" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mardi 20 décembre 2022

L'Immaculée Conception (1/2), une invention ? Non, une vérité révélée qui s'est éclaircie avec le temps ...

« Je suis l’Immaculée Conception », répond la belle Dame à la jeune Bernadette. Nous sommes le 25 mars 1858 à Lourdes. Ce sont les dernières paroles qu’elle lui adresse. La bergère les répète à un prêtre qui accueille mal la voyante et la renvoie brusquement. Il est en fait un peu dérouté par l’étrangeté de cette phrase. « Je suis l’Immaculée Conception. »[1] La formule est brève, simple et claire. Elle renvoie au dogme de l’Immaculée Conception que le pape le bienheureux Pie IX a solennellement proclamé le 8 décembre 1854 dans l’encyclique Ineffabilis Deus

« Nous déclarons, nous prononçons et définissons que la doctrine qui tient que la Bienheureuse Vierge Marie, a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu’ainsi, elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles. »[2]

L’Église enseigne que Sainte Marie a été engendrée sans la tache du péché originel contrairement à tous les hommes. Son âme n’est donc pas dans un état d’aversion de Dieu et de privation de la grâce sanctifiante. Au contraire, elle jouit de la plus étroite unité et de la plus grande amitié avec Dieu dès sa conception Elle a été préservée du péché originel en raison des mérites de son Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ

L’Immaculée Conception n’est reconnue ni par les protestants ni par les orthodoxes qui accusent les catholiques de l’avoir inventée. Elle devient alors un élément de plus dans la division des chrétiens. Mais est-elle vraiment une invention des catholiques ?

Le refus des protestants et des orthodoxes

Les protestants « refusent de considérer la mère de Jésus comme une personne qui aurait échappé à notre condition humaine, c’est-à-dire pécheresse. »[3] Ils refusent tout privilège particulier à Sainte Marie, toute perfection et toute sainteté particulières. De même, les orthodoxes voient dans chaque homme les suites du péché d’origine et ils récusent l’idée de toute idée de pureté originelle en Sainte Marie. « La Vierge naquit comme tout le monde sous le péché, c’est-à-dire avec les suites du péché originel. Il parait impossible de faire une exception en sa faveur. Bien qu’elle ait été choisie dès le sein de sa mère, elle naquit néanmoins avec la nature viciée de l’homme déchu. »[4] Ils rejettent donc tout privilège à Sainte Marie bien qu’ils acceptent une certaine pureté en elle. « Elle fut conçue et naquit dans le péché originel, mais cela ne l’empêcha pas de se conserver immaculée et d’être l’instrument très pur du mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu. Telle est notre foi à nous, Orientaux ». Il distingue ainsi la pureté par nature et la pureté obtenue, l’innocence naturelle et l’innocence morale. Entre elles, il y a un abîme qui ne peut être comblé, y compris chez Sainte Marie. « Ce pont a été construit dans la suite dans l’Église latine. »[5]

La lumière de la Sainte Écriture 

Pour répondre aux accusations des protestants et orthodoxes, notre premier réflexe est de nous tourner vers la Sainte Écriture. Mais comme nous l’avons déjà énoncé, les doctrines portant sur Sainte Marie ne sont guère explicites dans les pages sacrées tant la Sainte Vierge y est discrète. Seule sa maternité divine est clairement formulée. Elle est comme une étoile que masque la lumière divine de son Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ. 

Néanmoins, plusieurs passages évangéliques nous éclairent sur quelques vérités se rapportant à elle comme son Immaculée Conception…

La Sainte Écriture exprime en effet implicitement ou indirectement la doctrine de l’Immaculée Conception. Nous pouvons citer deux passages, celui de la Genèse dit le « Protévangile »[6], dans lequel Dieu annonce au diable qu’Il mettra « l’inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et la sienne » (Genèse, III, 15) et celui de la salutation angélique (Luc, I, 28).

Le « Protévangile » fait l’objet de nombreuses interprétations des Pères de l’Église et peut porter à confusion. Cependant, elle évoque nettement l’union qui existe entre « la postérité» et « la femme » dans l’œuvre de la Rédemption et dans la victoire contre le diable. La victoire de cette postérité ne peut donc être complète si la femme est soumise, ne fut-ce qu’un instant, au diable. Or, selon l’interprétation messianique de l’Église, la postérité désigne Notre Seigneur Jésus-Christ, la femme, Sainte Marie. Cela implique donc que Sainte Marie ne peut être soumis au péché originel qui briserait cette union.

Dans la scène de l’Annonciation, l’ange Gabriel s’adresse à Sainte Marie en la nommant « pleine de grâces ». Cette salutation singulière, encore jamais employée dans la Sainte Écriture, nous la montre comme digne de toutes les faveurs divines. Le terme grec employé est équivalent comme un nom caractéristique qui tient lieu de nom propre. Elle se caractérise donc par une plénitude de grâces.

La lumière de la raison

L’encyclique Ineffabilis Deus revient sur la convenance de l’Immaculée Conception : « il convenait qu’elle resplendit toujours de l’éclat de sa sainteté la plus parfaite, qu’entièrement préservée même de la tache du péché originel, elle emportât ainsi le triomphe le plus complet sur l’antique serpent, elle, la Mère si vénérable à qui Dieu le Père avait résolu de donner son Fils unique, […] ; elle que le Fils de Dieu lui-même avait choisie pour en faire substantiellement sa Mère ; et dans le sein de laquelle le Saint-Esprit avait voulu et opéré que fût conçu et naquît Celui dont il procède Lui-même. »[7] C’est donc en raison de sa dignité suréminente de Mère de Dieu qu’elle fut conçue sans le péché originel afin que la demeure de Dieu ne soit pas atteinte un instant par la souillure originelle. Nous retrouverons cette argumentation chez des Pères et les Docteurs de l’Église.

Les premières lueurs

Depuis les premiers temps du christianisme, nombreux sont les Pères de l’Église qui proclament la sainteté de Sainte Marie tant chez les Orientaux que chez les Occidentaux. Écoutons par exemple la prière que Saint Éphrem de Nisibe (v. 306-373) adresse à Notre Seigneur Jésus-Christ. Les images qu’il emploie pour nommer Sainte Marie sont des symboles d’une pureté extraordinaire : « Pleine de grâce, […] toute pure, toute immaculée, toute digne de louange, toute intègre, toute bienheureuse, […] vierge d’âme, de corps et d’esprit, […] arche sainte […] belle par nature, tabernacle sacré que le Verbe […] a travaillé de ses mains divines, […] complètement étrangère à toute souillure et à toute tache du péché. »[8] Sa pureté dépasse « incomparablement même les puissances spirituelles ». Les Pères de l’Église occidentaux, surtout depuis Saint Ambroise, enseignent aussi la sainteté totale de Sainte Marie, ne lui admettant aucun péché en raison de sa maternité divine. Néanmoins, rien ne permet d’identifier dans leurs discours comment elle a obtenu cette sainteté et à quel moment …

Les premières illuminations

Il faut attendre le IVe siècle, en Orient, pour que des témoignages émettent clairement l’idée selon laquelle Sainte Marie est née sans souillure du péché. Tel celui de Théodote d’Ancyre (mort en 446) au concile d’Éphèse. « Celui qui a créé la vierge d’autrefois », c’est-à-dire Ève, « sans opprobre, a fait naître la seconde sans souillure. »[9] Elle n’a donc pas connu les malheurs provenant de la première femme. Nous trouvons ainsi la comparaison entre Ève et Marie qui illustre bien l’état premier de Sainte Marie.

De très bonne heure, les Pères de l’Église ont mis en parallèle ces deux femmes, la première qui conduit par désobéissance au péché du premier homme, la seconde ouvre par son obéissance la voie de son salut. Or cette comparaison n’est valable que si elles sont toutes les deux dans le même état et disposent de la même liberté, l’une l’usant pour le mal, l’autre pour le bien. Or comment Sainte Marie pourrait-elle être totalement libre si elle était soumise au péché originel ? Elle est comme Ève l’était avant de commettre sa désobéissance.

Deux siècles plus tard, au VIIIe siècle, Sainte André de Crète (v. 660 – 740) reprend ce parallèle. Il compare Sainte Marie à une terre pure et vierge avec laquelle Dieu avait formé Adam, et surtout sa naissance à la création de la première femme avant le péché. Ainsi, il estime non seulement que Sainte Marie est sans tache ni souillure mais surtout que cette sainteté est originelle. Il l’appelle alors « immaculée »[10] et honore « la sainte conception de la chaste Mère de Dieu »[11]. Elle est enfin dite « fille de Dieu » parce que, non seulement elle est fille d’une promesse mais aussi qu’elle est « une argile divinement façonnée par l’Artiste divin, un ferment saint pénétré de la vie divine, et que sa conception s’est produite par une intervention spéciale de Dieu. »[12]

Nous pouvons encore faire intervenir un Père de l’Église de son époque, Saint Jean Damascène (675-749), qui affirme aussi que, de part sa maternité divine, la conception de Sainte Marie est toute sainte et sans tache. Cependant, nous trouvons aussi dans ses homélies l’idée de purification de Sainte Marie lors de l’Annonciation[13], thèse généralement retenue dans l’Église d’Orient.

Si leurs discours ne proclament pas l’Immaculée Conception telle qu’elle est définie dans l’encyclique de Pie IX, ils nous rapprochent néanmoins de l’idée selon laquelle Sainte Marie est conçue sans souillure comme la première femme Ève en raison d’une intervention divine.

La clarté de la fête de la Conception de Marie

À la même époque, à la fin du VIIe siècle ou au début du VIIIe siècle, l’Orient connaît une fête en faveur de la conception de Sainte Marie. Célébrée le 9 mai, elle porte le nom de l’ « Annonce de la Conception de la Mère de Dieu », puis de la « Conception de la Mère de Dieu ». Elle a probablement été instituée pour compléter le cycle des fêtes mariales.

Comme l’indique le nom, la fête célèbre l’annonce de la naissance de Sainte Marie faite par un ange à ses parents Joachim et Anne, pourtant stérile. Cette fête ressemble fortement à celle de Saint Jean Baptiste. Elle est aussi et surtout la fête de la conception de la Mère de Dieu comme le montrent des titres d’homélies.

La naissance de Marie tient beaucoup de place dans les textes liturgiques de cette fête et dans les sermons. La liturgie parle continuellement de la conception de la Mère de Dieu, de la conception de la Vierge toute-immaculée, ou encore de la vénérable conception de la seule pure. Délaissant alors le miracle de l’annonce, elle perçoit dans la naissance de Sainte Marie son Fils et son œuvre rédemptrice. Les homélies « parlent alors d’une intervention toute spéciale de la Trinité sainte pour préparer le palais du Verbe fait chair. »[14] C’est au cours de cette fête que Saint André de Crète et Saint Jean Damascène prononcent leurs homélies en faveur d’une conception immaculée de Sainte Marie. Elles fêtent ainsi la Vierge immaculée, exempte de toute souillure dès le premier instant de son existence.

Une lumière qui s’étend en Europe

Cette fête apparaît ensuite en Occident, d’abord en Italie Méridionale au IXe siècle puis en Irlande, en Angleterre et en Espagne au XIe siècle, et enfin en France, à Lyon au XIIe siècle. Au XIVe siècle, les papes l’autorisent finalement puis y participent lors de leur séjour à Avignon. En 1476, Sixte IV étend la fête à toute l’Église latine. Enfin, par la bulle Commissis nobis du 6 décembre 1708, le pape Clément XI l’impose à toute l’Église et l’insère au nombre des fêtes que les fidèles sont tenus d’observer.

Une lumière qui s’affermit et se précise

Revenons sur le cas de l’Angleterre. À la fin du XIe siècle, après une certaine éclipse, sans-doute en raison de la conquête de l’Angleterre par Guillaume de Conquérant, la fête de la Conception de Marie renaît dans l’île grâce à des bénédictins, notamment à Elsin, moine de Saint-Augustin qui l’a rétablie dans son abbaye. C’est ensuite Saint Anselme qui œuvre pour son rétablissement avec ses disciples dont Saint Eadmer, futur archevêque de Cantorbéry. Un concile tenu à Londres en 1129 approuve la restauration de la fête de Conception immaculée de Marie qui s’étend dans tout le royaume avant de toucher d’autres contrées.

Cependant, si Saint Anselme déclare convenable que Sainte Marie brille de la plus haute pureté sans aller affirmer sa conception immaculée comme l’entend le dogme, Saint Eadmer va plus loin. Il ne trouve pas convenable d’admettre pour la demeure de la divine sagesse quelque péché que ce soit, ce que déclarait déjà Saint Augustin, y compris le péché originel. « De la sainte Vierge Marie, pour l’honneur du Christ, je ne veux pas qu’il soit question lorsqu’il s’agit de péchés. Nous savons en effet qu’une grâce plus grande lui a été accordée pour vaincre de toutes parts le péché par cela même qu’elle a mérité de concevoir et d’enfanter celui dont il est certain qu’il n’eut aucun péché. »[15] Ainsi, Eadmer défend l’idée d’une sainteté originelle de Sainte Marie.

Dans son traité De la Conception de Sainte Marie, Eadmer répond ceux qui prétendent que « la Mère de Dieu a été soumise au péché originel jusqu’au moment de l’Annonciation et purifiée ensuite par sa foi à la parole de l’ange selon la parole de l’Écriture »[16]. Il s’oppose à cette idée tenue surtout en Orient. En Occident, l’idée qui semble prédominer est la sanctification ou la purification de Marie dans le sein de sa mère comme à l’image de Saint Jean Baptiste. Eadmer s’oppose à ces thèses et peut le faire puisque l’Église ne l’enseigne pas et que « des raisons supérieures me détournent de cette opinion. » Cela reste donc en effet une opinion.

Si sa pensée dépasse celui de son maître, elle en est toutefois une conclusion logique. « En considérant l’éminence de la grâce divine en vous, ô Marie, je remarque que vous êtes placée d’une façon inestimable, non parmi les créatures, mais, à l’exception de votre Fils, au-dessus de tout ce qui a été fait. D’où je conclus que dans votre conception, vous n’avez pas été enchaînée par la même loi connaturelle aux autres hommes, mais que vous êtes restée complètement affranchie de l’atteinte de tout péché, et cela par une vertu singulière et une opération divine impénétrable à l’intelligence humaine. »[17]

Contrairement à la sanctification de Saint Jean-Baptiste dans le sein de sa mère, Eadmer précise clairement que Sainte Marie a été remplie de grâce dès le commencement de sa conception. Sa conception est comme la première pierre du fondement du temple où le Fils de Dieu doit venir habiter. Si cette base est viciée par le péché, toute la structure de l’édifice en est ébranlée. Si la racine de la tige de Jessé est souillée, toute la plante et sa fleur en sont condamnées. Par conséquent, il n’y a pas deux instants à distinguer dans la conception de Sainte Marie, un premier moment où elle a été souillée, un second où elle en a été purifiée. À aucun moment, elle n’a été sous l’emprise du démon. Cependant comme le déclare aussi Eadmer, « si la foi catholique l’enseigne, je m’y soumets ».

L’éclat définitif au XIVe siècle par le Docteur subtil

Au XIVe siècle, le bienheureux Jean Duns Scot (1266-1308), dit docteur subtil, est le « chantre du Verbe incarné et défenseur de l’Immaculée Conception »[18]. Renouant avec Saint Eadmer, il la justifie par la même argumentation : « Marie ne contracta pas le péché originel justement à cause de l’excellence de son Fils, dans ce sens qu’Il est rédempteur, réconciliateur et médiateur. »[19]

Mais, sur deux points, Duns Scott approfondit la doctrine. D’une part, comme le note un de ses élèves, il parle de préservation : « la perfection du Médiateur demande […] la préservation de toute faute, même originelle »[20]. Il n’y a donc ni sanctification ni purification. D’autre part, il met en avant l’argument de la rédemption préventive. L’Immaculée Conception est alors décrite comme le chef d’œuvre de la rédemption opérée par Notre Seigneur Jésus-Christ. Par conséquent, Sainte Marie n’est pas exclue du plan divin. Elle a aussi été rachetée par son Fils mais de manière spécifique…

Duns Scott établit son argumentation théologique à partir des relations de Sainte Marie et de son Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ, et de sa maternité divine, et en dernière analyse dans la christologie. La pureté du Fils implique celle de sa Mère. La preuve relève de la théologie et non de la Sainte Écriture.

La voix de l’autorité

La première proclamation de l’Immaculée Conception date de 1429. Le concile de Bâle la définit en des termes proches de ceux du bienheureux Pie IX et institue la fête le 8 décembre pour toute l’Église. Cependant, comme ce concile était déjà schismatique et condamné en raison de ses thèses conciliaristes, cette proclamation n’a aucune valeur magistérielle.

Au XVème siècle, à deux reprises, Sixte IV (1414-1484), pape en 1471, déclare que l’Immaculée Conception est un point de doctrine libre qui ne peut faire l’objet d’aucune condamnation[21]. La fête de la conception de l’Immaculée Conception que l’Église de Rome célèbre solennellement et publiquement est aussi défendue et favorisée. Le concile de Trente renouvelle les décisions de Sixte IV dans le décret traitant du péché originel tout en y excluant la Sainte Vierge comme si celle-ci en était une exception possible. Il. « Ce même concile déclare qu’il n’est pas dans son intention de comprendre dans ce décret, où il est traité du péché originel, la bienheureuse et immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu, mais que l’on doit observer les constitutions de Sixte IV, d’heureuse mémoire, sous la menace des peines qui y sont contenues et il les renouvelle. »[22] D’autres papes renouvellent la décision de Sixte IV et exigent de ne pas attaquer la doctrine de l’Immaculée Conception tout en s’abstenant de prêcher et d’enseigner que Saint Marie ait été conçue dans le péché originel.

Enfin, en 1661, Alexandre VII reprend l’ensemble des décisions de ses prédécesseurs dans une Constitution apostolique[23] en faveur de l’Immaculée Conception, qu’il désigne comme une pieuse croyance. Il approuve formellement l’Immaculée Conception et reconnaît l’ancienneté de son culte sans néanmoins l’imposer.

Conclusions

Afin d’examiner avec soin la question de l’Immaculée Conception, Pie IX institue une congrégation formée de cardinaux, consulte de nombreux théologiens puis demande aux évêques du monde entier de faire connaître par écrit leur position à l’égard de ce point. Et c’est à partir de leurs réponses qu’il décide de définir et de proclamer le dogme de l’Immaculée Conception le 8 décembre 1854 par l’encyclique Ineffabilis Deus.

Il faut convenir que le dogme ne s’appuie pas explicitement sur la Sainte Écriture ou sur des traités des Pères de l’Église, insuffisants à eux-seuls. Il a fallu du temps pour que leurs interprétations scripturaires et leurs écrits s’éclairent mutuellement entre la cohérence du mystère de l’Incarnation et le rôle qu’y joue Sainte Marie. Comme l’écrit Pie IX, l’Immaculée Conception est une des vérités qui se trouvent à peine ébauchée, à l’état de semence déposé par la foi des Pères. C’est alors le rôle de l’Église de « s’appliquer à les éclaircir, à les développer pour donner à ces dogmes de la céleste doctrine, l’évidence, la lumière et la netteté, sans toutefois qu’ils perdent rien de leur plénitude, de leur intégrité, de leur propriété, et qu’ils croissent mais seulement dans leur genre, c’est-à-dire dans les limites de dogme, de sens et de doctrine qui les constituent. »[24]


Notes et références

[1] Par ce terme abstrait, Notre Dame nous révèle quelque chose d’essentiel à son être. « Elle nous dit l’acte qui la constitue. […] Elle s’identifie purement et simplement à la grâce de son immaculée conception. » (Jean-Marie Hennaux, La formule de Lourdes : « Je suis l’Immaculée Conception », dans Nouvelle revue théologique, 2008/1, tome130, cairn.info.)

[2] Pie IX, constitution apostolique, Ineffabilis Deus, 8 décembre 1854, Denzinger 2803.

[3] Elian Cuvilier, Marie, qui es-tu ?, Cabédita, 2015.

[4] A. Leredev, Différences entre l’Église orientale et l’Église occidentale sur la doctrine relative à la Très Sainte Marie, Mère de Dieu. De l’Immaculée Conception, 2ème édition, Saint Pétersbourg 1903, dans Le Dogme de l’Immaculée Conception d’après un théologien russe contemporain, Jugie Martin, Échos d’Orient, tome 19, n°117, 1920.

[5] A. Leredev, Différences entre l’Église orientale et l’Église occidentale sur la doctrine relative à la Très Sainte Marie, Mère de Dieu. De l’Immaculée Conception.

[6] Voir Émeraude, septembre 2013, article « Le Protévangile, première bonne nouvelle ».

[7] Ineffabilis Deus, Denzinger 2801.

[8] Saint Éphrem de Nisibe, Prières à la Très Sainte Mère de Dieu, œuvre de saint Éphrem, édition Rome, tome III.

[9] Théodote d’Ancyre, Homélie IV sur la mère de Dieu, dans Histoire des dogmes, tome II, de Saint Athanase à Saint Augustin, B. Sesboue.

[10] Saint André de Crète, Homélie pour la fête de la nativité de Sainte Marie, P. G., tome XCVII, dans Saint André de Crète et l’Immaculée Conception, Martin Jugie, dans Échos d’Orient, tome 13, n°82, 1910.

[11] Saint André de Crète, Homélie pour la fête de la nativité de Sainte Marie.

[12] Saint André de Crète, Homélie pour la fête de la nativité de Sainte Marie.

[13] Saint Jean Damascène, Exposé précis de la foi orthodoxe, 46.

[14] Maria, Études sur la Sainte Vierge, sous la direction d’Hubert du Manoir, S. ., tome I, Beauchesne et Fils, 1949.

[15] Saint Augustin, De la Nature et de la grâce.

[16] Saint Eadmer, Traité de la conception de Marie, c.13 dans La Conception Immaculée de la Vierge Marie, La première apologie du dogme de l’Immaculée Conception par Eadmer, moine de Cantorbéry (1124), introduction et traduction par DOMB. Del Marmol, moine de Maredsous, 1923.

[17] Saint Eadmer, Traité de la conception de Marie, c. 12.

[18] Benoit XVI, audience générale du 7 juillet 2010, vatican.va. C’est aussi par ses mots que Jean-Paul II l’a défini le 20 mars 1993 en le déclarant bienheureux.

[19] Bienheureux Duns Scot, En III sententiarum, d3, q 1.

[20] Reportatio parisiensis, III, d. 3, q. 2 dans Duns Scot et l’Immaculée Conception, René Laurentin, site Web 30giorni.it.

[21] Sixte IV défend l’Immaculée Conception dans deux constitutions : Cum praexcelsa, 27 février 1477, Denzinger 1400 et Grave nimis, 4 septembre 1483, Denzinger 1425.

[22] Décret sur le péché originel, Concile de Trente, 5ème session, §6, 17 juin 1546, Denzinger 1516.

[23] Voir Sollicitudino omnium ecclesiarum, 8 décembre 1661, Denzinger 2015-2017.

[24] Constitution Ineffabilis Deus, Pie IX, Denzinger 2802.

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