" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


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samedi 12 janvier 2019

La primauté de l'évêque de Rome aux premiers siècles du christianisme, une reconnaissance incontestable, un état de fait indubitable


Au cours des trois premiers siècles, l’Église connaît de nombreux périls. Les persécutions juives, populaires ou étatiques sont les plus virulentes et les plus impitoyables. Les martyrs de cette époque, célèbres ou inconnus, sont nombreux et peuplent encore notre mémoire. Des fidèles finissent aussi par abandonner. Pourtant la vague de souffrances et de cruautés qui s’abat de manière irrégulière, parfois soudaine, surprenant même les chrétiens, ne suffit pas à ébranler l’édifice sacré. Elle résiste aux pires atrocités. Au contraire, l’Église triomphe et grandit. L’Empire romain finit par être vaincu…

Mais un autre danger menace l’Église, un danger plus sournois, plus insidieux. Il n’atteint plus le corps ou les sens. Elle touche l’esprit. Elle affecte notre vie intérieure, là où se joue notre destinée, là où résident nos forces et nos faiblesses. L’Église est menacée de division, voire d’explosion, par l’erreur et le mensonge. Si certaines erreurs proviennent de l’extérieur et se mêlent au christianisme, les plus persistantes viennent de l’intérieur. L’Église est menacée plus précisément par l’obstination dans l’erreur, en un mot par l’hérésie. Depuis les premières années, l’hérésie s’attache à elle comme un parasite, cherchant à y puiser sa force. Mais l’Église ne cesse aussi de triompher d’elle au prix parfois d’une intense et impitoyable lutte. Comment se préserve-t-elle de ce danger ?

Le dépôt de la foi menacé

Lorsque nous lisons les épîtres de Saint Paul, nous pouvons en effet être surpris de son insistance à vouloir préserver le dépôt de la foi. Il demande à Timothée de se nourrir des « paroles de la foi et de la bonne doctrine » qu’il « a reçue » (I Timothée, IV, 6). Plus loin dans son épître, il renouvelle son instruction. « Conserve le dépôt, évitant les nouveautés profanes de paroles » (I Timothée, VI, 20). Il doit enseigner ce qu’il a entendu de Saint Paul et demeurer ferme dans ce qu’il a appris. Transmettre et défendre… Dans son épître à Titre, Saint Paul revient sur la même exigence. Il lui demande d’être « fortement attaché aux vérités de la foi, qui sont conformes à la doctrine, afin de pouvoir exhorter selon la saine doctrine, et confondre ceux qui la contredisent » (Tite, I, 9) Aux Colossiens, il leur demande encore de s’affermir « dans la foi, telle quelle vous a été enseignée » (Colossiens, II, 7) Dans chacune de ses lettres, Saint Paul revient ainsi sur la soumission à l’enseignement reçu et sur la nécessité de le défendre.

Saint Paul nous présente les raisons. Elles sont multiples. Certains fidèles « s’attachent à l’esprit d’erreur et les doctrines des démons qui parlent le mensonge avec hypocrisie » (I Timothée, IV, 2). L’esprit du mal est l’esprit de la division. En outre, il y a « beaucoup de semeurs de vaines paroles et de séducteurs » (Tite, I, 10). La vanité et l’ambition aveuglent l’esprit et sèment la confusion. La tentation de vouloir tout raisonner est aussi une cause de déviation doctrinale. Or les « faux docteurs » sont nombreux. L’imagination des hommes est aussi propice aux affabulations qui tentent de pallier certaines ignorances comme les contes insensés des vieilles femmes » (I Timothée, IV, 6).  Saint Pierre nous parle aussi d’« ingénieuses fictions »( II Pierre, I, 16). L’homme n’aime guère son impuissance. Il préfère dissimuler son ignorance dans de funestes mondes imaginaires…

Saint Paul s’attaque surtout au judéo-christianisme[1]. Celui-ci veut soumettre le christianisme aux prescriptions de la loi juive comme si le salut en dépendait. Puis, au siècle suivant, l’Église est face à un nouveau danger, celui du gnosticisme[2]. C’est un mouvement religieux qui comprend diverses sectes, diverses doctrines qui ont pour commun de vouloir délivrer « une connaissance salvatrice, qui a pour objet les mystères du monde divin et des êtres célestes, et qui est destinée à révéler aux seuls initiés le secret de leur origine et les moyens de la rejoindre, et à leur procurer ainsi la certitude du salut »[3]. Le salut viendrait donc de la connaissance au point de vouloir transformer la religion chrétienne en une philosophie religieuse. « On donne le nom de gnosticisme à toute une collection de systèmes nés de bonne heure au IIème siècle, dont plusieurs ont survécu jusqu’au Vème siècle et au-delà, et qui représentent dans leur ensemble un effort ou de la pensée philosophique pour absorber le christianisme et le transformer en une simple philosophie religieuse, ou de la pensée religieuse, pour lui trouver un sens plus profond que ne comportait la simplicité de l’Évangile et la transformer en une mystagogie d’initiations et de rêves »[4]. Le danger de la rationalisation est en fait permanent. Il existe depuis le commencement. Saint Paul en est déjà conscient. « Prenez garde que personne ne vous séduise par la philosophie, par des raisonnements vains et trompeurs selon la tradition des hommes, selon les éléments du monde, et non selon le Christ. » (Colossiens, II, 8)

Le magistère d’enseignement


 
Mais comment pouvons-nous nous préserver de l’erreur ? Comment pouvons être sûr qu’une doctrine provient du dépôt de la foi ? Comment finalement l’Église garantit-elle l’unité de foi contre les séducteurs, les imposteurs et les faux docteurs ? Saint Paul donne la réponse à Tite et à Timothée. Il leur demande d’enseigner ce qu’ils ont reçu et de fermer la bouche aux menteurs et aux frondeurs. Ils doivent donc présenter la doctrine qu’ils ont reçue et la défendre de manière à faire taire les adversaires. Cela implique donc le pouvoir d’enseigner et de sanctionner.

Confrontés aussi aux faux discours, les Pères apostoliques, en particulier Saint Ignace, évêque d’Antioche, précisent ce qu’entend Saint Paul. Ils appellent à la soumission aux évêques, aux presbytres, aux diacres. C’est d’abord l’évêque qui détient le pouvoir d’enseigner et de sanctionner. Il est garant de la doctrine. Cela ne peut guère nous surprendre quand nous entendons les paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ. L’évêque est bien le successeur des apôtres et donc perpétue leurs œuvres avec les mêmes pouvoirs, le pouvoir de lier et de délier[5].

Mais est-ce suffisant ? Car comme nous l’enseigne notre passé, l’évêque peut aussi être porteur d’erreurs et corrompre le dépôt de la foi. Saint Irénée, évêque de Lyon, nous donne alors un précieux moyen, approfondissant finalement la pensée des apôtres…

La tradition apostolique, gage de vérité

Saint Irénée (140-202) [6] est un des premiers Pères de l’Église, non apostoliques. Il a connu Saint Polycarpe, lui-même disciple de Saint Jean. Il s’oppose surtout au gnosticisme. Dans son ouvrage de référence intitulé Contre les Hérésies, il lui oppose la tradition apostolique, c’est-à-dire la hiérarchie de l’Église ou plus exactement la succession des apôtres et des évêques. Les successeurs des apôtres sont non seulement les seuls qualifiés pour nous enseigner la vérité mais cette succession est également critère de vérité.

La continuité des évêques jusqu’à leur origine apostolique est en effet le critère de vérité ou d’authenticité par rapport à tous ceux qui prétendent enseigner la bonne doctrine. Elle forme ce qu’il entend par « tradition apostolique de l’Église ». « Ainsi donc, la Tradition des apôtres, qui a été manifestée dans le monde entier, c’est en toute l’Église qu’elle peut être perçue par tous ceux qui veulent voir la vérité. Et nous pourrions énumérer les évêques qui furent établis par les apôtres dans les Églises, et leurs successeurs jusqu’à nous. »[7] C’est en effet un critère visible et à la portée de tous. Le dépôt de la foi est alors contenu dans toute l’Église apostolique. C’est donc dans la succession épiscopale jusqu’aux Apôtres que réside la garantie de la pureté de la doctrine.

Saint Irénée ne peut pas évidemment énumérer l’ensemble des évêques. Il prend alors l’exemple de l’évêque de Rome, rappelant tous les successeurs de Saint Pierre jusqu’à Éleuthère. « Voilà par quelle suite et quelle succession la Tradition se trouvant dans l’Église à partir des apôtres et la prédication de la vérité sont parvenues jusqu’à nous. Et c’est là une preuve très complète qu’elle est une et identique à elle-même, cette foi vivifiante qui, dans l’Église, depuis les apôtres jusqu’à maintenant, s’est conservée et transmise dans la vérité. »[8] Il prend aussi un autre exemple, qu’il connaît bien, celui de Saint Polycarpe. « C’est par les apôtres qu’il fut établi, pour l’Asie, comme évêque dans l’Église de Smyrne »[9].

L’Église de Rome, là réside sans danger la pureté de la foi, selon Saint Irénée de Lyon

Pourquoi prend-t-il comme exemple l’Église de Rome ? Parce qu’elle est « l’Église la plus grande, la plus ancienne et la plus connue »[10], nous dit-il. Son exemple ne doit en effet soulever aucun doute pour ses contemporains. Il doit être incontestable, le plus évident. Quel rhéteur prendrait-il en effet dans son discours un exemple hasardeux pour appuyer son argumentation ? Saint Irénée nous montre, sans le vouloir, qu’à son époque, à la fin du IIe siècle, la prééminence de l’autorité de l’évêque de Rome est reconnue.

Cippe d’Abercius, Musée du Vatican
http://www.museivaticani.va
Revenons à sa pensée. Dans les questions de foi, nous devons s’accorder avec lui car il a sans aucun doute la véritable foi. Il détient la tradition apostolique, « la foi annoncée par elle aux hommes, et nous confondons ainsi tous ceux qui, de quelque manière que ce soit, soit par amour propre, soit par orgueil, soit par aveuglement et méchanceté forment des conventicules »[11]. Tel est l’argument très simple de Saint Irénée pour distinguer la vérité et l’erreur, l’orthodoxie et l’hérésie. C’est ainsi que l’Église a réussi à s’opposer au gnosticisme.

Avant que se lève le troisième siècle, l’Église de Rome est déjà reconnue comme l’autorité éminente en matière de foi. D’autres signes nous le témoignent aussi. Vers l’an 180, Hégésippe se rend à Rome pour y apprendre la vraie tradition de la foi. Dans son épitaphe, datée de la fin du IIe siècle, un évêque de Hiérapolis de Phrygie, Aberkios, raconte qu’il est allé à Rome à l’appel de Notre Seigneur Jésus-Christ pour « contempler une majesté souveraine et voir une princesse vêtue et chaussée d’or »[12], c’est-à-dire Rome, le siège de la vérité… Saint Irénée n’est donc pas une voix unique.

Autorité de la raison selon Cyrille d’Alexandrie

D’autres personnalités reconnaissent l’autorité de la tradition de l’Église, y compris les philosophes chrétiens. Saint Clément (376-412), évêque d’Alexandrie, en est un exemple. « Celui-là, dit-il, cesse d’être homme de Dieu et fidèle au Seigneur, qui a regimbé contre la tradition ecclésiastique et s’est laissé aller aux opinions des hérésies humaines. »[13] Pourtant, Saint Cyrille est un vrai philosophe, qui apprécie surtout Platon et Pythagore. Il aime la philosophie qu’il veut user comme un moyen d’aider la foi, de discipliner l’esprit, de le guider dans la recherche du vrai, dans ses vérités vers le bien, dans son apostolat pour disséminer le bien et le vrai. La foi reste donc toujours le fondement indiscutable. En dépit de son appétence philosophique, il affirme que Saint Pierre est « l’élu, le choisi, le premier des disciples »[14]. Néanmoins, un changement s’est sensiblement opéré. La hiérarchie ecclésiastique n’est plus critère de vérité. Elle est un principe, voire un principe qui peut être dépassé par la raison.

De la fin du IIe siècle au IIIe siècle, la primauté du pape ou la hiérarchie ecclésiastique n’est pas la priorité. Les débats se concentrent en effet sur des problèmes théologiques, essentiellement sur la nature de Dieu puis celle de Notre Seigneur Jésus-Christ. Les controverses trinitaires et christologiques sont plutôt spéculatives et scripturaires. Néanmoins, des hérétiques cherchent à montrer que leurs doctrines sont conformes à l’enseignement de l’Église romaine. C’est le cas de l’adoptianisme. Par-là, nous voyons donc indirectement l’importance reconnue à l’Église romaine et donc à son évêque, y compris par les hérétiques. Il s’agit alors de démontrer leur infidélité à cet enseignement.

La tradition apostolique, la norme de la vérité selon Tertullien (entre 150 et 160, v .220)…

Voyant l’erreur des philosophes, les considérant même comme les « patriarches des hérétiques »[15], Tertullien  ne demande pas à la philosophie ni à la raison ce qu’il doit croire. Il le demande aux églises apostoliques, qui sont les véritables dépositaires de la vérité religieuse. Seuls les apôtres ont reçu de Notre Seigneur Jésus-Christ la doctrine. Seuls ils sont détenteurs de l’enseignement. Ils les ont ensuite communiqués aux églises qu’ils ont fondées. Aux hérétiques, Tertullien demande donc de prouver qu’ils appartiennent à la tradition apostolique. « Montrez l’origine de vos Églises ; déroulez la série de vos évêques se succédant depuis l’origine, de telle manière que le premier évêque ait eu comme garant et prédécesseur l’un des apôtres ou l’un des hommes apostoliques restés jusqu’au bout en communion avec les apôtres. »[16] Le fidèle est donc dans la vérité s’il partage leur foi. De même, c’est elle qui détient la Sainte Écriture. L’usage de la Sainte Bible par les hérétiques est donc illégitime. Elle est la règle de la foi. La seule recherche qu’il admet est celle qui permet d’éluder des obscurités ou des incertitudes. Tertullien oppose donc l’autorité de la tradition apostolique à celle de la raison. La croyance des Églises apostoliques est finalement la norme de la vérité.

Or, l’Église apostolique à laquelle il est attaché, en tant qu’Africain, est l’Église romaine. C’est donc son enseignement qui doit fermer la bouche aux hérétiques. L’éloge que l’apologiste fait de l’évêque de Rome n’implique pas nécessairement une reconnaissance de la primauté pontificale.

Des oppositions à la primauté pontificale, signes révélateurs

Tertullien n’est pas resté dans l’Église. Rigoriste et excessif dans ses paroles, il s’y éloigne pour adhérer au montanisme puis il fonde une secte. La cause de séparation nous intéresse dans le cadre de notre étude. Tertullien considère que certains péchés ne sont pas irrémissibles : l’idolâtrie, l’apostasie, la fornication, l’adultère et le meurtre. Le pécheur doit faire pénitence mais le pardon est réservé à Dieu. Il n’a aucun espoir pour rentrer dans communion de l’Église. La position de Tertullien n’est pas innovante et ne peut guère surprendre le chrétien du IIIe siècle car la discipline est intransigeante à cette époque. Cependant, Calliste (218-223), évêque de Rome, y apporte un adoucissement dans un décret. Les fornicateurs et les adultères peuvent être absous de leurs péchés et réintégrés dans la communion après une pénitence temporaire. Ce décret nous le connaissons à partir d’une œuvre de Tertullien. « Le souverain Pontife, c’est-à-dire l’évêque des évêques », nous dit-il ironiquement, « parle en ces termes : Quant à moi, je remets le péché de l’adultère et de la fornication à ceux qui ont fait pénitence »[17].

Dans son ouvrage contre le décret, nous apprenons que le pape Saint Calliste s’appuie sur les pouvoirs qui ont été remis à Saint Pierre, considérant qu’ils ont aussi été remis à ses successeurs. Or Tertullien refuse son interprétation. Il l’accuse d’usurper le droit de l’Église. Il considère en effet qu’ils n’ont été donnés qu’à Saint Pierre. « Quelle est ton audace de pervertir et de ruiner la volonté manifeste du Seigneur, qui ne conférait ce privilège qu’à la personne de Pierre ? »[18] L’argument de ceux qui remettent en cause la primauté pontificale n’est donc guère une nouveauté.

Les paroles de Tertullien sont néanmoins forts utiles puisqu’elles nous révèlent que dès le IIIe siècle, les évêques de Rome sont conscients de leur primauté et l’exercent. Ils discernent aussi les sources de leur autorité. Rappelons que l’Église est encore dans un temps de persécution, qu’elle est bannie par le pouvoir politique.

Alors que Calliste présente son décret comme des mesures de condescendance, Tertullien y voit des preuves de laxisme et d’usurpation de pouvoir. Il conteste l’autorité du pape. Il ne s’agit plus d’une question dogmatique comme dans le cas du gnosticisme mais d’une question de discipline sacramentelle.

L’évêque de Rome, garant de l’unité de l’Église, selon Saint Cyprien de Carthage (210-258)

La remise des péchés va encore être l’objet d’une dispute au IIIe siècle, toujours en terre africaine. Saint Cyprien en est l’acteur principal. Contre les novatiens, qui refusent d’accorder la pénitence à ceux qui ont faibli au cours des persécutions et de leur octroyer le pardon, l’évêque de Carthage réaffirme le pouvoir de la hiérarchie ecclésiastique qui seule est dépositaire du pouvoir de pardonner les pécheurs et ne relève que d’elle-même dans l’application qu’elle juge bon d’en faire.

Le sujet de l’Église prédomine dans les écrits de Saint Cyprien. Il est sans-doute l’un des premiers à avoir défendu l’idée qu’hors de l’Église, il n’y a point de salut[19]. Elle-seule détient le pouvoir sanctificateur de Notre Seigneur Jésus-Christ en sorte qu’on ne puisse le trouver qu’en elle. Il défend aussi son unité, qui en est son caractère fondamental, unité de foi et unité de charité dans la soumission des fidèles à ses pasteurs. La tunique sans couture de Notre Seigneur Jésus-Christ en est la belle image. Or cette unité s’appuie sur Saint Pierre, nous dit-il. « Tous les apôtres sont pasteurs mais il n’y a qu’un seul troupeau, qui doit être conduit d’un concert unanime par tous les apôtres. Celui qui ne reste point dans l’unité de Pierre, croit-il donc qu’il reste dans la foi ? Celui qui abandonne la chaire de Pierre, sur qui est fondé l’Église, peut-il se vanter d’être dans l’Église ? »[20]

L’Église est établie sur les évêques. Ce sont eux qui la gouvernent et l’administrent. Ainsi, celui qui n’est pas avec l’évêque n’est plus dans l’Église. L’unité de l’Église s’appuie donc localement sur l’évêque. Et les évêques doivent être unis entre eux comme les apôtres formaient aussi un seul corps. En tant que successeurs des apôtres, ils sont les apôtres de maintenant.

Et, « Pierre est choisi pour être le premier parmi les autres. »[21] En effet, le siège de Rome n’est pas un siège ordinaire. L’Église se fonde sur Pierre seul, nous dit-il. Il marque l’unité de l’Église telle qu’elle a été voulue par Notre Seigneur Jésus-Christ. La communion avec l’Église de Rome constitue et manifeste l’unité de l’Église.

Mais évêque, indépendant dans son diocèse, selon Saint Cyprien de Carthage ?

Cependant, dans son ouvrage De l’Unité de l’Église, Saint Cyprien ne parle pas de la primauté de l’évêque de Rome. Il ne voit pas dans l’Église un évêque des évêques, qui ait le droit d’imposer ses volontés à d’autres évêques. Il défend l’indépendance de l’évêque dans son diocèse. Car dit-il, tous les apôtres ont reçu le même pouvoir. Cependant, constatons que dans les faits, Saint Cyprien met en place un véritable patriarcat en Afrique, autour du siège de Carthage.

Certes, l’ouvrage comporte un supplément qui semble montrer que le fondement de l’unité de l’Église réside dans Saint Pierre : « avec l'autorité de sa parole, pour montrer l'unité de l'Église, le Seigneur a donné à un seul d'être l'origine de cette unité. Bien sûr, les autres apôtres étaient ce que Pierre était, ils avaient les mêmes honneurs et les mêmes pouvoirs. Pourtant, dès le début, tout part de l'unité : cela montre que l'Église du Christ est une. »[22] Mais certains commentateurs récusent ce rajout qui ne serait qu’une interpolation, même si d’autres en reconnaissent le bien-fondé. De nos jours, on ne remet plus en question son authenticité.

Saint Cyprien contre la primauté pontificale ?

Dans une autre question, celle du baptême des hérétiques, Saint Cyprien s’oppose à Saint Etienne Ier, évêque de Rome (254-257). Comme d’autres évêques, et appuyé par un concile régional, il refuse la valeur du baptême de tous les hérétiques. Saint Etienne Ier est moins catégorique comme par ailleurs les évêques de Palestine et d’Alexandrie. Saint Cyprien accuse même le pape d’erreurs. Les Églises d’Afrique et de Cappadoce refusent d’accepter les décisions de Rome sans vouloir néanmoins rompre la communion avec elle. La mort de Saint Etienne Ier apaise le débat. La paix est renouée entre les protagonistes. Finalement, l’usage romain s’est progressivement imposé, y compris en Afrique dès le concile régional d’Arles de 314. Aujourd’hui, en lisant les œuvres de Saint Cyprien, nous y constatons une confusion entre la validité et l’efficacité du baptême, distinction que Rome a défendue.

La dispute qui oppose Saint Etienne Ier et Saint Cyprien est souvent relevée pour remettre en cause la primauté pontificale. Cette interprétation est, semble-t-il, exagérée. Ce n’est pas parce que Saint Cyprien défend sa position et refuse d’entendre Saint Etienne Ier que ce dernier ne doit pas exercer sa primauté. Au contraire, ce fait révèle bien que l’évêque de Rome veut exercer son pouvoir dans l’Église, y compris dans le domaine de la discipline. Pour se justifier, il utilise les arguments devenus classiques. La dispute révèle donc une opposition entre l’exercice d’un pouvoir et sa reconnaissance.

La lumière viendrait-elle de Rome ?

En Orient, une autre polémique toujours instructive trouble l’Église dans les années 259-261. L’évêque d’Alexandrie, Denys, fait l’objet d’une accusation d’hérésie. Des évêques avisent l’évêque de Rome, un autre Denys. Dans une première lettre, celui-ci demande à l’évêque de se justifier. Dans une seconde, il définit ce qu’il pense être la vraie doctrine sur le sujet contesté. Denys d’Alexandrie lui répond. Avant lui, Origène a dû aussi s’expliquer à Saint Fabien, évêque de Rome (244-249), sur sa doctrine. Ainsi quand une opposition doctrinale se lève en Orient, les regards se tournent vers Rome. Conscient de ses responsabilités, le pape demande des explications et apporte sa lumière. Ces différentes démarches montrent encore le rôle doctrinal que l’évêque de Rome joue dans l’Église.

Enfin, quand certains sont condamnés par leurs évêques, ils en appellent à Rome. Les exemples sont nombreux. Nous pouvons citer Marcion, prêtre de Synope, excommunié par son évêque puis Montants, Florianus, Blascus et autres cataphrygiens, condamnés par Apollonius, évêque d'Éphèse, et par plusieurs conciles.

La reconnaissance venant aussi d’ailleurs

Saint Fabien
Pape en 236, martyr en 250



Rappelons de nouveau, s’il le faut, que tout cela se déroule en pleine persécution. Des évêques souffrent le martyr avec les fidèles. C’est un temps de souffrances. Et en dépit de cela, les regards se tournent vers Rome, et Rome répond aux différents appels alors que le pape est une des cibles privilégiées des persécuteurs !

Les premiers à tomber sont généralement les hommes que le pouvoir considère comme les chefs et les hauts dignitaires de l’Église. Le premier qui tombe lors de la persécution de l’empereur Dèce est le pape Saint Fabien en 250. Si les premières grandes persécutions touchent surtout les convertis puis les fidèles, celle de Valérien en 258 s’attaque à la hiérarchie. Ainsi le pape Sixte II tombe le premier. L’attitude des empereurs est révélatrice. Quand l’empereur Aurélien veut trancher un différend dans l’Église d’Antioche, dont le siège est disputé par deux prétendants, il décide que le seul bon est celui qui est rattaché à la communion de Rome. Plus tard, lorsque l’Église connaîtra la paix et la liberté à partir du début du IVe siècle, c’est vers le pape que les empereurs se tourneront. Maxence et Constantin se tournent en effet vers le pape Miltiade pour régler leurs différends.

Conclusions

Au fur et à mesure qu’elle grandit, l’Église est menacée des divisions pour des questions doctrinales ou disciplinaires, en Occident comme en Orient. Au cours de ces disputes, l’évêque de Rome exerce une autorité particulière, qu’elle soit reconnue, écoutée ou refusée. Il se justifie par le pouvoir que Notre Seigneur Jésus-Christ a accordé à Saint Pierre et par le fait qu’il lui succède sur le siège de Rome. C’est en effet à titre de successeur du chef des Apôtres qu’il veut exercer son autorité.

Cette autorité est exercée par le pape lui-même. Elle est réclamée par les évêques ou les fidèles afin de garantir l’unité de l’Église au niveau de la doctrine et de la discipline. L’évêque de Rome apparaît comme une instance d’appel qui juge et sanctionne. C’est vers lui que les évêques et les fidèles se tournent pour entendre la véritable doctrine. Lorsqu’une église connaît un différend, on a recours à lui. À leur appel, ils n’hésitent pas à intervenir. Tout cela paraît naturel. La remarque ironique de Tertullien, appelant l’évêque de Rome, « le souverain pontife, l’évêque des évêques », illustre la place que veut tenir le pape. Quand Saint Denys de Rome demande des explications à Saint Denys d’Alexandrie, haut lieu du christianisme en Orient, l’évêque égyptien ne s’offense pas de sa demande. On lui demande de juger et de faire justice. Ainsi avant la fin du IIIe siècle, les papes ainsi que les évêques et les fidèles ont conscience de la primauté pontificale en dépit des hostilités et des contestations. Remarquons que seuls les évêques de Rome revendiquent cette autorité.

Si au IIe siècle, cette primauté ne semble guère être contestée, elle fait néanmoins l’objet d’une certaine contestation au siècle suivant. Plus on s’éloigne des temps apostoliques, plus son autorité doit être défendue. À Rome, Saint Hyppolite puis Novatien contestent Saint Calliste et Saint Corneille en raison de leur prétendue manque de fermeté. Mais leur schisme ne dure guère. Les ambitions et les rivalités de personnes expliquent en partie ces contestations. Sur des sujets particuliers, des évêques prestigieux s’opposent aussi aux décisions d’un pape. Pourtant, ce sont bien les décisions du pape qui finissent par emporter. Les propos de Tertullien puis de Saint Cyprien, sans-doute influencé par ce dernier, apparaissent plutôt comme une nouveauté, une étrangeté, ce qui paraît encore plus surprenant quand nous songeons au rôle qu’a joué le « pape de l’Afrique ». Et dans ces oppositions, les papes défendent leur autorité.

Enfin, cherchant à détruire l’Église puis à collaborer avec elle, les Empereurs ne peuvent ignorer la place qu’occupe l’évêque de Rome dans l’Église. Ils constatent un état de fait : l’autorité du pape avant que Constantin ne le comble de bienfaits et finisse même par l’éclipser. Ainsi, contrairement à ce que prétendaient les bons penseurs du XVIIIe siècle, ce n’est pas l’Empire qui a fait le pape. Sa primauté a existé bien avant que l’Empire n’embrasse la foi. Elle a même existé malgré lui.


Notes et références
[1] Voir Émeraude, août 2015, article "Le discours des apologistes face au judaïsme et à son influence".
[2] La gnose vient d'un terme grec qui peut signifier connaissance salvatrice. Voir Émeraude, juin 2013, article "Le gnosticisme au IIe siècle : une hérésie de la connaissance".
[3] Dictionnaire de l’Histoire du christianisme, article « gnosticisme » de Pierre Hadot, Encyclopedia Universalis, Albin Michel, 2000.
[4] Tixeront, Histoire des Dogmes, Tome I, La Théologie anténicéenne, 1909.
[5] Voir Émeraude, décembre 2018, article "Saint Pierre sur lequel est bâtie l'Église".
[6] Voir Émeraude, octobre 2016, article "L'Église selon Saint Irénée de Lyon".
[7] Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, III, 3, 1.
[8] Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, III, 3, 3.
[9] Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, III, 3, 4.
[10] Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, III, 3, 2.
[11] Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, III, 3, 2.
[12] Daniel-Rops, L’Église des apôtres et des martyrs, V
[13] Saint Clément d’Alexandrie, Les Stromates, VII, 16.
[14] Saint Clément d’Alexandrie, Quis dives salvetur, 21.
[15] Tertullien, De anima, 3.
[16] Tertullien, La prescription contre les hérétiques, XXXII, 2, trad. Pierre de Labriolle, 1907, wwww.patristique.org.
[17] Tertullien, De la pudicité, I, trad. E.-A. de Genoude, www.tertullien.org.
[18] Tertullien, De la pudicité, XXI, trad. E.-A. de Genoude, www.tertullien.org.
[19] Voir Émeraude, juin 2016, article "La Tunique sans couture"
[20] Saint Cyprien, De l’Unité de l’Église, dans Le Dogme catholique dans les Pères de l’Église, 1ère partie, III, §2, Émile Amann, Beauchesne, 1922.
[21] Saint Cyprien, Cyprien de Carthage : De l'unité de l'Église catholique, extrait de L’Unité de l’Église, 5, collection Unam Sanctam n° 9, Cerf, 1942, Traduction par Pierre de Labriolle, 1972.
[22] Saint Cyprien, Cyprien de Carthage : De l'unité de l'Église catholique, extrait de L’Unité de l’Église, V.

samedi 5 janvier 2019

La primauté de l'Évêque de Rome, successeur de Saint Pierre, avant la moitié du IIe siècle


Les paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ peuvent nous paraître étranges par leurs ambiguïtés. Certains commentateurs ou libres penseurs usent de ces prétendues contradictions pour défendre et diffuser des erreurs ou pour réfuter l’enseignement de l’Église. Certes, nous dit-on, Il a institué Saint Pierre comme chef de l’Église, comme pierre de fondement de l’édifice qu’Il a fondé. Mais ces paroles ne concernaient que « Simon appelé Pierre » au début de l’aventure. Cela est même normal puisqu’aucun architecte sérieux ne peut construire une maison sur du sable. Or une parole adressée à Saint Pierre ne peut guère concerner les hommes qui l’ont succédé. Ils prétendent alors qu’il n’est pas possible de faire reposer les pouvoirs du pape sur la Sainte Écriture. En fait, nous affirment-ils, les événements historiques ne seraient que la véritable origine du pouvoir pontifical. Face aux empereurs et princes qui voulaient s’imposer, les papes auraient affermi leur position. Ainsi, s’ils adhèrent désormais à la primauté de Saint Pierre, chose que leurs aînés ont souvent reniée, ils remettent plutôt en question la primauté pontificale.

Un tel discours peut nous surprendre. Il est en effet bien difficile de l’entendre quand nous méditons sur les paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il est encore plus surprenant quand nous connaissons les premiers textes chrétiens, les lettres de ceux qui ont connu les apôtres, les écrits des premières communautés. Ils indiquent tout le contraire. Que faut-il alors entendre ? Ou plutôt qui faut-il entendre ?...

La primauté de Saint Pierre, un sujet qui n’est plus d’actualité

Icône du VIe siècle
Monastère de Sainte-Catherine du Sinaï
Dans le passé, la primauté de Saint Pierre a en effet fait l’objet de sérieuses contestations et de nombreuses objections. On a remis en cause les paragraphes des textes évangéliques qui la justifient. Après le travail de nombreux experts, défenseurs de la foi, leur authenticité est dorénavant admise sans aucune difficulté. On s’est aussi attaqué aux interprétations des paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais grâces aux méthodes critiques, leur véracité a été démontrée. Enfin, on a refusé l’idée que Saint Pierre puisse être évêque de Rome, usant parfois de la prééminence de Saint Paul dans les écrits sacrés.

Ne soyons pas dupes. En remettant en cause la primauté de Saint Pierre, on n’essayait pas d’attaquer réellement l’enseignement de l’Église sur ses origines mais on tentait plutôt de remettre en question la primauté pontificale. Telle était la véritable cible de leurs attaques. Si on montre en effet que la primauté de Saint Pierre est erronée, ou simplement d’origine humaine, la primauté des papes perd inévitablement toute légitimité. Elle devient un fruit de l’histoire ou des hommes. Leur attaque est instructive. Par leur insistance, elle souligne, sans doute à leur dépend, le lien fondamental qui unit la primauté de Saint Pierre à celle des papes. L’autorité du second perd toute valeur si la première n’est pas justifiée. Certes, l’attaque a avorté. On ne peut guère rejeter l’évidence : Saint Pierre a bien été institué chef des Apôtres par Notre Seigneur Jésus-Christ, pasteur de tous les fidèles.

Aujourd’hui, l’attaque est plus directe. Elle porte dorénavant sur le lien qui relie Saint Pierre au pape. Une objection, qui pourrait nous paraître naïve, est souvent relevée, surtout depuis la révolte de Luther. Elle a encore plus de force de nos jours dans l’ignorance ambiante où nous sommes, ignorance qui est finalement la force même de ces attaques. Selon cette objection, Notre Seigneur Jésus-Christ ne parle jamais du pape. Aucun écrit de la Révélation ne l’évoque. N’ayant aucune justification dans la parole divine, la primauté pontificale ne serait alors que le fruit de l’histoire. Elle est uniquement d’origine humaine.

La nécessité de l'évolution, porteuse de progrès ?

Le raisonnement ne s’arrête pas là. Ne méprisons pas en effet l’intelligence de nos adversaires. Si la primauté est née de l’histoire et s’est développée selon les circonstances, le gouvernement de l’Église peut alors continuer à évoluer pour qu’il s’adapte de nouveau aux situations et aux événements dans le but d’être toujours efficace. Rien n’est figé. Le dynamisme est même preuve de vitalité. L’important est en effet de marcher, toujours marcher et encore marcher. Seul compte le progrès, nous dit-on encore aujourd’hui. Parfois, en écoutant certains discours, nous avons l’impression de revenir dans un passé peu lointain et peu glorieux. On néglige les belles et dramatiques leçons de l’histoire. Évidemment, nos adversaires veulent que l’Église marche dans la direction qu’ils ont eux-mêmes désignée et sur la voie qu'ils ont tracée. Il n’y a progrès à leurs yeux que s’il répond à leurs attentes. Sinon ils en appellent à l’aveuglement, au passéisme, à l’obscurantisme, voire au fanatisme. On ridiculise. On méprise. On diabolise. Certes, ils en appellent à la tolérance mais ils en usent pour faire taire leurs adversaires. Certes, ils semblent respecter les idées de chacun mais ils refusent qu’elles se répandent ou qu’elles portent le moindre signe de véracité. Tout est relatif et subjectif, nous dit-on, sauf leurs propres philosophies, leurs propres opinions. L’ignorance et le silence réconfortent alors leur hégémonie.

La promesse toujours vivante

XVIe siècle
Marco Zoppo
Revenons pourtant aux paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il ne donne pas seulement une fonction particulière à Saint Pierre avec des pouvoirs, Il lui fait aussi une promesse. « Aussi moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. » (Matth., XVI, 18) Entendons bien ces paroles. « Les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. » Elles vont au-delà de Saint Pierre et de ceux qui l’écoutent. Elles nous atteignent encore aujourd’hui.

L’Église est et demeurera à l’abri des forces du mal. Telle est la promesse de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et cette promesse s’appuie sur un roc, sur Pierre. L’indéfectibilité de l’Église est indubitablement liée à Saint Pierre. Que devient alors cette promesse si Saint Pierre n’est plus. Un homme peut-il à lui-seule assurer ce rôle fondamental ? Il est voué à la mort, à la perdition, à l’impuissance. De même, quand Notre Seigneur Jésus-Christ envoie ses apôtres pour convertir les hommes, croie-t-Il vraiment que les douze qu’Il a choisis suffisent à changer le monde durant les quelques années qu’il leur reste ? Enfin, Notre Seigneur Jésus-Christ ne leur cache pas les souffrances qu’ils devront endurer. Saint Pierre n’ignore pas son martyr. Toutes ces promesses seraient donc absurdes si elles n’étaient limitées qu’au temps des premiers apôtres et qu’aux hommes auxquels elles s’adressent directement. La Sainte Écriture n’est pas une pièce de musée constituée de lettres mortes.

Faut-il aussi s’arrêter aux Évangiles ? Les Actes des Apôtres et les Épîtres sont aussi à prendre en compte. Ils nous décrivent les premiers pas de l’Église. Ils approfondissent et éclairent l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ils appartiennent pleinement à la Sainte Écriture, à la Révélation. Ces textes sont sources de notre foi. Certains cherchent à les relativiser, n’y voyant qu’une perception des apôtres, qu’une interprétation toute relative des Paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ. C’est alors oublier la promesse divine. C’est rejeter ce qu’auparavant on avait admis.

Et que font les apôtres ? Que fait cette Église indéfectible ? Les apôtres fondent des communautés de fidèles qui appartiennent à la même Église, l’Église qui est à Corinthe, à Éphèse, à Thessalonique, etc. Et que font-ils ? Ils choisissent des hommes qui porteront le titre d'évêques.

Le terme d'« évêques » 

Le terme « évêque » provenir très probablement du terme grec « episkopos » qui signifie « surveillant, gardien, protecteur ». Il est aussi proche, dans la langue grecque, de deux verbes, « episkeptomai » (« visiter, examiner ») et « episkopeo » (« regarder, inspecter »). Dans la version des Septante, nous trouvons aussi le terme de « episkope » pour désigner la « visite de Dieu ». Cette visite peut être un événement heureux. Dieu se souvient de son peuple et Il vient à son secours, le libère. Il peut être aussi un terrible jugement et donc un événement redoutable. La « visite de Dieu » indique donc que Dieu se met en présence de l’homme. Le terme se retrouve dans le Nouveau Testament dans un même sens. Mais il s'enrichit aussi d'un sens nouveau.

Dans les Actes des Apôtres, le terme d’« évêque » est plutôt pris dans un sens général. Il est utilisé pour désigner plutôt une tâche réservée aux chefs des communautés. Il est alors synonyme au terme de « presbytre » (« presbuteros »), qui donnera plus tard celui de « prêtre ». Parlant aux anciens d’Éphèse, Saint Paul les avertit des dangers qui menacent la foi. « Prenez donc garde à vous-mêmes et à tout le troupeau sur lequel le Saint Esprit vous a établis évêques, pour paître l’Église du Seigneur, qu’Il s’est acquise par son propre sang. » (Actes des Apôtres, XX, 28) Il est employé pour désigner l’acte même de « veiller, surveiller », c’est-à-dire de régir, ou celui qui est désigné pour remplir cette mission. Il est rattaché aux mots de « troupeau », « paître ». La mission ressemble à celle du berger qui veille sur son troupeau. C’est pourquoi Saint Pierre utilise aussi le terme d’« évêque » pour désigner Notre Seigneur Jésus-Christ car Il est bien « le pasteur et l’évêque de nos âmes » (I Pierre, II, 25).

Dans ses épîtres, Saint Paul s’adresse aux « évêques » comme les chefs des communautés ou comme des prêtres. Il en définit les qualités à plusieurs reprises. « Il faut donc que l’évêque soit irréprochable » (I Timothée, III, 2), nous dit-il. Il doit prendre soin de l’Église. « Si quelqu’un ne sait pas gouverner sa propre maison, comment prendra-t-il soin de l’Église de Dieu ? » (I Timothée, III, 5)  Le terme d’« évêque » semble être flou.

L'établissement des « évêques » successeurs des apôtres

Saint Paul établit aussi Tite pour qu’il achève ce qu’il a organisé dans la ville de Crète. Il doit aussi établir des anciens dans chaque ville. « Il faut que l’évêque soit irréprochable, comme étant un économe de Dieu » (Tite, I, 7) L’épître qu’il lui adresse lui donne des instructions sur le gouvernement des fidèles. Tite apparaît donc comme un personnage important, supérieur aux « anciens » et aux « prêtres ». Le titre et la fonction d’« ancien » est repris du judaïsme. Dans leur organisation, les Juifs nomment des « anciens » ceux qui se trouvent dans le Sanhédrin et à la tête des synagogues.

Saint Paul institue aussi Timothée, son « enfant légitime dans la foi » (I Timothée, I, 2), comme évêque. Il lui demande de veiller sur la doctrine et son enseignement. Le terme pour le désigner prend alors tout son sens. Comme pour Tite, Timothée apparaît comme un homme important, reconnu par l’ensemble de la communauté, y compris par les anciens. Saint Paul le distingue aussi des « presbytes » c’est-à-dire de prêtres. Il lui demande en effet de veiller sur eux afin qu’ils « gouvernent bien, soient jugés dignes d’un double honneur, surtout qui travaillent à la prédication et à l’enseignement. » (I Timothée, V, 17) Il leur impose les mains. Il doit les reprendre lorsqu’ils manquent à leurs devoirs. « O Timothée, garde le dépôt, évitant les discours vains et profanes, et les controverses d’une science qui ne méritent pas ce nom » (I Timothée, VI, 20) Ainsi, dans ces premières communautés, le groupe des prêtres est sous l’autorité de l’« évêque ».

Finalement, dans le Nouveau Testament, si le terme d’« évêque » est parfois utilisé pour désigner ceux qui veillent et surveillent, comme tout chef de communauté, par exemple les prêtres, il apparaît clairement que certains d’entre eux se présentent comme de véritables évêques, véritable chef d’une église, qui doit veiller sur les prêtres et les diacres comme sur les fidèles. Saint Paul en a lui-même institué pour l’organiser. Tite et Timothée en sont des exemples. Ils sont porteurs du dépôt de la foi, de l’orthodoxie de la doctrine. Dans les épîtres de Saint Paul, nous sentons dans l’établissement des évêques une volonté de continuité. Tite et Timothée sont bien les représentants des apôtres, responsables de l'Eglise localisée dans un lieu. Eux-mêmes doivent établir leur successeur.

L’institution des évêques selon le témoignage des pères apostoliques, Saint Clément puis Saint Ignace

Avant de poursuivre, rappelons que Saint Clément est évêque de Rome (93-97) à la fin du Ier siècle, et que Saint Ignace est évêque d’Antioche (107-117). Ils ont connu des Apôtres. C’est pourquoi ils portent le titre de « père apostolique ». Leur témoignage est donc précieux pour connaître l’organisation de l’Église au premier siècle et la doctrine entre la fin du premier siècle et le début du second, c’est-à-dire au lendemain du temps des apôtres…

Saint Clément de Rome est le plus proche. Il nous apporte un témoignage encore plus précieux. Il dit en effet aux Corinthiens que les apôtres ont établi des évêques, les reliant aux promesses de la Révélation. Le terme qu’il emploie est le même que celui de Saint Paul. « À travers les campagnes et les villes, ils proclamaient la parole, et c’est ainsi qu’ils prirent leurs prémices ; et après avoir éprouvé quel était leur esprit, ils les établirent évêques et diacres des futurs croyants. Et ce n’était pas là chose nouvelle : depuis de longs siècles déjà l’Écriture parlait des évêques et des diacres ; elle dit en effet : J’établirai leurs évêques dans la justice, et les diacres dans la foi (Isaïe, LX, 17). »[1] La Septante utilise le terme d’épiscope et parle de « gouverneur ». Saint Clément force probablement le texte du prophète. Il rappelle aussi que Moïse a choisi une tribu, celle des Levi, pour exercer le sacerdoce et le service du culte. Il a fait ainsi pour éviter les désordres car « la jalousie surgit à propos du sacerdoce »[2].

Saint Clément évoque aussi cette raison pour expliquer l’établissement des évêques. « Nos Apôtres aussi ont su qu’il y aurait des contestations au sujet de la dignité de l’épiscopat. C’est pourquoi, sachant très bien ce qui allait advenir, ils instituèrent les ministres que nous avons dit et posèrent ensuite la règle qu’à leur mort d’autres hommes éprouvés succéderaient à leurs fonctions. »[3]

Saint Clément précise surtout que « d’autres personnages éminents »[4] ont aussi établi des évêques sans nommer leur titre. Ces « personnages éminents » désignent probablement ceux qui ont été établis par les apôtres, comme Timothée et Tite. Plus loin, il évoque les « presbytres » [5] mais selon certains commentateurs, ils s’agiraient des ministres qui ont reçu la dignité de l’épiscopat. Il semblerait alors que la terminologie n’est pas encore bien définie. Il est toujours difficile de distinguer l’évêque (« episkopos ») du presbytre (« presbuteros ») même si leur rôle apparaît clairement.

Saint Ignace, évêque d’Antioche, est nettement plus clair dans ses lettres. Il décrit une organisation plus avancée dans l’Église. Les termes « episkopos » et « presbuteros » désignent bien deux autorités distinctes, le premier, chef de l’Église locale, le second, prêtres. Il parle notamment d’Onésime qui a été envoyé par les chrétiens d’Éphèse. Il est leur « évêque selon la chair »[6], sans doute par opposition à l’évêque selon l’Esprit qui est Notre Seigneur Jésus-Christ. Il nous renvoie à Saint Pierre qui désigne aussi Notre Seigneur Jésus-Christ comme « pasteur et évêque » de nos âmes. Puis plus loin, il parle du « presbyterium », c’est-à-dire le collège des prêtres, qui est « accordé à l’évêque comme les cordes à la cithare »[7]. Il y a bien une distinction entre les deux charges, les prêtres relevant de l’autorité de l’évêque.

Saint Ignace nous rappelle aussi les paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ. Comme Il est uni au Père, « les évêques, établis jusqu’aux extrémités de la terre »[8], sont unis à Lui, nous dit-il. Notre Seigneur Jésus-Christ parlait aussi de l’unité des apôtres en Lui. L’évêque est aussi celui qui est envoyé par le maître de maison pour administrer sa maison. « Donc il est clair que nous devons regarder l’évêque comme le Seigneur Lui-même. »[9] Il perpétue son œuvre comme les apôtres ont été envoyés pour la poursuivre. Ainsi devons-nous obéir à l’évêque puisqu’il représente Notre Seigneur Jésus-Christ. « Il convient d’obéir sans aucune hypocrisie ; ce n’est pas cet évêque visible qu’on abuse, mais c’est l’évêque invisible qu’on cherche à tromper. » [10] Saint Ignace nous parle ainsi de chrétiens qui ne sont pas unis à leur évêque. Il prône donc l’unité des fidèles en l’évêque. « Tous ceux qui sont à Dieu et à Jésus-Christ, ceux-là sont avec l’évêque »[11]. Il faut donc s’attacher à l’évêque si nous voulons demeurer en Jésus-Christ. Et finalement, « que là où paraît l’évêque, que là soit la communauté, de même que là où est Jésus-Christ, là est l’Église catholique. »[12]

Saint Ignace réclame donc clairement l’unité pour chaque communauté. Elle doit se serrer autour de son évêque, du presbyterium et des diacres. L’évêque est au centre de cette unité. « Il est le premier auteur en qui l’on trouve nettement marqué l’épiscopat unitaire, c’est-à-dire la suprématie de l’évêque sur le corps des prêtres et sur les diacres. »[13] Il en est le centre doctrinal et disciplinaire comme il en est aussi le centre liturgique.

L’évêque de Rome

Début de la Première épître de Clément 

Édition gréco-latine d'Oxford (1633)
Comme nous venons longuement de l’évoquer,l’évêque est d’origine apostolique. Il perpétue l’œuvre de l’apôtre mais de manière locale, auprès d’une communauté bien définie pour lequel il a été établi. Pouvons-nous aussi le dire de l’évêque de Rome, successeur de Saint Pierre ? N’est-il que l’évêque de Rome comme Saint Ignace est celui d’Antioche ou Saint Irène, celui de Lyon ?

Remarquons que dans sa lettre, Saint Clément parle aux Corinthiens avec autorité et charité. Il leur écrit pour mettre fin à une discorde qui les divise. Certains fidèles se sont en effet unis pour destituer les « presbytères ». L’évêque de Rome y intervient pour ramener la paix et la soumission aux pasteurs légitimes. Son intervention paraît en outre naturelle. « Il parle avec une autorité frappante, nettement, en homme qui veut être obéi. »[14] A-t-il été consulté ou agit-il de sa propre initiative ? Nous l’ignorons. Qu’importe. La lettre est un premier témoignage indubitable du primat de l’évêque de Rome.

Dans la lettre aux Romains, Saint Ignace décrit l'Eglise de Rome comme « l’Église qui préside dans la région des Romains, digne de Dieu, digne d’honneur, digne d’être appelée bienheureuse, digne de louange, digne de succès, digne de pureté, qui préside à la charité, qui porte la loi du Christ, qui porte le nom du Père »[15] Notons bien les termes. Remarquons en effet que l'Église de Rome ne préside pas sur la région des Romains mais bien dans la région romaine. Les mots employés n’indiquent pas les limites de la présidence de l’Église romaine mais le lieu où elle est établie. Elle préside dans la ville de Rome. 

Ensuite, examinons le terme de « charité » qu'il utilise. Dans quel sens Saint Ignace l'emploie-t-il ? Plus loin, dans la même lettre, il parle de « la charité des Église »[16] qui l’ont reçu. Dans sa lettre aux Philadelphiens, il désigne l’Église par l’expression « la charité des frères »[17]. Dans une autre, une expression similaire, « charité des Syriens et des Éphésiens » [18], est utilisée pour désigner la communauté des chrétiens. Ainsi il est bien probable que Saint Ignace emploie le terme de « charité » dans ce cas concret lorsqu’il définit l’Église romaine comme présidant à la charité. Est-ce une allusion à la prééminence à l’Église de Rome ? Tous ces qualificatifs semblent aussi le faire croire. Plus loin, il rappelle qu’elle a enseigné les autres Églises[19].

Conclusions

Saint Pierre sur le trône et 

six scènes de la vie de Jésus et de Saint Pierre
Église San Pietro in Banchi à Sienne, 1280
Maestro di San Pietro
Certes le terme d’« évêque » n’est pas encore bien défini dans les épîtres de Saint Paul et dans l’épître de Saint Clément mais ces mêmes textes montrent clairement que les apôtres ont investi des hommes éminents pour les représenter et pour diriger les communautés qu’ils ont fondées. Eux-mêmes ont à leur tour imposé de leurs mains leur successeur. Au temps de Saint Ignace d’Antioche, le rôle de l’évêque est assez net en Orient. À la fin du IIe siècle, il est considéré comme le représentant de Notre Seigneur Jésus-Christ, dépositaire du dépôt de la foi. Saint Ignace d’Antioche insiste sur l’obligation de s’unir à lui pour être uni à Notre Seigneur Jésus-Christ. Là où est l’évêque, là est l’Église, nous dit-il. Il est le signe visible de l’Église. Il est son chef visible.

Pourtant, contrairement aux apôtres, les évêques ne gouvernent que l’Église qui réside dans un lieu déterminé et ne peuvent prétendre détenir la vérité. Ils sont bien les chefs de l’Église qui est dans tel lieu. Son autorité est donc restreinte à un territoire. Cependant, l’un d’entre eux émerge de manière évidente : l’évêque de Rome. Il est à la tête de l’Église qui préside dans la ville de Rome, lieu de son siège. Son autorité s’exerce au-delà de Rome comme nous le voyons en pratique dans la lettre de Saint Clément aux Corinthiens. Saint Ignace, évêque d’Antioche, reconnaît aussi son rôle prééminent. Enfin, il est, aux yeux de Saint Irénée, l’autorité de référence en matière de doctrine. Elle s’impose aussi en matière de discipline. La primauté de l’évêque de Rome est ainsi clairement reconnue dès la fin du IIe siècle. Il dépasse tous les autres évêques.

Le premier rang qu’a tenu Saint Pierre au temps des apôtres est ainsi tenu par ses premiers successeurs, les papes. Cela ne fait que confirmer ce que Notre Seigneur Jésus-Christ a promis. « Aussi moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. » (Matth., XVI, 18) L’indéfectibilité de l’Église est indubitablement liée à Saint Pierre, c’est-à-dire à sa fonction. Sa charge de pasteur suprême est perpétuelle en la personne de l’évêque de Rome afin que l’œuvre de la Rédemption se perpétue dans le monde entier aussi longtemps que Dieu le voudra. La primauté pontificale se trouve ainsi dans la Parole divine dès la fondation de l’Église. Elle prend forme dans les premiers temps au fur et à mesure que l’Église s’étend dans le monde, qu’une hiérarchie se déploie. N’oublions pas que ces premières heures sont des heures de discrimination, de souffrance et de persécution. Les premières hérésies se développent aussi que les discordes. Pourtant, il est clair que l’évêque de Rome, successeur de Saint Pierre, agit et est reconnu comme au-dessus de tous les évêques. Contrairement aux idées reçues, sa primauté ne date pas du IVe siècle quand l’Empire romain se convertit au christianisme ou lorsque les papes doivent affermir leur autorité face aux prétentions des Empereurs et rois chrétiens…



Notes et références
[1] Saint Clément, Épître aux Corinthiens, XLII, 4 dans Les Écrits des Pères apostoliques, Les Éditions du Cerf, 1963. Toutes les textes des Pères apostoliques cités dans cet article provient de cet ouvrage.
[2] Saint Clément, Épître aux Corinthiens, XLIII, 2.
[3] Saint Clément, Épître aux Corinthiens, XLIV, 1-2.
[4] Saint Clément, Épître aux Corinthiens, XLIV, 3.
[5] Saint Clément, Épître aux Corinthiens, XLIV, 5.
[6] Saint Ignace, Lettre aux Éphésiens, I, 3.
[7] Saint Ignace, Lettre aux Éphésiens, IV, 1.
[8] Saint Ignace, Lettre aux Éphésiens, III, 2.
[9] Saint Ignace, Lettre aux Éphésiens, VI, 1.
[10] Saint Ignace, Lettre aux Magnésiens, III, 1.
[11] Saint Ignace, Lettre aux Philadelphiens, III, 2.
[12] Saint Ignace, Lettre au Smyrniotes, VIII, 18.
[13] J. Tixeront, Histoire des Dogmes, Tome I, La théologie anténicéenne, Librairie Victor Lecoffre, 1909.
[14] Daniel-Rops, L’Église des apôtres et des martyrs, V, Fayard, 1943.
[15] Saint Ignace, Lettre aux Romains, Introduction.
[16] Saint Ignace, Lettres aux Romains, IX, 3.
[17] Saint Ignace, Lettre aux Philadelphiens, XI, 2.
[18] Saint Ignace, Lettre aux Taliens, XIII, 1.
[19] Voir Lettre aux Romains, Saint Ignace, III, 1.
[20] L'article Émeraude, juin 2014, article "Des Apôtres aux Docteurs de l'Église". Il donne quelques informations sur les Pères apostoliques.