De nos jours, l’existence
de l’enfer ou l’éternité de ses peines font l’objet de nombreuses remises en
cause comme au temps des premiers chrétiens. Nos rêves ne sont pas aussi
neufs que nous le croyions. Les objections que nous entendons souvent, nous les
retrouvons en effet dans de nombreux ouvrages des premiers siècles du
christianisme. Dans La Cité de Dieu [1]
par exemple, Saint Augustin (354-430) nous présente toutes
les opinions erronées de son époque sur nos fins dernières et sur les
châtiments des méchants. Et sans étonnement, nous les retrouvons encore
aujourd’hui. Il nous apporte ainsi des réponses qui méritent encore d’être
connues et pourraient aussi nous aider à répondre aux différentes objections
qui nous préoccupent.
Dans l’un des derniers
chapitres de La Cité de Dieu, Saint Augustin nous présente les objections
contre l’existence de l’enfer et l’éternité des peines en distinguant leur origine.
Les unes viennent des païens, les autres des chrétiens. Parmi ces derniers,
nous retrouvons les origénistes qui défendent l’apocatastase[2],
même si le mot n’y est pas employé, et d’autres chrétiens qu’il désigne
par le terme de « miséricordieux ».
L’enfer, une injustice selon
les païens
Commençons par les
objections des païens. Leur principale objection est la disproportion des
peines par rapport à la faute. Ils s’opposent en effet à l’idée d’un châtiment
éternel pour une faute temporelle. « C’est une injustice aux yeux de certains adversaires de la cité de
Dieu, que des crimes, si grands qu’ils soient, commis en un instant, encourent
une peine éternelle »[3].
Cette objection ne sert en fait qu’à remettre en cause la crédibilité de Notre
Seigneur Jésus-Christ en mettant en désaccord ses paroles.
Saint Augustin s’étonne de
cette critique. Que font en effet les païens lorsqu’ils jugent des
criminels ? Est-ce qu’ils leur affligent une peine proportionnée au
temps qu’ils ont eu besoin pour commettre leur crime ? Est-ce que leur
durée d’emprisonnement est proportionnelle à celle de leur méfait ?
« Jamais il n’est venu à l’esprit de
personne qu’il fallût régler la célérité des souffrances pénales sur la célérité
de l’homicide, de l’adultère, du sacrilège, et mesurer au temps plutôt qu’à la
grandeur du crime, la durée des tourments. »[4]
La durée de la peine n’est
pas non plus dictée en fonction de la durée de son exécution, mais de la
gravité du crime commis. Quand la peine de mort existait en France, la
guillotine mettait peu de temps à exécuter le coupable. La valeur de cette
peine est en fait plus dans la mort que dans son exécution. En outre, le
condamné ne peut revenir à la vie. Sa peine est ainsi définitive, sans aucun
espoir de rémission…
Finalement, en montrant que la
justice humaine possède des traits de la justice divine, Saint Augustin se
demande comment des païens, si pénétrés de respect pour la justice humaine,
critiquent la justice divine quand ils se ressemblent tant[5].
Comment pouvons-nous alors
expliquer l’étonnement des païens ? « Une peine éternelle ne semble dure et injuste à la faiblesse de l’homme
mortel, que parce qu’il lui manque le sens de cette sagesse si haute et si
pure, qui lui ferait concevoir toute l’énormité de la prévarication primitive. »[6]
Les païens méconnaissent en fait la gravité de faute qui conduit le pécheur aux
peines de l’enfer.
La peine à la mesure de la
gravité de la faute
En raison du péché originel,
l’homme méritait la peine sans que personne ne puisse s’en étonner. Mais par la
miséricorde de Dieu, sans encore aucun mérite de notre part, le salut nous a
été offert par les œuvres de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui, après s’être
incarné, a souffert et est mort pour nous. Le prix de notre rédemption est
d’une valeur infinie et inestimable, révélant encore davantage la gravité
du péché face à l’amour de Dieu qui éclate dans cette nouvelle œuvre divine. Il
a fallu qu’Il meure pour que nous puissions retrouver notre dignité. Or, si
nous refusons ce salut, si nous Le refusons, nous rendons ces souffrances et
cette mort inutiles pour nous…
Et si sauvés par Lui, nous renouvelons
notre refus, nous passons alors véritablement du Christ au diable. Car, par un
péché[9],
nous Le perdons et revenons à un état pire que le précédent. Notre destin
dépend donc de l’état dans lequel nous nous trouvons quand survient la mort. Le
pardon est encore possible tant que nous le pouvons. Jusqu’au dernier souffle,
il est en effet possible de passer du diable au Christ. Ce n’est donc pas le
péché en soi qui nous entraîne aux châtiments éternels mais notre état de
pécheur, c’est-à-dire notre volonté d’y rester.
Dans une lettre, Saint
Augustin explique le mal que porte le péché et qui explique l’éternité du
châtiment. Les païens ne voient dans le péché que le plaisir illicite, goûté ou
désiré, et donc en présentent un aspect temporel et fini. Or le véritable mal ne
réside pas en lui. Il est surtout dans la volonté du péché. Le pécheur veut que
son plaisir soit éternel. C’est alors que l’éternité de la peine répond à
l’éternité réelle, foncière, du péché. C’est ainsi que le châtiment dépend
du péché…
Saint Augustin montre en fait
toute la cohérence de la doctrine chrétienne. Si nous admettons les
œuvres de la Création et de la Rédemption, telles qu’il a enseigné et défendu
dans les chapitres précédents de La Cité de Dieu, nécessairement,
nous ne pouvons plus rejeter la doctrine sur l’enfer telle qu’elle est aussi enseignée
par l’Église. Les païens ne peuvent qu’admettre la cohérence et la logique de
l’enseignement alors que la raison est bien impuissante à la fonder et à la
rejeter…
L’argument est aussi valable pour les chrétiens qui récusent l’éternité des peines des damnés comme Saint Augustin va le montrer.
Contre l’apocatastase
Dans La Cité de Dieu, Saint
Augustin traite rapidement de la doctrine de l’apocatastase qu’il attribue à
Origène. Celui-ci, dit-il, délivre le démon et ses anges des supplices de
l’enfer, et les réunit aux anges demeurés fermes dans la sainteté[10].
Il lui suffit de rappeler que l’Église l’a déjà censurée pour ne point
s’étendre sur ce sujet. Il est vrai aussi que cette erreur vient de l’Orient,
bien trop loin et spéculative pour intéresser la terre africaine.
Pourtant, Saint Augustin n’ignore
pas que la doctrine origéniste défendant l’apocatastase s’est étendue en
Afrique. Leurs défenseurs s’appuient surtout sur un argument philologique. Ils
utilisent en effet une hypothèse qu’a déjà employée Origène. Le terme grec
« éternel », que la Saint
Écriture emploie, peut signifier « qui
dure un long moment ». C’est pourquoi, disent-ils, le mot « éternel » est suivi de l’expression
« dans les siècles et les siècles ».
Pour eux, il est évident que le premier désigne un temps long quand le second
ne peut qu’être illimité[11].
Comme nous le verrons plus tard, Saint Augustin réfutera cet argument[12].
Enfin, toujours plus loin dans son exposé, il reviendra sur l’erreur d’un salut
accordé au démon et à ses anges réprouvés.
En raison d’une miséricorde
bien restreinte
La principale préoccupation de
Saint Augustin porte plutôt sur certains chrétiens qui ne croient pas en
l’éternité de l’enfer pour les hommes tout en l’acceptant pour le diable et ses
anges. Ils se justifient par la miséricorde divine. Mais, Saint
Augustin s’étonne de leur position qui lui semble bien contradictoire et
incohérente comme il va en effet le prouver.
La meilleure miséricorde ne
serait-elle pas plutôt de l’étendre justement à tous les anges réprouvés ? « Elle se répand sur toute la nature humaine,
et, quand elle arrive à la nature angélique, soudain elle tarit ! »[13]
Mais si nous devons admettre le salut du démon et ses anges en raison de la
miséricorde divine, nous nous opposons à de fortes objections, voire à une
contradiction insoluble puisque cela reviendrait à contredire une parole claire
et incontestable de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais « si quelqu’un va jusque-là, il l’emporte en
compassion sur les autres, mais il est convaincu d’erreur, d’autant plus
contraire à la rectitude de la parole de Dieu, qu’il se fait à lui-même
illusion d’une clémence plus généreuse. »[14]
En raison de la clémence
divine
Dans ses commentaires sur le
Psaume
XCIV, Saint Augustin nous fait entendre des paroles terribles venant
de Dieu Lui-même : « j’ai juré dans
ma colère qu’ils n’entreront point
dans mon repos ». Dieu parle des réprouvés du peuple hébreux. « C’est beaucoup que Dieu parle ; mais
qu’est-ce, quand il jure ? »[15],
nous demande Saint Augustin. Par Lui-même, Dieu confirme ses menaces qui sont
des promesses. Or, ses serments, sont-ils téméraires, Lui qui daigne nous
parler ? « Que nul ne dise
en son cœur : sa promesse est vraie, sa menace est fausse. »
Dieu deviendrait aussi
clément en raison de la prière et de l’intercession des saints pour eux,
ou encore de l’expiation de leurs fautes par la souffrance déjà endurée.
La colère de Dieu, c’est-à-dire en langage biblique sa justice, ne peut en
effet retenir sa miséricorde comme le chante la Sainte Écriture dans les
psaumes. Pour se justifier, les chrétiens « miséricordieux » s’appuient sur des versets de la Sainte
Écriture et sur l’exemple de Ninive qui a été sauvée alors qu’elle avait fait
l’objet d’une menace sans condition. « Il
est donc dans la vérité de sa justice, parce que ces hommes méritent
châtiment ; mais il n’est pas dans la logique de sa miséricorde qu’il ne
contienne pas sa colère en remettant à leurs larmes suppliantes la peine dont
il menaçait leur obstination. »[16]
Il est à noter que cet exemple est repris par ceux qui, de nos jours, doutent
de l’éternité des peines de l’enfer…
Mais, de nouveau, Saint
Augustin s’étonne de la manière de penser des « miséricordieux ». « Ce
que nos adversaires présument au fond de leur âme, c’est que l’Écriture sainte,
en se taisant sur ce pardon, veut que plusieurs arrivent à la pénitence par la
crainte de longues ou d’éternelles peines, et que plusieurs puissent prier pour
les impénitents. »[17]
Ils comblent un silence par leurs propres pensées. Faut-il alors croire que
Dieu cache sa miséricorde aux hommes afin de les maintenir dans la
crainte ?
Ou à cause d’une miséricorde
intéressée ?
Pour répondre aux arguments
des « miséricordieux »,
Saint Augustin commence par traiter le cas du démon et de ses anges
réprouvés. Il veut en effet savoir pourquoi l’Église condamne « l’opinion qui promet au diable sa
purification ou sa grâce, même après de longs et rigoureux supplices. »[18]
Sa condamnation se fonde sur une parole de Notre Seigneur Jésus-Christ :
« Retirez-vous de moi,
maudits ! Allez au feu éternel préparé pour le diable et ses anges. »
(Matthieu,
XXV, 41). Elle s’appuie aussi sur l’Apocalypse. Les paroles sont en
fait si claires et catégoriques qu’elles ne donnent pas lieu à
d’interprétation. Et comme il le dira dans un autre ouvrage sur le même sujet,
« nous ne devons pas avoir la
présomption de rien n’ajouter à la sentence définitive du Juge suprême et très
véridique. »[19]
Cela explique aussi la position des « miséricordieux »
qui sont dans l’obligation de limiter la miséricorde divine aux seuls hommes.
Les chrétiens ne peuvent
donc pas croire que les anges réprouvés soient sauvés sans s’opposer à la
Sainte Écriture et à l’Église. Les « miséricordieux »
sont donc parfaitement cohérents avec la foi sur ce point mais alors ils
doivent justifier les raisons qui limitent la miséricorde divine aux hommes.
Comment pouvons-nous en effet expliquer la fin des peines pour les méchants en
raison de la miséricorde ou de la clémence divine alors que cette même
miséricorde ou clémence est refusée aux anges réprouvés ? Les menaces et
les sentences que Dieu a prononcées seraient donc vraies pour les anges mais
fausses pour les hommes ? « Ainsi,
serait-il sans-doute, si les conjectures des hommes prévalaient sur la parole
de Dieu. »
Finalement, « c’est une miséricorde toute humaine
qu’ils ne ressentent pour les hommes, et ils plaident surtout leur propre
cause, quant à la faveur de cette clémence universelle de Dieu pour le genre
humain, ils promettent à la corruption de leurs mœurs une trompeuse
impunité. »[20]
Une croyance incohérente
Saint Augustin revient aussi
sur l’idée que les saints puissent, par leurs prières, sauver les damnés. Or,
il rappelle que les saints sont unis aux bons anges. Ainsi, voyons-nous des
saints unis aux anges mettre fin aux supplices des âmes damnées tout en laissant
les anges réprouvés dans les flammes de l’enfer ! Pourquoi la sainteté
parfaite refuserait-elle le secours de la miséricorde divine ? Peut-être
les anges réprouvés seront-ils finalement sauvés ? « C’est là ce qu’une foi pure n’a jamais dit,
ce qu’elle ne dira jamais. »[21]
Nous revenons donc à une nouvelle contradiction…
Un enfer vide de chrétiens
ou de catholiques ?
Saint Augustin rappelle
alors l’avertissement de Saint Paul. « Les
œuvres de la chair sont évidentes : adultère, fornication, impureté, […] : sur quoi je vous ai dit et vous redis
encore que les auteurs de tels crimes ne posséderont point le royaume de Dieu. »
(Galates,
V, 19-21) Or, celui qui ne possède pas le royaume de Dieu est livré aux
supplices de l’enfer. À la fin des temps, « il n’est pas de lieu intermédiaire qui préserve des peines de l’enfer
celui qui ne jouit pas des félicités du ciel. »[22]
Nous ne pouvons pas non plus oublier les malédictions qui suivent les
béatitudes que Notre Seigneur Jésus-Christ a proclamées lors du sermon sur la
montagne[23].
Par leurs crimes, les hommes de mœurs odieuses et criminels, chrétiens ou
catholiques, peuvent encore demeurer dans l’Église mais ils ne peuvent pas dire
qu’ils persévèrent en Notre Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire en sa foi. Ils
ne peuvent prétendre être membres de Notre Seigneur Jésus-Christ puisqu’ils
sont membres d’une « courtisane ».
Puisqu’ils ne demeurent pas en Notre Seigneur Jésus-Christ, Notre Seigneur
Jésus-Christ ne peut demeurer en eux.
Saint Augustin oppose aussi leur
croyance à la parole d’un autre apôtre. Saint Jacques nous assure en effet que la
foi seule, une foi sans les œuvres, ne peut pas nous sauver. Il nous montre
alors que le catholique a véritablement la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ
ou qu’il L’a pour fondement que s’il « lui
donne la préférence sur tous les
biens, même licites et permis, de la terre et du temps »[24].
Et « s’il préfère ces biens au
Christ, quoiqu’il semble avoir la foi au Christ, il n’a pas le Christ pour
fondement dès qu’il Lui préfère de tels biens. »[25]
Contre ceux qui pensent
encore que les chrétiens sont assurés de ne pas souffrir les supplices éternels
de l’enfer quelle que soit la dignité de leur vie, Saint Augustin s’étonne même
qu’une telle pensée soit soutenable. En effet, dit-il, les hérésiarques
auraient « une cause meilleure que
ceux qui, n’ayant jamais été catholiques, se sont laissé prendre à leurs
pièges. »[26] ?
Un « déserteur de la foi »,
un « transfuge devenu persécuteur »,
auraient un destin plus enviable que « celui
qui ne saurait trahir ce qu’il n’a jamais professé » ? Qui
pourrait le soutenir ?
Concernant l’idée que les
chrétiens sont assurés de ne point demeurer éternellement en enfer en raison de
la réception de l’Eucharistie, Saint Augustin nous rappelle que nous pouvons
recevoir des sacrements de l’Église sans néanmoins en recueillir les fruits comme
c’est le cas pour les hérétiques et les schismatiques. « Que dis-je ? à leur détriment,
encourant plutôt un jugement plus rigoureux qu’une délivrance plus tardive. Car
ils ne sont pas dans le lien de paix que ce sacrement exprime. »[27]
Conclusions
Nous ne sommes guère surpris
que les païens antiques rejettent l’éternité de l’enfer puisque celle-ci se
fonde sur la foi. En effet, sans cette foi, comment peuvent-ils comprendre la
gravité du péché originel et du péché mortel ? Saint Augustin nous
rappelle non seulement leurs conséquences funestes mais aussi ce que nous
manquons par notre propre faute, et finalement le mal que nous faisons par
notre péché. Et c’est celui qui choisit de demeurer dans ce mal que la
justice divine condamne. Notre propre façon de condamner les coupables de
leurs méfaits peut nous aider à comprendre, ou au moins à ne pas récuser la
justice divine. Cependant, comme le montre Saint Augustin, les païens ne
peuvent pas nous accuser d’incohérence ou d’irrationalité. La doctrine
chrétienne sur nos fins dernières est en effet parfaitement cohérente avec
l’enseignement de l’Église sur les œuvres de la Création et de la Rédemption.
Les païens ne sont pas les
seuls à rejeter l’éternité des peines de l’enfer. Dans les premiers siècles du
christianisme, des chrétiens croient déjà au salut universel, laissant le
diable et les anges réprouvés seuls gémir finalement dans la géhenne. Ils
s’appuient sur des paroles de la Sainte Écriture pour penser que la miséricorde
divine finira par l’emporter ou que les menaces de l’enfer doivent être
entendues comme des menaces prophétiques plus que comme dans des sanctions
définitives. Or Saint Augustin montre que non seulement leur croyance est
absurde et insoutenable mais qu’elle s’oppose aussi à un ensemble de paroles de
la Sainte Écriture. Leurs erreurs ne résident pas dans les versets
bibliques mais dans leur interprétation. Isolés du contexte, sans rapport avec leur
contexte ou d’autres passages de la Sainte Écriture, ces paroles ne sont pas
entendues correctement. « J’imagine,
nous dit Saint Augustin, à ceux qui, sans mépriser l’autorité de la Sainte
Écriture qu’ils invoquent comme nous, y lisent néanmoins, par une fausse
interprétation, non pas ce qu’elle annonce, mais ce que leur cœur désire. »[28]
Saint Augustin perçoit aussi
dans leur doctrine un danger bien réel car elle peut conduire au laxisme et
surtout au désespoir. En effet, si, au bout du compte, le méchant est
assuré de vivre une félicité éternelle, alors pourquoi devrait-il cesser d’être
méchant ? Il aurait même intérêt de le demeurer si cela procure un avantage
ici-bas. Certes, il souffrira un temps mais le temps, qu’est-il face à
l’éternité ? Puis, si les peines de l’enfer ont eu une fin, pourquoi
la vie éternelle ne se finirait-elle pas non plus ? L’apocatastase et
toute pensée qui refusent l’éternité des peines de l’enfer impliquent
nécessairement une remise en cause de toute éternité. Pourquoi alors devons-nous
combattre ici-bas pour une gloire qui cessera finalement? Nous revenons
ainsi au sens de notre vie sur cette terre. Elle est étroitement liée à celle
qui perdure après notre mort…
« Elle se prolongera donc sans fin cette mort perpétuelle des damnés,
c’est-à-dire la privation de la vie divine, et leur sera commune à tous,
quelles que soient les opinions professées par les hommes, à la mesure de leurs
sentiments humaines, sur la diversité de leurs peines, le soulagement ou
l’interruption de leurs souffrances. »[29]
Notes et références
[1] Le livre XXI est
dédié aux destinées finales et aux châtiments des méchants.
[2] Voir Émeraude,
novembre 2021, article « L'apocatastase ou le refus des peines
éternelles en enfer ».
[3] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XI, traduit du latin par Louis Moreau
en 1846, revu par Jean-Claude Eslin, édition du Seuil, mai 1994.
[4] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XI.
[5] Voir Lettre
CII à Degretias, Saint Augustin.
[6] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XII.
[7] Voir Émeraude, janvier 2020, article « La morale
antique (1) - Homère, Hésiode et les sages de Delphes - Une morale tirée d'une
conception religieuse, de l'expérience et de la connaissance des hommes ».
[8] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XV.
[9] Par un péché mortel.
Il faut en effet distinguer les péchés véniels et mortels. Seuls les seconds conduisent
aux peines éternelles.
[10] Voir La
Cité de Dieu, Saint Augustin, vol. 3, livre XXI, XVII.
[11] Après un voyage en
Palestine sur demande de Saint Augustin, Orose, jeune prêtre espagnol du IVe
siècle, lui transmet un mémoire, connu sous le nom de Consultation, qui énumère
une série de doctrines qu’il attribue à Origène dont celle de l’apocatastase.
Il nous donne aussi les noms de ces défenseurs en Afrique : deux Avitus et
Basilius Graecus. Nous connaissons donc cette doctrine à partir de cet ouvrage.
Voir L’Éternité
des peines de l’Enfer dans Saint Augustin, Achille Lehaut,
Études
de Théologie Historique, édition Beauchesne, 1912, www.archive.org.
[12] Saint Augustin réfute
cet argument dans la Cité de Dieu et dans sa Lettre
à Orose, n°533-534.
[13] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XVII.
[14] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XVII.
[15] Saint Augustin, Commentaire
sur les Psaumes, Psaume XCIV, n°15 dans Sermon de Saint Augustin,
4ème série, traduit par l’abbé Benoist, abbaye de Saint-Benoît,
clerus.org.
[16] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XVIII.
[17] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XVIII.
[18] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XXIII.
[19] À Orose, sur les Priscillianistes
et les Origénistes, 5, dans Œuvres complètes de Saint Augustin, traduit
sous la direction de M. Rault, tome XIV, 1869, bibliotheque-monastique.ch.
[20] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XVIII.
[21] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XVIV.
[22] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XV.
[23] Voir Émeraude,
juillet 2020, article « La morale et l'Évangile (4) : le sermon sur
la montagne (1) » et suivant.
[24] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XV.
[25] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XV.
[26] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XV.
[27] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XV.
[28] Saint Augustin, La
Cité de Dieu, vol. 3, livre XXI, XVII.
[29] Saint Augustin, Enchiridion
ou De Fide, Spe et Charitate, 6ème partie, Ve section,
n°113.
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