sur l’interdiction de toute espèce de prêt à intérêt, sous toutes les formes. « La loi de Dieu est générale et défend, sans exception de personne, de rien exiger au-delà de ce qu’on a prêté. » [5] Toute forme d’usure au sens général est l’objet de la loi. Saint Jérôme fait notamment remarquer que la version hébreu du livre d’Ézéchiel condamne toute espèce d’usure[6]. Seule la Septante ne condamne que le prêt en argent.

Certes, le Pentateuque interdit aux Hébreux l’usure tout en l’autorisant à l’égard des étrangers mais cette permission n’est plus valable en raison de la perfection de la morale atteinte depuis le temps des Prophètes et de l’Évangile. L’usure est désormais défendue de manière universelle. Contrairement à Calvin qui étend l’autorisation de l’usure en faveur des étrangers à l’ensemble des Chrétiens, les Pères de l’Église étendent aux étrangers l’interdiction du prêt à intérêt entre Juifs, considérant l’autorisation comme étant une tolérance. La vision de Calvin est donc opposée à celle des Pères de l’Église.

Les Pères de l’Église ne font pas de distinction sur la qualité de l’emprunteur. L’interdiction touche aussi bien aux pauvres qu’aux riches. L’usure « est défendue à qui que ce soit. » [7] Il la condamne sous toutes ses formes, que l’usure soit sous forme d’argent ou de marchandises, qu’elle soit exercée auprès des riches comme auprès des pauvres.

Le prêt à intérêt, un bienfait pour l’humanité ?

Pourtant, le prêt à intérêt semble être utile, voire une nécessité pour l’économie et pour les pauvres gens, comme le prétend ceux qui s’opposent aux Pères de l’Église. Leurs contemporains le défendent en effet en montrant qu’il soulage les pauvres et rend un service et du plaisir à l’homme qui reçoit de l’argent en prêt pour satisfaire un besoin. Il permet aussi l’enrichissement de l’emprunteur. Ainsi, les usuriers « donnent à leur péché des noms respectables, et appellent leur trafic humanité, […]. » [8] Les Pères de l’Église répondent à ces arguments. Ils ne font pas seulement rappeler la Sainte Écriture ou comme Saint Jean Chrysostome la législation des païens. Ils décrivent les sources et les effets du prêt à intérêt qu’ils considèrent comme un mal en soi.

Les vices du prêt à intérêt

Les Pères de l’Église rappellent que le seul et véritable gagnant d’un prêt à intérêt est le prêteur. « Ainsi quand vous prêtez à intérêt, ne dites pas que vous faites plaisir à votre débiteur, dites plutôt que vous lui cachez toute la douceur du miel, le venin que vous lui présentez à boire ; que vous le conduisez à la mort par vos enchantements : que vous ruinez la famille en prétendant la relever. » [9] La prétendue joie que donne le prêt est en fait un supplice. Seul l’usurier en est véritablement content. Ils décrivent ainsi la relation mensongère qui lie l’emprunteur au prêteur.

Les Pères de l’Église mettent en effet en évidence le vice inhérent au prêt à intérêt. Il semble bien utile au pauvre pour répondre à ses besoins mais en fait, il ne fait qu’accroître le joug de la pauvreté. L’emprunt ne résolve pas le problème qui l’accable. Il est en fait comme un remède médical qui enlève aux malades le peu de force qu’il leur reste. Après un moment de bien-être, son paiement rend plus vif le poids de sa misère. En outre, il « ravit encore la liberté à celui que la misère écrase déjà de travail. » [10] ! Saint Basile nous parle d’enchaînement, d’autres d’oppression. Dans les rapports entre le prêteur et l’emprunteur, le second est bien dépendant du premier. Dans le contrat qui les lie, il ne peut y avoir des rapports d’égalité.

Les Pères de l’Église reviennent aussi sur l’injustice que représente le prêt à intérêt. C’est en effet injuste de vouloir plus et de recevoir plus qu’il n’a été prêté. C’est bien le surplus ou l’intérêt qu’on exige du prêt qui est condamnable. Selon Saint Augustin, l’usurier détruit l’égalité de la justice. Il est certes plus criminel quand il commet cette injustice à l’égard du pauvre. L’inégalité est ainsi inhérente à l’objet même du contrat.

Saint Augustin est encore plus dur avec le prêt à intérêt. Celui-ci renferme, dit-il, une inhumanité et une cruauté qui crient vengeance devant Dieu. « Et tous lésés, ce me semble, comprennent combien l’usure est un crime détestable, odieux, exécrable. »[11] C’est un crime, répète-t-il, ou encore un véritable « homicide » [12]. L’usure « ruine et celui qui prête et celui qui emprunte […] elle perd l’âme de celui qui reçoit l’usure et écrase la pauvreté de celui qui la donne. Quoi de plus triste que de voir un homme spéculer sur la pauvreté de son prochain et faire commerce du malheur de ses frères ! »[13]



 
Ainsi, les Pères de l’Église condamnent aussi le prêt à intérêt à cause des effets néfastes et bien réels de l’endettement. Ils dénoncent l’appauvrissement et la misère qu’il produit. Certes, ils « donnent à leur péché des noms respectables, et appellent leur trafic humanité, […]. » mais « Lui, humain ? Mais n’est-ce pas le paiement des intérêts qui renverse les maisons et épuise les fortunes ? Qui réduit des hommes libres à vivre plus mal que des esclaves ? Qui pour un plaisir de quelques instants emplit d’amertume le reste de la vie ? » [14] Car la cause de tant de misère est l’envie d’assouvir des plaisirs qu’excite le prêteur pour son propre enrichissement. Comment l’usurier peut-il alors donner à son injustice et à son iniquité le nom de charité et de libéralité ?

Le créancier peut toujours chercher à défendre les moyens qu’il utilise pour s’enrichir. Ces arguments peuvent tromper l’homme mais non Dieu. « C’est se moquer de Dieu que de raisonner ainsi. » [15] Le créancier a beau se montrer charitable, la Sainte Écriture les condamne. « Que ces hommes avides du gain prennent garde que l’Écriture appelle usure et intérêts illégitimes tout ce qu’on reçoit au-delà de ce qu’on a prêté. » [16] Sous apparence de la miséricorde, se cachent en fait la cupidité et l’avarice.

L’usure est encore plus condamnable lorsqu’elle se fait en plein jour. « L’usure est élevée à la hauteur d’une profession ; on dit qu’elle est un art ; ceux qui l’exercent forment une corporation, mais une corporation nécessaire au bien-être de la cité, qui recueille le bénéfice de sa profession, et qui, loin de se cacher, ne craint pas de se montrer sur les places publiques. » [17]

Mais peut-être, certains diront qu’ils doivent bien trouver une profession pour gagner leur vie. « Quelle que soit la profession infamante que nous cherchions à réprimer, on nous répondra toujours que l’on n’a pas d’autres moyens de vivre, pas d’autre gagne-pain ; comme si l’on n’était pas d’autant plus coupable, par cela même que l’on a choisi pour vivre un métier criminel, et que l’on veut tirer sa subsistance de ce qui outrage celui qui fait subsister toutes créatures ? » [18]

La condamnation des usuriers

Le créancier est véritablement celui qui profite du prêt au détriment du malheureux débiteur. Il profite en fait de sa peine, de ses faiblesses et de son besoin. « C’est la pauvreté qui le fait te supplier et s’asseoir à ta porte ; dans son indigence, il cherche un refuge auprès de ton or, pour trouver un auxiliaire contre le besoin ; et toi, au contraire, toi l’allié tu deviens l’ennemi ; tu ne l’aides pas à s’affranchir de la nécessité qui le presse, pour qu’il puisse te rendre ce qui tu l’auras prêté, mais tu répands les maux sur celui qui en est déjà accablé »[19]. Les Pères de l’Église condamnent donc les créanciers qui veulent s’enrichir au détriment du pauvre. L’usurier confie un bien à l’homme en espérant retirer de son prêt un profit. « En cela, tu es plus blâmable que louable. » [20]

Et tous les procédés sont bons pour pousser le malheureux à accepter un prêt à intérêt. Pour Saint Basile, le prêteur feint le pauvre, le charme et le flatte afin de l’enchaîner par un contrat. Pour Saint Ambroise, il use de l’injustice et de la fourberie pour prêter aux riches afin d’acheter des terres et d’augmenter son revenu, et ainsi agrandir son patrimoine. Les paiements des intérêts ruinent alors les familles, y compris les riches, qui sont réduits à devenir eux-mêmes esclaves ou à se voir contraints de vendre leurs enfants pour survivre. Il abuse surtout des jeunes gens pour les dépouiller de leurs biens. Ce n’est pas de la simple rhétorique dans les lettres du saint évêque de Milan. Il a connu les effets désastreux de l’endettement dans les familles riches.

Certes, les Pères de l’Église rappellent aux emprunteurs l’obligation de rembourser le prêt. Le débiteur a en effet le devoir de redonner ce qu’il a reçu comme prêt mais cela justifie-t-il l’âpreté du créancier pour obtenir son prêt ? Saint Ambroise nous décrit le créancier comme tourmentant ses débiteurs pour être payés au jour déterminé ou ne leur accordant un délai qu’en leur faisant renouveler leurs obligations avec intérêt. Selon Saint Basile, l’usurier est impitoyable, sourd aux supplications du pauvre, insensible à ses larmes. Les emprunteurs sont comme des oiseaux qui appâtés par des graines finissent par être pris au piège. « Combien de malheureux grâce à l’usure ont brisé leur cou dans un lacet ! » [21] Et parfois, le pauvre meurt dans son piège, se laissant périr par la corde funeste. Selon Saint Grégoire de Nysse, les usuriers, sans cœur ni piété, sont à  l’origine de la mort de leur débiteur. « Ils n’ont même pas honte de ce qu’ils ont fait, leur âme n’en est point émue, mais un sentiment cruel leur dicte d’impudentes paroles : c’est la faute de nos mœurs, si ce malheureux, cet insensé, né sous une mauvaise étoile, a été conduit par sa destinée à une mort violente. » [22] L’usurier est le véritable responsable de ses tourments et la cause de sa perte. L’argent l’aveugle …

Finalement, l’usurier agit à l’égard du pauvre comme un ennemi implacable. Au lieu de soulager de sa misère, il la lui rend plus terrible. L’argent qui apaise le malheureux et que le créancier reçoit a coûté des larmes aux pauvres. Ce n’est donc pas la charité qui guide l’usurier. « L’oisiveté et la cupidité, voilà la vie de l’usurier. »[23]

En outre, l’usurier consomme sans rien produire, moissonne sans rien semer. C’est son or qui travaille pour lui. Il gémit si son capital est oisif. Il prend mille peines pour doubler son argent, « calculant les jours, comptant les mois, songeant au capital, rêvant des intérêts, craignant le jour de l’échéance, de peu qu’il ne soit stérile comme une moisson frappée de la grêle »[24]. Vanité des efforts !

Le prêt à intérêt, une véritable folie pour les emprunteurs

Les Pères de l’Église condamnent donc les usuriers pour les procédés qu’ils utilisent pour pousser les malheureux à s’endetter et pour obtenir leur remboursement. Ils n’oublient pas non plus ces emprunteurs qui sont en fait des insensés. « C’est le comble de l’humanité quand qui manque du nécessaire cherche à emprunter au lieu d’adoucir ses besoins, que le riche, au lieu de se contenter du capital, songe encore à se faire des malheurs du pauvre une source de profits et de revenus. » [25]

C’est surtout folie d’emprunter quand on est pauvre. Mieux vaut d’être patient dans l’adversité que de subir les maux de l’endettement. Saint Basile demande donc au pauvre de ne point avoir recours aux emprunts qui endurcissent leur pauvreté mais de trouver d’autres remèdes et de restreindre ses dépenses selon ses ressources. « Ne va pas à la fontaine d’autrui, mais puise dans ton propre réservoir ce qui peut adoucir ton existence. » [26] 

Mais le pauvre a-t-il d’autres choix pour éviter la misère ? Saint Basile note une différence entre la pauvreté et l’endettement. L’indigence n’est pas un opprobre puisqu’elle est un mal involontaire contrairement à l’endettement. « N’allons donc pas ajouter sottement un mal volontaire aux maux qui ne dépendant pas de notre volonté. » [27]
 
Les riches ne sont pas oubliés dans la condamnation. Leur folie d’emprunter est encore plus grande ! Car « celui qui doit est à la fois pauvre et rongé de soucis. » [28] Or, constate-t-il, « ceux qui empruntent, ce sont des hommes qui se laissent aller à de folles dépenses, à un luxe stériles, et qui sont esclaves des caprices de leurs femmes. » [29] Et ainsi emprunte-t-il à un banquier, puis ne pouvant plus le rembourser, se tourne vers un autre créancier, allant ainsi de mal en pire. Pour éviter l’indigence ou pour acquérir de funestes plaisirs, il perd sa liberté pour satisfaire de folles envies.

Le prêt à intérêt contraire à la charité chrétienne

Saint Grégoire de Nysse rappelle que la demande d’un prêt n’est en fait qu’« une demande d’aumône déguisée »[30]. Cela est vrai quand il s’agit d’un prêt pour subvenir à un véritable besoin. « Que sert-il que tu consoles un malheureux, si tu en fais mille ? » [31]

Les Pères de l’Église reviennent toujours sur les préceptes de Notre Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire de prêter sans espérer d’être remboursé. À l’évêque de Trente, Saint Ambroise nous rappelle la loi de Dieu : « un véritable chrétien qui a de l’argent, le prête au péril même de le perdre : espérer ou attendre quelque chose de plus que le principal, c’est le tromper, et ce n’est pas lui faire plaisir. » [32] Il lui demande aussi de prendre comme exemple Tobie qui prête de l’argent sans exiger le moindre intérêt. Pour montrer le comportement chrétien que le créancier doit avoir en cas de dette, certains Pères de l’Église nous renvoient vers la prière par excellence. Le Notre Père commande en effet la remise des dettes.

Pour Saint Basile, le prêt sans intérêt est à la fois un don et un prêt, don car sans attente de remboursement, prêt parce que « celui qui fait l’aumône prête à Dieu. » [33] Quel placement sûr alors ! « Ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi, et ne donne pas ton argent à usure, afin qu’instruit de tes devoirs par l’Ancien et le Nouveau Testament, tu ailles plein d’espoir vers le Christ, et que tu reçoives là-haut la récompense de tes bonnes œuvres, en Jésus-Christ Notre Seigneur » [34]. Le prêteur devient le créancier de Dieu qui saura rembourser au centuple.

Saint Augustin nous demande ainsi d’être usurier envers Dieu. « Donne les biens temporels et tu recevras ceux de l’éternité ; donne la terre et tu recevras le ciel. » [35] Le pauvre n’a rien à rendre à l’usurier. Il ne lui reste que la bonne volonté. Dieu lui donnera le surplus. Car en donnant aux pauvres, il a donné à Notre Seigneur Jésus-Christ. Il donnera la vie éternelle à celui qui prête aux pauvres sans intérêt. Pourquoi faut-il alors craindre de prêter ? Le véritable trésor n’est point perdu lorsqu’il repose dans le ciel.

Conclusion

Certaines civilisations ont vivement condamné le prêt à intérêt ou essayé de l’encadrer pour limiter les maux qui résultent de l’endettement, véritable plaie social à leur époque. La Sainte Écriture a également restreint son usage puis l’a interdit. Notre Seigneur Jésus-Christ nous enseigne le véritable comportement en cette matière afin de répondre à l’exigence de la véritable charité.

De même, les Pères de l’Église, qu’ils soient Grecs ou Latins, dénoncent à leur tour les maux individuels, familiaux et sociaux qui résultent du prêt à intérêt. Ils accusent aussi l’esprit cupide et impitoyable de l’usurier à l’égard du débiteur comme le manque de sagesse de l’emprunteur qui préfère aliéner sa liberté parfois pour de vaines richesses et de pitoyables envies. N’oublions pas qu’ils parlent en tant qu’évêques à leur communauté. Ils sont bien conscients de la misère réelle qui sévit dans leur société, conscients aussi de leur devoir et de leur charge. Fidèles à la Parole divine et à l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ, ils décrivent les vices qui se cachent dans une pratique économique qu'on veut rendre honorable sous de fallacieux prétextes.

La condamnation porte sur le prêt à intérêt en soi. Il porte en effet en lui des vices qu’il faut combattre non seulement pour l’individu mais aussi pour la société. L’esprit qui l’anime aussi bien chez le prêteur que chez l’emprunteur, et le comportement qui en résulte sont contraires à la charité chrétienne. La seule et véritable usure qu’ils demandent est celle à l’égard de Dieu… Cependant, dans les discours patristiques, les Pères de l’Église semblent ne traiter que les prêts de consommation et non les prêts d’investissement…

La position des Pères de l’Église s’oppose donc à l’interprétation de Calvin qui nous paraît plus opportuniste. Certes, Calvin demande de pratiquer l’équité et la charité dans les contrats mais justement, les Pères de l’Église démontrent que dans de tels prêts, il ne peut y avoir justice et charité. Ils mènent alors un véritable combat contre cette pratique qui met en danger le salut de l’âme et la cohésion de la société.

Lorsque nous voyons aujourd’hui les ravages des prêts à la consommation et la folie de ceux qui s’y souscrivent, nous ne pouvons qu’adhérer aux condamnations des Pères de l’Église. De tels prêts attisent la soif de consommation qui enrichit les uns au détriment des autres. Ils poussent nos contemporains à se perdre dans leur vanité tout en gaspillant les ressources de notre planète. Le modèle économique de notre société aurait certainement fait l’objet de vives réprobations de leur part tant il s'oppose aux principes du christianisme. Ces principes ne se restreignent pas à une période historique ou à un peuple. Ils sont inhérents à la vie chrétienne et par conséquent, ils sont valables en tout temps et à tout lieu. 




Notes et directives
[1] Saint Ambroise, Livre sur Tobie, c. 14, dans Conférences ecclésiastiques de Paris, sur l’usure et la restitution, où l’on concilie la discipline de l’Église, avec la juridiction du Royaume de France, établies et imprimées par ordre de S. E. Mgr le cardinal de Noailles, tome I, 1773.
[2] Saint Augustin dans Le prêt à intérêt et l'usure au regard des législations antiques, de la morale catholique, du droit moderne et de la loi islamique, Cardahi Choucri, dans Revue internationale de droit comparé, Vol. 7 N°3, Juillet-septembre 1955, www.persee.fr.
[3] Édouard Sommer, Argument analytique de l’homélie de Saint Basile contre les usuriers, Hachette, 1853.
[4] Édouard Sommer, Argument analytique de l’homélie de Saint Basile contre les usuriers, Hachette, 1853.
[5] Saint Ambroise, Livre sur Tobie, c. 15.
[6] Saint Ambroise, Livre sur Tobie, c. 14, dans Conférences ecclésiastiques de Paris, sur l’usure et la restitution, où l’on concilie la discipline de l’Église.
[7] Saint Jérôme, Commentaire d’Ézéchiel.
[8] Saint Grégoire de Nysse, Homélie contre les usuriers, VII.
[9] Selon Saint Ambroise, Livre sur Tobie.
[10] Saint Basile, Contre les usuriers, I.
[11] Saint Augustin, Commentaire des Psaumes, XXXVI, 6, docteurangelique.free.
[12] Saint Augustin, Commentaire des Psaumes, CXL, 12, docteurangelique.free.
[13] Saint Jean Chrysostome, Homélies sur l’inscription des actes, 4ème, religion-orthodoxe.eu.
[14] Saint Grégoire de Nysse, Homélie contre les usuriers, VII.
[15] Selon Saint Jérôme, Commentaire d’Ézéchiel.
[16] Saint Jérôme, Commentaire d’Ézéchiel.
[17] Saint Augustin, Commentaire des Psaumes, LIV, 14, docteurangelique.free.
[18] Saint Augustin, Commentaire des Psaumes, CXXVIII, 6, docteurangelique.free.
[19] Saint Grégoire de Nysse, Homélie contre les usuriers, III, dans Les auteurs grecs, Hachette, 1853, dico.ea.free.fr.
[20] Saint Augustin, Commentaire des Psaumes, XXXVI, 6, docteurangelique.free.
[21] Saint Grégoire de Nysse, Homélie contre les usuriers, VII.
[22] Saint Grégoire de Nysse, Homélie contre les usuriers, VII.
[23] Saint Grégoire de Nysse, Homélie contre les usuriers, IV.
[24] Saint Grégoire de Nysse, Homélie contre les usuriers, V.
[25] Saint Basile, Contre les usuriers, I, dans Argument analytique de l’homélie de Saint Basile contre les usuriers, Édouard Sommer, Hachette, 1853, wikisource, exporté le 05/08/2017.
[26] Saint Basile, Contre les usuriers, II.
[27] Saint Basile, Contre les usuriers, III.
[28] Saint Basile, Contre les usuriers, III.
[29] Saint Basile, Contre les usuriers, IV.
[30] Saint Grégoire de Nysse, Homélie contre les usuriers, VI.
[31] Saint Grégoire de Nysse, Homélie contre les usuriers, VI.
[32] Selon Saint Ambroise, Lettre à Vigile.
[33] Saint Basile, Contre les usuriers, V.
[34] Saint Basile, Contre les usuriers, V.
[35] Saint Augustin, Commentaire des Psaumes, XXXVI, 6, docteurangelique.free.

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