" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


dimanche 5 août 2012

L'évolutionnisme et ses théories ...

Qui ignore encore l'extraordinaire diversité de la vie sur la terre ? De nombreux travaux ont été menés pour identifier et classer les organismes et les répartir en différentes catégories. Qui ignore aussi l'aspect périssable des organismes vivants ? Aucun être vivant ne peut échapper à la mort. Depuis sa naissance, il ne cesse de changer pour connaître une fin, plus ou moins rapide. La variété et la temporalité sont donc deux caractères fondamentaux de la nature...

Jusqu'au XVIIème siècle, toutes les théories scientifiques ont souligné la permanence dans la diversité, la temporalité n'affectant que les êtres vivants en eux-mêmes. Ces théories sont dites fixistes : les espèces auxquelles appartiennent les organismes vivants sont stables dans le temps. Aujourd'hui, une autre conception domine l'ensemble des sciences de la nature : l'évolutionnisme. Selon les théories d'évolution, les espèces elles-mêmes évoluent dans le temps. Elles expliquent la diversité par la temporalité. Le darwinisme est une de ces théories, aujourd'hui dépassée ; d'autres l'ont succédée, dont la théorie synthétique de l'évolution. 


Les précurseurs de l'évolutionnisme...

Au XVIIIème siècle, deux sciences se développent de manière extraordinaire et apportent une nouvelle connaissance de la nature : le naturalisme, qui par leurs classifications de plus en plus précises, améliore considérablement la connaissance des êtres vivants, et la géologie, qui découvre l'alternance des diverses couches géologiques et finalement le rôle du temps dans la formation de la terre. A partir de ces sciences, Buffon (1707-1788) relie l'idée de la diversité des êtres vivants et leur classification, à la notion d'un temps très long. Il explique cette diversité par ce temps « très long ». S'il est partisan d'une mutabilité dans la nature, il s'oppose à celle des espèces. Pierre Louis Moreau de Maupertuis (1698-1759) semble y croire au point que l'idée d'une origine unique des formes vivantes traverse un de ses ouvrage, l'Essai sur la formation des corps organisé (1749).

Plus tard, vers 1796, Erasmus Darwin (1794-1829), le grand-père de Charles Darwin, présente, dans Zoomania, « une théorie assez complète de la formation graduelle et du perfectionnement du règne animal » (1). Ils donnent trois facteurs responsables des transformations des êtres vivants de génération en génération : le besoin sexuel, qui aurait favorisé les plus forts, le besoin de nourriture, qui auraient poussé les animaux à se modifier, et le besoin de sécurité, qui auraient aussi façonné les organismes pour les rendre plus aptes à fuir. Ces changements se seraient effectués sur des millions d'années.

Le transformisme...

Au XIXème siècle, une théorie plus sérieuse connaît véritablement le succès, celle du transformisme. Elle est exposée par Jean-Baptiste Pierre Antoine de Monet, chevalier Lamarck (1744-1829), dans sa Philosophie zoologique, publiée en 1809 : les organismes ne cessent de se transformer lentement vers une perfection toujours plus grande. Sous l'effet de dynamique interne, l'organisme vivant se complexifie par l'acquisition de nouveaux organes ou par de nouvelles fonctions plus éminentes. Sous l'effet de leur milieu, les êtres vivants modifient leur comportement ou leurs organes pour répondre à leurs besoins et finissent par se diversifier en de nombreuses espèces.

Fondateur de la biologie, Lamarck cherche à développer une théorie physique des vivants, sensée expliquer les êtres vivants en tant que phénomènes physiques. Il en vient alors à expliquer l'origine de la vie et la structure de l'être vivant. Sous l'effet de contraintes extérieures, la matière s'organise elle-même et engendre elle-même les conditions propres à son développement interne. Elle s'adapte finalement à son environnement. « Tout ce qui a été acquis, tracé ou changé dans l'organisation des individus pendant le cours de leur vie, est conservé par la génération, et transmis aux nouveaux individus qui proviennent de ceux qui ont éprouvé ces changements. Cette loi, sans laquelle la nature n'eût jamais pu diversifier les animaux, comme elle l'a fait, et établir parmi eux une progression dans la composition de leur organisation et dans leurs facultés, est exprimée ainsi dans ma Philosophie zoologique » (2). Il explique l'origine de la vie par la génération spontanée de forme de vie très simple, elle-même le produit naturel des lois physiques. A partir de cette origine, d'autres formes plus complexes peuvent apparaître selon un processus extrêmement long.


Selon Lamarck, l'évolution est une « nécessité théorique », qui, seule, peut expliquer la diversité et la complexité des êtres vivants. Les organismes vivants seraient finalement le produit d'effets physico-chimiques et de l'histoire en vue d'une fin et conduit par des forces internes à la nature...




Le darwinisme

Charles Darwin (1809-1882) ne cherche pas à expliquer l'origine de la vie mais l'origine des espèces, notamment dans son ouvrage De l'Origine des Espèces (1859) (3). Il affermit l'idée d'évolution en élaborant une hypothèse, solidement argumentée par l'observation, sur la manière selon laquelle s'opère cette transformation. Il explique l'unité et la diversité des êtres vivants par l'évolution. Le moteur de l'évolution, qui leur permet de s'adapter à leur milieu, est la sélection naturelle. Selon son hypothèse, toutes les espèces vivantes ont évolué progressivement et très lentement au cours du temps à partir d'un seul ancêtre commun grâce à la sélection naturelle, effectuée par la nature.

Sa théorie se fondent sur les principes suivants :
  • le principe de variation : les individus se sont différenciés par des variations de faibles ampleurs. La nature ne fait pas de saut, mais avec le temps, ces variations peuvent donner lieu à de nouvelles espèces ;
  • le principe d'adaptation : seuls les individus les plus adaptés au milieu ont survécu et se sont reproduits davantage ;
  • le principe d'hérédité : les caractéristiques avantageuses dans une espèce doivent être héréditaires ;
  • la lutte pour l'existence : les variations d'un individu ou d'une espèce tendent à la préservation de cet individu ou de cette espèce, tout en permettant la transmission héréditaire de cette variation ;
  • la « sélection sexuelle » : les individus les plus aptes à rencontrer un partenaire sexuel ont été conservés ;
  • la « sélection de groupe » : certains individus peuvent se sacrifier au profit du groupe ;
  • le principe de divergence, qui explique l'extinction de certaines espèces.


Le néo-darwinisme...

La découverte des lois de Mendel et de la génétique au début du XXème siècle bouleverse la compréhension des mécanismes de l'évolution et donne naissance à la théorie synthétique de l'évolution, appelée aussi néo-darwinisme. Elle est la combinaison entre le darwinisme et la génétique Elle constitue aujourd'hui le cadre conceptuel le plus largement utilisé dans l'étude scientifique des processus d'évolution en biologie.


Comme le darwinisme, la théorie synthétique de l'évolution explique l'évolution par l'action de la sélection naturelle, non plus sur des individus mais sur des populations, c'est-à-dire des groupements d'individus d'une même espèce. Lorsque l'ensemble des individus qui constituent une espèce forme plusieurs populations isolées, chacune de ces populations peut acquérir des caractères particuliers et donner naissance à des variétés différentes au sein de la même espèce. Si ces variations sont, par la suite, dans l'impossibilité de se croiser, elles divergent de plus en plus et finalement sont « interstériles » : elles constituent alors des espèces distinctes.

Une population évolue quand le « programme génétique » des individus la composant est modifié. Ce « programme » est responsable des caractères morphologiques, physiologiques ou comportementaux. De nombreux mécanismes peuvent expliquer les modifications de ce « programme » : mutation génétique, brassage génétique, sélection naturelle, sélection sexuelle... Cette évolution reste très lente et nécessite une période de temps extrêmement longue, de durées différentes selon les espèces.


Mais, rapidement, les évolutionnistes se divisent...

Les neutralistes et les adaptionnistes...

Les scientifiques se divisent sur le rôle du hasard par rapport à la sélection naturelle. Les neutralistes favorisent le hasard quand les adaptionnistes considèrent les pressions de sélection comme principale force dans l'évolution des espèces, le hasard jouant finalement peu de rôle.

La théorie des équilibres ponctués (1972)

L'évolution des espèces est généralement très lente. Par conséquent, nous devrions trouver des traces des différentes étapes entre les espèces. Or ces espèces intermédiaires sont introuvables. Selon certains biologistes, les apparitions de nouvelles espèces correspondaient en fait à des événements rares et ponctuels. C'est la théorie des équilibres ponctués définie en 1972. L'évolution peut être représentée sous forme d'un escalier, les paliers étant pour les périodes où une population ne subit aucun changement et les sauts correspondant à une modification rapide des caractéristiques qui aboutissent sur quelques générations à une nouvelle espèce. Les transitions évolutives entre les espèces au cours de l'évolution se font donc brutalement et non graduellement. Ainsi, la théorie des équilibres ponctués fait état de périodes stables où de grandes populations vivent dans un environnement stable et de périodes troubles où des groupes isolés évoluent rapidement. Précisons que quelques milliers d’années est une évolution rapide d’un point de vue géologique.

La théorie du gène égoïste (1976)

Nous avons aussi la théorie du gène égoïste selon laquelle les organismes vivants ne sont que les véhicules des gènes qui les utilisent pour se reproduire. Cette théorie remplace finalement l’espèce par le gène. Chez Darwin, la sexualité des individus sert la survie de l’espèce. Dans cette nouvelle théorie, la sexualité des individus sert la survie des gènes des individus concernés.

Le néo-lamarckisme...

Une autre approche de l'évolution est le néo-lamarckisme. Après la seconde guerre mondiale, le transformisme de Lamarck gagne en influence dans le milieu scientifique. Un congrès international est organisée à Paris en 1947 sous l’égide du CNRS sous le thème de « paléontologie et transformisme ». Le XXIème siècle réveille de nouveau ce courant. Le lamarckisme reposait sur la transmission des caractères acquis. Mais, cette transmission a été jugée impossible. Si on mutile par exemple un individu, ses enfants ne naissent pas avec cette mutilation. De nouvelles expériences et observations rouvrent en fait la porte à l'hypothèse d'une transmission de l'adaptation individuelle dans certains cas.


En conclusion, l'évolutionnisme tente d'expliquer la diversité de la vie, voire ses origines, par des mécanismes essentiellement physico-chimiques. Divisé en plusieurs courants, il conçoit une nature capable d'évolutions par des forces uniquement présentes en elle-même. Reste à savoir si la nature est capricieuse, évoluant selon le hasard, ou si elle est dotée d'une intelligence...



1 Cité par François Euvé, Darwin et le christianisme, vrais et faux débats, édition Buchet Chastel, 2010.
2 Lamarck, Philosophie zoologique, vol. I, p. 230.
3Titre original : De l'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie

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