Au XIVe siècle, des voix
s’élèvent contre la Papauté. On proteste contre les ingérences du Pape dans les
affaires des États. On gronde contre les
taxes et les impôts qu’elle prélève, dit-on, abusivement. On s’agace de voir
tant d’argent fuir le royaume pour nourrir la cour pontificale et enrichir des
prélats. Au siècle suivant, l’énervement est encore plus audible. Et au XVIe
siècle, la révolte éclate.
Après ses heures de gloire
sous Innocent III (1198-1216), l’autorité du Pape soulève de l’indignation et de la colère
dans les royaumes. La fiscalité pontificale est l’un des griefs qu’on cite le
plus souvent. Elle est l’une des causes qu’on évoque pour expliquer le
mécontentement croissant des peuples et justifier les conflits qui vont séparer
les Chrétiens. C’est aussi un des motifs qui poussent les rois à s’opposer
au pape. Sous prétexte de défendre leur clergé contre les abus de la cour
pontificale, ils veulent limiter ses pouvoirs dans leur royaume. Ainsi, pour
comprendre ce vent de contestation, nous devons donc nous pencher sur la
fiscalité pontificale du XIVe siècle.
La fiscalité pontificale
La fiscalité pontificale
désigne l’ensemble des taxes et impôts que les papes ont établis pour répondre
aux besoins financiers que demandent le fonctionnement et le développement de
l’administration pontificale ainsi que leurs actions politiques et religieuses.
Ils étaient généralement perçus régulièrement et sur place par des
collecteurs locaux ou acquittés au siège de la Curie.
Il faut y ajouter de menus
recettes diverses comme les droits de chancellerie, les droits payés pour frais
de justice par les appelants, les amendes auxquelles les tribunaux condamnent
les clercs et les laïcs coupables d’un délit, les sommes perçues pour la
commutation des vœux, les dispenses, le droit de pallium, payé par le prélat
que le pape honore de cet insigne, etc. La Papauté peut aussi recevoir des dons
et des legs.
Certains dons gracieux que
des évêques et des abbés reçoivent de leurs subordonnées dans des moments de
détresse financières sont appelés subsides caritatifs. Cet usage remonte au
XIIe siècle. À leur tour, des papes ont aussi fait appel à la générosité du
clergé pour répondre à des difficultés financières. Contrairement à ce que nous
pourrions croire, ce don n’est pas gratuit. Il est volontaire au sens où le
montant n’est pas fixé. Ce sont bien des dons obligatoires. Des commissaires
sont envoyés dans des diocèses pour les récupérer. Si les bénéficiers ne
s’acquittent pas de ce don, ils peuvent faire l’objet d’une excommunication.
Nous allons désormais nous
attarder sur certaines taxes…
Le cens apostolique
Le cens apostolique désigne
les taxes perçues en raison de la jouissance des terres dépendant du
Saint-Siège et celles qui sont offertes pour obtenir la protection apostolique.
Il doit être perçu annuellement mais sa perception est irrégulière et la
rentrée bien difficile. Les débiteurs, souvent récalcitrants, attendent généralement que
Rome les somme de payer ce qu’ils doivent, voire intentent des procès. Certains
papes comme Alexandre IV ou Nicolas IV cherchent à régulariser les perceptions.
Lors de sa tournée en Italie centrale en 1290, Lanfranc de Scano, chanoine de
Pergame et collecteur de cens apostolique, ne peut percevoir que la moitié des
cens prévus[1].
Certains monastères, églises ou seigneuries ont disparu, mais la principale
raison de ces non-paiements réside dans la mauvaise volonté des débiteurs, qui cherchent à traîner
la chose en longueur.
Les bénéfices
Jean XXII créant de nouveaux diocèses |
Le « bénéfice », ecclésiastique ou
religieux, désigne le revenu attaché à un office ecclésiastique ou religieux
permettant au titulaire du titre, appelé « bénéficier », d’accomplir une fonction dans l’Église,
c’est-à-dire de financer ce dont il a besoin pour l’exercer et pour vivre. Il
est un ensemble de biens appartenant à l’église. Il regroupe par exemple la
dîme, les terres, les rentes, etc attachés aux biens. La plupart du temps, le bénéfice est collatif, c’est-à-dire qu’il est attribué par nomination. La personne en charge de nommer un bénéficier est un « collateur ». Il est dit « électif » quand il est pourvu après élection.
La « provision » désigne la prise de possession du bénéfice. Pour recevoir une « lettre de provision », le « bénéficier », doit payer au collateur une taxe selon la nature de bénéfice. Sous Jean XXII (1316-1334), les taxes liées aux bénéfices représentent les trois quarts des revenus, sous Clément VI (1342-1352), 58%[3].
La « provision » désigne la prise de possession du bénéfice. Pour recevoir une « lettre de provision », le « bénéficier », doit payer au collateur une taxe selon la nature de bénéfice. Sous Jean XXII (1316-1334), les taxes liées aux bénéfices représentent les trois quarts des revenus, sous Clément VI (1342-1352), 58%[3].
On distingue principalement
les bénéfices majeurs et mineurs selon l’importance de la fonction. Les
bénéfices majeurs concernent les postes d’évêques et d’abbés.
Les taxes liées au bénéfice
Au XIVe siècle, lorsque les
bénéficiers sont désignés par le pape entouré du Sacré-Collège, siégeant en
consistoire, ils doivent verser dans l’année un impôt au fisc pontifical,
divisé en deux services. Le « service
commun », dont une moitié revient au pape et l’autre au Sacré-Collège,
est équivalent à un tiers des revenus annuels nets. Se rajoute le « menu service » au profit des
familiers du pape, des curialistes et des cardinaux. Le montant de la taxe peut
être réduit ou prorogé si l’abbaye ou l’évêché connaît des difficultés
financières.
Les bénéfices mineurs auxquels
seul le Pape pourvoit acquittent l’« annate »,
dont le montant correspond au gain d’une année, tous frais déduit. Clément V (1305-1314) est le premier pape qui le réclame en 1306 pour les bénéfices d’Angleterre et
l’Écosse qui deviendraient vacants dans le courant des trois années
consécutives. En 1316, Jean XXII renouvelle l’opération dans tous les pays à
l’exception du royaume de France. Le nombre de réservation des revenus pendant
le temps de vacance ne cesse pas de croître.
Le pape peut aussi, par
lettre, promettre à un clerc un bénéfice bientôt vacant. Cette lettre, délivrée
uniquement par le Pape, est dite « grâce
expectative ». Cet usage permet ainsi de rétribuer des services d’un
curialiste ou d’un cardinal. C’est ainsi qu’il réserve des collations de bénéfices
et étend ses prérogatives. La réserve pontificale ne cesse ainsi de croître.
Sous Jean XXII, il réserve mille sept cent cinquante bénéfices par an dans le
royaume de France.
La Papauté retire d’autres
ressources fiscales dans l’organisation bénéficiale de l’Église. Elle
s’attribue les « droits de
dépouilles », c’est-à-dire les biens meubles et les immeubles des
ecclésiastiques défunts qui ont possédé des bénéfices à sa collation, les
« vacants », levés sur les
bénéfices durant la vacance des titulaires. Il est alors bien tentant de
laisser vacant un siège pour encaisser diverses recettes.
Le droit de dépouille
Le droit de dépouille,
« c’est originalement le droit de
piller la maison de l’évêque qui vient de mourir. »[4]
Plus tard, les évêques et les abbés se sont attribués les dépouilles des
bénéficiers de leur dépendance. Vers le milieu du XIIIe siècle, Innocent IV (1243-1254) a
essayé de légiférer sur ce sujet et d’accaparer ce droit au profit de la
Papauté mais devant les résistances, son projet a été abandonné. Il faut
attendre Jean XXII pour récupérer les dépouilles d’un prélat qui, par
déposition ou par d’autres raisons déterminées par la constitution Ex
debito, perdent leurs bénéfices. Le droit de dépouille s’est ensuite
étendu à tous les bénéficiaires qui relèvent du Pape.
Ce droit est source de vives
récriminations de la part des prélats à qui il semble intolérable d’être privés
du droit de tester en faveur de leurs parents. Mais, souvent, il a donné lieu à
des accommodements avec les héritiers. À partir de Jean XXI, il représente des
sources de revenus les plus considérables de la fiscalité pontificale.
Les procurations
L’évêque doit faire la
visite de son diocèse pour s’assurer si la discipline ecclésiastique est
fidèlement observée par ses clercs. Il a le droit, lui et sa suite, de recevoir
l’hospitalité partout où il passe. La procuration désigne ce droit de gîte. Par
suite des guerres, les papes ont permis de transformer ce subside, jusque-là
payé en nature, en une redevance pécuniaire, que les clercs doivent
s’acquitter, même si la visite n’a pas lieu, et dont le taux est fixé par la
bulle Vas electionis, promulguée par Benoît XII en décembre 1336. Les
évêques se font aussi dispenser par les papes de faire cette visite tout en
levant quand même la procuration. Ils cèdent parfois une partie de ce montant à
la Curie avant de devenir obligatoire dans certains diocèses. Sous Innocent VI (1352-1362),
la partie représente la moitié, voire les deux tiers de la procuration[5].
Nous pouvons imaginer les abus que cette dispense et cette taxe ont dû
entraîner, le droit à la procuration n’étant pas lié nécessairement à la
fonction pour lequel il a été créé.
Les décimes
Correspondant à la dixième
partie des revenus nets d’un bénéfice, les décimes sont des taxes
extraordinaires que le pape lève dans des cas d’exception, par
exemple, pour organiser une croisade ou mener une expédition en Italie. Elles peuvent être
décidées pour une œuvre intéressant toute la Chrétienté ou pour une action
purement pontificale. Le concile de Lyon en 1274 puis le concile de Vienne en 1311 ont décrété une décime sur six ans sur tous les bénéfices de la
Chrétienté pour réunir les ressources nécessaires à l’entreprise d’une nouvelle
croisade. En 1298, par la bulle Roscelli temporis, Boniface VIII (1294-1303) décrète de lui-même une décime de trois ans pour plusieurs provinces
ecclésiastiques pour couvrir les frais de guerre contre ses adversaires, les
Colonna, et une entreprise en Sicile[6].
Tous les bénéficiaires sont
soumis à cette taxe. Seuls sont exemptés les cardinaux et les Hospitaliers de
Saint-Jean de Jérusalem. Elles peuvent être réduites de moitié si le
diocèse est éprouvé par la guerre, la famine
ou par la peste. Afin de définir les montants à prélever, des enquêtes ont été
menées localement pour évaluer les revenus de chaque diocèse et abbaye,
montants ensuite enregistrés dans des registres, souvent consultés
pour définir les différentes impositions.
Mais parfois, le revenu de
cette taxe est détourné de ses fins. Le concile de Vienne a ainsi voté des
décimes pour une période de six ans afin de couvrir les frais d’une croisade.
Au titre de chef de cette expédition, le roi de France Philippe le Bel a recueilli
l’argent mais aucune croisade n’a été menée. Philippe le Bel et ses successeurs
l’ont en fait utilisé pour ses guerres de Flandres.
Le prélèvement des taxes
Clément VI |
Les taxes étant payées dans
la monnaie locale, la Papauté recourt aux changeurs pour convertir les sommes
recueillies en monnaie en cours à Avignon ou à Rome. Le transfert de l’argent
des collectories à la Papauté se fait par l’intermédiaire des maisons de
banques italiennes ou françaises.
Les collecteurs pontificaux
ne font pas que percevoir les taxes, admonester les récalcitrants et à la
sanctionner. Ils achètent des produits sur place pour les renvoyer à la Curie
et payent les services rendus à la Papauté, par exemple les soldats qui ont
combattu pour le Pape ou les officiers qui ont accompli des missions à son
profit. Ils doivent enfin récupérer de l’argent pour disposer d’un budget
suffisant. Finalement, ils sont chargés de multiples tâches au point leur
titulature a été modifiée. Ils portent le titre « collecteur, nonce et receveur ».
Un vif mécontentement
Nous pouvons être surpris
des nombreuses taxes que doit s’acquitter le clergé au profit du Pape. Nous
pouvons alors comprendre le vif mécontentement qu’elles peuvent provoquer. Le nombre important de taxes devient difficilement supportable quand les guerres, la famine et la peste ravagent les diocèses et les monastères. Le mode de recouvrement fait aussi l’objet d’une véritable rébellion. Les résistances sont donc nombreuses. Et comme dans le cas du cens, certaines taxes ne sont pas payées. Sous Clément VII (1342-1352), dans la collectorise de Provence, des arrérages peuvent remonter à près de quarante ans.Notons que les dettes d’un bénéficier ne disparaissent pas à sa mort. Il est reporté à son successeur. Mais ne nous leurrons pas. Les plus mécontentents sont ceux qui sont évincés de leurs droits de collecteurs ordinaires et évincés des bénéfices ordinairement conférés à eux par leur évêque.
Naturellement, les
collecteurs ne sont guère non plus appréciés. En terre germanique, ils peuvent être
arrêtés et molestés, dépouillés, enlevés, voire assassinés. Lors d’une levée de
décime décidée par Grégoire XI (1370-1378), les évêques de Cologne, de Bonn, de Xanten, de
Soest et de Mayence signent un pacte, jurant de ne point la payer et de se
secourir mutuellement en cas de poursuite contre quelqu’un d’entre eux. En
France, les bénéficiaires résistent contre la perception de certains droits,
notamment celui de dépouille, et sont soutenus par les officiers du roi. Certains
récalcitrants attaquent les bulles pour vice de forme ou de fond. Puis ils font
appel au Parlement de Paris. Des collecteurs doivent alors entretenir des
avocats et engager des dépenses pour les procès. Ils peuvent aussi abandonner
toute poursuite. Après la contestation des ecclésiastiques de la région de Rouen
auprès du Parlement de Paris en 1457, le collecteur renonce à lever une décime[8]. Pour
vaincre les récalcitrants, les collecteurs peuvent les frapper de censures
ecclésiastiques : l’excommunication, l’aggrave, la réaggrave[9].
La tension demeure alors tendue au XIVe siècle et peut rapidement dégénérer.
Un percepteur des impôts (XVIe siècle)
Marinus Claeszon van Reymerswaele
|
Les besoins financiers de la
Papauté sont en fait considérables et en nette augmentation depuis le XIVe siècle. L’installation
du Pape et de son administration, d’abord provisoire puis définitive, à Avignon
entraîne la construction de nombreux bâtiments, notamment le Palais des Papes.
L’entretien de la cour pontificale nécessite aussi de fortes dépenses. En
raison du prestige de l’autorité pontificale, elle doit s’entourer de splendeur
et de magnificence. Le pape est aussi un mécène qui attire les écrivains, les
savants, les artistes de tous pays qu’il rétribue largement en numéraire et en
bénéfices. Enfin, il organise des fêtes somptueuses et de magnifiques
cérémonies.
Mais ces dépenses ne sont rien par rapport au budget que nécessitent le fonctionnement et le développement des services de l’administration pontificale. Tout converge vers la Papauté, notamment les requêtes, les contestations, les appels. Une imposante machinerie administrative et judiciaire est mise en œuvre pour répondre aux nombreuses activités pontificales. Au XIVe siècle, les Papes ont mis en place une administration moderne que des rois n’hésitent pas à imiter. Mais si le gouvernement se perfectionne, il s’alourdit aussi.
Mais ces dépenses ne sont rien par rapport au budget que nécessitent le fonctionnement et le développement des services de l’administration pontificale. Tout converge vers la Papauté, notamment les requêtes, les contestations, les appels. Une imposante machinerie administrative et judiciaire est mise en œuvre pour répondre aux nombreuses activités pontificales. Au XIVe siècle, les Papes ont mis en place une administration moderne que des rois n’hésitent pas à imiter. Mais si le gouvernement se perfectionne, il s’alourdit aussi.
Les dépenses liées à la
guerre ne cessent aussi de croître. Les papes doivent entretenir en Italie des
troupes pour garder ou reconquérir ses États.
Enfin, les dépenses pour les
aumônes ne sont ni oubliées ni négligeables. Les papes fournissent de fortes sommes aux œuvres
de charité. Jean XXII institue la Pagnote, une sorte de bureau de bienfaisance,
chargé de fournir aux nécessiteux des vêtements, de la nourriture, des remèdes,
etc. Ils soutiennent les hôpitaux d’Avignon, fournissent des bourses aux
étudiants, constituent des dots pour les jeunes filles peu fortunées, apportent
des dons aux prisonniers, participent financièrement aux missions et à la
croisade, etc.
Or en ce XIVe siècle, le
pape ne peut guère compter sur ses domaines désorganisés, sur ses vassaux
récalcitrants et sur ses biens mis à mal. La résistance des États est aussi
forte. Les revenus sont donc insuffisants pour répondre aux besoins financiers toujours
accrus. Pour faire face aux difficultés financières, la Papauté a alors
développé une forte politique de centralisation, modernisant encore davantage
l’administration pontificale. Cela est surtout vrai au niveau financier. Progressivement,
notamment dans la collation des bénéfices, le périmètre du Pape s’étend de
manière extraordinaire.
Une fiscalité au secours des
États
Néanmoins, en pratique, la
centralisation voulue n’est pas toujours appliquée. 90 % des nominations dans
l’évêché d’Osnabrück ne relèvent pas du Pape. Le royaume d’Angleterre est
nettement moins atteint que celui de la France.
Mais surtout, ne croyons pas
que le clergé est ponctionné par le Pape pour répondre à ses besoins. L’autre
bénéficiaire est aussi le roi. Une partie des impôts qui
revient au Pape est en effet fournie aux rois. Nous l’avons vu par exemple dans
le cas des décimes. Sans cette contribution, le trésor français aurait bien des
difficultés à supporter les charges que lui impose la guerre contre
l’Angleterre. Le roi d’Angleterre use aussi des ressources fiscales de son
clergé pour payer ses officiers et développer son administration, soit en les
nommant à des bénéfices, soit en demandant une contribution financière aux
prélats. Mais il a besoin d’une autorisation pontificale. Comme l’a constaté
Philippe le Bel, le pape peut ainsi user de ce droit comme une arme. En outre,
les rois acceptent les taxes pontificales ou la nomination des clercs par Rome
sous condition de doter à leurs propres candidats aux bénéfices et de substantiels
subsides à leurs églises.
Boniface VIII et Philippe le Bel |
Nous pouvons alors
comprendre la volonté des rois de ménager le pape tout en voulant
réduire son pouvoir dans leur royaume. Ils ont besoin de son secours pour
répondre à leurs difficultés financières mais n’hésitent pas à intervenir et à
menacer si cette ressource est remise en cause.
Mais un Pape aussi dépendant
de la bonne volonté des rois
Toutefois, le pape demeure
aussi sous la dépendance des souverains pour certaines impositions. Certaines des
taxes, comme les subsistes caritatifs, ne peuvent en effet être prélevées sans leur autorisation. Il doit aussi accepter que de l’argent sorte de son royaume.
Philippe le Bel a usé de son droit pour s’opposer à Boniface VIII. Le Parlement
de Paris publie un arrêt en 1406 interdisant au Pape Benoît XIII et à ses
collecteurs de lever les annates dans le royaume de France et de percevoir les
droits de procuration qui doivent être restitués aux ecclésiastiques[10].
Les collecteurs pontificaux ne peuvent plus alors exercer leur charge quand le
roi et le Pape s’affrontent.
Conclusions
Le besoin de revenus oblige
les Papes, surtout depuis le début du XIVe siècle, c’est-à-dire depuis leur installation
à Avignon, à développer une forte fiscalité et une administration fiscale
centralisée et moderne. Jean XXII est sans-doute le pape qui a mieux organisé les
différentes impositions et leurs collectes. Tout est bon pour taxer le clergé,
n’hésitant pas à imiter la fiscalité des rois. Généralement, ils ont étendu
leur périmètre et acquis des taxes que prélevait le clergé à son profit. La
fiscalité pontificale atteint ainsi son apogée à la moitié du XIVe siècle. Mais
le nombre important de taxes et la disparition de privilèges génèrent un vif
mécontentement dans le clergé et donc divisent la hiérarchie ecclésiastique. Les liens entre
le Pape et les clercs sont de plus en plus distendus. Au XVe siècle, plusieurs
taxes sont supprimées.
Mais le pape n’est pas le
seul bénéficiaire des taxes que doit payer le clergé. Les rois en recueillent
une part. Et eux-aussi, développant un État moderne, ont un fort besoin
financier, toujours en augmentation. Non seulement ils veulent préserver leurs
privilèges qui leur rapportent beaucoup mais aussi les étendre. Une lutte
s’engage donc entre le Pape et les rois pour défendre et étendre leurs prérogatives, en
particulier dans la collation des bénéfices. En outre, si les souverains peuvent recevoir
une partie des montants des taxes que doit s’acquitter le clergé, ils demeurent
dépendants de la bonne volonté du Pape. Une telle situation n’est pas tenable
pour eux.
Nous pouvons alors sans
difficulté comprendre les motivations de certains rois, qui, sous prétexte de
défendre leur clergé, le soutiennent fortement et favorisent tout ce qui peut
encore le séparer du pape, fragilisant ainsi l'autorité de l'Église. Usant habilement des divisions de la hiérarchie de
l’Église, les rois sortiront vainqueurs de la lutte…
Notes et références
[1] Voir La perception du cens apostolique dans l’Italie centrale en 1291, Paul Fabre, Hachette, dans Mélanges d’archéologie et d’histoire, tome 10, 1890, www.persee.fr.
[1] Voir La perception du cens apostolique dans l’Italie centrale en 1291, Paul Fabre, Hachette, dans Mélanges d’archéologie et d’histoire, tome 10, 1890, www.persee.fr.
[2] Voir Émeraude, juin 2018, article "L'Empereur germanique face au Pape, l'Empire contre le sacerdoce".
[3] Voir Entre obéissance et résistance : la délicate
position du clergé canonial face à la centralisation pontificale et royale en
France du XIIIe au XVe siècle,
Anne Masoni, Temporalités, revue du Centre de recherche historique de
l’Université de Limoges, PULIM, 2005, https://hal-unilim.archives-ouvertes.fr/hal-01374245,
décembre 2017.
[4] Viollet, Histoire
des institutions politique et administrative de la France, tome II,
dans Histoire
générale de l’Église, abbé A. Boulanger, Tome II, Le Moyen-âge, Volume VI, De
Clément V à la Réforme, 1305-1517, n°42, 1, 4, Librairie Emmanuel Vitte,
1936.
[5] Voir La fiscalité pontificale dans
les diocèses de Lausanne, Genève et Sion à la fin du XIIIème et au XIVème
siècle, Kirsch, J.-P., http://www.e-periodica.ch.
[6] Voir La fiscalité pontificale dans
les diocèses de Lausanne, Genève et Sion à la fin du XIIIème et au XIVème
siècle, Kirsch, J.-P.
[7] Amandine Le Roux, Les
collecteurs pontificaux, des curialistes non-résidents, dans Église
et État, Église ou État ?, Christine Barralis, Jean-Patrice
Boudet, Fabrice Délivré, et al., éditions de la Sorbonne.
[8] Voir Les
collecteurs pontificaux, des curialistes non résidents, Amandine Le
Roux.
[9] Lorsqu’un excommunié
ne se soumet pas, il lui est défendu de toute participation à la vie publique,
c’est l’aggrave. Quand il persiste, il est isolé complètement de la société,
c’est la réaggrave.
[10] Voir Les
collecteurs pontificaux, des curialistes non résidents, Amandine Le
Roux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire