Selon Ferdinand Buisson[1],
l’école n’est pas simplement le lieu de transmission d’un savoir. Elle
ne sert pas uniquement à apprendre à lire, à écrire, à compter. Le grand promoteur
de l’enseignement laïque veut aussi qu’elle inculque aux enfants le culte de
l’idéal, un idéal pratique, un idéal certes inatteignable mais qu’ils
doivent poursuivre comme le savant en quête de vérité, l’artiste à la recherche
de beauté ou encore le héros, le saint, l’homme de devoir et de dévouement
attiré par le bien. Cette trilogie du vrai, du beau et du bien forme les
trois dimensions de son idéal, un idéal qui porte un autre nom : Dieu.
Telle est en effet la religion pour « le
père de la laïcité ». « Il
n’y a qu’une religion, il n’y en a jamais eu qu’une sous les innombrables
formes qui ont correspondu aux différents âges de la civilisation humaine.
C’est la religion du bien, ou si l’on veut analyser davantage, c’est la
religion de l’esprit aspirant à remplir sa fonction d’esprit à savoir le vrai,
à aimer le beau, à faire le bien, ce dernier terme pouvant résumer les deux
autres. »[2]
Ainsi l’idéal que Buisson
veut inculquer aux enfants n’a pas pour but de détruire la religion mais d’inculquer
une autre religion qu’il croît être authentique et universelle. S’il parle
de « foi laïque » et de
« moral laïque », il ne
faut pas se méprendre sur le sens de ces mots. Car c’est une foi et une morale
religieuse mais sans qu’elles soient attachées à une religion particulière, une
religion sans dogme ni prêtre ou plus précisément une certaine forme de
religiosité. Il est alors bien difficile de croire que la laïcité défend la
neutralité religieuse. Le croire, ce serait trahir la pensée des pères de la
laïcité.
En fait, la trilogie « vrai, beau, bien » nous renvoie à
un ouvrage de Victor Cousin (1792-1867), intitulé « Du vrai, du beau, du bien », qui
date de 1858. Dans une étude récente[3],
nous apprenons en effet que l’œuvre de Ferdinand Buisson dans l’enseignement
serait l’aboutissement de la philosophie de Victor Cousin. Par
conséquent, étudions cette doctrine...
Victor Cousin, un philosophe
qui compte au XIXe siècle
Victor Cousin |
Victor Cousin est un
philosophe et homme politique du XIXe siècle. Professeur à la Sorbonne et
maître de conférences à l’École normale, il fait connaître les philosophies
allemandes de Kant, Hegel, Fichte, ou encore de Schelling. Ses cours obtiennent
un grand succès auprès des étudiants. En 1840, il devient ministre de
l’instruction publique sous le roi Louis-Philippe. Son influence est
immense. Il est l’un des principaux artisans de l’organisation de
l’enseignement de la philosophie.
Cousin expose ses idées dans
son livre Du vrai, du beau, du bien. Ce dernier contient des cours, sous
forme de dix-sept leçons, qu’il a enseignés à la Faculté des Lettres de 1815 à
1821 à la Sorbonne. Il présente ce livre comme « l’expression abrégée mais exacte de [ses] convictions de la science
philosophique » au travers de l’histoire de la philosophie. Sa
philosophie est souvent appelée éclectisme.
Mais son auteur préfère le terme de spiritualisme,
l’éclectisme étant plus une méthode. « Son
caractère est de subordonner les sens à l’esprit, et de tendre par tous les
moyens que la raison avoue, à élever et à agrandir l’homme. »[4]
Il considère la psychologie comme une philosophie, mieux encore « la reine de la philosophie ».
L’histoire des philosophies, matière et manifestation de l'éclectisme
Notons que Cousin ne parle
pas de philosophie mais de science philosophique ou plutôt de méthodes
philosophiques. Il ne cherche pas en effet à philosopher, c’est-à-dire à penser
sur le monde, à élaborer une doctrine. « Il ne s’agit pas de faire de la philosophie mais de la constater ».
Pourquoi ? « Il n’y a donc plus
autre chose à faire aujourd’hui qu’à dégager ce qu’il y a de vrai dans chaque
système, et en composer une philosophie supérieure à tous les systèmes, qui les
gouvernent tous en les dominant tous. »[5]
Toutes les philosophies ont donc quelques choses de vrai qu’il faut
identifier puis les rassembler et les combiner pour en constituer une plus
haute, un système philosophique valable du point de la raison. « Cette prétention de ne repousser aucun système, de n’en accepter aucun
entier, de négliger ceci, de prendre cela, de choisir dans tout ce qui est vrai
et bon et par conséquent durable, d’un seul mot, c'est l’éclectisme. »[6]
Il ne s’agit pas d’un
éclectisme aveugle ou d’une sorte de syncrétisme philosophique. « Ce que je recommande, c’est un éclectisme
éclairé qui, jugeant avec équité et même avec bienveillance toutes les écoles,
leur emprunte ce qu’elles ont de vrai, et néglige ce qu’elles ont de faux.
Puisque l’esprit de parti nous a si mal réussi jusqu’à présent, essayons de
l’esprit de conciliation. »[7]
Soulignons cette volonté de rassemblement ou de paix qui semble
s’exprimer dans cette méthode.
Chaque école a un point de
vue exclusif et incomplet sur la vérité, n’exprimant qu’une partie en rejetant
le reste. Cousin demande plutôt de perfectionner l’ouvrage des différentes
écoles en réunissant toutes les vérités éparses dans les différents systèmes.
« La vérité est un bien qu’il faut
prendre partout où on le rencontre. »
[8]
L’éclectisme se fonde donc sur
l’érudition, c’est-à-dire sur la connaissance de l’histoire de la philosophie.
Mais l’histoire joue un autre rôle. Elle rend manifeste l’éclectisme au sens où
elle fait découvrir l’enchaînement logique des doctrines. Elle le rend
nécessaire. « Qu’est-ce d’ailleurs
que l’histoire de la philosophie, sinon une leçon perpétuelle d’éclectisme
? »[9]
L’étude de l’histoire de la philosophie permet donc de découvrir la vérité
que l’éclectisme doit révéler.
L’éclectisme semble ainsi tolérer
toutes les philosophies. Cousin prône en effet « la tolérance philosophique » pour mettre fin au fanatisme et
inculquer le besoin et le goût de l’étude approfondie chez les élèves. Mais,
« cette prétendue tolérance
s’accompagne en réalité d’un certain nombre d’exclusions radicales et
arbitraires du champ philosophique. »[10]
Ainsi
concernant la connaissance, il ne voit que deux systèmes, celui de l’empirisme et
du rationalisme. Le cartésianisme y tient une grande place. Et comme il le dit
lui-même, pour reconnaître la vérité de l’erreur, faut-il déjà avoir un
système philosophique.
L’éclectisme n’est qu’une
méthode qui s’appuie sur une critique philosophique à
partir de l’histoire philosophique. Cette dernière en est l’objet comme le lieu
de la philosophie qu’il veut exposer. Il est donc étrange de vouloir à partir
des « vérités éparses »
construire « un système qui soit à
l’épreuve de la critique, et qui puisse être accepté par votre raison et aussi
par votre cœur » quand finalement l’extraction des vérités et leur
combinaison s’appuient déjà sur un système préexistant.
L’éclectisme, la méthode
Dans son livre, Cousin nous
livre le résultat de sa méthode. Il s’appuie sur un constat ou plutôt sur une
conviction : « il y a dans tous
les hommes, sans distinction de savants et d’ignorants, des idées, des notions,
des croyances, des principes que le sceptique le plus déterminé peut bien nier
du bout des lèvres, mais qui le gouvernent lui-même à son insu et malgré lui
dans ses discours et dans sa conduite, qu’on trouve en soi pour peu qu’on
s’interroge, et qui, par un contraste frappant avec nos autres connaissances,
sont marqués de ce caractère à la fois merveilleux et incontestable qu’ils se
rencontrent dans l’expérience la plus vulgaire, et qu’en même temps, au lieu
d’être circonscrits dans les limites de cette expérience, ils la surpassent et
la dominent, universels au milieu des phénomènes particuliers auxquels ils
s’appliquent, nécessaires quoique mêlés à des choses contingentes, infinis et
absolus à nos propres yeux, tout en nous apparaissant dans cet être relatif et
fini que nous sommes. »[11]
En un mot, il est convaincu d’idées absolues. « Il y a dans l’esprit humain, pour quiconque
l’interroge sincèrement, des principes réellement empreints du caractère de
l’universalité et de la nécessité »[12],
des principes dont l’esprit n’est pas l’auteur, des principes, indépendantes
de la raison, de la conscience et de l’expérience mais que la raison, la
conscience et l’expérience les manifestent. Néanmoins, c’est par la raison
que nous les découvrons bien qu’ils lui fournissent les lois du
raisonnement.
Dans son ouvrage, Cousin traite
successivement de la vérité, du beau et du bien d’abord par la méthode dite
psychologique, qui consiste à constater et à décrire ce qui est, puis par
la raison. Elle passe donc par l’observation ou encore par l’expérience. Il
s’agit d’abord d’interroger notre conscience car la nature humaine est tout
entière en nous comme en chacun des hommes. Puis, cela revient à comparer les
différentes philosophies. Il ne s’agit pas non plus d’interroger n’importe qui,
par exemple un sauvage dont sa nature est ébauchée. « L’homme vrai, c’est l’homme parfait dans son genre ; la vraie
nature humaine, c’est la nature humaine arrivée à son développement, comme la
vraie société c’est aussi la société perfectionnée. »[13]
Cousin s’oppose aussi à une nature humaine imaginée comme l’a fait Rousseau par
exemple. « Pour connaître la
réalité, étudions-la, ne l’imaginons pas. Prenons l’humanité, telle qu’elle se
montre incontestablement à nous dans ses caractères actuels ». Il ne
se préoccupe que de « l’homme
actuel, l’homme réel et achevé. »[14]
Après l’étude de
l’expérience, Cousin fait intervenir la philosophie. Il
ne s’agit pas de construire un système philosophie censé d’imposer un principe
découvert car toute système philosophique est imparfait. Il est trop dépendant
de son environnement. Ils « suivent
leur temps bien plus qu’ils ne le dirigent ; ils reçoivent leur esprit des
mains de leur siècle. »[15]
Cousin cherche ensuite à exposer
puis réfuter les systèmes philosophiques relatifs au vrai, au beau et au
bien. Les philosophies font ainsi l’objet de sa critique non pour les réfuter
totalement mais pour en dégager les vérités qui se mêlent aux erreurs.
« La critique philosophique ne se
borne point à discerner les erreurs des systèmes ; elle consiste surtout à
reconnaître et à dégager les vérités mêlées à ces erreurs. » Car,
ajoute-il, « les vérités éparses
dans les différents systèmes composent la vérité totale que chacun d’eux
exprime presque toujours par un seul côté. »[16]
C’est ainsi que l’histoire de la philosophie « prépare ou confirme » l’analyse psychologique. La méthode se
termine alors par le rassemblement de ces vérités éparses.
Cousin insiste souvent sur la
qualité scientifique de sa méthode. Il généralise ce qu’il voit de
particulier, cherchant ainsi à établir des lois. Et lorsqu’il établit des lois,
il cherche des axiomes qui la fondent. Ainsi explique-t-il ce qu’il a reconnu
par l’expérience.
Sa méthode permet le
dépassement de chaque système, ce qui est indispensable pour apporter de
la paix contrairement aux discordes qu’il génère. « Le temps des théories exclusives est
passé ; les renouveler, c’est perpétuer la guerre en philosophie. Chacune
d’elles, étant fondée sur un fait réel, refuse avec raison le sacrifice de ce
fait ; et elle rencontre dans les théories ennemies un droit égal et une
égale résistance. De là, le retour perpétuel des mêmes systèmes, toujours aux
prises entre eux, et tour à tour vaincus et victorieux. Cette lutte ne peut
cesser que par une doctrine qui concilie tous les systèmes en comprenant tous
les faits qui les autorisent. »[17]
Il ne s’agit pas de concilier les systèmes philosophiques mais les faits dans
la réalité.
L’application de
l’éclectisme au vrai, au beau et au bien
Les conclusions de sa
méthode appliquées sur le vrai, le beau et le bien sont identiques pour chacun de
ces principes. Si nous percevons leur manifestation en nous, si la vérité, le
beau et le bien sont bien conçues en nous, ils ne viennent pas de nous. Pour
les saisir, il faut aller au-delà, c’est-à-dire il faut les saisir en Dieu.
La connaissance des vérités
absolues ne vient pas premièrement de la raison. Elle vient de la
première opération de l’esprit, l’intuition. Elles sont apparues d’abord sous
leur forme concrète, particulière et déterminée avant de se revêtir de leur forme
actuelle, abstraite et universelle par une opération d’abstraction. Reste à
savoir où elles résident si elles sont hors de nous. « Dieu est la substance, la raison, la cause
suprême, l’unité de toutes ces vérités. »[18]
Les vérités sont Dieu. La raison dont les vérités ne peuvent suffire les
rattache toutes à ce principe, à l’être qui peut les expliquer, à Dieu.
Mais comment pouvons-nous l’atteindre ? « Le seul moyen qui nous soit donné de nous élever jusqu’à l’être des
êtres, sans éprouver d’éblouissement ni de vertige, c’est de nous en rapprocher
à l’aide du divin intermédiaire ; c’est-à-dire de nous consacrer à l’étude
et à l’amour de la vérité, et, comme nous le verrons tout à l’heure, à la
contemplation et à la reproduction du beau, surtout à la pratique du bien. »[19]
L’idée du beau
nous introduit dans le domaine de l’art. Toutes les beautés, celles qui nous
émeuvent et nous étonnent, constituent la beauté réelle. Mais au-dessus d’elle,
se trouve la beauté supérieure, la beauté idéale, qui ne réside pas en nous. Pour
la saisir, il faut atteindre Dieu. « Pour mieux parler, le vrai et absolu idéal n’est autre que Dieu
même »[20]
Enfin, selon Cousin, l’idée
du bien se confond avec la morale, totalement indépendante du sens commun
ou du jugement qui permet de la saisir. « Ce serait se faire une idée fausse et étroite de la morale que de la
renfermer dans l’enceinte de la conscience individuelle. »[21]
Elle est aussi indépendante du caractère moral de l’action. Le bien et le mal
nous sont perceptibles en raison de vérités morales indépendantes de nous et
des actions dans lesquelles ils se manifestent. Ces vérités ainsi que
l’obligation morale, dont elles sont les fondements, sont alors absolues,
universelles, immuables. Tout cela nous ramène encore à l’être absolu qui
est Dieu. « Il est certain, et
bientôt nous l’établirons nous-mêmes pour le bien, comme nous l’avons fait pour
le vrai et pour le beau, il est certain que d’explications en explications on
en vient à se convaincre que Dieu est en définitive le principe suprême de la
morale »[22].
Le vrai, le beau et le bien
sont donc des êtres absolus. Cousin les définira plus tard comme des attributs
absolus. Ils se réalisent dans un être absolu qui est Dieu. Ils y sont
indivisiblement unis bien qu’ils soient divisés par notre esprit. « Ainsi Dieu est nécessairement le principe de
la vérité morale et du bien. Il est aussi le type de la personne morale que
nous portons en nous. »[23]
À partir de ce qu’il perçoit en l’homme
et de ce que perçoit sa conscience, Cousin établit les qualités de Dieu
comme être réel et vivant. « En
pensant à un tel être, l’homme éprouve un sentiment, qui est le sentiment
religieux par excellence. »[24]
C’est ainsi qu’il en vient naturellement à établir un culte intérieur puis
public, et enfin une religion. « Nous
voici donc arrivés, de degrés en degrés, à la religion. Nous voici en communion
avec les grandes philosophies qui toutes proclament un Dieu, et en même temps
avec les religions qui couvrent la terre, avec la religion chrétienne, incomparablement
la plus parfaite et la plus sainte. »[25]
L’esprit de la
méthode
Dans sa dernière leçon, Cousin
définit l’esprit qui guide sa méthode. La raison est le fondement de sa
recherche. Elle est supérieure à toute autre puissance comme celle du sentiment
ou de la sensation. Elle est la faculté qui permet de connaître en tout le
vrai, le beau et le bien. Cependant, elle ne peut se développer seule. La
raison a besoin d’une autre puissance, celle du sentiment. Elle a aussi
besoin des sens. Ainsi, il ne peut condamner les philosophies du sentiment ou
de la sensation. « Tels sont les
fondements très simples de notre éclectisme. »[26]
Cela permet d’éviter deux écueils : l’abstraction,
c’est-à-dire l’abus de la dialectique et la sentimentalité, c’est-à-dire
la prédominance excessive du sentiment.
L’éclectisme
religieux
Cousin veut aussi appliquer
sa méthode pour la religion. « Une
vraie théodicée emprunte en quelque sorte à toutes les croyances religieuses
leur commun principe, et elle le leur rend entouré de lumière, élevé au-dessus
de toute incertitude, placé à l’abri de toute attaque. »[27]
Il est vrai que pour lui, le christianisme est « incomparablement la religion la plus parfaite et la plus sainte. »[28]
Si la philosophe demeure en-dessous de ces religions, avoue-t-il, elle parle aussi
de Dieu.
Cousin et Buisson
Évoquant Descartes, Cousin a
repris l’idée de principes absolus, dans sa trilogie « vrai, beau, bien », à partir
duquel il démontre l’existence de Dieu et ses attributs. Ces principes
perçus d’abord par l’intuition, si chère aussi à Buisson, sont ensuite saisis
par la raison. Buisson reprend cette trilogie ainsi que le rôle de l’intuition
sur laquelle il s’appuie pour élaborer sa pédagogie. Comme nous pouvons
découvrir Dieu à partir d’un des principes, Buisson voit aussi Dieu caché qui
se révèle par la morale. Il n’est donc pas besoin d’une Église pour Le
connaître.
Enfin, Cousin tente d’appliquer
sa méthode éclectique dans la religion, c’est-à-dire prendre en compte tout
ce qui est vrai dans les différentes religions pour en faire une qui les
surmonte toute par la combinaison de toutes les vérités. Buisson en est aussi
parfaitement convaincu. C’est pourquoi il demande à l’instituteur de tolérer
dans l’école la coexistence des confessions pour les dépasser par sa foi
laïque.
Mais contrairement à
Buisson, Cousin ne s’oppose pas à la présence de l’Église dans les écoles. Il
est un acteur central de l’enseignement sous la Monarchie de Juillet, hostile à
toute séparation entre les Églises et l’État. Il défend ce régime. Il tente en
fait concilier le christianisme et la philosophie. « Partout nous professons la vénération la
plus tendre pour le christianisme. »[29]
Pour Buisson, la religion
laïque relie le vrai, le beau et le bien. C’est un lien idéal, intellectuel,
spirituel. Cousin parle plutôt de religion naturelle, ce qui explique la
supériorité d’un culte sur toutes les philosophies.
Cousin a créé sous la
Monarchie de Juillet l’école primaire puis les écoles normales destinées et
enfin l’université. Buisson poursuit son ouvrage en les laïcisant.
Conclusion
À partir de l’individu et
selon sa méthode, fondée sur l’intuition et la raison, Cousin établit une
théodicée. C’est en l’homme, dans son esprit, qu’il découvre la vérité,
le beau et les biens, attributs absolus, qui le renvoient vers Dieu. C’est
aussi en lui et à partir de sa conscience qu’il peut distinguer les
attributs divins. « Le champ de
l’observation philosophique, c’est la conscience. Il n’y en a pas d’autre, mais
dans celui-là, il n’y a rien à négliger ; tout est important, car tout se
tient, et une partie manquante, l’unité totale est insaisissable. »[30]
C’est pourquoi il se considère et il est considéré comme un tenant du
spiritualisme du XIXe siècle. Pour y parvenir, il utilise toutes les
philosophies, tout ce qui peut le servir. De même, il envisage une théodicée à
partir de toutes les idées bonnes que nous pouvons trouver dans les religions.
C’est là que nous retrouvons Ferdinand Buisson.
Cependant, Cousin justifie
la religion et surtout le christianisme de manière rationnelle à partir de la
conscience. Le vrai, le beau et le bien se retrouvent tout entier dans
l’homme et dans la religion. Il est vrai que pour lui la philosophie est
inférieure à toute religion, mais il démontre que la religion répond à un
besoin humain et relève de l’individu. Elle est donc juste et garantit
l’ordre. « Je défends
opiniâtrement l’intervention de la religion dans l’éducation du peuple. »[31]
C’est là que se différencie Ferdinand Buisson qui ne voit dans aucune religion le
vrai, le beau et le bien. Ils forment eux-mêmes la religion. Si Cousin
fonde la pertinence des institutions de son époque, Buisson la récuse. L’un
est plutôt conservateur, soucieux de la réconciliation ; l’autre est
encore habité par la révolution et l’opposition.
Notes et références
[2] Buisson, Libre
pensée et protestantisme libérale, Ferdinand Buisson et Charles Wagner,
1903, Librairie Fischbacker.
[3] Voir Le
Spiritualisme au XIXe siècle en France : une philosophie pour
l’éducation ?, Laurence Coeffel, collection Philosophie de
l’éducation.
[4] Victor Cousin, Du vrai,
du beau et du bien, 7e édition, avant-propos de 1853, Paris
Sorbonne, 1858.
[5] Victor Cousin, Cours
de l’histoire de la philosophie, histoire de la philosophie du XVIIIe siècle,
t. II, Paris, Didier, 1841.
[6] Wilhelm Gottlieb
Tennemann, Manuel de l’histoire de la philosophie, préface de Victor
Cousin, Pichon-Didier, 1829.
[7] Victor Cousin, Discours
prononcé à l’ouverture de cours, le 4 décembre 1817, de la philosophie au XIXe
siècle.
[8] Victor Cousin, Discours
prononcé à l’ouverture de cours, le 4 décembre 1817, de la philosophie au XIXe
siècle.
[9] Wilhelm Gottlieb
Tennemann, Manuel de l’histoire de la philosophie, préface de Victor
Cousin, Pichon-Didier, 1829.
[10] Lucie Rey, agrégée et
docteur en philosophie, L’héritage de
Victor Cousin dans l’enseignement de la philosophie en France, revue skhole.fr, penser et repenser
l’école.
[11] Première partie.
[12] Première leçon.
[13] Onzième leçon.
[14] Onzième leçon.
[15] Onzième leçon.
[16] Quatorzième leçon.
[17] Quatorzième leçon.
[18] Quatrième leçon.
[19] Cinquième leçon.
[20] Huitième leçon.
[21] Onzième leçon.
[22] Douzième leçon.
[23] Seizième leçon.
[24] Seizième leçon.
[25] Dix-septième leçon.
[26] Dix-septième leçon.
[27] Dix-septième leçon.
[28] Dix-septième leçon.
[29] Cousin, note 253.
[30] Victor Cousin, Fragments
philosophiques, Philosophie contemporaine, dans Psychologie, éclectisme et
spiritualisme : Maine de Biran, Victor Cousin et Féli Ravaisson,
Laurent Giassi, philopsi, 2011, www. philopsi.fr.
[31] Victor Cousin, Souvenirs
d’Allemagne, CNRS, édition 2011, Introduction, Dominique Bourel,
directeur de recherche du CNRS, Wikipédia, article « Victor Cousin ».
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