Bien
souvent, nous entendons des voix véhémentes défendre la liberté de conscience
et se lever toutes ardentes pour appeler à l’union et au combat lorsqu’elle est
menacée. Leur lutte est noble. Car sans cette liberté, il n’est guère
envisageable de vivre librement et donc d’atteindre le véritable bonheur. Mais
nous ne pouvons guère les suivre lorsqu’elles s’égarent dans de malheureuses
confusions, quand elles-mêmes se perdent dans l’erreur et le mensonge.
Certaines d’entre elles utilisent la liberté de conscience sans savoir ce qu'elle signifie. C'est finalement un terme
bien commode qui fait partie de
ces mots qui nous obligent, de ces mots auxquels nous devons nous soumettre aveuglement.
Le terme de « laïcité »
appartient aussi à ce vocabulaire devant lequel doivent se démettre les
intelligences…
Depuis que nous traitons de ce sujet, nous découvrons un XIXe siècle qui nous était bien peu connu. Car la laïcité est d’abord et avant tout un produit de ce siècle, un siècle marqué par de nombreux événements fondateurs d’une nouvelle société. Nous découvrons aussi une société de pensée, formée dans le protestantisme. Dans nos lectures, nous avons notamment rencontré Edgard Quinet (1803-1875), Jules Barni (1818-1878), Jules Ferry (1832-1893), tous protestants, comme Ferdinand Buisson (1841-1932)[1]. Nous découvrons aussi de nouvelles philosophie, le positivisme d’Auguste Comte (1798-1857) ou encore le spiritualisme de Victor Cousin (1792-1867). La laïcité est leur œuvre. Elle est bâtie sur des philosophies aujourd’hui rejetées. Ceux qui la défendent savent-ils ce qu’étaient leurs objectifs ? Car finalement, une liberté, quel que soit l’objet auquel nous voulons l’appliquer, n’a de sens que par sa finalité…
L’enseignement
laïque au cœur de la laïcité
Ferdinand Buisson |
Si
le XVIIIe siècle est surtout celui de la laïcisation du politique, le siècle
suivant est celle de la laïcisation de l’enseignement. Ce dernier est au
centre de bien des combats. La formation des hommes est au cœur de tous les
efforts. L’enjeu est primordial. Car dans les écoles, se forment les futurs
électeurs. Dans un régime démocratique, le pouvoir appartient à celui qui en
est le maître. Les partisans de la laïcité savent où se situe le véritable
combat : les écoles primaires. « Dans un pays de suffrage universel, l'école
influe directement sur les destinées du pays, car, suivant un mot célèbre, elle
ne fait pas les élections, mais elle fait les électeurs. »[3]
L’enseignement
primaire, le lieu de la transformation de la société
Si
au XIXe siècle, le ministère en charge de l’enseignement porte le nom
d’instruction publique, son objet est bien l’éducation nationale,
c’est-à-dire la formation de l’esprit des enfants qui lui sont confiés.
Buisson parle encore d’éducation des consciences.
Que
demande-t-il en effet aux instituteurs lorsqu’il les dirige? Ils ne leur
demandent pas seulement de les instruire, c’est-à-dire de leur transmettre une
somme de connaissances, de savoir lire, écrire, calculer, mais surtout de les
élever, « d'éveiller à la lumière morale les yeux
du cœur et de la conscience aussi bien que ceux de l'esprit. »[4]
Il s’agit de leur inculquer une morale, mieux encore, une morale pratique mais
sans foi, c’est-à-dire une morale laïque.
L’âme
est en effet l’objet de l’enseignement.
Buisson exige en effet de ses instituteurs un « service tout spirituel »[5].
L’instituteur se donne tout entier à sa fonction pour éveiller la conscience
des élèves et toucher leur âme. Il est plus qu’un savant, il est un artiste. Il
est « le magistrat de l'éducation,
le guide autorisé de la jeunesse et de l'enfance »[6]
tel qu’il a été défini par Edgard Quinet.
Après
avoir renversé l’ancien régime et tout ce qu’il constitue, la révolution ne
peut subsister sans que le peuple soit à son tour transformé. L’école est alors
le lieu de cette transformation. Quels en sont les « les sauveurs, les saints missionnaires qui
vont entreprendre une telle transformation de tout un peuple à la fois ? »[7]
Les instituteurs…
Transmettre
l’idéal du protestantisme libéral
Le
but de l’éducation nationale est, toujours selon Buisson, d’inculquer aux
enfants un idéal, notamment par l’exemple de l’instituteur. Il ne s’agit
pas de le transmettre par des leçons, des manuels ou encore par des paroles
mais en déposant dans l’enfant des germes qui un jour pourraient se lever. L’école
devient une sorte d’Église.
Buisson
rêve en effet « d'une société
religieuse, vraiment digne de ce nom si humain d'Église « catholique » «
universelle », en effet parce qu'elle serait purement spirituelle, elle
exercerait la plus merveilleuse et la plus limitée des magistratures, une sorte
de magistrature morale consistant à représenter dans le monde des intérêts les
idées de devoir, de vertu, de dévouement, dans le monde de la force l’éternel
protestation de la justice et de la pitié, dans le monde du réel les droit
imprescriptible de l’idéal »[8].
L’école est ainsi faite pour inculquer et transmettre des sentiments
religieux. « Elle répéterait à
travers les siècles aux hommes qui passent la leçon qui ne passe pas, leçon
d'amour, d'espoir et de confiance dans la vie et dans l'au-delà ; à chacun elle
prêcherait l'effort moral, à tous le progrès social, et, leur versant à flots
la poésie du divin, elle les aiderait d'âge en âge à donner une expression
moins imparfaite aux éternelles aspirations de l'homme vers l'infini. »[9]
Le
beau rêve que fait Buisson est celui du protestantisme libéral. Son
maître est Félix Pécaut (1828-1898), pasteur et inspecteur de l’enseignement
primaire. « En nous déclarant
chrétiens libéraux, nous acceptons la discipline et la tradition morale du
christianisme, non pas comme absolue ni infaillible, mais parce que, dans son
fond, elle nous parait être l’écho fidèle de la conscience, la voix de Dieu
dans l’Âme. Nous tenons pour un droit et un devoir, d'abord d'affranchir notre
piété et notre activité morale de la croyance, aussi énervante que trompeuse,
à une intervention surnaturelle de Dieu, rare ou permanente, ancienne ou contemporaine
; ensuite de séculariser la religion en l'appelant à sanctifier non pas une vie
humaine restreinte et mutilée par l'ascétisme, mais la vie humaine dans toutes
ses applications normales famille, cité, science, art, industrie. Nous prenons
donc racine dans la tradition humaine tout entière sans nous enchaîner à la
lettre d'un passé spécial, juif, catholique ou protestant. »[10]
Son but est bien de « séculariser
la religion ».
C’est
finalement l’idéal d’un christianisme sans dogme ni prêtre. Mais pour le
réaliser, Buisson a besoin d’instituteurs, de véritables « missionnaires », de journaux,
d’écoles de formation, de manuels, d’un ministère, et finalement d’un État.
L’écrasement
de l’Église
Buisson
oppose cet idéal à l’Église catholique.
La société qu’il rêve est celle d’une société libre en opposition à celle qu’a
édifiée l’Église catholique, une société soumise à son joug, où l’esprit humain
est emprisonné, où son autorité est supérieure à la conscience et la raison des
peuples et des individus. En bref, il oppose sa société libre à la
théocratie qu’aurait érigée Vatican. Dans ses écrits et ses discours,
Buisson vante parfois le travail accompli par l’Église. Mais il refuse
désormais son joug car la société doit désormais s‘affranchir de sa tutelle
et s’affirmer majeure, c’est-à-dire responsable et autonome. La
société catholique est en effet une société dans lequel l’homme est mineur.
Nous
retrouvons ainsi l’idée principale du positivisme, la célèbre théorie
selon laquelle les connaissance et l’humanité évoluent vers le progrès selon trois
âges de manière inéluctable. Buisson demande alors à ses contemporains de
quitter la phase dans laquelle la religion a mise sous tutelle la pensée,
l’art, la science et toute la société. Il est temps que la démocratie devienne
« adulte et consciente, qui veut
s’instruire et se conduire toute seule, qui veut faire ses affaires
elles-mêmes. »[11]
Car la république est désormais capable de transmettre le « patrimoine de la conscience humaine »,
ce que « la civilisation
humaine nous a légués de bon, de noble, de grand »[12],
c’est-à-dire ce que la religion a su garder.
Or,
dit-il, « la suprématie ne se
partageant pas, il faut que l'une des deux sociétés brise l'autre. » [13]
Ainsi, le choix est posé : « se
remettre plus ou moins franchement sous le joug de l'Église, ou, au contraire,
assurer définitivement sa souveraineté : il n’y a pas, pour la société
issue de la révolution française, un troisième pari. »[14]
Mais
Buisson ne s’arrête pas à cette alternative. Il est bien conscient que l’Église
ne triomphe pas uniquement par des dogmes et sa hiérarchie. Elle triomphe aussi
par ses œuvres de charité. Mieux encore. Elle s’adapte aux nouveaux
besoins de la société et à l’esprit de Français. Selon Buisson, sa tactique est
désormais de rendre des services pratiques pour retrouver le prestige qu’elle a
perdu. Il décrit encore ces œuvres comme « un vaste plan de mainmise sur la jeunesse, sur l’ouvrier, sur les
familles. »[15] Car les Français ne
jugent désormais que sur les actes, c’est-à-dire sur le dévouement. À ce
dévouement, Buisson oppose celui des instituteurs et des œuvres laïques. Ainsi,
il demande aux instituteurs de montrer le même dévouement auprès de ses élèves
dans toute la vie scolaire et dans tous les détails, de manière continue.
Finalement,
Buisson n’a guère que mépris à l’égard des Églises et des religions. La
religion de l’avenir « ne
ressemblera pas à nos religions figées dans un moule archaïque. Elle n'en aura
ni l'étroitesse haineuse, ni la manie d'infaillibilité, ni l'autoritarisme
écrasant, ni la sécheresse d'âme pour ceux qui souffrent, ni les complaisances
pour ceux qui jouissent. »[16]
Dans
un des discours prononcés à la chambre des députés, il est parfaitement clair
sur le combat qu’il mène. « Ce que
nous voulons combattre – et tel est le sens de notre vote, ce n'est pas l'idée
religieuse, c'est l'idée ecclésiastique, l'organisation cléricale ou plutôt la
tyrannie cléricale. » Nous retrouvons sa pensée religieuse qu’il tente
d’imposer dans la vie politique.
Vers
l’effort continuel, vers le progrès
L’instituteur
doit inculquer à son élève l’idée selon laquelle il doit faire de continuel effort pour s’améliorer. Faire mieux afin d’atteindre le bien, le beau,
le vrai. Finalement, la morale qu’il doit lui inculquer est un continuel effort
vers le progrès. Cela n’est possible que si l’élève a confiance en lui,
confiance sans laquelle il ne peut guère mener les efforts nécessaires.
Buisson
s’oppose alors à la morale qui empêche ce progrès continu et ceux qui détruisent
la confiance des enfants dans la nature humaine, « en se faisant, notamment par l'éducation, du berceau à la tombe, les
intermédiaires entre Dieu et l'humanité. »[17]
Ainsi s’oppose-t-il à la morale qu’enseigne l’Église catholique. Nous
retrouvons encore cette idée que l’Église garde la tutelle sur l’homme et lui
refuse toute autonomie. Mieux encore. Il nous demande de plaindre « ceux qui, ne sachant voir Dieu qu'à travers
les formes confessionnelles, sous les rites traditionnels, ne le retrouvent pas
au fond de nos doctrines et ne s'aperçoivent pas qu'il n'est nulle part plus
présent et plus profondément agissant que dans cet humble sanctuaire de
l'éducation qu'ils appellent l'école sans Dieu. »[18]
Buisson
voit dans l’éducation qu’il prône l’effort constant de s’élever vers le bien,
le meilleur moyen d’atteindre Dieu. C’est donc en fonction de son
volontarisme que le bonheur lui sera donné. Dieu ne donne rien, c’est
l’homme qui gagne son salut. C’est du pélagianisme[19].
Évidemment,
Buisson oppose la lettre et l’esprit. L’enseignement qu’il propose « éveille au fond de l’âme de nos âmes
l’étincelle sacrée, continue à leur faire adorer de Dieu non pas le mot, mais
la chose, et à mettre chacun d'eux, tous les jours de sa vie, face à face, dans
le secret de son cœur et de sa conscience au contact direct du divin. »[20]
Un tel discours venant du « père de
la laïcité » peut nous surprendre.
Retirer
l’enseignement aux Églises
Comme
son ami Félix Pécaut, Buisson refuse que cet enseignement à l’âme soit réservé
à l’Église et à toutes les Églises. Il nous livre en effet les pensées de Pécaut,
les faisant siennes.
Pécaut
proteste contre une usurpation, « celle que les Églises et de
tous les clergés qui s'arrogent le
droit exclusif d'enseigner les choses profondes de l'âme. »[21]
Il conçoit une morale sans religion alors qu’il ne voit pas de religion vivre
sans morale. Mieux encore. La morale des religions en ce qu’elle est positive
ne vient que d’une morale éternelle dont elles s’inspirent et altèrent.. Il en
vient à assimiler le nom de Dieu à tout ce qui touche la vie intime de l’âme.
Mais Buisson ne va pas jusque-là puisqu’il considère cela bien précoce. Mais il
ne doute que ce sera « la religion
de l’avenir » car évidemment, « la conscience publique […] laissera
tomber toutes seules les formes surannées » que représentent les
religions. Cette « religion de
l’avenir », qui « se fera
un art, une science, une morale, une poésie, une philosophie digne des temps
nouveaux », ressemble peut-être, dit-il, à « l’irréligion du présent »[22].
Car
en fait, que cherche Buisson ? À retirer de l’Église l’enseignement
pour que ses idées puissent imprégner les enfants. Que dit-il des
congrégations ? Pourquoi s’oppose-t-il à ce qu’elles enseignent au-delà
des aspects juridiques que soulève cette question ? La « congrégation » est, pour lui, « l'un des plus admirables appareils de pression
intellectuelle et morale, sociale et religieuse, qui aient été forgés en ce
monde »[23]. C’est toujours l’idée
que l’Église emprisonne l’homme sous sa tutelle. Elle a tous les moyens et la
culture pour assurer le « maintien
de sa domination sur les consciences »[24]
et pour les plier à un certain esprit.
Buisson
en vient à opposer le religieux ou le prêtre au professeur, à l’instituteur, l’homme
de la foi à l’homme du libre examen. Qu’est-ce que le libre examen ?
« C’est s’engager à penser, à penser
librement »[25]. Le prêtre n’est pas
« un enseigneur de doute et un
excitateur de la pensée libre. »[26]
Ainsi défend-il l’incompatibilité des fonctions d’enseignement et l’état
ecclésiastique ou religieux.
Le
véritable enjeu de l’enseignement primaire
Nous
sommes au cœur des enjeux. Il s’agit bien de savoir qui a le droit de
former la conscience et l’esprit de l’homme au moment où ils se forment, où
il est malléable. L’enjeu n’est pas principalement la liberté d’enseignement.
C’est avant tout une question d’autorité, de direction morale. Nous
revenons au perpétuel combat entre deux pouvoirs, le pouvoir temporel et le pouvoir
religieux, un combat dont l’enjeu est finalement la société et l’individu. Nous
retrouvons l’idée de la transformation de l’homme par l’enseignement…
Liberté
d’enseignement ?
La
question est de savoir qui a droit d’exercer une autorité à l’égard d’un enfant.
Ce droit porte un étrange nom dans un de discours de Buisson. Il l’appelle
« liberté d’enseignement » :
« la liberté pour des adultes
d'exercer sur des mineurs une autorité qu'ils tiennent de la double délégation
de l'autorité de la famille et de celle de l'État, délégation qui ne peut se
faire qu’à des conditions déterminées par la loi. »[28]
Ce droit n’appartient donc qu’à la famille et à l’État. Et c’est le droit
qui définit la liberté d’enseignement.
Certes,
autrefois, l’enseignement était exercé par l’Église catholique par nécessité.
Buisson dit en effet que « la
société laïque », disons plutôt chrétienne, s’est déchargée sur
l’Église de l’enseignement en raison de son incapacité de l’assurer elle-même.
Mais aujourd’hui, la nécessité ne peut plus le justifier. L’État ne peut plus
en effet accepter « définitivement
cette abdication partielle de la souveraineté nationale »[29].
Notons la vision bien étroite et simplifiée de l’histoire de l’enseignement.
Finalement, Buisson demande d’interdire aux congrégations religieuses l’exercice
d’une fonction d’enseignement ainsi qu’à tout membre de congrégation
religieuse.
L’autorité
de la famille est-elle donc oubliée ? Il est vrai qu’il parle de droit naturel limité – étrange
notion - et d’un pouvoir limité des parents à l’égard de l’instruction de leurs
enfants. C’est à l’État en effet de veiller à ce que les parents ainsi que les
maîtres de ne pas user de leur autorité au détriment de leurs enfants. Comme
exemple d’abus de pouvoir, Buisson identifie celui que peut commettre un
religieux dont ses fonctions sont incompatibles avec celles de l’enseignement.
Mais
dans un article d’un journal, Buisson refuse l’existence du droit naturel
d’enseignement. « Le droit
naturel d'enseigner ? Ce droit n'existe pas. Il ne peut exister qu'un droit
celui pour des personnes capables, remplissant les conditions dont l'État seul
est juge, d'être autorisées à instruire la jeunesse. »[30]
S’il n’est pas naturel, d’où sort le droit ? De la déclaration des
droits de l’homme ! « Le
principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation : nul
corps, ni individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »
Cela est aussi valable pour l’autorité d’enseignement. Comme nous l’avons déjà
montré, la liberté d’enseignement est avant tout l’exercice d’une autorité sur
un enfant. Mais Buisson avait précisé que ce droit émanait à la fois de la
famille et de l’État, et non de la nation. Sa pensée évolue, se précise
peut-être.
Conclusions
Ferdinand
Buisson justifie l’enseignement primaire laïque ou plutôt l’exclusion de
l’Église et de toute autre organisation religieuse par l’incompatibilité entre
les fonctions d’enseignement et celles des congrégations religieuses. En outre,
protecteur de l’enfant, l’État a le devoir et le droit de le protéger contre
tout abus de pouvoir que le religieux pourrait nécessairement commettre
puisqu’il dispose de tous les moyens pour former l’enfant à sa guise et qu’il
est soumis à une autre autorité que celle de l’État. Enfin, émanation de la
nation, l’État doit retrouver sa souveraineté nationale et par conséquent
prendre en main l’enseignement.
Mais
ces beaux principes ne cachent pas une réalité. C’est au cours de
l’enseignement primaire que se forme l’homme de demain. Buisson comprend tout
l’enjeu du combat qu’il mène. L’instituteur est un éducateur de conscience,
chargé d’inculquer à ses élèves une morale. Celui qui maîtrise l’enseignement
primaire est en fait maître de la société de demain. Il est à même de
transformer l’esprit et mieux encore l’opinion. Au Moyen-âge, les souverains et
le pouvoir temporel – la notion d’État n’existait pas encore - ne se sont pas
déchargés sur l’Église de l’enseignement par incapacité mais parce qu’ils
voulaient une société chrétienne. Le raisonnement qui conduit Buisson à
laïciser l’enseignement est finalement le même.
La
véritable question est de savoir ce que doit être la société. Du côté de
l’Église, la réponse est évidente. Elle ne se cache pas. Mais Buisson, « le père de laïcité », que
veut-il ? Il parle de foi laïque et de morale laïque, de religion de
l’avenir. Quand nous voulons savoir ce que veut l’Église, nous nous tournons
vers sa doctrine. Quelle est alors la doctrine de la laïcité ? Les écrits
et les discours de Buisson sont suffisamment clairs pour le savoir.
La
laïcisation de l’enseignement n’est en fait qu’une étape pour Buisson. Lucide, il voit plus loin. Quelle est
la finalité ultime de la laïcité ? La laïcisation de la religion,
c’est-à-dire une religion sans Église, « la religion qui n'a ni autels, ni dogmes, ni miracles, ni cierge et qui
est simplement l'aspiration de l'homme vers toutes les formes de la perfection
de l'esprit. »[31]
Son but est de détruire l’Église et toutes les organisations religieuses… Tel
est aussi l’objectif qu’il assigne à la Libre Pensée…
Cessons
d’être naïfs. Ce n’est pas la société ni la nation qui veulent former et
instruire nos enfants, ce sont des courants philosophiques, politiques ou
religieux, voire idéologiques. C’est ainsi que des théories scandaleuses ou des
comportements jugés autrefois et légitimement contre natures entrent
tranquillement dans les mœurs et s’imposent plus ou moins facilement…
Notes et références
[1] Voir Émeraude, octobre 2019, article « Laïcité : Ferdinand Buisson, le "père de la laïcité" ».
[1] Voir Émeraude, octobre 2019, article « Laïcité : Ferdinand Buisson, le "père de la laïcité" ».
[2] Voir Émeraude,
octobre 2019, article « Laïcité : Ferdinand Buisson, le "père de
la laïcité" ».
[3] Buisson, Discours prononcé à l’inauguration des écoles de
Fontenay-le-Comte (Vendée),
juillet 1887, dans La foi laïque :
extraits de discours et d'écrits (1878-1911), Ferdinand Buisson, 3e édition, Hachette, 1918. Tous les écrits que nous utilisons proviennent de ce livre. Dans le cas contraire, nous précisons nos sources.
[4] Buisson, Discours prononcé à l’inauguration des écoles de
Fontenay-le-Comte (Vendée),
juillet 1887.
[5] Buisson, Lettre
à M. Léon Bourgeois, ministre de l’instruction publique, 10 septembre
1892, dans La foi laïque.
[6] Buisson, La
morale laïque se suffit-elle ?, Réponse à M. Combes, président du conseil,
à la chambre des députés, séance du 26 janvier 1903.
[7] Buisson, La
nouvelle éducation nationale, discours à l’association polytechnique,
24 juin 1883, dans La foi laïque.
[8] Buisson, Paroles prononcées aux obsèques de M. Jules Steeg, mai 1898.
[9] Buisson, Paroles prononcées aux obsèques de M. Jules Steeg, mai 1898.
[10] Félix Pécaut, Paroles de M. Félix Pécaut, 4° conférence, dans Paroles prononcées aux obsèques de M. Jules
Steeg, mai 1898
[11] Buisson, La
morale laïque se suffit-elle ?, Réponse à M. Combes, président du conseil,
à la chambre des députés, séance du 26 janvier 1903.
[12] Buisson, La
morale laïque se suffit-elle ?, Réponse à M. Combes, président du conseil,
à la chambre des députés, séance du 26 janvier 1903.
[13] Buisson, Paroles prononcées aux obsèques de M. Jules Steeg, mai 1898.
[14] Buisson, Paroles prononcées aux obsèques de M. Jules Steeg.
[15] Buisson, Paroles prononcées aux obsèques de M. Jules Steeg.
[16] Buisson, Quinze
ans d’éducation, Notes écrites au jour le jour, de M. Felix Pécaut.
[17] Buisson, L’éducation
de la volonté, leçon de clôture du cours de pédagogie à la Sorbonne, 22
juin 1899.
[18] Buisson, L’éducation
de la volonté, leçon de clôture du cours de pédagogie à la Sorbonne.
[19] Voir Émeraude, mars 2013, article « Le pélagianisme, sa doctrine ».
[20] Buisson, L’éducation
de la volonté, leçon de clôture du cours de pédagogie à la Sorbonne.
[21] Buisson, Quinze
ans d’éducation, Notes écrites au jour le jour, de M. Felix Pécaut.
[22] Buisson, Quinze
ans d’éducation, Notes écrites au jour le jour, de M. Felix Pécaut.
[23] Buisson, La
liberté des congrégations et la liberté d’enseignement, 10 septembre
1902.
[24] Buisson, La
liberté des congrégations et la liberté d’enseignement, 10 septembre
1902.
[25] Buisson, La
liberté des congrégations et la liberté d’enseignement, 10 septembre
1902.
[26] Buisson, La
liberté des congrégations et la liberté d’enseignement, 10 septembre
1902.
[27] Buisson, L’abrogation
de la loi Falloux aux deux congrès de Lyon, I, 22ème congrès
de la Ligue de l’Enseignement, séance de clôture, 22 septembre 1902.
[28] Buisson, L’abrogation
de la loi Falloux aux deux congrès de Lyon, II, 2ème congrès
de parti radical et radical socialiste, 11 octobre 1902.
[29] Buisson, L’abrogation
de la loi Falloux aux deux congrès de Lyon, II, 2ème congrès
de parti radical et radical socialiste, 11 octobre 1902.
[30] Buisson, Contre
le monopole de l’enseignement, I, L’action, 6 juin 1903.
[31] Buisson, La
Libre Pensée et la religion, II, Laïcisons la religion, revue Action,
22 août 1903.
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