Le prophète Isaïe Giovanni Battista Tiepolo Isaïe est appelé à la prophétie. L'ange tient un morceau de charbon à ses lèvres pour le pardon de ses péchés. |
Isaïe,
ou encore « Esaïe »,
est un des grands prophètes de la Sainte Écriture. Il est la
transcription de l’hébreu « Yechayah »,
qui signifie « Yahvé
est délivrance ».
Le Livre biblique qui porte son nom est le premier des grands Écrits
prophétiques. Ce premier rang, il le doit par son importance dans
l’Histoire sainte et dans ses prophéties messianiques. Isaïe est
unanimement reconnu comme « une
personnalité d’une trempe exceptionnelle »[1].
Il est au centre de la vie religieuse et politique du royaume de Juda
sous la royauté de trois rois, Achaz (736-727), Ézéchias (727-698)
et Manassé (698-642).
Né
vers 765 avant Jésus-Christ, probablement à Jérusalem, Isaïe
intervient lors des règnes de Yotam et d’Achaz, rois de Judas.
D’une épouse, appelée « prophétesse »,
il a deux fils dont les noms ont été donnés par Dieu et évoquent
l’avenir. Le premier est un signe d’espoir,
« un-reste-reviendra »,
le second de dévastation, « pille-en-hâte ».
Il fut exécuté par l’impie Manassé selon le Talmud avec d’autres
justes pour avoir protesté contre le culte idolâtre que ce
souverain a instauré dans son royaume.
La
corruption du peuple de Dieu
Sous
le règne de Roboam, successeur du grand roi Salomon, le royaume de
David est divisé en deux parties, au Nord le royaume d’Israël,
plus étendu mais plus fragile, et au Sud le royaume de Juda, mieux
organisé et centré autour de Jérusalem.
Après
une période prospère sous Jéroboam (783-743), le royaume d’Israël,
dit aussi de Samarie, est menacé par des divisions internes et par
la corruption. C’est le temps des prophètes Amos et Osée. Ces
derniers rappellent les prescriptions de la Loi, stigmatisent la
superficialité du culte rendu à Dieu et l’idolâtrie qui se
répand dans le pays. Ils annoncent enfin la ruine du royaume. La
corruption atteint aussi le royaume de Juda. Jérusalem suit la
« même
voie que les rois d’Israël »
(II
Chr.,
XXVIII, 1-4,
I, 4). Le peuple juif suit des cultes païens sur les hauts lieux de
la terre sainte.
Téglath-Phalasar III |
Or l’empire assyrien de Téglat-Phalasar III menace le royaume d’Israël. D’abord sujet des
Assyriens, leur payant tribut, le roi d’Israël change d’attitude
et participe à une coalition des princes syriens contre Ninive,
capitale assyrienne. Les rois de Samarie et de Damas tentent d’y
incorporer le royaume de Juda. Mais Achaz refuse d’y participer.
Face à ce refus, ils lui déclarent la guerre. Ils cherchent à renverser la dynastie de David pour installer sur le trône
un homme à eux, plus conciliant. Achaz est alors tenté d’appeler
à son secours Téglath-Phalasar III. C’est alors qu’intervient
le prophète Isaïe. A la demande de Dieu, il rencontre Achaz.
Après
les malheurs, la délivrance
Le prophète Isaïe (détail) Marc Chagall |
Porte-parole
de Dieu, Isaïe annonce à Achaz l’échec de ses ennemis
et l’invite à reprendre espoir. « Si
vous ne croyez pas, vous ne persévérez pas. »
(Is.,
VII, 9) Toujours par son intermédiaire, Dieu lui demande alors de
solliciter une requête : « Demande
pour toi un miracle au Seigneur ton Dieu, au fond de l’enfer, ou au
plus haut des cieux. »
(Is.,
VII, 10) Achaz refuse de se soumettre à la sollicitation divine. Qui
est-il pour tenter le Tout-Puissant ? Isaïe est en colère.
« Est-ce
peu pour vous d’être fâcheux aux hommes, puisque vous êtes même
à mon Dieu ? »
(Is.,
VII, 12) Pourtant, inflexible, Dieu lui annonce un signe. «
Écoutez
donc maison de David. […] A cause de cela le Seigneur Lui-même
vous donnera un signe. Voilà que la vierge [’almâ ] concevra
et enfantera un fils, et son nom sera appelé Emmanuel. »
(Is.,
VII, 14)
La
suite de la prophétie comporte l’annonce de la défaite de ses
ennemis. Le roi des Assyriens détruira le royaume de Damas et
d’Éphraïm. Leur ruine arrivera « avant
que l’enfant sache éprouver le mal et choisir le bien »
(Is.,
VII, 16), c’est-à-dire avant que le fils ait atteint l’âge
de l’enfance. Mais il annonce aussi la dévastation du peuple de
Juda. Les « pieds
de vigne seront changés en épines et en ronces. »
(Is.,
VII, 23) A la demande de Dieu, le premier fils d’Isaïe porte un
nom significatif. Il s’appelle « Maher-Shahal
Hash-Bez »,
c’est-à-dire « Enlève
promptement les dépouilles, prends vite le butin »
(Is.,
VIII, 1).
Le
prophète annonce un temps de malheurs au peuple de Dieu. « Les
eaux de Siloë »,
c’est-à-dire les rois de la maison de David, seront rejetées du
peuple. A cause de cela, il connaîtra la dévastation. Dieu fera
venir sur lui « les
eaux violentes et abondantes du fleuve, le roi des Assyriens et toute
sa gloire »
(Is.,
VIII, 7).
Mais Juda ne pourra pas compter sur lui-même, sur ses propres
forces, parce que « Dieu
est avec nous »
(Is.,
VII, 10). L’espoir de Juda repose en effet sur Emmanuel. Pourtant,
il fera l’objet de réprobation de la part du peuple de Dieu.
« Sanctifiez
le Seigneur des armées ; qu’il soit lui-même votre frayeur,
et lui-même votre terreur. Et il vous sera en sanctification. Mais
il sera en pierre d’achoppement et en pierre de scandale aux deux
maisons d’Israël ; en lacs et en ruine aux habitants de
Jérusalem. Et le plus grand nombre d’entre eux se heurteront, et
tomberont dans des filets et ils seront pris. »
(Is.,
VII, 13-15) Après la faim, l’angoisse et le désespoir.
Mais
l’oppression va laisser sa place à la joie. « Le
peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière ;
pour ceux qui habitaient dans la région de l’ombre de la mort, une
lumière s’est levée. »
(Is.,
IX, 2) Emmanuel sera la porte du salut. Il édifiera un royaume de
paix et de grandeur. « Car
un enfant nous est né, et un fils nous a été donné ; et sa
principauté est sur son épaule, et son nom sera appelé Admirable,
Conseiller, Dieu, Fort, père du siècle à venir, Prince de la paix.
Son empire s’accroîtra et la paix n’aura pas de fin : sur
le trône de David et sur son royaume, il s‘assiéra pour
l’affermir et le fortifier dans le jugement et la justice, dès
maintenant à tout jamais. Le zèle du seigneur des armées fera
cela. »
(Is.,
IX, 6-7)
La
fin des royaumes d’Israël et de Juda
L'annonce d'Isaïe à Ézéchias Psautier de Paris, Enluminure, Xe siècle |
Le
roi Assyrien Sargon II (722-705) s’empare de la ville de Samarie,
déporte beaucoup d’Israélites en Mésopotamie et les remplace par
de nombreux prisonniers de guerre de différentes provinces. C’est
la fin du Royaume d’Israël.
Au royaume de Juda, Ézéchias a remplacé sur le trône son père Achaz. Il est un des princes les plus pieux de Juda. Mais en dépit
d’une véhémente protestation d’Isaïe, il commet l'erreur d'entrer dans une
nouvelle coalition dirigée contre l’Assyrie. Le roi assyrien
marche alors sur Jérusalem. Saisi de peur, le roi de Juda lui offre
sa soumission. Mais le roi assyrien exige la reddition de la ville
sainte qu’il assiège. Encouragé par Isaïe, Ézéchias se décide
à une suprême résistance. Isaïe lui annonce l’échec de son
ennemi. De manière soudaine et miraculeuse, l’armée assyrien est
en effet dévastée et doit lever le siège de Jérusalem.
Manassé
est le successeur d’Ézéchias. Contrairement à son prédécesseur,
il est le plus impie des rois de Jérusalem. Il rétablit les
pratiques idolâtriques que son père avait abolies, introduisant le
culte astral des Assyro-Babyloniens. Ce geste est peut-être un acte politique de la
part d’un roi soucieux de se rapprocher de l’Assyrie. Le royaume
de Juda finit par devenir le vassal de cette puissance redoutable.
L’Assyrie est au faîte de sa puissance. Elle a battu l’Égypte
et conquis Memphis en 671. Thèbes sera aussi conquise et détruite.
Mais
le roi de Babylone, frère du roi assyrien, se soulève contre le
roi de Ninive, Assurbanipal (668-626). Il réussit à liguer tous ses
ennemis contre l’Assyrie. Manassé y participe. Mais le roi
assyrien triomphe de cette coalition. Manassé est battu. Il est
emmené captif à Babylone puis délivré, il retourne à Jérusalem.
Converti au cours de l’épreuve, il rétablit le culte de Yahvé…
Cette histoire serait sans importance si elle ne contenait pas l'une des plus importantes prophéties du Christ. Par l'intermédiaire d'Isaïe, Dieu nous a en effet donné un signe. « Et le prophète dit : Écoutez donc, maison de David : est-ce peu pour vous d’être fâcheux aux hommes, puisque vous êtes fâcheux même à mon Dieu ? A cause de cela le Seigneur Lui-même vous donnera un signe. Voilà que la vierge concevra et enfantera un fils, et son nom sera appelé Emmanuel. » (Is., VII, 13-15) Dans le prochain article, nous l'étudierons ...
Note et référence
1. Initiation biblique, A. Robert et A. Tricot, Desclée,
1938, chap. XVIII.
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