Le Dialogue de Saint Justin est d’une très grande richesse. Certes, l’apparent désordre de l’ouvrage et le nombre important de citations peuvent rebuter bien des lecteurs. Il présente des difficultés de lecture qui nécessitent des efforts que nous n’avons pas l’habitude de faire.
Dans
un débat fictif mais tiré de la réalité, le Dialogue
expose les objections juives contre le christianisme et les réponses
d’un chrétien incirconcis. Pour se faire entendre du juif Tryphon,
Saint Justin n’utilise que la Sainte Écriture dans son
argumentation. Il démontre la compatibilité entre les textes
sacrés et le christianisme. Mieux encore, il prouve que le
christianisme est annoncé dans la Sainte Écriture. Mais alors
comment pouvons-nous expliquer que les Juifs n’y adhèrent pas, eux
qui n’ont pas cessé de la méditer ? C’est probablement l'un des problèmes fondamentaux auquel le livre répond avec clarté.
Les obstacles à la conversion des Juifs
Saint
Justin expose les thèmes fondamentaux de la controverse entre les
Juifs et les Chrétiens. Ils sont au nombre de quatre :
- La valeur de la Loi juive. Est-elle caduque comme l’affirment les Chrétiens ou est-elle la seule voie du salut ?
Saint
Justin démontre que la Loi est obsolète puisqu’elle est remplacée
par une nouvelle alliance, celle annoncée par les prophètes. En
outre, elle a été et est encore inefficace pour obtenir le salut de
l’âme. Elle n’a jamais été établie pour sauver les hommes
mais pour des raisons pédagogiques. Elle n’est pas et n’a jamais
été nécessaire au salut.
- La messianité de Notre Seigneur Jésus-Christ. Est-Il le Messie promis comme l’enseigne l’Église ou devons-nous encore L’attendre comme le prétendent les Juifs ?
Saint
Justin démontre que les prophéties sont accomplies en Notre
Seigneur Jésus-Christ. Certes, Il n’est guère conforme à ce
qu’attendaient les Juifs. La malédiction de la Croix s’oppose à
leur conception. Elle est un des obstacles majeurs en la foi de sa
messianité. Saint Justin démontre
que l’aspect souffrant du Messie est bien présent dans les
prophéties. Il s’attaque aussi à l’idée que la mort sur la Croix est
incompatible avec le Christ.
- L’identité et la nature de Notre Seigneur Jésus-Christ. Est-Il de nature divine et humaine ou n’est-ce qu’un homme parmi les hommes ?
Les
Juifs critiquent la foi chrétienne qui semble remettre en question
l’unicité de Dieu. La préexistence de Notre Seigneur
Jésus-Christ étonne aussi Tryphon. Saint Justin en vient à
définir le Verbe comme engendré de Dieu. Il montre que la Sainte
Écriture révèle que le Messie est bien un Dieu sans pourtant nuire
à son unicité.
- La vocation des chrétiens. Le peuple chrétien est-il le nouvel Israël ou les Juifs demeurent-ils encore le peuple de Dieu ?
La
prétention des Chrétiens de se substituer au peuple juif heurte la
foi de Tryphon en l’élection divine de son peuple. Saint Justin
prouve l’universalité de la foi et du salut, promise par la Sainte
Écriture, et par conséquent la substitution du peuple juif par le
peuple chrétien comme peuple de Dieu.
Quelques
précautions
En
s’appuyant uniquement sur la Sainte Écriture, Saint Justin
s’applique à démontrer la position chrétienne, le plus souvent au
rythme des questions de son interlocuteur. Cela explique de nombreuses
digressions dans les démonstrations de Saint Justin, voire des régressions. Mais cette technique est en fait redoutablement efficace même
si elle peut paraître indigeste pour le lecteur. Elle répond à
trois objectifs. D’abord, il s’assure que son interlocuteur le
suit toujours et adhère à ses conclusions. Puis ses apparentes
répétitions ne sont qu’un moyen de juxtaposer diverses
conclusions et d'avancer dans sa
démonstration. Tryphon ne peut alors pas refuser ces avancées sans rejeter ce
qu’il a préalablement accepté. Enfin, en laissant le Dialogue
suivre le rythme de son interlocuteur, Saint Justin se montre
particulièrement à son écoute et entretient en lui la confiance
indispensable pour ses démonstrations.
Mais
Tryphon a–t-il vraiment existé ? Il semble plutôt
représenter le judaïsme tel qu’il est connu avant la destruction
du Temple. « Toutes
les pratiques religieuses énumérées dans le Dialogue
évoquent un judaïsme antérieur à la destruction du Temple. »[1] Il ne correspond pas en effet au judaïsme orthodoxe actuel. Parfois,
il se présente comme un juif hellénisé puis ses questions
ressemblent fort à celles d’un pharisien ou d’un sadduccéen.
Comme le suggère P. Bobichon, Tryphon semble à lui-seul représenter
le judaïsme en son entier. Saint Justin ne s’attaque donc pas à
l’enseignement rabbinique qui s’est développé ultérieurement
mais à un ensemble d’objections juives. Il serait donc vain de
chercher dans son ouvrage des réponses au Talmud et aux différentes critiques juives ultérieures. Cependant, les thèmes qu’il aborde
demeurent fondamentaux dans la controverse.
Il
est aussi vain de trouver dans ses démonstrations des vérités
historiques au sens ou nous l’entendons aujourd’hui. Les faits
historiques qu’il rapporte et leur contexte sont imprécis,
approximatifs. Cela ne remet nullement en cause sa démonstration
puisque ce qui l’intéresse est le fait lui-même par rapport à la
Sainte Écriture. Le débat porte en effet essentiellement sur des
références scripturaires. Quelle que soit leur exactitude, les
faits se rapportent en effet à des prophéties qui se réalisent en
eux. L’objectivité des faits importe donc peu tant qu’elle ne
remet pas en cause le sens de l’enseignement biblique.
Ses
démonstrations s’appuient néanmoins sur une réalité historique.
Elle est parfois rapportée pour mettre en valeur les Chrétiens en
opposition avec les Juifs selon une vue antinomique. Le courage des
martyrs s’oppose à la faiblesse des Pharisiens. L’amour du
prochain que témoignent les communautés chrétiennes révèle
davantage le mépris et la calomnie des Juifs à l’égard des
Chrétiens qu’ils persécutent. L’expansion limitée du judaïsme
souligne davantage la diffusion universelle du christianisme. Les
contrastes entre le christianisme et le judaïsme que nous retirons
de ces exemples apportent une valeur à sa démonstration.
Si
les faits historiques sont parfois rapportés de manière
approximative, Saint Justin s’avère très bien informé sur le
plan scripturaire et exégétique. Ses sources sont très nombreuses.
« Le
Dialogue
offre
un éventail assez large de références directes ou indirectes,
allusives ou explicites à l'interprétation juive de versets
bibliques, et aux croyances qui y sont parfois associées.»[1] Les opinions et interprétations qu’il rapporte se retrouvent dans
la littérature rabbinique, chez le philosophe juif Philon, dans des
ouvrages apocryphes, voire dans les manuscrits de Qumrân. Saint
Justin est donc particulièrement renseigné sur l’exégèse juive.
Comment en effet peut-il s’opposer aux critiques juives s’il ne
connaît pas le judaïsme ?
Cependant,
nous constatons avec peine qu’il ne mentionne jamais ses sources.
Selon P. Bobichon, Saint Justin connaît en fait les opinions et les
arguments juifs qui se sont manifestés lors des débats entre les
Juifs et les Chrétiens. Il les considère peut-être comme
représentatifs de l’exégèse juive. Cependant, il n’utilise que
ce qui peut lui être utile dans sa démonstration. « Le
témoignage de Justin sur l'exégèse juive de son temps se nourrit
donc, selon toute apparence, d'une information éclectique et
sélective à la fois. Il faut l'accueillir avec la confiance et les
réserves qu'appellent deux caractéristiques aussi
contradictoires. »[1]
La
force démonstrative de la Sainte Écriture
Les
démonstrations de Saint Justin s’appuient sur la Sainte Écriture.
Les citations abondent et peuvent devenir très longues au point
qu’elles suffisent pour répondre à Tryphon. Elles ne sont point
exposées pour assommer le lecteur mais effectivement pour justifier
le christianisme.
L’usage
de la Sainte Écriture s’appuie sur une hypothèse à laquelle
adhèrent aussi bien Saint Justin et Tryphon. Son auteur est Dieu et
par conséquent, elle doit être crue. Elle ne peut donc comporter
aucune contradiction et erreur, ce qui remettrait en cause Dieu
Lui-même. Par conséquent, les choses annoncées par l’Écriture
divine doivent se réaliser, quelque soit leur nature. Elles ne
peuvent aussi être contestées même si elles sont inimaginables ou paradoxales. Elles ne peuvent non plus surprendre Tryphon si elles ont été prophétisées par la Sainte
Écriture. C’est pourquoi Saint Justin démontre que les textes sacrés les ont effectivement annoncées. Si la naissance virginale est
prophétisée, il n’est pas possible de la rejeter pour le motif
qu’elle n’est pas croyable. Il faut donc prouver qu'elle a été annoncée par la Sainte Écriture et qu'elle a été réalisée en Notre Seigneur Jésus-Christ.
La
Sainte Écriture a aussi une force de démonstration au sens où elle
permet de prouver le rôle d’une personne ou la valeur d’un
événement. Comme Saint Jean-Baptiste a véritablement accompli les
prophéties, il est le véritable précurseur de Notre Seigneur
Jésus-Christ. Ce qu’il annonce est aussi conforme aux prophéties
bibliques. Ses paroles nous renvoient donc à la Sainte Écriture.
Ainsi progressons-nous dans la voie de Dieu. La Sainte Écriture nous
prépare à une réalité qui nous renvoie à son tour à la Parole de
Dieu. Nous retrouvons ces allers-retours dans la démarche de Saint
Justin. Cela explique aussi les digressions du Dialogue.
Saint Justin expose alors clairement les prophéties et les faits
réels auxquels elles se rapportent et justifie leur rapport avec
précision afin que son interlocuteur soit convaincu que ces faits
sont effectivement l’accomplissement de ces prophéties. Lorsque
les Juifs présentent une interprétation inadaptée, Saint Justin
prouve qu’elle ne convient pas aux prophéties tout en montrant que
les prophéties ne peuvent se rapporter qu’à ces seuls faits. Les prophéties et leur accomplissement sont alors deux réalités
impossibles à rejeter. « Comment
est-il possible de demeurer incertains, quand la réalité est là
pour vous convaincre ? »
(LI, 1) La Sainte Écriture a donc une valeur démonstrative
inéluctable. Elle ne persuade pas, elle convainc.
Par
conséquent, par les prophéties, nous saisissons le véritable
sens des faits prédits. Elles peuvent suffisamment être précises
pour enlever tout doute. L’entrée de Notre Seigneur Jésus-Christ
à Jérusalem sur un ânon en est un exemple. Il est le seul à
accomplir les prophéties de Jacob (Gen.,
XL, 11) et de Zacharie (Zach.,
IX, 9). La prophétie éclaire donc les faits et ces derniers leur
donnent sens. Mais
au-delà de leur réalité historique, les prophéties peuvent porter
aussi d’autres sens. Les deux précédentes prophéties ensemble
symbolisent les nations, le petit de l’ânesse sans bât, et les
Juifs, l’ânesse bâtée. Les prophéties sont donc riches en sens
qu’il est parfois difficile d’épuiser comme le montre Saint
Justin.
La
valeur des signes
Ainsi
les prophéties sont des signes qui nous
permettent de reconnaître la Parole de Dieu dans les événements. Les événements annoncés
ainsi réalisés nous renvoient à leur tour à la Sainte Écriture.
Ce sont des signes de la volonté divine. Mais certaines
d’entre elles sont données comme signes au sens propre. L’annonce
de la naissance virginale en est un exemple. Comme le précise
Saint Justin, un signe doit être reconnaissable, c’est-à-dire
suffisamment clair et précis pour l’identifier lorsqu’il arrive.
Une naissance charnelle ne peut donc être un signe. Par conséquent,
en étant implicitement un signe, cette prophétie acquiert une
valeur redoutable.
Saint
Justin utilise aussi les figures que contient la Sainte Écriture. Ce
sont des objets ou faits qui peuvent se rapporter à des faits ou des
personnes sans qu’ils relèvent d’une prophétie en tant que
telle. Ils ont valeur de preuves puisqu’ils permettent de
reconnaître dans des événements ce qui était présent dans les
textes et la Loi. Il cite ainsi les différentes figures de la Croix
contenues dans la Sainte Écriture : l’arbre de vie du
paradis, le bâton de Moïse qui fait jaillir l’eau du rocher,
l’échelle de Jacob, le bâton d’Aaron qui a donné des
bourgeons, etc. Les textes sacrés contiennent aussi des figures du
Christ : la pierre, le parfum, etc. Comme l’a rappelé Notre
Seigneur Jésus-Christ, Dieu a donné le signe de Jonas pour
reconnaître sa Résurrection.
Saint
Justin nous rappelle une vérité simple que nous avons tendance à
oublier. Notre Seigneur Jésus-Christ n’avait pas besoin de tout ce
qu’Il lui est advenu. « S'il
souffrit d'être engendré et crucifié, ce n'est pas davantage par
besoin de cela mais pour la race des hommes qui, depuis Adam,
était tombée au pouvoir de la mort et de l'erreur du serpent,
chacun faisant le mal par sa propre faute
» (LXXXVIII, 4) Le baptême de Saint Jean Baptiste lui est aussi
inutile. Les autres événements de la vie de Notre Seigneur
Jésus-Christ ne lui donnent aucune puissance, aucun bienfait. Selon
Saint Justin, ce sont des signes qui permettent de Le
reconnaître comme étant le Messie. La réalité devient un signe de
valeur probante.
Quelques
règles d’interprétation
Saint
Justin est conscient que la lecture de la Sainte Bible est difficile.
Les écrivains sacrés ont parfois écrit en paraboles ou en types,
ce qui rend difficile la compréhension de leurs écrits et nécessite
des efforts pour en comprendre le sens. Disséminé dans son ouvrage
au gré des démonstrations, Saint Justin nous donne quelques règles
de lecture qu’il met en pratique pour prouver ce qu’il avance.
Comme
nous l’avons évoqué, la Sainte Écriture contient des prophéties
et des figures. « Tantôt,
en effet, l'Esprit saint a fait qu'il se produise de façon visible
quelque chose qui était une figure typique de l'avenir, tantôt il a
proféré des paroles sur ce qui devait arriver, les proférant comme
s'il parlait d'événements alors en cours ou même déjà passés. »
(CXIV, 1) Prenons un exemple. « Comme
une brebis, il a été conduit à l'abattoir ; il est comme un agneau
devant celui qui l'a tondu. »(Is.,
LIII, 7) Le prophète parle comme si la Passion avait eu lieu. Et
comme nous l’avons déjà évoqué, la pierre symbolise le Christ.
Ces vérités voilées nécessitentdonc une interprétation.
Mais
comment interpréter ? Il n’est pas bon d’interpréter la
Sainte Écriture en prenant des versets isolés de leur texte. Il est
en effet important de restituer les lignes qui les précèdent et les
suivent afin de bien comprendre leur sens.
Il
faut aussi étendre cette compréhension à toute la Sainte Bible.
Pour comprendre en effet pleinement les prophéties, il faut entendre
les prophètes ultérieurs qui les précisent. « Nombre
de paroles prononcées tout d'abord d'une façon voilée, en
paraboles, en mystères, ou dans le symbolisme des œuvres, ont été
expliquées par les prophètes venus après ceux qui les avaient
dites ou accomplies. »
(LXVIII, 6) Car tout cela répond à une volonté qui s’exprime
tout le long des textes sacrés. Il y a une véritable cohérence, un
dessein derrière l’écriture. Ainsi faut-il prouver que
l’interprétation correspond à toute la Sainte Écriture.
Et
si la Sainte Écriture peut apparaître contradictoire, cela ne
provient pas des textes sacrés en eux-mêmes mais de notre mauvaise
compréhension. « Si
l'on m'objecte quelque Écriture qui paraît telle, et comporte
l'apparence d'une contradiction, persuadé absolument que nulle
Écriture n'en contredit une autre, j'aimerai mieux avouer n'en pas
comprendre moi-même le sens. »
(LXV, 2) Il faut donc remettre en cause ce que nous croyons lire pour
atteindre l’intention divine.
Les
erreurs des Juifs
Revenons sur l'attitude des Juifs. Ils refusent Notre Seigneur Jésus-Christ quand la Sainte Écriture contient tous les signes pour Le reconnaître. « Lui qui est cette Loi, vous l'avez méprisé, son Alliance nouvelle et sainte, vous l'avez dédaignée ; vous persistez aujourd'hui à ne pas l'accepter, et ne vous repentez point de vos mauvaises actions » (XII, 1).
Revenons sur l'attitude des Juifs. Ils refusent Notre Seigneur Jésus-Christ quand la Sainte Écriture contient tous les signes pour Le reconnaître. « Lui qui est cette Loi, vous l'avez méprisé, son Alliance nouvelle et sainte, vous l'avez dédaignée ; vous persistez aujourd'hui à ne pas l'accepter, et ne vous repentez point de vos mauvaises actions » (XII, 1).
Les
Juifs ne comprennent que charnellement les textes sacrés. Ils
obéissent extérieurement à la Loi alors qu’intérieurement ils
sont infidèles à la volonté de Dieu. Ils suivent en effet les
prescriptions de la Loi alors que leur âme est emplie de ruse et de
malice. C’est l’âme qui doit être circoncise et non la
chair. Il faut pratiquer le véritable jeûne, celui qui plaît à
Dieu afin de Lui être agréable. Leur erreur s’explique alors par une lecture trop étroite de la Sainte Écriture. C’est
pourquoi Saint Justin définit les règles à appliquer dans son
interprétation. La lecture juive est incohérente et contradictoire.
D’où
vient alors leur incompréhension ? Les interprétations juives de la
Sainte Écriture sont « courtes
et terre-à-terre »
(CXII, 4), ce qui ne leur permet pas de résoudre ses apparentes
contradictions. Les Juifs n'abordent pas la Sainte Écriture avec une opiniâtreté
et une disposition d’esprit adaptées. Ils ne peuvent donc en tirer
aucun profit. Le Christ leur demeure caché et ils lisent sans
comprendre. Les signes sont muets.
Parfois, ils se contentent de disputer sur des mots et des détails sans importance en oubliant d’aborder l’essentiel. Saint Justin nous donne un exemple. Pourquoi par exemple Moïse a-t-il changé le nom d’Ausès, fils de Navé, en Jésus ? Ausès est cet éclaireur qui est envoyé dans le pays de Canaan et qui, successeur de Moïse, introduit le peuple hébreu dans la terre sainte. Au lieu de chercher une réponse, les Juifs préfèrent se disputer sur le changement de nom d’Abram et de Sarah. Est-ce vraiment un hasard que le nouveau nom d’Ausès est celui du Christ ? Qui ne voit en effet dans ce changement de nom l’annonce de Notre Seigneur Jésus-Christ qui a gagné la terre promise et y introduit le peuple de Dieu.
Parfois, ils se contentent de disputer sur des mots et des détails sans importance en oubliant d’aborder l’essentiel. Saint Justin nous donne un exemple. Pourquoi par exemple Moïse a-t-il changé le nom d’Ausès, fils de Navé, en Jésus ? Ausès est cet éclaireur qui est envoyé dans le pays de Canaan et qui, successeur de Moïse, introduit le peuple hébreu dans la terre sainte. Au lieu de chercher une réponse, les Juifs préfèrent se disputer sur le changement de nom d’Abram et de Sarah. Est-ce vraiment un hasard que le nouveau nom d’Ausès est celui du Christ ? Qui ne voit en effet dans ce changement de nom l’annonce de Notre Seigneur Jésus-Christ qui a gagné la terre promise et y introduit le peuple de Dieu.
La
malice des Juifs
Mais
ce refus d’effort conduit les Juifs à des fautes encore plus
graves. Lorsque des écrits sacrés ou leur interprétation
s’opposent à l’enseignement des rabbins, ils les remettent en
question au lieu de remettre en cause leur propre lecture.
La méthode la plus simple est de refuser la version biblique qu’utilisent les Chrétiens comme la Septante alors qu’avant le christianisme, elle était reçue. Ces « traductions, je le sais, sont rejetées par tous ceux de votre race. Aussi ne les ferai-je pas intervenir dans les questions qui nous occupent ; et je m’en vais faire porter l'examen sur celles qui sont encore reconnues chez vous » Saint Justin contourne en effet cet obstacle en prenant le plus souvent la version juive de la Sainte Écriture [2]. Pire encore, les Juifs la falsifient. Saint Justin nous apprend en effet que des versets qui témoigneraient d’un Messie Dieu et homme, crucifié et mort ont été supprimés dans leur version biblique.
La méthode la plus simple est de refuser la version biblique qu’utilisent les Chrétiens comme la Septante alors qu’avant le christianisme, elle était reçue. Ces « traductions, je le sais, sont rejetées par tous ceux de votre race. Aussi ne les ferai-je pas intervenir dans les questions qui nous occupent ; et je m’en vais faire porter l'examen sur celles qui sont encore reconnues chez vous » Saint Justin contourne en effet cet obstacle en prenant le plus souvent la version juive de la Sainte Écriture [2]. Pire encore, les Juifs la falsifient. Saint Justin nous apprend en effet que des versets qui témoigneraient d’un Messie Dieu et homme, crucifié et mort ont été supprimés dans leur version biblique.
Ézéchias et les Assyriens |
Selon
Justin, les Juifs ne peuvent pas répondre à l’argumentation des
Chrétiens. « Vous-mêmes
ne savez plus quoi dire, quand vous êtes confrontés à un chrétien
tenace. »
(XLIII, 4) Pourtant, ils ont les moyens de comprendre la Parole de
Dieu.
Leur
mauvaise foi apparaît clairement dans le Dialogue.
Lorsqu’il est exposé à une contradiction, Tryphon rejette ce
qu’il a auparavant accepté. Saint Justin nous montre parfois que
les questions de son interlocuteur n’ont pas pour but d’éclairer
la voie mais de le mettre dans une situation difficile. Les
Juifs posent des questions aux Chrétiens non pour être éclairés
mais pour les réduire en silence. Saint Justin dénonce alors leur
malice et leur méchanceté, confirmant ainsi l’utilité de la Loi.
N’a-t-elle pas été donnée à cause de leur dureté de cœur ?
La
méchanceté des Juifs, signe du temps annoncé
L’attitude
des Juifs est alors contradictoire avec la volonté divine.
Rappelant les deux grands commandements de Dieu, Saint Justin
rappelle combien les Juifs ne les suivent guère. Ils se sont montrés
ingrats à l’égard de Dieu, ils ont tué ses prophètes et le
Christ Lui-même. Saint Justin intègre donc les événements à
toute l’histoire du peuple d’Israël. L'histoire se poursuit dans le
rejet du Messie. « Et
après que ces choses, avec tous les miracles et toutes les
merveilles analogues furent advenues pour vous et offertes à vos
yeux, chacune selon son temps, vous vous êtes encore vus accuser,
par les prophètes, d'avoir été jusqu'à immoler vos propres
enfants aux démons, et avec tout cela, d'avoir osé et d'oser encore
de semblables atteintes contre le Christ. »(CXXXIII,
1) Même après avoir tué le Christ, les Juifs haïssent et
persécutent les Chrétiens alors qu’ils prient pour eux.
L’histoire confirme le rôle de la Loi.
Mais
au lieu de faire pénitence comme les gens de Ninive, ils s’enferment
dans leurs obstinations, réalisant à leur dépend la Sainte
Écriture. Leur méchanceté persistante à l’égard des Chrétiens
est alors un signe de la messianité de Notre Seigneur Jésus-Christ
aussi clair que l’universalité de la foi. Comme
l’avait annoncé la Sainte Écriture, les Juifs ont tué le Christ
et persécuté les Chrétiens. Le peuple juif s’acharne contre ses
disciples, répandant sur toute la terre la calomnie. « C'est
contre la seule lumière sans tache et juste, envoyée d'après de
Dieu aux hommes, que vous avez mis soin à répandre sur toute la
terre ces accusations amères, ténébreuses et injustes. »
(XVII, 3)
La prédiction de la mort du Christ par les Juifs ne leur enlève pas leur responsabilité dans ce crime. Car comme chacun de nous, ils disposaient du libre-arbitre. Les prophéties devraient plutôt les convertir et les conduire à la pénitence.
La prédiction de la mort du Christ par les Juifs ne leur enlève pas leur responsabilité dans ce crime. Car comme chacun de nous, ils disposaient du libre-arbitre. Les prophéties devraient plutôt les convertir et les conduire à la pénitence.
Pénitence
« Tous
les hommes de quelque lieu qu'ils soient, fussent-ils esclaves ou
libres, s'ils ont foi dans le Christ, et s'ils ont reconnu la vérité
qui est en ses paroles et celles de ses prophètes, savent qu'avec
lui en cette terre là ils se réuniront, et qu'ils hériteront des
biens éternels et incorruptibles. »
(CXXXIX, 5) L’homme dispose du libre-arbitre pour gagner la Terre
sainte. Nous sommes tous responsables de nos actes et nous sommes
appelés à la pénitence. Dieu nous a créés autonomes envers la
pratique de la justice et doués de raisons. « Pourvu
qu'ils fassent pénitence, tous ceux qui le veulent peuvent obtenir
la miséricorde de Dieu, et le Verbe de Dieu prédit qu'ils seront
bienheureux »
(CXLI, 2). Il ne suffit pas de connaître Dieu
pour être sauvé.
Saint
Justin demande alors aux Juifs de faire pénitence, de circoncire
leur cœur. « Ne
dites donc, frères, rien de mal contre ce crucifié, ne raillez pas
ses blessures, par lesquelles tous peuvent être guéris, comme
nous-mêmes avons été guéris. Ce serait beau si, croyant aux
paroles (de l'Écriture), vous vous circoncisiez de votre dureté de
cœur, et non point de cette circoncision que vous avez du fait de
vos dispositions naturelles, puisque c'était en signe qu'elle était
donnée, et non en œuvre de justice, selon le sens qu'imposent les
paroles de l'Écriture. Reconnaissez-le donc, et n'insultez pas au
Fils de Dieu ; ne vous laissez pas entraîner par les didascales
pharisiens à persifler jamais le Roi d'Israël, comme l'enseignent
vos archisynagogues, à l'issue de la prière. »
(CXXXVII, 1) Toucher ses fils, c’est aussi toucher le Christ, c’est
donc attaquer le bien-aimé de Dieu. En refusant le Christ, c’est
refuser Celui que Dieu a envoyé.
Conclusion
Le
Discours
de Saint Justin est calme et posé, sans aucune acrimonie envers
Tryphon. Maîtrisant son sujet, il défile sa démonstration de
manière méthodique, cherchant toujours à se faire comprendre par
son interlocuteur. Il ne se tait pas devant les fautes et les crimes
qu’ont commis les Juifs et qu’ils continuent de commettre en
persécutant les Chrétiens. Il ne cache pas non plus leurs erreurs
et leurs contradictions. Il souligne la mauvaise foi de Tryphon
lorsqu’elle s’avère frappante.
Il
n’y a aucun antisémitisme dans ses paroles. Il condamne
l’aveuglement et l’obstination d’un peuple qui ne comprend plus
la Sainte Écriture dont il était pourtant porteur. Les signes que
Dieu lui a confiés pour reconnaître le Messie et son action ne
leur parlent plus. Il est devenu aveugle et sourd, enfermé dans ses
certitudes bien humaines, bien éloigné de la pensée de Dieu. La
faute leur revient pleinement. Pourtant rien n’est perdu. Il peut
encore renouer avec l’amitié de Dieu s’il fait pénitence et
embrasse le christianisme. Mais le temps presse…
Enfin,
il ne cherche pas à convertir Tryphon et ses compagnons. Ce n’est pas son but. Il veut simplement défendre la
voie qu’il a suivie et démontrer qu’elle est la seule qui
conduit au salut. Car Dieu seul saura les éclairer.
La
démonstration de Saint Justin se fonde sur un principe simple :
il existe une double relation entre la Sainte Écriture et les
événements dont nous sommes témoins. L’Ancien Testament anticipe
la réalité et lui donne sa valeur alors que les événements qui
ont lieu depuis la venue du Messie dévoilent le sens réel de la
Parole de Dieu. Notre Seigneur Jésus-Christ nous a donné la clé de
lecture non seulement de la Sainte Écriture mais aussi de
l’Histoire. L’Église est la seule dépositaire de cette clé.
Et si l’Église est
effectivement garante de la lecture de la Sainte Écriture, le peuple
juif n’a plus sa raison d’être. Si le christianisme reconnaît le
sens profond des réalités et y distingue la main de Dieu, que
devient le judaïsme, enfermé dans son aveuglement ? La raison
d’être du christianisme et du judaïsme est finalement au cœur du
Dialogue.
Qui est en effet dépositaire non seulement de la Sainte Écriture
mais également de son interprétation ? Les enjeux sont donc considérables.
Par son exégèse et son savoir, par sa compréhension des textes sacrés, dans son ensemble comme dans le détail Saint Justin démontre aussi que les Chrétiens maîtrisent la Sainte Écriture. De ce fait, son œuvre est très importante pour le christianisme en dépit d’un vocabulaire encore imprécis. C’est pourquoi elle sera une référence pour tous les apologistes et les défenseurs de la foi.
Par son exégèse et son savoir, par sa compréhension des textes sacrés, dans son ensemble comme dans le détail Saint Justin démontre aussi que les Chrétiens maîtrisent la Sainte Écriture. De ce fait, son œuvre est très importante pour le christianisme en dépit d’un vocabulaire encore imprécis. C’est pourquoi elle sera une référence pour tous les apologistes et les défenseurs de la foi.
Malheureusement,
de nos jours, temps de peu de foi, que les discours sont fades et
insipides ! Au lieu d’éclairer, on sème la confusion en
mêlant vérité et mensonge. En refusant de reconnaître l'erreur, on finit par ne plus vouloir proclamer la vérité. On finit par perdre le sens profond des
réalités. Pour de vains sentiments humains, le regard se détourne
du ciel pour s’enfermer dans un monde étroit et inintelligible. La
Sainte Écriture est heureusement un soutien inestimable et
inévitable pour retrouver la voie et demeurer dans la vérité.
Encore faut-il avoir la clé qui permet d’accéder au trésor !
Notes et références
1 Bobichon, Dialogue avec Tryphon de Justin Martyr, volume 1, Introduction Justin et son œuvre, Thèse de doctorat en langues anciennes soutenues à l’Université de Caen, 1999.
2 Sauf pour le verset biblique d'Isaïe (VII, 14) « Voici que la vierge concevra … »
Notes et références
1 Bobichon, Dialogue avec Tryphon de Justin Martyr, volume 1, Introduction Justin et son œuvre, Thèse de doctorat en langues anciennes soutenues à l’Université de Caen, 1999.
2 Sauf pour le verset biblique d'Isaïe (VII, 14) « Voici que la vierge concevra … »
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