" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 17 février 2012

Religion et science, un mariage impossible ?

Même si la foi est au-dessus de la raison, la religion et la science ne peuvent présenter des vérités contradictoires, l'une et l'autre ayant Dieu pour origine. Or, des théories scientifiques s'opposent parfois à la doctrine religieuse. Les oppositions qui semblent alors exister entre la science et la religion ne sont pas en outre vaines. Elles peuvent remettre en question notre foi si nous ne sommes pas prêts à les affronter. La théorie de l'évolution pose un problème sérieux au christianisme. Il ne s'agit pas de vouloir la méconnaître pour en être débarrassé comme par enchantement. 


Devant ces « vérités » contradictoires qui ne manquent pas, plusieurs attitudes sont alors possibles : 
  • le conflit qui aboutit au rejet de la science ou de la religion ; 
  • l'indépendance qui consiste à séparer la science et la religion comme relevant de deux ordres de vérité distincte au point de constituer deux univers à part qui ne se rejoignent jamais ; 
  • le concordisme qui tente de mener une synthèse entre la science et la religion, la religion devant alors s'adapter aux connaissances formulées par la science ; 
  • le dialogue critique qui consiste à respecter l'autonomie de la science et de la religion, des débats s'ouvrant alors sur des questions frontières. 

Il ne s'agit pas de refuser la science. Cela reviendrait à dénigrer à l'homme la capacité d'acquérir une forme de connaissances, qui est également une possibilité de mieux connaître Dieu. « Un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup de sciences rapprochent de Dieu » (Pascal). Nos connaissances peuvent s'améliorer et se préciser par les progrès scientifiques. Il est en outre peu cohérent de rejeter la science et d'en accepter les fruits. Ce rejet reviendrait également à refuser d'admettre nos faiblesses et nos limites dans la connaissance de Dieu, de ses œuvres et de ses mystères. Néanmoins, il faut savoir distinguer la vraie science de la fausse science, celle qui est construite avec objectivité et rigueur, et celle pénétrée d'idéologie et de principes politiques ou sociaux (cf la théorie du genre). 


Il est encore plus intolérable de rejeter la religion pour des théories qui semblent la contredire. Cela va même à l'encontre de la science qui reconnaît actuellement de plus en plus ses limites et son incapacité structurelle de connaître toute la vérité. C'est encore refuser d'autres formes de connaissances. Enfin et surtout, c'est rejeter la primauté de la foi sur la raison. Mais, les contradictions apportées par la science ne sont généralement que des prétextes à une perte de foi et pas nécessairement une cause. 

L'indépendance entre la science et la religion est encore plus dangereuse. Certes, elles sont des savoirs profondément différents qu'il ne faut pas confondre mais elles doivent nécessairement se rencontrer, soit parce que l'objet d'étude est commun, soit par les conséquences qu'implique un des savoirs sur l'autre. En outre, dans cette attitude, la religion devient vite une pratique, une morale qui indique comment se comporter au sein de l'univers. La religion devient donc une religion de cœur, une religion de l'action. La science est alors vite considérée comme relevant seule du champ de la connaissance. Disjoindre ses formes de savoirs revient donc en pratique à renfermer la science dans la vie intellectuelle et la foi dans la pratique ou la vie intérieure. Cela revient inévitablement à diviser l'homme … 

Les deux autres attitudes sont intéressantes car elles nous conduisent au cœur du problème : qui doit avoir le dernier mot en cas d'opposition ? Le concordisme aboutit à la suprématie de la science. Elle serait l'ultime vérité. A la religion de s'adapter au progrès scientifique... Le dialogue critique ne donne aucune suprématie mais les débats risquent d'être rapidement interminables et vains. L'Eglise rappelle qu'elle a le dernier mot. Cette suprématie de la foi et de la morale doit donc encadrer ce dialogue pour qu'il soit efficace et constructif. L'autorité de l'Eglise n'est pas sectarisme ou totalitarisme au sens où elle ne se joue que sur des domaines impliquant la foi et la morale. Dans les deux attitudes, il est donc nécessaire de bien distinguer ce qui est essentiel de ce qui est accessoire, ce qui est principe de ce qui est conjoncturel, notamment dans l'enseignement de la science et de la religion. 

Car en cas de contradictions, ce n'est ni la science, ni la religion qui doivent être remises en cause mais l'interprétation ou les idées que nous faisons des vérités et leur enseignement. Il ne peut y avoir contradiction entre la science et la religion. Si elle existe, l'erreur ne vient pas de la vérité en elle-même mais de nous ou de celui qui enseigne. Ces contradictions montrent inévitablement les faiblesses de notre intelligence et non une déficience dans la vérité. 


De nombreux scientifiques et philosophes de la science ont de plus en plus tendance à montrer les limites de la connaissance scientifique. Ils savent maintenant qu'il existe une autre réalité dans laquelle les concepts classiques comme le temps et l'espace sont inapplicables. Ils ont pris notamment conscience qu'une partie de l'univers demeurera inaccessible à la science. Il semble aujourd'hui admis qu'il y ait dans le monde physique une indétermination profonde, non par incertitude, c'est-à-dire par manque de connaissances ou de moyens, mais fondamentalement dans la réalité même. Il est loin le temps où les scientifiques voyaient dans la science le seul moyen d'expliquer le monde par lui-même. Une véritable révolution scientifique est en œuvre silencieusement … 

La crise que nous connaissons dans l'Église révèle aussi des failles dans notre système de pensées. Elle ne se résume pas simplement comme une conséquence du Concile de Vatican II. Un retour en arrière n'est pas une solution comme il ne l'a jamais été dans l'Eglise. Au contraire, l'erreur appartient souvent, voire toujours, à ceux qui ont prétendu être fidèle à un passé idéalisé. Les réformes de la messe sont des exemples frappants de ce retour à un passé incompris et mal interprété. Il ne s'agit pas d'être fidèle à une histoire, par ailleurs imagée et peu connue, mais au dépôt sacré que Dieu a légué à l'Eglise et que constituent la Tradition et la Sainte Écriture. Le Concile de Trente a permis une avancée extraordinaire notamment dans la définition de la foi et des sacrements, et a mené un travail gigantesque qui semble ne pas encore avoir d'équivalent dans l'histoire. Face au protestantisme, les Pères de Trente ont abordé de manière souvent courageuse et laborieuse les problèmes posés par les hérétiques. De la même façon, nous ne devons pas ignorer ou sous-estimer les problèmes que nous pose la science afin de progresser dans la connaissance de la vérité. Car nous savons où se trouve la vérité et par conséquent, la solution est possible mais nécessite des efforts sérieux et conséquents, et beaucoup de temps. Détachée des conceptions déterministes, la vraie science peut aussi nous aider à confirmer et à approfondir notre religion. La science peut être un moyen apologétique redoutable au profit de l'Église.


Quand la science et la religion semblent s'opposer, il est nécessaire d'en chercher les causes dans nos propres limites et faiblesses, et non en opposant les vérités, tout en respectant la primauté de la foi sur celle de la raison …

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