Les
critiques à l’égard du christianisme et de l’Église ne datent pas
d’aujourd’hui. Certaines attaques peuvent nous apparaître nouvelles et même
terriblement efficaces, cependant leur apparente nouveauté et leur force ne viennent souvent que
de notre propre faiblesse, de notre manque de culture. Nos connaissances se réduisent
parfois au catéchisme, à des discours surannés, à des revues. Notre temps est
en effet marqué par une grande ignorance. Il est vrai qu’aujourd’hui, la
lecture de livres sérieux n’est guère prisée. Nous préférons la navigation hâtive et hasardeuse sur
Internet, surfer sur des articles qui nous réconfortent dans nos convictions, regarder des vidéos et
écouter des podcasts. Tout cela demeure bien passif et peu productif.
L’étude de la culture chrétienne est encore moins recherchée. Certains s’attristent de ne pas en avoir le temps ou sont bien trop fatigués pour de tels travaux. Mais
en fait, et comme le disait Saint François de Salles, nous ne le faisons pas
parce que nous ne le voulons pas tout simplement. Notre foi est sans-doute trop
tiède. En attendant, les attaques contre l’Église peuvent se poursuivre,
diffusant mensonges et calomnies parmi une population bien peu protégée.
L’étude ou la culture chrétienne sont-elles vraiment nécessaires pour constater
les maux qui ravagent notre société ? Il suffit de regarder avec attention
le monde pour en voir toute sa misère et ses contradictions. La course effrénée
vers la jouissance éphémère des biens de ce monde épuise les ressources naturelles et ravage notre planète
alors que des voix s’écrient de plus en plus contre les dangers qui menacent la
planète en raison d'une consommation bien peu raisonnable. Il est vrai que la population dans sa grande majorité s’indigne
rapidement, parfois un peu trop vite, devant un fait intolérable mais elle ne
s’émeut guère devant des maux profonds qui remettent en cause sa propre existence.
L’intolérance, la violence ou encore la haine
marquent de plus en plus nos sociétés pendant que la famille, lieu
privilégiée de notre éducation, fait l’objet de plus en plus de mépris et de
mesures qui l’affaiblissent. L’individualisme dénie toute forme d’autorité et écrase
tout intérêt collectif. Le sacrifice, le renoncement ou encore l’oubli de soi,
qui peut encore entendre ces mots quand tout semble exciter l’amour
de soi au mépris de l’amour de l’autre ? Dieu a-t-il une place dans une âme
qui ne pense finalement qu’à elle ?
Dernièrement,
en pleine grève des transports parisiens, nous étions véritablement compressés
dans un wagon comme des bétails conduisant à l’abattoir. Il est vrai que les
bêtes sont très probablement mieux traitées que nous au cours de leur
transport. Nous étions dans un corps à corps étouffant.
Le tram s’arrête à une station. Les portes s’ouvrent. Une ou deux personnes
parviennent à s’extirper de la voiture. Et dix autres tentent d’y entrer, poussant
furieusement la masse humaine. Si elles pouvaient marcher sur les corps,
elles le feraient certainement. « J’ai
le droit d’y entrer », dit l’une d’entre elles. Et les corps se
serrent encore plus, sans un cri ni révolte. Telle est une image concrète de
notre société …
Pouvons-nous
être si aveugles ou résignés pour accepter une telle situation ? Est-il en effet pensable de continuer à vivre ainsi ? Comment devons-nous finalement vivre et nous
comporter ? La morale est au cœur de la crise dans laquelle nous
vivons. Est-elle une de ses causes ou plutôt une conséquence ? Sans-doute les
deux…
C’est
alors que nous entendons des voix s’écrier contre la morale chrétienne, voire
contre la morale en elle-même. Une minorité agissante se lève et prononce
contre nous un violent anathème. Halte à la morale, s’écrient-elles ! Le fameux slogan « il est interdit d’interdire »
revient même à la surface. Mais ce slogan, n’est-il pas déjà une règle
morale qui impose une conduite ? Ces voix ne s’opposent pas en fait à la morale
en elle-même mais plutôt à une morale contraignante, et plus précisément aux
devoirs et aux obligations qu’elle peut contenir. Leur slogan serait plutôt
« nous faisons ce qui nous plaît »
tant que nous ne troublons pas évidemment à l'ordre public. Imaginons
alors leur réaction si nous leur opposons la morale chrétienne. Nous pouvons
aisément concevoir leur fureur…
Aujourd’hui,
le chrétien n’est plus vraiment attaqué dans sa foi. Celle-ci fait plutôt
l’objet d’indifférence, de neutralité ou de mépris. Elle est cloisonnée, enfermée, rendue silencieuse et invisible au gens du monde. Certes, de manière presque
régulière, voire routinière, des articles remettent en question des vérités de
la foi. Ainsi, Noël approchant, des revues parlent sans se lasser des
incertitudes sur l’existence même de Notre Seigneur Jésus-Christ, appelant
l’histoire à leur secours comme si elle avait encore des choses à dire, à prouver.
L’intention est sans-doute purement commerciale. Mais il est vrai que de tels
articles entretiennent le doute et les calomnies dans l’opinion. Cependant,
nous sommes loin des attaques des deux derniers siècles. La société est-elle finalement
encore intéressée par de telles disputes ?
L’œcuménisme
ambiant n’aide guère à ranimer les âmes dans la recherche de la vérité. Si
toutes les religions se valent et que la vérité réside dans chacune d’entre
elle, à quoi bon discuter ? Lorsqu’une autorité de l'Église manifeste par ses gestes la
légitimité d’une religion non chrétienne, il ne peut guère susciter un désir de
foi. Le silence des hommes d’Église n’aide pas non plus les âmes à se réveiller. Une attitude bien
condamnable qui a vidé nos églises et nos chapelles. Il n’est pas si lointain
que cela le temps du courage, le temps où ils ne craignaient pas de s’opposer à l’opinion et de condamner des idées et des mœurs contraire à la foi…
Le
principal sujet de préoccupations actuelles est donc d’ordre moral. Voyant les événements
arrivés, le pape Jean-Paul II n’a pas cessé d’alerter sur des questions morale,
étant imperturbable et intègre sur l’essentiel, délaissant en même temps
l’intransigeance en matière de foi. Mais le temps de l’intolérance en matière de
morale semble à son tour ne plus être d’actualité, y compris dans l’Église. Un
pas de plus dans l’abandon ? La horde des médias et des minorités est-elle
si puissante et menaçante pour faire taire la voix de l’Église ?...
Cependant,
l’Église ne se réduit pas à ses autorités. Des fidèles refusent et condamnent
encore l’homosexualité, la théorie des genres, le mariage des homosexuels ou
encore toutes les manipulations pour engendrer des enfants de manière non
naturelle au sein de couples non naturels, sans oublier l’euthanasie ou le
suicide assisté. C’est alors que la morale chrétienne est à son tour violemment
attaquée.
Mieux
encore. Les cas de pédophilie dans l’Église sont jetés à la face de l’Église
pour qu’elle s’occupe de ses affaires et laisse la société vivre comme elle
l’entend. Mais faut-il condamner l’école ou la médecine quand un médecin ou un
professeur sont condamnés pour ce crime odieux ? Justement. C’est parce
qu’il y a de tels cas dans de nombreuses sociétés, et le nombre semble croître
selon nos journalistes supposés objectifs, que l’Église doit parler, éclairer
et condamner. Ce n’est pas parce que le mal la touche qu’elle doit oublier
l’enseignement qu’elle doit transmettre. Le médecin ne continue pas à exercer
les soins même s’il est lui-même malade. Tout cela révèle de nouveau un
véritable et profonde malaise qui touche en profondeur la société.
Notre
avenir n’est guère radieux. Plus le temps passe, plus la société se délite.
Est-ce le déclin d’une civilisation comme d’autres avant elle ont connu avant de sombrer
dans des catastrophes ? La société romaine a-t-elle connu cette situation
avant d’être submergé par le flot des barbares ?
La
morale chrétienne est donc l’objet de nombreuses attaques. Ces attaques sont très anciennes. Elles ont surtout commencé à être
virulentes au XIXe siècle au moment où la laïcité s'est imposée dans la société.
Souvenons-nous par exemple de la morale laïque qu’a prêchée Ferdinand Buisson
et que devait inculquer les instituteurs et institutrices de la république. Aujourd’hui,
le combat est encore plus décisif. Les effets sont plus considérables car les
murailles s’écroulent les unes après les autres. C’est un véritable tsunamis
qui frappe notre société…
Les
critiques peuvent toucher directement la morale chrétienne. Elle
est par exemple considérée comme une invention des chrétiens. Elle apparaît donc illégitime
dans une société laïque ou païenne. La morale chrétienne n’est pas universelle
et doit se restreinte à la communauté chrétienne. Elle n’est qu’une
éthique. L’Église n’a donc pas de leçon à donner aux hommes en matière de
morale comme les hommes ne sont pas censés la suivre.
Des
adversaires de l’Église voient même la morale comme des chaînes qu’elle a
créées pour mieux maintenir son emprise sur les hommes. Elle est présentée comme un joug insupportable pour l’homme, un joug que nos
contemporains ne doivent plus supporter. Il est vrai, et notre étude sur les
rapports entre les pouvoirs temporels et religieux le confirme, que l’autorité
morale a une force bien plus considérable que toute autre autorité, notamment
de l’autorité politique.
Finalement,
comme dans le domaine de la foi, on recherche à cloisonner la morale chrétienne
et à l’exclure de la société, ne la tolérant qu’aux fidèles chrétiens tant qu’elle
ne gène pas la population. Les discours tenus depuis le concile de Vatican II
ne peuvent que renforcer le cloisonnement de l’Église. Tout naturellement, le
pape est rappelé à l’ordre lorsqu’il ose condamner des pratiques et des
comportements vicieux de la société.
D’autres
critiques rejettent au contraire toute spécificité à la morale chrétienne et
n’y voient qu’un emprunt à la civilisation antique, à la religion juive ou à
d’autres influences. Ferdinand Buisson parlait même de corruption. La morale chrétienne
est alors présentée comme peu différente de celle de l’antiquité, même si elles
présentent quelques nuances. Elle ne serait finalement qu’une morale naturelle
imprégnée de quelques particularités, voire corrompue. Il est vrai qu’à force de vouloir singulariser la
morale chrétienne, elle finit par être discréditée. Il a bien existé une morale
avant la venue de Notre Seigneur Jésus-Christ. Cependant, après l'avoir présenté
comme bien peu différente de la morale laïque, comme une de ses pâles copies,
il est demandé de revenir à la morale naturelle et universelle, une morale
soi-disant plus excellente que la morale chrétienne. Cela signifie surtout que
la morale est indépendante du christianisme et de toute autre religion. La
morale laïque a donc tout son sens.
Une
autre série de critique s’attaque directement à la morale en elle-même, ne
cherchant peut-être pas à atteindre la morale chrétienne. Néanmoins, cette
dernière en sort nécessairement meurtrie. Selon ces critiques, la morale n’est que le produit de
l’imagination des hommes pour diverses raisons, notamment pour ses aspects
pratiques. La morale n’a qu’un rôle utilitaire. Certains pensent même qu’elle
ne consiste qu’à satisfaire des intérêts. Elle ne serait finalement élaborée
que par les hommes sous forme de lois. Mais comme l’homme l’a conçue un jour
pour répondre à un besoin particulier, il a aussi toute légitimité pour la
modifier ou la rejeter si ses besoins ont changé. En outre, si elle est
purement humaine, elle peut être contre-nature…
Selon
une critique plutôt récente, la morale évolue selon la maturité de l’homme. Elle
est insérée dans un système évolutionniste, subissant la même loi. La morale
s’améliore alors au fur et à mesure du temps selon l’évolution même de l’homme.
Par conséquent, si la morale chrétienne était recevable hier, et elle mérite
par là une large reconnaissance, elle ne l’est plus aujourd’hui. Obsolète,
désuète, elle doit nécessairement évoluer.
Une
dernière critique que nous pouvons retenir s’appuie plutôt sur un
constat : la morale varie en fonction de la civilisation. La morale
indienne n’est pas celle des occidentaux ou des tribus africaines. Par
conséquent, la morale est relativiste. En un temps de mondialisation, elle ne
peut donc s’affirmer comme absolue et donc exclusive. Mais que devient une
morale si elle tolère une règle qu’elle interdit par ailleurs ? Elle n’a
plus de sens. Nous retrouvons la remarque pertinente d’Edgard Quinet sur la
religion. Si elle ne se prétend pas absolue et exclusive, la religion se vide
de toute crédibilité, elle n’a plus raison d’être.
Conclusions
Nous
venons d’énumérer les principales critiques qui touchent la morale Elles sont
difficiles à les entendre toutes puisqu’elles se contredisent. Certains
défendent une morale universelle et immuable quand d’autres considèrent la morale
de manière relativiste ou évolutionniste. Les uns la définissent comme
d’origine divine ou provenant des forces de la nature, d’autres ne la conçoivent
que comme une œuvre humaine. La morale chrétienne subit aussi ces critiques.
Elle en est aussi directement visée.
De
telles attaques peuvent nous égarer de notre salut comme elles peuvent éloigner
les hommes de Dieu et de l’Église. L’amour de Dieu et le salut de l’âme ne sont
pas qu’une question de foi. Nous devons donc non seulement nous affermir
dans la morale chrétienne mais également défendre ce qu’elle est afin
d’éclairer les consciences de ceux qui l’ignorent ou en ont une mauvaise image. Elle est
suffisamment lumineuse et solide pour attirer bien des âmes.
Mais
de manière générale, qu’est-ce que la morale si ce n’est la recherche de notre
bonheur ? Elle nous guide vers ce que nous recherchons tous. Ainsi, notre
vie est bien différente selon la conception que nous avons de la morale. Que
deviendrait-elle si la morale que nous suivons est erronée ou si celle qui nous
est imposée nous détourne de notre voie ? Or la morale pénètre la
législation et influence l’opinion comme celles-ci peuvent aussi se heurter à
la morale. Les lois récentes sur l’homosexualité ou la bioéthique ne peuvent
que soulever des questions morales. Or comment pouvons-nous y répondre sans
aucune connaissance sur la morale elle-même ? Comment pouvons-nous agir si
la morale nous est un sujet peu connu, voire étranger ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire