" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 18 janvier 2019

Le 28e canon du concile de Chalcédoine : Constantinople, la nouvelle Rome s'élève...


En 451, un concile œcuménique se réunit à Chalcédoine. Plus de trois cent cinquante évêques se sont réunis sur la rive de Bosphore en face de Constantinople. C’est sans-doute le plus grand concile de l’antiquité. La très grande majorité des évêques d’Orient viennent de Syrie, de Thrace, d’Égypte, d’Asie, du Pont, de Palestine. Sont aussi présents les évêques d’Alexandrie, d’Antioche, de Jérusalem et de Constantinople. Les Occidentaux sont représentés par des légats pontificats et par deux évêques africains. Au milieu de l’assemblée est placé le livre des Évangiles…

Le concile de Chalcédoine a joué un grand rôle dans l’histoire de l’Église et dans la vie de notre foi. Il nous a en effet donné une formule dogmatique sur le mystère de Notre Seigneur Jésus-Christ pour s’opposer à deux erreurs, celle du Nestorianisme qui divise le Christ, et celle d’Eutychès qui confond les natures humaines et divines du Christ. Il a aussi confirmé le titre de « Théotokos », « mère de Dieu », que porte Saint Marie.

Il est surtout célèbre pour une raison qui ne relève pas de la foi, c’est-à-dire pour son « vingt-huitième canon ». Dans le passé et encore aujourd’hui, il est utilisé pour remettre en cause la primauté pontificale. Par conséquent, il est aussi l’occasion pour rappeler le fondement de l’autorité pontificale et sa reconnaissance au sein de l’Église bien avant le Ve siècle. Elle nous conduit avant tout à nous interroger sur l’organisation de l’Église pendant les premiers siècles.

Une organisation hiérarchique dans un cadre déjà structuré

Saint Athanase (v.296-373)
Évêque d'Alexandrie
Fresque du XIIIe siècle
Avant de se pencher sur le concile de Chalcédoine et sur les leçons qu’il pourrait nous donner sur la primauté apostolique, essayons brièvement de décrire l’organisation de l’Église au Ve siècle.

Depuis sa fondation, l’Église s’est rapidement développée dans l’Empire romain. Des apôtres ont fondé dans les grandes villes des communautés de fidèles au cours de leurs voyages. Ils ont emprunté les différentes voies de transports, notamment les fameuses voies romaines. Il suffit de suivre les voyages de Saint Paul ou de reprendre ses épîtres pour comprendre que l’Église s’est développée d’abord dans les cités les plus importantes de l’Empire avant de toucher les campagnes. L’évêque exerce son autorité sur une communauté de chrétiens répartis sur un certain territoire, appelé alors paroisse, qui portera plus tard le nom de diocèse.

Les premières et principales paroisses sont généralement les centres des provinces, dits aussi éparchies. Une éparchie constitue un territoire administratif de l’Empire romain. Les paroisses d’une même province romaine se sont organisées autour de la ville mère et de son évêque, garantissant ainsi une unité entre elles. Au niveau de la province, l’évêque est appelé métropolitain. Il exerce une autorité sur l’ensemble des évêques de la paroisse.

À l’image de l’Empire découpé en diocèses civiles avec chacune une capitale : Rome pour l’Italie, Alexandrie pour l’Égypte, Antioche pour l’Orient, Éphèse pour l’Asie, Carthage pour l’Afrique, etc., l’Église a progressivement regroupé ses provinces en un vaste territoire sous la direction d’un patriarche. Trois villes s’imposent : Rome, Alexandrie et Antioche.

L’Église ne peut guère en effet ignorer les cadres institutionnels dans lesquelles elle vit et se développe. Ils se sont ainsi imposés tout naturellement à elle sans pourtant y avoir une identité parfaite entre les territoires administratifs et ecclésiastiques.

Mais dès les premiers temps, l’Église ne s’est pas restreinte à l’Empire romain. Elle a dépassé les frontières, fondant des communautés de chrétiens au-delà des limes romaines. Ces communautés sont alors liées aux sièges épiscopaux qui sont à leur origine. L’évêque d’Antioche a ainsi une autorité sur les évêques de Perse, celui d’Alexandrie sur ceux de l’Éthiopie. L’Église s’est ainsi organisée hiérarchiquement au fur et à mesure de son histoire. Cette organisation reflète l’histoire de l’apostolat…

L’organisation de l’Église romaine n’échappe pas à cette histoire. L’évêque de Rome exerce en effet un pouvoir métropolitain sur la région italienne et un pouvoir patriarcal sur l’Occident. Ainsi jusqu’en 2006, il portait le titre de « patriarche d’Occident ». Il porte encore aujourd’hui celui d’« archevêque et métropolite de la province de Rome ».

Le concile de Nicée (324)

Osius (256-357), représentant du pape
au concile de Nicée
L’organisation de l’Église en provinces métropolitains et en patriarcats apparaît au concile de Nicée. Ce dernier reconnaît en effet une certaine autorité de l’évêque d’Alexandrie sur une région qui s’étend en dehors l’Égypte. « Que l’ancienne coutume en usage en Égypte, dans la Libye et la Pentapole soit maintenu, c’est-à-dire que l’évêque d’Alexandrie conserve juridiction sur toutes ces provinces, car il y a le même rapport que pour l’évêque de Rome. »[1] Il reconnaît aussi quelques prérogatives aux évêques d’Antioche et des autres provinces sans néanmoins les préciser. Dans son septième canon, il donne enfin une primauté d’honneur à Aelia, nom qu’on donnait alors à la ville de Jérusalem en ruine, bien qu’Aelia relève de l’évêque de Césarée en Palestine. Remarquons que le concile distingue la primauté juridictionnelle de la primauté d’honneur

Revenons au sixième canon. Notons deux points. D’une part, le concile de Nicée compare l’autorité de l’évêque d’Alexandrie à celle de Rome. Il ne fait pas allusion à la primauté pontificale mais au pouvoir exercé par l’évêque de Rome sur un territoire qui s’étend au-delà de la ville, c’est-à-dire la péninsule italienne, la Sicile, la Sardaigne. D’autre part, le canon fait référence à la coutume. Cela signifie que l’organisation hiérarchique qui se dessine est bien antérieure à la conversion de l’Empire romain. Le concile de Nicée n’invente pas l’organisation hiérarchique de l’Église mais consolide ce qui existait avant l’édit de Milan.

D’autres canons définissent l’autorité de l’évêque et les liens avec le territoire auquel il appartient. Ils sont tirés de sa consécration. Le quatrième canon définit que tous les évêques d’une éparchie, ou au moins trois évêques, doivent le consacrer. Il doit ensuite être confirmé par le métropolitain de son éparchie. Le cinquième canon demande aussi la réunion de tous les évêques d’une même éparchie au moins deux fois par an. Cette assemblée doit très certainement être présidée par le métropolitain. Elle a pour rôle de rectifier ou d’adoucir une excommunication fulminée par un évêque de l’éparchie. Une telle peine est donc automatiquement valable dans l’ensemble de la province comme nous l’apprend aussi des conciles régionaux comme ceux d’Arles en 314 et d’Elvire au début du IVe siècle. Elle peut néanmoins être annulée par l’assemblée provinciale si elle est injustifiée.

Les canons 15 et 16 fixent enfin les limites d’exercices de la fonction ecclésiastique de l’évêque. Il est rattaché à un seul territoire pour lequel il a été ordonné. Son autorité ne s’exerce que dans sa paroisse. Le concile veut ainsi les stabiliser en l’assujettissant à son Église.

Les constitutions apostoliques

La constitution des évêques métropolitains est reprise par Les constitutions apostoliques, élaborées vers l’an 380 en Syrie. Elles sont une sorte de compilation de textes plus anciens. Son 34e canon demande en particulier qu’« il faut que les évêques de chaque nation sachent lequel d’entre eux est le premier, qu’ils le considèrent comme leur chef et ne fassent rien d’important sans son accord ; chacun ne s’occupera que de ce qui concerne son district et les territoires qui en dépendent ; mais que le chef ne fasse rien non plus sans l’accord de tous ; ainsi la concorde régnera-t-elle et Dieu sera-t-il glorifié, par le Christ dans l’Esprit Saint. »[2] Ce canon établit l’esprit de gouvernement dans lequel l’évêque métropolitain doit diriger sa province.

Le 1er concile de Constantinople (381)

Le concile de Constantinople réaffirme les canons de Nicée tout en les précisant. Il ordonne aux métropolitains et aux évêques de ne pas exercer leurs fonctions ecclésiastiques hors de leur territoire et du diocèse civil dans lequel il est enclavé. Nous notons un rapprochement entre les territoires ecclésiastiques et administratifs même s’ils demeurent distincts. Le concile veut en fait s’opposer à une pratique qui a conduit à des scandales, comme par exemple la consécration clandestine de Maxime évêque de Constantinople à Constantinople par Pierre, évêque d’Alexandrie. Le concile confirme donc les limites de l’autorité de l’évêque. Le concile de Constantinople rappelle et complètent aussi les privilèges de certains évêques, notamment ceux d’Alexandrie et d’Antioche.

Cependant, le concile apporte des innovations dont certaines sont lourdes de conséquence. Le huitième canon déclare que « l’évêque de Constantinople doit avoir la primauté d’honneur après l’évêque de Rome, car cette ville est la nouvelle Rome. »[3] Notons d’abord que ce canon crée une hiérarchie entre les principaux sièges épiscopaux dans l’échelle des honneurs. L’évêque de Constantinople doit prééminer sur ceux d’Alexandrie et d’Antioche en raison de la place politique de la ville. La primauté d’honneur accordée à l’évêque de Constantinople est donc tirée d’un argument politique. Le siège épiscopal de Constantinople s’élève au-dessus du sommet de l’Église orientale car Constantinople est la nouvelle capitale de l’Empire romain. Pourtant, c’est une ville toute nouvelle qui n’a pas été consacrée par la prédication ou le magistère d’un apôtre comme Rome, Alexandrie ou Antioche. L’évêque de Constantinople relève par ailleurs du métropolitain d’Héraclée.

Cependant, le concile n’attribue à la nouvelle Rome qu’une primauté honorifique sans concéder le moindre privilège ni juridiction. Le canon n’est pas aussi important en soi. Pourtant, il se révèle sérieux par le motif évoqué pour lui attribuer une primauté d’honneur. Celui-ci repose sur un principe purement politique selon lequel l’importance d’un siège épiscopal dépend de la place que la ville occupe sur la scène politique. Un concile tenu par des hérétiques à Antioche, en 341, a aussi défini la dignité des sièges épiscopaux à la mesure du rang politique des cités. Nous comprenons sans difficulté les conséquences d’un tel principe. Ils favorisent la fusion des pouvoirs politiques et ecclésiastiques.


La deuxième conséquence est d’élever l’évêque de Constantinople au niveau de celui de Rome, supplantant par ailleurs l’évêque d’Alexandrie. Deux capitales, l’une en Orient, l’autre en Occident, se font face. Il est vrai que selon le canon, en dignité, la nouvelle Rome vient après l’ancienne. Mais un nouveau rapport de force est établi.

Néanmoins, les papes n’ont accepté que la foi exprimée par le concile de Constantinople et non les canons disciplinaires. Certes, bien plus tard, en 1215, le IVe concile de Latran a attribué au siège épiscopal de Constantinople la deuxième place après celui de Rome mais sans évoquer le principe politique. Il n’a fait que traduire un fait qui relève du droit coutumier. En outre, dans le décret, il établit bien l’autorité du pape sur celui de l’évêque de Constantinople.

Le Concile d’Éphèse (431)

Lors du concile d’Éphèse, l’autorité du pape est clairement affirmée. À l’arrivée des légats, le pape Célestin est ainsi acclamé comme le « gardien de la foi ». Le prêtre Philippe, légat, remercie les évêques d’être unis dans la foi et dans l’accord avec le pape « car votre Béatitude n’ignore pas que le bienheureux apôtre Pierre est la tête de toute la foi comme il l’est des apôtres »[4]. Plus tard, le même prêtre prononce devant les évêques réunis les paroles suivantes : « personne ne doute, bien plus il est connu de tous les siècles, que le saint et bienheureux apôtre Pierre, prince et chef des apôtres, colonne de la foi, fondement de l’Église catholique, a reçu de Notre Seigneur Jésus-Christ, sauveur et rédempteur du genre humain, les clefs du royaume, et le pouvoir de lier et de délier les péchés. C’est lui qui jusqu’à maintenant et toujours vit et juge dans ses successeurs. »[5] Quand les légats signent la condamnation de Nestorius, décidée par le concile, nous pouvons dire, comme Capréolus, évêque de Carthage, qu’il a été condamné « par l’autorité du Siège apostolique et la sentence unanime des évêques »[6].

Le concile de Chalcédoine [7] (451)

La primauté au siège de Constantinople s’affirme encore davantage au concile de Chalcédoine. Le 29 octobre 451, en l’absence des légats pontificaux, le texte suivant est voté : « suivant en tout les décrets des saints Pères, et reconnaissant le canon des cent cinquante évêques […] qui vient d’être lu, nous prenons et votons les mêmes décisions  au sujet des privilèges de la très sainte Église de Constantinople, la nouvelle Rome. Les Pères en effet ont accordé justement au siège de l’ancienne Rome ses privilèges, parce que cette ville est la ville impériale. Pour le même motif, les cent cinquante très pieux évêques ont accordé des privilèges égaux au très siège de la nouvelle Rome, jugeant avec raison que la ville qui est honorée de la présence de l’empereur et du sénat, et qui jouit des mêmes privilèges que l’ancienne ville impériale Rome, est comme celle-ci grande dans les affaires ecclésiastiques, étant la seconde après elle. »[8] Le texte accorde ensuite à l’évêque de Constantinople l’autorité sur des métropolitains et des évêques.

Ainsi, le concile reconnaît à l’évêque de Constantinople d’une part les mêmes privilèges que ceux de l’évêque de Rome en raison de la situation politique de son siège, d’autre part une véritable juridiction sur des métropolitains d’une large partie de l’Orient. Il est désormais l’égale des évêques d’Alexandrie et d’Antioche, et déjà presque la rivale de Rome. Cette nouvelle autorité est fondée sur le prestige de la ville impériale et non sur l’autorité donnée par Notre Seigneur Jésus-Christ au Prince des apôtres.

L’opposition de Rome à la décision du concile de Chalcédoine

Dès qu’ils ont pris connaissance de ce texte, les légats romains protestent. Ils rappellent les instructions que leur a confiées le pape Saint Léon : « Vous ne permettrez pas que soient violées témérairement les constitutions des Saints Pères ; vous protégerez de toutes façons en vos personnes notre dignité ; si quelques-uns, se confiant en l’éclat de leurs villes, tentaient d’usurper quelque droit, vous vous y opposerez avec toute la fermeté voulue. »[9] Comme les pères conciliaires confirment le texte en dépit de leurs protestations, les légats pontificaux veulent qu’elles soient notifiées dans les actes « pour que nous sachions ce que nous devons référer à l’évêque apostolique, le pape de l’Église universelle pour qu’il puisse juger de l’injure faite à son siège, et de la violation des canons. »[10] Nous voyons ainsi opposer deux conceptions du pouvoir. L’un se fonde sur Notre Seigneur Jésus-Christ, l’autre sur la puissance politique.

Soulignons aussi le titre que porte le pape. Il est l’évêque de l’Église universelle. Contrairement aux autres évêques, son autorité n’est pas restreinte à un territoire. Dans une lettre qu’il adresse au pape dans le but de justifier sa décision, le  concile rappelle que Rome est un siège apostolique. Au-delà des marques de dévotion et de respect qu’il lui prodigue, il vénère en lui « la voix du Bienheureux Pierre », la tête de toute l’assemblée des évêques. La reconnaissance de son autorité en vertu des pouvoirs accordés à Saint Pierre par Notre Seigneur Jésus-Christ est donc confirmée. Le pape le détient car il est son légitime successeur.

Saint Léon, pape
Tout en reconnaissant l’œuvre dogmatique du concile, le pape Saint Léon s’oppose au « vingt huitième canon ». Il y voit un abus de pouvoir, rappelant en effet les raisons qui ont conduit à la convocation du concile et les limites de ses travaux. Son œuvre était limité à des questions de foi et à la condamnation de l’hérésie. Il s’inquiète de l’ambition de l’évêque de Constantinople qui veut s’élever au-dessus de ceux qui sont avant lui dans la hiérarchie. Il défend enfin les privilèges de certains évêques en raison de leur origine apostolique, c’est-à-dire les évêques d’Alexandrie et d’Antioche, relégués en troisième et quatrième position. Ainsi, il souligne le fondement apostolique de l’autorité de certains sièges.

Dans une lettre cette fois-ci adressée à l’empereur, Saint Léon résume en une phrase le fondement de son autorité : « Que Constantinople ait la gloire qui lui appartient, et que grâce à la protection de la droite de Dieu, elle jouisse longtemps du gouvernement de Ta Clémence ; mais autre est la condition des affaires politiques, autre celle des choses de Dieu. Il n’y a pas de construction solide en dehors de la pierre que le Seigneur a posée comme fondement. »[11] Tout est dit en peu de mots. La référence aux paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas omise. L’autorité du Pape ne dépend ni de l’ancien rang de Rome dans l’Empire, ni d’une autorité humaine. Elle existe bien avant le IVe siècle[12]. Il est la pierre sur laquelle s’élève l’Église. « Avec le secours de Dieu je suis le gardien de la foi catholique et des constitutions de nos Pères. »[13] Dans une autre lettre, adressé à Pulchérie, il réaffirme son autorité et l’exerce véritablement : « quant aux décrets rendus par les évêques au mépris des règles établis par les saints canons du concile de Nicée, en union avec la piété de votre foi, nous les annulons, et, par l’autorité du Bienheureux apôtre Pierre, nous les cassons définitivement. »[14]

Enfin, dans une lettre qu’il adresse au concile de Chalcédoine, le 21 mars 453, Saint Léon adhère pleinement aux canons mais seulement ceux qui traitent des questions de foi. Le « vingt-huitième » est donc rejeté.

Conclusion

Au Ve siècle, l’autorité du pape est unanimement reconnue dans l’Église. Elle ne vient pas de la situation politique de Rome dans l’Empire. C’est pourquoi le concile de Chalcédoine cherche à obtenir de Saint Léon son consentement sur les décisions qu’il a prises, consentement sans lequel les canons n’auront point d’existence réelle. Et cette autorité, le pape l’exerce pleinement, n’hésitant pas à s’opposer non seulement aux pères conciliaires, pourtant réunis en grand nombre, et aux pouvoirs politiques que représentent l’empereur et l’impératrice. D’une manière ferme, n’appelant à aucune contestation, il appuie son autorité sur celle de Saint Pierre. Lorsque nous songeons à l’organisation de l’Église depuis son fondement jusqu’à ce concile, nous la voyons se développer de manière hiérarchique selon des principes et un esprit constants. Elle porte en elle la sainte tradition. Ainsi au Ve siècle, la primauté pontificale est une réalité…

Saint Léon défend aussi l’autorité de certains sièges en raison de leur origine apostolique. L’évêque de Constantinople profite de la faiblesse des autres évêques et de leurs erreurs pour s’imposer et les supplanter. Or, ce n’est pas parce qu’un évêque est tombé dans l’erreur et s’égare dans un scandale que son siège perd de l’autorité en droit. Car ce n’est pas par lui, c’est-à-dire par ses qualités, son comportement ou encore par ses agissements, qu’il détient une autorité sur un territoire limité et sur d’autres évêques. Ils tirent leur autorité par leur origine apostolique, renforcée par la « coutume ». Belle leçon à méditer pour tous ceux qui pensent qu’un pape n’est point pape en raison de ses erreurs…




Notes et références
[1] 6e canon, concile de Nicée (325), dans Nicée et Constantinople, Ignacio Ortiz de Urbina, Histoire des conciles œcuméniques sous la direction de Gervais Dumeige, s. j., Tome I, Texte VIII.
[2] 34e canon, Constitutions apostoliques, volume III, Sources chrétiennes n°336, Cerf, 1987 dans Quel pape pour les chrétiens ? Papauté et collégialité en dialogue avec l’orthodoxie, Mgr Emmanuel Adamakis, Père Christophe Delaigue, Desclée de Brouwer, 2015.
[3] 8ème canon, concile de Constantinople, dans Nicée et Constantinople, Ignacio Ortiz de Urbina, 2ème partie, chap. IV.
[4] Acta Conciliorum Oecumenicorum, édition E. Schwartz, 1914, tome I, volume I, 58 dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T. Camelot, chapitre III.
[5] Acta Conciliorum Oecumenicorum, tome I, volume I, 60-63 dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T. Camelot, chapitre III.
[6] Acta Conciliorum Oecumenicorum, tome I, volume II, 64 dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T. Camelot, chapitre III.
[7] Précisons que ce texte est faussement appelé « vingt-huitième canon » puisqu’il n’a jamais été approuvé par les papes. Il n’existe en fait que vingt-sept canons. Mais les canonistes orientaux le considéreront bien plus tard comme le dernier canon. Depuis, il est communément appelé ainsi…
[8]Décret du 29 octobre 451 du concile de Chalcedoine, dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T. Camelot, chapitre V.
[9]Boniface, légat pontificale dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T. Camelot, chapitre V.
[10]Lucentius, légat pontificale dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T. Camelot, chapitre V.
[11] Saint Léon, lettre de Saint Léon à l’Empereur Marcien, dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T. Camelot, chapitre V.
[12] Voir Émeraude, janvier 2019, article « La primauté de l'Évêque de Rome, successeur de Saint Pierre, avant la moitié du IIe siècle ».
[13] Saint Léon, lettre de Saint Léon à l’Empereur Marcien, dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T. Camelot, chapitre V.
[14] Saint Léon, lettre de Saint Léon à Pulchérie, 21 mars 453, dans Éphèse et Chalcedoine, P.-T. Camelot, chapitre V.

1 commentaire:

  1. Nos dossiers apologétiques sur la Papauté lors des quatre premiers conciles généraux :

    Nicée : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2018/02/16/la-papaute-au-concile-de-nicee-325/

    Constantinople : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2018/04/16/la-papaute-au-ier-cooncile-de-constantinople-381/

    Ephèse : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2018/04/17/la-papaute-au-concile-dephese-431/

    Chalcédoine : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2018/03/02/le-28e-canon-du-concile-de-chalcedoine-451/

    Et pour un autre concile en bonus, Constantinople III : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2018/03/02/linfaillibilite-du-pape-proclamee-en-681/

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