Il n'est guère facile de définir l'hellénisme tant les hommes l'ont manipulé à plusieurs reprises au cours de l'histoire, réapparaissant toujours avec un visage reluisant. Il est en effet porteur de sens et de valeurs.
Les dictionnaires font plusieurs distinctions. Est hellénique ce qui relève du monde grec. Il vient du terme grec « ellhuikoz » désignant les mœurs grecs. Nous pouvons aussi trouver le terme « exhellénizô » qui signifie « rendre grec », « donner à quelque chose une forme grecque ». Le verbe «ellhuizw» (« hellénizô ») est plus précis car il signifie « parler grec, parler en grec ». La langue grecque est alors l'élément caractéristique de l'hellénisme.
Pour définir l'accroissement spectaculaire des régions où le grec devint une langue de communauté et de vecteur d'influence culturelle, l'historien Johann Gustav Droysen (1) a inventé le terme d'« hellênizein » ou encore de « ellhuizeiu », ce qui signifie « vivre comme les Grecs ». Le terme désigne alors la période historique et les territoires de l'empire créé par Alexandre le Grand, de la conquête macédonienne jusqu'à Cléopâtre et à la conquête romaine, avec différents pôles de diffusion de l'hellénisme (Alexandrie, Antioche, ...). L'hellénisme serait alors la fusion entre les cultures grecques et orientales. Il aurait conduit à la mort de la « grécité ».
L'hellénisme désigne aussi l'étude de la civilisation grecque antique. Selon les hellénistes, cette civilisation aurait contribué au progrès de la connaissance d'une haute culture et aurait institué les fondements de notre société, c'est-à-dire de la démocratie, de la politique, des sciences, de l'histoire et de la philosophie.
Au sens religieux, l'hellénisme est la résurgence, ancienne ou contemporaine, de la religion grecque antique (2). Pour désigner le paganisme gréco-romain en réaction contre le christianisme, Julien l'Apostat (3) utilise, au IVème siècle, le terme d'« hellénismos ». Il n'englobe pas seulement des valeurs religieuses mais aussi culturelles comme la langue, la philosophie, la littérature. L'hellénisme est ainsi entendu comme le patrimoine culturel païen de langue grecque. Il a été constitué pour opposer au christianisme l'antique civilisation et toutes les valeurs qu'elle représente.
Nous pouvons ainsi distinguer trois sens principaux du terme « hellénisme », qui se rapportent tous aux notions de culture et de civilisation. D'abord, il peut définir une aire culturelle marquées par la langue et les mœurs grecques. Il s'opposerait aux cultures barbares et romaines. Il dépasse la Grèce et englobe l'Orient. Elle pourrait probablement englober l'empire byzantin. L'hellénisme peut alors être partagé par des chrétiens de langue grecque comme le sont notamment les Pères de l'Eglise d'Alexandrie ou d'Antioche, qui ont enrichi à leur tour le patrimoine culturel.
L'hellénisme peut également représenter des valeurs religieuses et culturelles d'une époque antérieure au christianisme. Il finit par se confondre avec le paganisme. Il a été conçu en réaction contre les «Galiléens», tenus comme responsables de sa disparition. Le christianisme est alors exclu du patrimoine culturel dont seuls les païens serait détenteurs légitimes.
Enfin, dans un sens plus restreint et encore plus postérieur à l'antiquité, elle peut désigner la vision que les hellénistes auraient de la civilisation grecque antique, aujourd'hui disparue, d'où serait issue la civilisation occidentale, ou plutôt ce qu'elle a de meilleure. On lui donne donc une supériorité politique et intellectuelle supérieure à toute autre civilisation. Il est la référence. Cela conduit inévitablement à négliger les apports des autres civilisations.
Après cette très brève étude, nous pouvons mieux comprendre les ambiguïtés d'un terme aussi riche que celui de l'« hellénisme ». Utilisé à mauvais escient, il peut être une arme redoutable aux mains des antichrétiens qui souhaiteraient considérer le christianisme comme opposé à la civilisation et aux progrès, et donc contraire au bonheur des peuples et des âmes. Mais les partisans de l'hellénisme unifient des valeurs et des mœurs disparates pour tenter de donner du sens à un monde, peut-être imaginaire, mais surtout marqué par la pluralité et la division, quand le christianisme donne du sens à la réalité, notamment une unité et une direction. L'hellénisme apparaît alors comme une pâle tentative bien humaine d'une explication du monde et de la vie...
Mais, comme l'ont bien compris les Pères de l'Eglise, il n'est pas juste et honnête d'exclure le christianisme du patrimoine culturel de l'humanité comme le voulaient et le souhaitent encore les antichrétiens. Il a joué et continue de jouer un rôle bénéfique dans l'art, les lettres et dans les sciences. La foi n'est donc pas l'apanage des ignorants, des misérables et des pauvres d'esprits, comme le colportaient les premières calomnies portées contre les chrétiens. Elle est aussi vécue par l'élite et par tous ceux qui participent à l'élévation culturelle de l'humanité. Le christianisme élève davantage l'homme aux plus hauts degrés de civilisation car il le tourne vers la Cité de Dieu...
1 Droysen (1808-1884), historien allemand.
2 Le paganisme avait été interdit par l'empereur Théodose en 392 ou 393.
3 Julien l'Apostat (331 ou 332, 363), empereur de 361 à 363, a voulu rétablir le paganisme. Autrefois chrétien, il a renié sa foi.
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