" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 15 juin 2024

La fonction religieuse de la conscience selon Newman

Nous ne pouvons pas nous approprier d’une vérité, ou plutôt celle-ci ne peut s’approprier de nous, sans que nous ne soyons prêts à la recevoir et à murir pour nous en nourrir pleinement, pour qu’elle se développe en nous. Certes, parfois, sa lumière est si brillante qu’elle s’impose rapidement à notre esprit et œuvre en nous pour transformer notre être tout entier. La conversion est généralement une longue histoire, même si elle peut brutalement commencer par une chute, un réveil soudain ou un coup de foudre. Il ne s’agit pas uniquement d’acquérir une nouvelle vie, de la laisser grandir en nous ; il s’agit aussi de nous défaire d’une autre vie. Pendant que la lumière s’étend plus ou moins lentement en nous, l’obscurité qui nous aveuglait s’efface progressivement pour lui laisser sa place. Construire et déconstruire, œuvres parallèles qui travaillent en nous quand la vérité nous prend, quand elle nous saisit. Un même processus se met en œuvre dans la société quand une vérité pénètre en elle. Comme l’homme s’élève quand il est porté par le souffle de l’esprit, une nation grandit aussi lorsqu’elle est animée par la vérité. Toute conversion exige du temps. Elle exige une histoire. Elle nécessite une pédagogie…

Dans son Essai sur le développement de la doctrine chrétienne, Saint John Henry Newman (1801-1890) décrit le processus du développement d’une idée forte et l’applique au christianisme[1]. Il montre qu’une doctrine vit nécessairement une histoire pour qu’elle exprime pleinement la vérité dans son environnement, pour qu’elle se développe et atteigne sa plénitude. Ce développement n’est point le résultat d’un hasard comme si elle détenait en elle-même sa cause ou son moteur. Dieu l’a prévu dans sa sagesse. Cependant, au cours de cette évolution, elle risque de s’égarer et de croître dans une mauvaise direction, de se pervertir, en un mot, de se corrompre. Ainsi, pour distinguer le vrai développement de la corruption, de l’erreur et de la fausseté, Newman justifie la nécessité d’une autorité extérieure capable de garantir son authenticité et sa véracité, d’une autorité infaillible établie par Dieu. Il n’y a point de vrai développement sans véritable magistère …

Des penseurs[2] ont défendu l’idée que l’autorité sur laquelle repose le développement du christianisme reposait sur la conscience, individuelle et collective. De nos jours, et depuis le deuxième concile de Vatican, cette idée n’est plus contestée. Elle domine les discours. Or, parmi ses penseurs, se trouverait Newman. « La conscience est le premier vicaire du Christ »[3], écrit-il. « Il a su donner toute sa place à la dignité et au primat de la conscience, sans s’éloigner de la vérité objective. Pour lui, la conscience est l’avocat de la vérité dans notre cœur, le premier vicaire du Christ »[4]. Ainsi est-il appelé « le héraut du primat de la conscience »[5] ou encore le Docteur de la conscience

Mais que serait alors l’autorité infaillible de l’Église face à la conscience ? La position de Newman nous laisse perplexe. Elle nous pousse naturellement à étudier la doctrine de Newman sur ce sujet…

Dans le cadre d’œuvres apologétiques

Newman traite du sujet de la conscience dans deux de ses principaux écrits. Le premier écrit est intitulé Grammaire de l’assentiment[6], qu’il publie en 1870. L’assentiment est l’acceptation d’une opinion d’une manière tacite ou forcée. Il est remis en cause par les empiristes pour fonder la croyance au profit d’un rationalisme qui nie toute croyance ou possibilité à la croyance par l’assentiment. Newman démontre que l’acte de foi posé par l’intelligence devant le mystère révélé ne signifie pas que la raison renonce[7] à ses propres exigences.

Le second écrit est une lettre qu’il adresse en 1874 au duc de Norfolk, Henry Fitzalan-Howard (1847-1917). Elle répond à un pamphlet de Gladstone qui remet en cause la loyauté civique des catholiques anglais pour la raison que, du fait de l’infaillibilité pontificale, que le concile de Vatican (1870) vient de définir, ils seraient désormais tenus d’obéir à un pouvoir étranger. Pour Gladstone, la définition de l’infaillibilité pontificale aliène la liberté des catholiques. Dans sa lettre, Newman expose ses idées sur les liens entre l’autorité de la conscience et celle du pape.

Newman traite aussi de la conscience dans d’autres écrits et textes. C’est en fait un de ses principaux thèmes de prédilection. Dans son autobiographie Apologia Pro Vita Sua[8],  publié en 1864, il répond sur les critiques de certains anglicans qui l’accusent de malhonnêteté dans sa conversion au catholicisme. Il leur explique les raisons qui l’ont conduit à rejoindre l’Église. Dans un de ses romans, intitulé Callista, qui évoque les persécutions contre les chrétiens en Afrique proconsulaire sous l’empereur Dèce, au IIIe siècle, Newman expose ses principales idées, notamment le rôle de la conscience. Enfin, dans de nombreux sermons, il revient sur son idée centrale : l’existence de la conscience « suffit à imposer à l’esprit l’idée d’un Être qui nous est extérieur, car sinon, d’où proviendrait-elle ? Et d’un Être supérieur, car sinon comment expliquer son caractère péremptoire, étrange et dérangeant ? […] Son existence même nous projette hors et au-delà de nous-mêmes pour nous conduire à rechercher […] Celui à qui appartient cette Voix. »[9]

La conscience selon Newman : le « vicaire du Christ »

Newman définit la conscience comme le sanctuaire où Dieu s’adresse personnellement à nous, que nous nous en rendons compte ou non, ou encore la loi que Dieu a inscrite dans le cœur de chacun d’entre nous. Nous pouvons donc percevoir la voix de Dieu à l’intérieur de notre conscience. Bien que notre intelligence puisse la déformer lorsqu’elle la saisit, cette voix ne perd point son caractère divin et sa prérogative qui est « de commander l’obéissance. » Ainsi, la conscience ne se réduit pas à la loi que Dieu a inscrit dans notre cœur mais à la loi de Dieu qui a pénétré notre intellect.

Sa conception de la « conscience » est bien différente de celle de son temps. Dans son sens moderne, le terme désigne « la subjectivité de la personne indépendamment de toute influence extérieure. »[10] Ou dit autrement, nul ne peut agir, penser, et éprouver des sentiments à notre place. Elle est donc associée à un droit ou à une liberté. Mais selon Newman, l’homme moderne ne considère la conscience que dans un sens d’autonomie absolue. « Le droit et la liberté même de la conscience » consiste à « se dispenser de la conscience, d’ignorer un Législateur et Juge, d’être indépendante d’obligations qu’on ne voit pas. Elle devient une licence d’adopter n’importe quelle religion ou de n’en adopter aucune, de prendre ceci ou cela pour l’abandonner ensuite… C’est le droit de la volonté égoïste. »[11] Newman souligne que la conscience ne se réduit pas à des droits. Elle exige aussi des devoirs.

Ainsi, « la conscience n’est pas un égoïsme qui voit loin, ou le désir d’être en accord avec soi-même. Elle est la messagère de Celui qui, aussi bien dans le monde de la nature comme dans celui de la grâce, nous parle à travers un voile, nous enseigne ses règles par l’intermédiaire de ses représentants. » C’est ainsi qu’il l’appelle le « vicaire du Christ » …

Le titre de vicaire que Newman attribue à la conscience renvoie naturellement vers la vocation spécifique du pape. Il lui attribue en effet les trois fonctions qui lui sont rattachées : celles du prophète, du roi et du prêtre. La conscience dit si une action est bonne ou non, ordonne de faire ou de ne pas faire, bénit ou maudit… Pour Newman, la conscience est capable de lui permettre de reconnaître le vrai en matière de foi et de morale. Newman semble ainsi opposer l’autorité de la conscience à celle du pape dans ses propres fonctions.

La conscience nous oblige donc à l’obéissance, « une obéissance par devoir à ce qui prétend être une voix divine qui parle en notre intérieur. »[12] Elle lui impose le devoir de chercher la vérité et de s’y soumettre.

Cependant, la conscience doit être éduquée de manière à ce qu’elle puisse laisser transparaître la loi de Dieu le plus clairement possible et sans altération.

La conscience, une voie vers Dieu, un Dieu personnel

Nous pouvons donc percevoir l’écho de la voix divine à l’intérieur de notre conscience. À partir de de l’expérience de la conscience, Newman tente alors de démontrer l’existence de Dieu dans Grammaire de l’assentiment.

Newman distingue dans la conscience le « sens moral », le jugement par lequel la raison décide qu’une action est bonne ou mauvaise, et le « sens du devoir », l’ordre qui nous oblige à faire ce qui est bien et à rejeter ce qui est mal.

Dans le « sens du devoir », la conscience peut être « impérative et contraignante comme ne l’est aucun autre commandement dans toute notre expérience » au point d’exercer « une influence profonde sur nos affections et émotions »[13]. Lorsque nous obéissons à la conscience, nous sommes heureux alors que, si nous désobéissons, nous éprouvons de la honte, voire de la peur. Ce sentiment de responsabilité « implique qu’il existe Quelqu’un envers qui nous nous sentons responsables ».

Si nous reconnaissons cette voix comme celle d’origine divine, alors, nous pouvons suivre le chemin qui nous mène à Dieu, à un Dieu personnel. « Ce Dieu, je le sens dans mon cœur », nous confie Callista. « J’ai le sentiment d’être en sa présence. Il me dit : « fais ceci, ne fais pas cela ». Vous me direz que ce commandement n’est qu’une loi de ma nature, comme le sont la joie et le chagrin, mais je ne le croirai pas. Non, c’est l’écho d’une personne qui me parle. […] Un écho implique une voix, une voix suppose une personne qui parle ; et cette personne, je l’aime et je la crains. »[14]

Une voix qui nous appelle à l’obéissance à l’Évangile

Par cet écho qui nous parle dans notre conscience, Dieu se fait donc personnel. Contrairement aux autres preuves de son existence[15], qui nous mènent à une image abstraite de Dieu, l’expérience de la conscience nous renvoie à un Dieu qui désir entrer en relation personnelle avec nous, nous appelle à notre conversion, et nous entraîne à faire le bien, un Dieu qui est notre Seigneur et notre Juge suprême.

Mais comme le convient Newman, la voix qui nous interpelle dans la conscience n’est pas souvent forte ni claire. Il nous est difficile de distinguer son appel et les passions de notre cœur. Toutefois, « elle éveille en nous un désir pour ce que nous-mêmes ne fournissons pas entièrement ». Et ce désir « crée en nous une soif, une impatience pour la connaissance de ce Seigneur », qui « jusqu’à présent, ne nous parle qu’en secret, qui murmure dans le cœur […] mais de loin pas autant que ce que nous souhaitons et dont nous avons besoin. »[16] Ainsi, la voix éveille en nous un désir de connaître Notre Seigneur qui nous prépare à la foi dans lequel nous allons trouver plus abondamment et plus complètement ce qu’elle nous enseignait. L’obéissance à la conscience nous prépare ainsi à celle de l’Évangile. C’est alors que notre conscience est informée par la foi et orientée vers elle. La Révélation l’éclaire et la rend capable de porter des jugements sûrs dans les circonstances de notre vie et de rendre notre vie quotidienne conforme à la foi. Par le baptême, l’homme ainsi que sa conscience renaissent dans Notre Seigneur Jésus-Christ.

Lien entre l’autorité de l’Église et celle de la conscience

Depuis la proclamation de l’infaillibilité pontificale, Gladstone (1809-1898) pense que les catholiques anglais ne peuvent plus être fidèle à la reine puisqu’ils doivent soumettre leur conscience au pape. Les accusations de l’ancien premier ministre anglais soulève ainsi la question de l’autorité de la conscience au regard de celle de l’autorité de l’Église.

Newman nous rappelle que Notre Seigneur Jésus-Christ a institué l’Église pour qu’elle garde fidèlement les vérités qu’Il lui a transmises, qu’elle les interprète et les transmet à son tour. Par conséquent, si nous croyons en l’Église, la conscience ne peut que nous obliger à obéir au chef qui en est le chef visible. Newman revient ainsi sur l’exigence de l’obéissance, une obéissance qui se fonde sur notre foi. Nous obéissons parce que nous croyons que Notre Seigneur Jésus-Christ conduit l’Église et la garde dans la vérité à travers le pape et les évêques réunis autour de lui. Il ne s’agit pas d’une soumission aveugle mais d’une obéissance libre et adulte.

Cependant, conscient des réalités, Newman rappelle les faiblesses de notre conscience qui joue néanmoins un rôle déterminant dans notre vie. « Le sens du bien et du mal, qui est le premier élément de la religion, est si délicat, si capricieux, si facilement troublé, obscurci, perverti, si subtil dans ses méthodes d’argumentation, si influençable par l’éducation, rendu si partial par l’orgueil et la passion, si instable en son cours, que, dans la lutte pour l’existence parmi les différentes activités et succès de l’intellect humain, ce sens est à la fois le plus haut de tous les maîtres, et pourtant le moins lumineux »[17]. S’il n’est pas permis d’agir contre notre conscience, si nous devons lui obéir, elle doit être dans des conditions pour qu’elle soit correctement éduquée et qu’elle n’adhère pas à des conceptions fausses du bien et du mal.

C’est pourquoi notre conscience a besoin d’être éclairée. Tel est le rôle de l’Église et ses autorités. « L’Église, le Pape, la Hiérarchie sont là, dans l’intention de Dieu, pour satisfaire un besoin urgent. » Newman souligne que l’Église n’impose pas. Elle éclaire. Ainsi, l’autorité de la conscience est préservée. C’est aussi le rôle de l’Église d’éclairer la conscience de la société.

Conflits entre l’autorités de l’Église et celle de la conscience ?

Newman rappelle que l’autorité pontificale et celle de la conscience interviennent dans des terrains différents. L’infaillibilité du pape est valable dans un cadre limité que définit le premier concile du Vatican. Elle ne s’exerce que sur la vérité nécessaire au salut. Or, la conscience n’agit que dans le domaine de la conduite. Elle dit ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Elle ne peut donc être appelée pour justifier une position contraire à l’enseignement de l’Église. « La conscience n’est pas un jugement à propos d’une vérité de la spéculation, sur une quelconque doctrine abstraite, mais elle porte de façon immédiate sur la conduite, sur quelque chose qu’il faut faire ou ne pas faire. » Les deux autorités peuvent s’affronter uniquement sur des directives particulières, et non sur des propositions générales ou abstraites, puisque « la conscience est un impératif pratique ».

Dans des cas particuliers et pratique, il se peut que notre conscience s’éloigne de la position du pape. Newman prône néanmoins l’obéissance au chef de l’Église afin de préserver l’unité de l’Église. « Prima facie c’est un devoir impétueux, ne serait-ce que par un sentiment de loyauté, que de croire que le Pape a raison et d’agir en conséquence ». Mais, par sa fonction, le pape sert la vérité qui éclaire notre conscience. Il n’est donc pas au-dessus de la vérité. « Il n’a pas d’autre mission que de proclamer la loi morale, et de confirmer cette lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde. En droit comme en fait, son autorité repose sur l’autorité sacrée de la conscience. »

Ainsi, Newman démontre que la conscience et l’Église sont ordonnées l’une à l’autre : d’abord la conscience, qui nous donne l’accès à la vérité, puis le pape, qui représente l’autorité de l’Église. Ces deux autorités sont intimement liées puisque, provenant toutes deux de Notre Seigneur Jésus-Christ, elles servent à la même vérité.

Une doctrine nouvelle ?

Dans son Épitre aux Romains, évoquant la justice que pratiquent les païens, Saint Paul nous rappelle « l’œuvre de la loi inscrite dans leur cœur, leur conscience rendant témoignage, et leurs pensées s’accusant et se défendant, l’une l’autre »(Rom., II, 15-16 ).

Pour Saint Augustin, la conscience est le lieu dans lequel nous devons chercher Dieu. « Où étais-je donc quand je vous cherchais ? Vous étiez présent devant moi, et j’étais éloigné et comme absent de moi-même, et n’avait garde ainsi de vous trouver, puisque je ne pouvais pas me trouver moi-même. »[18] Ainsi, selon le cardinal Ratzinger, Newman renoue avec la pensée de Saint Augustin[19]. Newman est encore plus proche de Saint Bonaventure qui définit la conscience comme « à la fois le héraut et le messager de Dieu, ce qu’elle dit n’est pas un ordre venu d’elle, mais un message qui vient de Dieu, tel un héraut lorsqu’il proclame l’édit du roi. De là provient le caractère contraignant de la conscience. »[20]

Ainsi, pour le pape Jean-Paul II, non seulement, la conscience « donne le témoignage de la droiture et de la malice de l’homme à l’homme lui-même »[21], elle est « en même temps et avant tout […] le témoignage de Dieu Lui-même, dont la voix et le jugement pénètrent l’intime de l’homme jusqu’aux racines de son âme, en l’appelant fortiter et suaviter à l’obéissance »[22]. Ainsi, la conscience est « le lieu, l’espace sacré où Dieu parle à l’homme » en l’ouvrant à l’appel de Dieu.

Pour Saint Thomas d’Aquin, la conscience est un juge qui applique une loi dont elle n’est pas à l’origine. Elle la présente comme un verdict de Dieu. C’est pourquoi elle l’oblige devant tout autre autorité, sans pourtant nous contraindre. Elle est pure connaissance contrairement au libre arbitre qui est l’application de cette connaissance. Elle l’oblige même quand la conscience est erronée. C’est pourquoi, comme l’homme est responsable devant sa conscience, il est aussi responsable de sa conscience, c’est-à-dire de sa formation.

Finalement, la conception de la conscience telle que décrit Newman n’est pas une nouveauté. Son primat sur toute autre autorité et la nécessité de sa formation sont une constante dans l’enseignement de l’Église. Ainsi, comme le souligne Newman, nous sommes tenus d’obéir à notre conscience puisqu’elle est le lieu où résonne l’écho divin comme nous devons aussi la former afin que nous puissions entendre cette voix d’origine divine sans altération. Elle implique donc obéissance et exigences.

Conclusion

Reprenant l’enseignement des grands docteurs de l’Église, Newman attribue à la conscience une fonction religieuse. Elle est le sanctuaire où Dieu s’exprime directement à chacun d’entre nous. La présence de cette voix dans notre conscience qui nous oblige est un motif de crédibilité de l’existence de Dieu, sans-doute moins fort que les preuves traditionnelles.

Si elle apparaît comme la norme ultime et immédiate de l’agir humain, et si elle fonde notre obéissance à l’autorité de l’Église, la conscience n’est pas pour autant autonome contrairement à la conception moderne. Elle a besoin de cette même autorité pour être éclairée tant ses faiblesses sont grandes et les dangers de s’égarer dans l’erreur et le mensonge ne sont pas négligeables. La voix de la conscience et celle de l’Église, toute deux d’origine divine, sont intimement liées pour une même fin, celle de notre salut. La première appelle à la vérité et s’ouvre à elle quand la seconde lui la lui transmet fidèlement et pleinement, l’appuyant ainsi dans sa fonction de guide dans sa vie quotidienne.

Contrairement à la doctrine de Blondel, la conscience n’a pas pour vocation d’orienter le développement de la doctrine chrétienne ni d’en être le moteur. Mais, parce qu’elle est informée de la foi et renaissant en elle par le baptême, elle est capable de discerner le vrai du faux, de s’éloigner des mensonges et de les dénoncer. La doctrine de Blondel tend aussi à négliger le rôle de l’Église et de ses autorités, celui d’éclairer notre conscience

 



Notes et références

[1] Voir Émeraude, 9 mai 2024, article « Le développement de la doctrine chrétienne selon Newman ».

[2] Voir Émeraude, 24 mars 2024, article « Histoire et Dogme de Maurice Blondel (1861-1949 : la Tradition, « poussée de vie » ».

[3] John Henry Newman, Lettre au Duc de Norfolk, dans La conscience est le premier vicaire du Christ, un aperçu de la doctrine de Newman sur la conscience, Hermann Geibler, traduit de l’anglais, A Letter adressed to the Duke of Norfolk on Occasion of Mr Gladstone’s Recent Expostulation, dans Certains difficulties feld by anglicans in catholic teaching, vol. II, 1900, newmanreader.org.

[4] Hermann Geibler, La conscience est le premier vicaire du Christ, un aperçu de la doctrine de Newman sur la conscience, traduit de l’allemand par François Brague, dans Communio, 2017/6, n°254, cairn.info. Geibler est un prêtre et théologien autrichien. En 2020, chef du centre international des amis Newman, chef du département d’enseignement pour la Doctrine de la foi.

[5] Clément Houdaille, La Croix, article « Le cardinal Newman, héraut du primat de la conscience », 01 juillet 2019, la-croix.com, lu le 28 avril 2024.

[6] Le titre en anglais est An Essay in Aid of a Grammar of Assent ou Grammar of Assent.

[7] Gladstone, Les décrets du Vatican et le loyalisme civil des catholiques, publié en 1874.

[8] Apologie de sa propre vie. Sous-titre : « Histoire de mes opinions religieuses ».

[9] Newman, sermon de 1834, Sermons Preached on Various Occasions, 1857, dans Newman et la conscience dans son roman Callista et dans son sermon « Ce qui dispose à la foi », Michel Durand, Cahiers victoriens et édouardiens, 70, Automne, 2009, journals.openedition.org, consulté le 30 avril 2024.

[10] Hermann Geibler, La conscience est le premier vicaire du Christ, un aperçu de la doctrine de Newman sur la conscience.

[11] Newman, Lettre au duc de Norfolk.

[12] Newman, Lettre au duc de Norfolk.

[13] Newman, Grammaire de l’assentiment dans La conscience est le premier vicaire du Christ, un aperçu de la doctrine de Newman sur la conscience, Hermann Geibler,

[14] Newman, Callista, chap. 28, trad. française M. Durand, Callista. Récit du troisième siècle, Téqui, 1992 dans La conscience est le premier vicaire du Christ, un aperçu de la doctrine de Newman sur la conscience Hermann Geibler.

[15] Voir Émeraude, juillet 2014, articles « La connaissance naturelle de Dieu : la preuve ontologique de Saint Anselme » et « La connaissance naturelle de Dieu : les cinq voies de Saint Thomas d’Aquin ».

[16] Newman, Sermon 5, Dispositions for Faith dans Sermons Preached in Various Occasions.

[17] Newman, Lettre au duc de Norfolk.

[18] Saint Augustin, Confessions, Livre V, édition de Philippe Sellier, 1993, Gallimard.

[19] Voir Wahrheit, Werte, Macht, Ratzinger, Herder, 1993, traduit en français dans Conscience et Vérité dans La Communion de la foi, Discerner et agir, Parole et Silence, coll. Communio, 2009 dans La Conscience est le premier Vicaire, Herman Geibler.

[20] Saint Bonaventure, Commentaire du 11e livre des Sentences, distinction 39, article 1, conclusion, éd. Quarachi, II, col. 907b dans La Conscience est le premier Vicaire, Herman Geibler..

[21] Jean-Paul II, Veritatis Splendor, n°58, encyclique sur les questions fondamentales de l’enseignement moral de l’Église, 6 août 1993, vatican.va.

[22] Jean-Paul II, Veritatis Splendor, n°58.

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