En
451, un concile œcuménique se réunit à Chalcédoine. Plus de trois cent
cinquante évêques se sont réunis sur la rive de Bosphore en face de
Constantinople. C’est sans-doute le plus grand concile de l’antiquité. La très
grande majorité des évêques d’Orient viennent de Syrie, de Thrace, d’Égypte,
d’Asie, du Pont, de Palestine. Sont aussi présents les évêques d’Alexandrie,
d’Antioche, de Jérusalem et de Constantinople. Les Occidentaux sont représentés
par des légats pontificats et par deux évêques africains. Au milieu de
l’assemblée est placé le livre des Évangiles…
Le concile de Chalcédoine a joué un grand rôle dans l’histoire de l’Église et dans
la vie de notre foi. Il nous a en effet donné une formule dogmatique sur le
mystère de Notre Seigneur Jésus-Christ pour s’opposer à deux erreurs, celle du
Nestorianisme qui divise le Christ, et celle d’Eutychès qui confond les natures
humaines et divines du Christ. Il a aussi confirmé le titre de « Théotokos », « mère de Dieu », que porte Saint
Marie.
Il
est surtout célèbre pour une raison qui ne relève pas de la foi, c’est-à-dire
pour son « vingt-huitième canon ».
Dans le passé et encore aujourd’hui, il est utilisé pour remettre en cause la primauté pontificale. Par conséquent, il est aussi
l’occasion pour rappeler le fondement de
l’autorité pontificale et sa
reconnaissance au sein de l’Église bien avant le Ve siècle. Elle nous
conduit avant tout à nous interroger sur l’organisation de l’Église pendant les
premiers siècles.
Une
organisation hiérarchique dans un cadre déjà structuré
Saint Athanase (v.296-373) Évêque d'Alexandrie Fresque du XIIIe siècle |
Avant
de se pencher sur le concile de Chalcédoine et sur les leçons qu’il pourrait
nous donner sur la primauté apostolique, essayons brièvement de décrire l’organisation de l’Église au Ve siècle.
Depuis
sa fondation, l’Église s’est rapidement développée dans l’Empire romain. Des
apôtres ont fondé dans les grandes villes des communautés de fidèles au cours
de leurs voyages. Ils ont emprunté les différentes voies de transports,
notamment les fameuses voies romaines. Il suffit de suivre les voyages de Saint
Paul ou de reprendre ses épîtres pour comprendre que l’Église s’est développée d’abord
dans les cités les plus importantes de l’Empire avant de toucher les campagnes.
L’évêque exerce son autorité sur une
communauté de chrétiens répartis sur un certain territoire, appelé alors paroisse, qui portera plus tard le nom
de diocèse.
Les
premières et principales paroisses sont généralement les centres des provinces,
dits aussi éparchies. Une éparchie constitue un territoire administratif de
l’Empire romain. Les paroisses d’une même province romaine se sont organisées
autour de la ville mère et de son évêque, garantissant ainsi une unité entre
elles. Au niveau de la province, l’évêque est appelé métropolitain. Il exerce une autorité sur l’ensemble des évêques de
la paroisse.
À
l’image de l’Empire découpé en diocèses civiles avec chacune une capitale :
Rome pour l’Italie, Alexandrie pour l’Égypte, Antioche pour l’Orient, Éphèse
pour l’Asie, Carthage pour l’Afrique, etc., l’Église a progressivement regroupé ses provinces en un vaste
territoire sous la direction d’un patriarche. Trois villes
s’imposent : Rome, Alexandrie et
Antioche.
L’Église ne peut guère en effet ignorer
les cadres institutionnels dans lesquelles elle vit et se développe. Ils se sont ainsi imposés tout naturellement à elle sans
pourtant y avoir une identité parfaite entre les territoires administratifs et
ecclésiastiques.
Mais
dès les premiers temps, l’Église ne s’est
pas restreinte à l’Empire romain. Elle a dépassé les frontières, fondant
des communautés de chrétiens au-delà des limes romaines. Ces communautés sont
alors liées aux sièges épiscopaux qui sont à leur origine. L’évêque d’Antioche
a ainsi une autorité sur les évêques de Perse, celui d’Alexandrie sur ceux de l’Éthiopie.
L’Église s’est ainsi organisée
hiérarchiquement au fur et à mesure de son histoire. Cette organisation
reflète l’histoire de l’apostolat…
L’organisation
de l’Église romaine n’échappe pas à cette histoire. L’évêque de Rome exerce en
effet un pouvoir métropolitain sur la région italienne et un pouvoir patriarcal
sur l’Occident. Ainsi jusqu’en 2006, il portait le titre de « patriarche d’Occident ». Il porte
encore aujourd’hui celui d’« archevêque
et métropolite de la province de Rome ».
Le
concile de Nicée (324)
Osius (256-357), représentant du pape au concile de Nicée |
L’organisation de l’Église en provinces
métropolitains et en patriarcats
apparaît au concile de Nicée. Ce dernier reconnaît en effet une certaine
autorité de l’évêque d’Alexandrie sur une région qui s’étend en dehors l’Égypte.
« Que l’ancienne coutume en usage en
Égypte, dans la Libye et la Pentapole soit maintenu, c’est-à-dire que l’évêque
d’Alexandrie conserve juridiction sur toutes ces provinces, car il y a le même
rapport que pour l’évêque de Rome. »[1] Il
reconnaît aussi quelques prérogatives aux évêques d’Antioche et des autres
provinces sans néanmoins les préciser. Dans son septième canon, il donne enfin une
primauté d’honneur à Aelia, nom qu’on donnait alors à la ville de Jérusalem en
ruine, bien qu’Aelia relève de l’évêque de Césarée en Palestine. Remarquons que
le concile distingue la primauté
juridictionnelle de la primauté d’honneur…
Revenons
au sixième canon. Notons deux points. D’une part, le concile de Nicée compare l’autorité de l’évêque d’Alexandrie à celle
de Rome. Il ne fait pas allusion à la primauté pontificale mais au pouvoir
exercé par l’évêque de Rome sur un territoire qui s’étend au-delà de la ville,
c’est-à-dire la péninsule italienne, la Sicile, la Sardaigne. D’autre part, le canon fait référence à la coutume. Cela
signifie que l’organisation hiérarchique qui se dessine est bien antérieure à
la conversion de l’Empire romain. Le
concile de Nicée n’invente pas l’organisation hiérarchique de l’Église mais consolide
ce qui existait avant l’édit de Milan.
D’autres
canons définissent l’autorité de l’évêque
et les liens avec le territoire auquel il appartient. Ils sont tirés de sa consécration. Le quatrième
canon définit que tous les évêques d’une éparchie, ou au moins trois évêques, doivent
le consacrer. Il doit ensuite être confirmé par le métropolitain de son
éparchie. Le cinquième canon demande aussi la réunion de tous les évêques d’une
même éparchie au moins deux fois par an. Cette assemblée doit très certainement
être présidée par le métropolitain. Elle a pour rôle de rectifier ou d’adoucir
une excommunication fulminée par un évêque de l’éparchie. Une telle peine est
donc automatiquement valable dans l’ensemble de la province comme nous
l’apprend aussi des conciles régionaux comme ceux d’Arles en 314 et d’Elvire au
début du IVe siècle. Elle peut néanmoins être annulée par l’assemblée provinciale si elle est injustifiée.
Les
canons 15 et 16 fixent enfin les limites
d’exercices de la fonction ecclésiastique de l’évêque. Il est rattaché à un
seul territoire pour lequel il a été ordonné. Son autorité ne s’exerce que dans
sa paroisse. Le concile veut ainsi les
stabiliser en l’assujettissant à son Église.
La
constitution des évêques métropolitains est reprise par Les constitutions apostoliques,
élaborées vers l’an 380 en Syrie. Elles sont une sorte de compilation de textes
plus anciens. Son 34e canon demande en particulier qu’« il faut que les évêques de chaque
nation sachent lequel d’entre eux est le premier, qu’ils le considèrent comme
leur chef et ne fassent rien d’important sans son accord ; chacun ne
s’occupera que de ce qui concerne son district et les territoires qui en
dépendent ; mais que le chef ne fasse rien non plus sans l’accord de
tous ; ainsi la concorde régnera-t-elle et Dieu sera-t-il glorifié, par le
Christ dans l’Esprit Saint. »[2] Ce canon
établit l’esprit de gouvernement dans
lequel l’évêque métropolitain doit diriger sa province.
Le 1er concile de Constantinople (381)
Le
concile de Constantinople réaffirme les canons de Nicée tout en les précisant.
Il ordonne aux métropolitains et aux évêques de ne pas exercer leurs fonctions
ecclésiastiques hors de leur territoire et du diocèse civil dans lequel il est
enclavé. Nous notons un rapprochement entre les territoires ecclésiastiques et
administratifs même s’ils demeurent distincts. Le concile veut en fait
s’opposer à une pratique qui a conduit à des scandales, comme par exemple la
consécration clandestine de Maxime évêque de Constantinople à Constantinople
par Pierre, évêque d’Alexandrie. Le
concile confirme donc les limites de l’autorité de l’évêque. Le concile de
Constantinople rappelle et complètent aussi les privilèges de certains évêques,
notamment ceux d’Alexandrie et d’Antioche.
Cependant,
le concile apporte des innovations
dont certaines sont lourdes de conséquence. Le huitième canon déclare que
« l’évêque de Constantinople doit
avoir la primauté d’honneur après l’évêque de Rome, car cette ville est la
nouvelle Rome. »[3] Notons
d’abord que ce canon crée une hiérarchie entre les principaux sièges épiscopaux
dans l’échelle des honneurs. L’évêque de
Constantinople doit prééminer sur ceux d’Alexandrie et d’Antioche en raison de
la place politique de la ville. La primauté d’honneur accordée à l’évêque
de Constantinople est donc tirée d’un argument politique. Le siège épiscopal de
Constantinople s’élève au-dessus du sommet de l’Église orientale car
Constantinople est la nouvelle capitale de l’Empire romain. Pourtant, c’est une
ville toute nouvelle qui n’a pas été consacrée par la prédication ou le
magistère d’un apôtre comme Rome, Alexandrie ou Antioche. L’évêque de
Constantinople relève par ailleurs du métropolitain d’Héraclée.
Cependant,
le concile n’attribue à la nouvelle Rome qu’une primauté honorifique sans concéder le moindre privilège ni
juridiction. Le canon n’est pas aussi important en soi. Pourtant, il se
révèle sérieux par le motif évoqué pour lui attribuer une primauté d’honneur.
Celui-ci repose sur un principe purement
politique selon lequel l’importance
d’un siège épiscopal dépend de la place que la ville occupe sur la scène
politique. Un concile tenu par des hérétiques à Antioche, en 341, a aussi
défini la dignité des sièges épiscopaux à la mesure du rang politique des
cités. Nous comprenons sans difficulté les conséquences d’un tel principe. Ils favorisent la fusion des pouvoirs
politiques et ecclésiastiques.
La
deuxième conséquence est d’élever
l’évêque de Constantinople au niveau de celui de Rome, supplantant par
ailleurs l’évêque d’Alexandrie. Deux capitales, l’une en Orient, l’autre en
Occident, se font face. Il est vrai que selon le canon, en dignité, la nouvelle
Rome vient après l’ancienne. Mais un nouveau rapport de force est établi.
Néanmoins,
les papes n’ont accepté que la foi
exprimée par le concile de Constantinople et non les canons disciplinaires.
Certes, bien plus tard, en 1215, le IVe concile de Latran a attribué au siège
épiscopal de Constantinople la deuxième place après celui de Rome mais sans
évoquer le principe politique. Il n’a fait que traduire un fait qui relève du
droit coutumier. En outre, dans le décret, il établit bien l’autorité du pape sur celui de l’évêque de Constantinople.
Le
Concile d’Éphèse (431)
Lors du concile d’Éphèse, l’autorité du
pape est clairement affirmée. À
l’arrivée des légats, le pape Célestin est ainsi acclamé comme le « gardien de la foi ». Le prêtre
Philippe, légat, remercie les évêques d’être unis dans la foi et dans
l’accord avec le pape « car votre
Béatitude n’ignore pas que le bienheureux apôtre Pierre est la tête de toute la
foi comme il l’est des apôtres »[4]. Plus
tard, le même prêtre prononce devant les évêques réunis les paroles
suivantes : « personne ne
doute, bien plus il est connu de tous les siècles, que le saint et bienheureux
apôtre Pierre, prince et chef des apôtres, colonne de la foi, fondement de
l’Église catholique, a reçu de Notre Seigneur Jésus-Christ, sauveur et
rédempteur du genre humain, les clefs du royaume, et le pouvoir de lier et de
délier les péchés. C’est lui qui jusqu’à maintenant et toujours vit et juge
dans ses successeurs. »[5] Quand
les légats signent la condamnation de Nestorius, décidée par le concile, nous
pouvons dire, comme Capréolus, évêque de Carthage, qu’il a été
condamné « par l’autorité du
Siège apostolique et la sentence unanime des évêques »[6].
La primauté au siège de Constantinople
s’affirme encore davantage au concile de Chalcédoine. Le 29 octobre 451, en l’absence des légats pontificaux, le
texte suivant est voté : « suivant
en tout les décrets des saints Pères, et reconnaissant le canon des cent
cinquante évêques […] qui vient d’être lu, nous prenons et votons les mêmes
décisions au sujet des privilèges de la
très sainte Église de Constantinople, la nouvelle Rome. Les Pères en effet ont
accordé justement au siège de l’ancienne Rome ses privilèges, parce que cette
ville est la ville impériale. Pour le même motif, les cent cinquante très pieux
évêques ont accordé des privilèges égaux au très siège de la nouvelle Rome,
jugeant avec raison que la ville qui est honorée de la présence de l’empereur
et du sénat, et qui jouit des mêmes privilèges que l’ancienne ville impériale
Rome, est comme celle-ci grande dans les affaires ecclésiastiques, étant la
seconde après elle. »[8] Le texte
accorde ensuite à l’évêque de Constantinople l’autorité sur des métropolitains
et des évêques.
Ainsi,
le concile reconnaît à l’évêque de Constantinople d’une part les mêmes privilèges que ceux de l’évêque
de Rome en raison de la situation politique de son siège, d’autre part une
véritable juridiction sur des métropolitains d’une large partie de l’Orient. Il
est désormais l’égale des évêques d’Alexandrie et d’Antioche, et déjà presque
la rivale de Rome. Cette nouvelle autorité est fondée sur le prestige de la ville impériale et non sur l’autorité
donnée par Notre Seigneur Jésus-Christ au Prince des apôtres.
L’opposition
de Rome à la décision du concile de Chalcédoine
Dès
qu’ils ont pris connaissance de ce texte, les légats romains protestent. Ils
rappellent les instructions que leur a confiées le pape Saint Léon : « Vous ne permettrez pas que soient violées
témérairement les constitutions des Saints Pères ; vous protégerez de
toutes façons en vos personnes notre dignité ; si quelques-uns, se
confiant en l’éclat de leurs villes, tentaient d’usurper quelque droit, vous
vous y opposerez avec toute la fermeté voulue. »[9] Comme
les pères conciliaires confirment le texte en dépit de leurs protestations, les
légats pontificaux veulent qu’elles soient notifiées dans les actes « pour que nous sachions ce que nous devons
référer à l’évêque apostolique, le pape de l’Église universelle pour qu’il
puisse juger de l’injure faite à son siège, et de la violation des canons. »[10] Nous
voyons ainsi opposer deux conceptions du
pouvoir. L’un se fonde sur Notre Seigneur Jésus-Christ, l’autre sur la
puissance politique.
Soulignons
aussi le titre que porte le pape. Il est l’évêque
de l’Église universelle. Contrairement aux autres évêques, son autorité
n’est pas restreinte à un territoire. Dans une lettre qu’il adresse au pape
dans le but de justifier sa décision, le concile rappelle que Rome est un siège
apostolique. Au-delà des marques de dévotion et de respect qu’il lui prodigue,
il vénère en lui « la voix du
Bienheureux Pierre », la tête de toute l’assemblée des évêques. La reconnaissance de son autorité en vertu
des pouvoirs accordés à Saint Pierre par Notre Seigneur Jésus-Christ est donc
confirmée. Le pape le détient car il est son légitime successeur.
Saint Léon, pape |
Tout
en reconnaissant l’œuvre dogmatique du concile, le pape Saint Léon s’oppose au
« vingt huitième canon ».
Il y voit un abus de pouvoir,
rappelant en effet les raisons qui ont conduit à la convocation du concile et
les limites de ses travaux. Son œuvre était limité à des questions de foi et à
la condamnation de l’hérésie. Il
s’inquiète de l’ambition de l’évêque de Constantinople qui veut s’élever
au-dessus de ceux qui sont avant lui dans la hiérarchie. Il défend enfin les
privilèges de certains évêques en raison de leur origine apostolique,
c’est-à-dire les évêques d’Alexandrie et d’Antioche, relégués en troisième et
quatrième position. Ainsi, il souligne le
fondement apostolique de l’autorité de certains sièges.
Dans
une lettre cette fois-ci adressée à l’empereur, Saint Léon résume en une phrase
le fondement de son autorité : « Que
Constantinople ait la gloire qui lui appartient, et que grâce à la protection
de la droite de Dieu, elle jouisse longtemps du gouvernement de Ta
Clémence ; mais autre est la condition des affaires politiques, autre
celle des choses de Dieu. Il n’y a pas de construction solide en dehors de la pierre
que le Seigneur a posée comme fondement. »[11] Tout
est dit en peu de mots. La référence aux paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ
n’est pas omise. L’autorité du Pape ne
dépend ni de l’ancien rang de Rome dans l’Empire, ni d’une autorité humaine. Elle
existe bien avant le IVe siècle[12]. Il est
la pierre sur laquelle s’élève l’Église. « Avec le secours de Dieu je suis le gardien de la foi catholique et des
constitutions de nos Pères. »[13] Dans
une autre lettre, adressé à Pulchérie, il
réaffirme son autorité et l’exerce véritablement : « quant aux décrets rendus par les évêques au
mépris des règles établis par les saints canons du concile de Nicée, en union
avec la piété de votre foi, nous les annulons, et, par l’autorité du
Bienheureux apôtre Pierre, nous les cassons définitivement. »[14]
Enfin,
dans une lettre qu’il adresse au concile de Chalcédoine, le 21 mars 453, Saint
Léon adhère pleinement aux canons mais seulement ceux qui traitent des
questions de foi. Le « vingt-huitième »
est donc rejeté.
Conclusion
Au Ve siècle, l’autorité du pape est
unanimement reconnue dans l’Église.
Elle ne vient pas de la situation politique de Rome dans l’Empire. C’est
pourquoi le concile de Chalcédoine cherche à obtenir de Saint Léon son
consentement sur les décisions qu’il a prises, consentement sans lequel les
canons n’auront point d’existence réelle. Et cette autorité, le pape l’exerce
pleinement, n’hésitant pas à s’opposer non seulement aux pères conciliaires,
pourtant réunis en grand nombre, et aux pouvoirs politiques que représentent
l’empereur et l’impératrice. D’une
manière ferme, n’appelant à aucune contestation, il appuie son autorité sur
celle de Saint Pierre. Lorsque nous songeons à l’organisation de l’Église
depuis son fondement jusqu’à ce concile, nous la voyons se développer de
manière hiérarchique selon des principes et un esprit constants. Elle porte en
elle la sainte tradition. Ainsi au Ve siècle, la primauté pontificale est une
réalité…
Saint Léon défend aussi l’autorité de
certains sièges en raison de leur origine apostolique. L’évêque de Constantinople profite de la faiblesse des
autres évêques et de leurs erreurs pour s’imposer
et les supplanter. Or, ce n’est pas parce qu’un évêque est tombé dans
l’erreur et s’égare dans un scandale que son siège perd de l’autorité en droit.
Car ce n’est pas par lui, c’est-à-dire par ses qualités, son comportement ou encore
par ses agissements, qu’il détient une autorité sur un territoire limité et sur
d’autres évêques. Ils tirent leur autorité
par leur origine apostolique, renforcée par la « coutume ». Belle leçon à méditer pour tous ceux qui pensent
qu’un pape n’est point pape en raison de ses erreurs…
Notes et références
[2] 34e canon,
Constitutions
apostoliques, volume III, Sources chrétiennes n°336, Cerf,
1987 dans Quel pape pour les chrétiens ? Papauté et collégialité en dialogue
avec l’orthodoxie, Mgr Emmanuel Adamakis, Père Christophe Delaigue, Desclée
de Brouwer, 2015.
[3] 8ème
canon, concile de Constantinople, dans Nicée et Constantinople, Ignacio
Ortiz de Urbina, 2ème partie, chap. IV.
[4] Acta Conciliorum Oecumenicorum,
édition E. Schwartz, 1914, tome I, volume I, 58 dans Éphèse et Chalcedoine,
P.-T. Camelot, chapitre III.
[5] Acta Conciliorum Oecumenicorum,
tome I, volume I, 60-63 dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T.
Camelot, chapitre III.
[6] Acta Conciliorum Oecumenicorum,
tome I, volume II, 64 dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T.
Camelot, chapitre III.
[7]
Précisons que ce texte est faussement appelé « vingt-huitième canon » puisqu’il n’a jamais été approuvé par
les papes. Il n’existe en fait que vingt-sept canons. Mais les canonistes
orientaux le considéreront bien plus tard comme le dernier canon. Depuis, il
est communément appelé ainsi…
[8]Décret du 29 octobre
451 du concile de Chalcedoine, dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T.
Camelot, chapitre V.
[9]Boniface, légat
pontificale dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T. Camelot, chapitre V.
[10]Lucentius, légat
pontificale dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T. Camelot, chapitre V.
[11] Saint Léon, lettre de
Saint Léon à l’Empereur Marcien, dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T.
Camelot, chapitre V.
[12] Voir Émeraude, janvier 2019, article
« La primauté de l'Évêque de Rome, successeur de Saint Pierre, avant la moitié du IIe siècle ».
[13] Saint Léon, lettre de
Saint Léon à l’Empereur Marcien, dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T.
Camelot, chapitre V.
[14] Saint Léon, lettre de
Saint Léon à Pulchérie, 21 mars 453, dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T.
Camelot, chapitre V.
Nos dossiers apologétiques sur la Papauté lors des quatre premiers conciles généraux :
RépondreSupprimerNicée : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2018/02/16/la-papaute-au-concile-de-nicee-325/
Constantinople : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2018/04/16/la-papaute-au-ier-cooncile-de-constantinople-381/
Ephèse : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2018/04/17/la-papaute-au-concile-dephese-431/
Chalcédoine : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2018/03/02/le-28e-canon-du-concile-de-chalcedoine-451/
Et pour un autre concile en bonus, Constantinople III : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2018/03/02/linfaillibilite-du-pape-proclamee-en-681/