" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 23 octobre 2021

L'enseignement des apôtres sur la mort : constance et fidélité

Dans notre monde où tout semble évoluer et se transformer, où tout n’est que révolution et agitation, il est difficile pour l’homme moderne de concevoir ou d’accepter l’idée qu’après la mort, l’homme est destiné à un état définitif et immuable, c’est-à-dire à une vie éternelle ou à des tourments sans fin. Il ne peut guère en effet accepter que sa liberté puisse l’engager pour l’éternité, même s’il admet que cette même liberté n’a pas de prix. Or, l’Église enseigne qu’après la mort, l’âme devra rendre des comptes à Dieu des œuvres qu’elle a réalisées et que selon son jugement, un jugement sans recours ni appel, elle vivra un véritable bonheur ou une éternité de souffrances implacables, puis qu’à la fin des temps, les bons et les méchants ressusciteront pour jouir de la vie éternelle ou des tourments sans fin. Et cet enseignement, si clair et affirmé, est au cœur de la foi chrétienne

« Ne vous en étonnez pas parce que vient l’heure où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu, et en sortiront, ceux qui auront fait le bien, pour ressusciter à la vie ; mais ceux qui auront fait le mal pour ressusciter à leur condamnation. »(Jean, V, 28-29)

Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui rejettent cette doctrine. Ils préfèrent ne pas songer à la mort et vivre comme si leurs actes ici-bas ne leur étaient pas comptés. Comment pourraient-ils en effet jouir pleinement de leurs péchés s’ils devaient en assumer les conséquences ? Mais si leur regard est tourné uniquement vers leur corps et les biens terrestres, comment pourraient-ils penser à autre chose qu’à leur tombe ? Le temps qui leur reste à vivre apparaît alors d’une platitude sinistre… Mais qui pourraient les blâmer ? Devant des médias avides de scandales, des autorités ecclésiastiques n’hésitent pas à relativiser la doctrine de l’Église sur l’enfer et le paradis, voire à la remettre en cause, sans-doute pour être plus ouverts et agréables au monde. Ils livrent ouvertement leurs opinions hasardeuses et toutes personnelles, aussi fausses que dangereuses, comme si elles étaient partagées et désormais admissibles. La naïveté des chrétiens qui rêvent d’un enfer vide et d’un paradis accueillant toute l’humanité est aussi nuisible que ridicule…

Pourtant, l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ est suffisamment clair pour que nous comprenions ses paroles et agissions en conséquence. Nous ne pouvons pas ne pas entendre ses avertissements répétés sur ce qui nous attend après la mort. Il ne cesse de nous demander de veiller et d’être vigilants jusqu’au bout. Après son Ascension, ses apôtres ont bien compris son enseignement et l’Église n’a pas cessé de le transmettre afin de nous prévenir comme une mère protégeant ses enfants. La constance de cet enseignement ne peut que nous frapper et interroger ceux qui peuvent encore douter…

Les apôtres enseignent clairement, et le plus souvent très explicitement, la perdition éternelle des méchants et la vie éternelle pour les justes. Nous allons en effet les entendre les uns après les autres.

Selon Saint Pierre, Notre Seigneur Jésus-Christ réserve les injustes pour le jugement.  « Leur ruine ne s’endort pas » (II. Pierre, II, 3). Les pécheurs sont déjà torturés ici-bas mais leurs supplices ne s’achèveront pas par leur mort. Au contraire, ils seront fixés dans leurs souffrances. « Ils périront aussi par leur corruption. Ce sera le salaire de leur iniquité. » (II. Pierre, II, 13). Ces paroles ne peuvent pas concernées la mort physique puisque tous, bons et mauvais, y sont frappés.

Plus loin, le chef des apôtres est encore plus précis. Il décrit ceux qui, dans les derniers temps, se lèveront pour se moquer des promesses divines, avec « pleine d’ironie, vivant au gré de leurs convoitises » (II. Pierre, III, 3). Mais, nous prévient-il, la parole de Dieu « les tient en réserve et les garde pour le feu, au jour du jugement et de la ruine des hommes impies. » (II. Pierre, III, 7) Ignorent-ils que le temps de Dieu n’est pas celui des hommes ? Notre Seigneur Jésus-Christ use aussi de patience envers les pécheurs car Il ne veut pas qu’ils périssent mais que « tous arrivent à la pénitence. » (II. Pierre, III, 9) Il nous demande alors de veiller, d’être fidèles et de persévérer puisque « le jour du Seigneur viendra comme un voleur » (II. Pierre, III, 10)…

Saint Jude est encore plus explicite dans son épître tout entière dirigée contre les impies qui nient Notre Seigneur Jésus-Christ. Ce sont des « astres errants, auxquels l’obscurité des ténèbres est réservée pour l’éternité. »(Jude, 13) Comme Saint Pierre, il nous demande alors de veiller en dépit des moqueries des « hommes sensuels, n’ayant pas l’esprit de Dieu. » (Jude, 19) Nous devons attendre dans l’amour de Dieu « la miséricorde de Notre Seigneur Jésus-Christ, pour avoir la vie éternelle. » (Jude, 21) Mais nous ne pouvons nous sauver qu’en fondant notre vie sur le fondement de la foi et priant dans le Saint-Esprit.

Saint Jacques nous demande aussi de ne pas avoir une foi stérile. Il revient notamment sur l’exigence de la miséricorde à l’égard de notre prochain. « Le jugement sera sans miséricorde pour celui qui n’aura pas fait miséricorde ; la miséricorde triomphe du jugement. » (Jacques, II, 13) Celui qui vivra de la charité ne doit pas craindre le jugement puisque nous serons jugés selon la mesure de notre foi vivante. Il insiste alors sur les péchés que nous réalisons en raison de notre langue, véritable « fléau » (Jacques, III, 5) qui peut être rempli d’un « venin mortel »  (Jacques, III, 8), une langue qui peut bénir mais aussi maudire. Elle peut nous faire pécher et exciter en nous l’esprit de mensonge, dévastant ainsi notre vie. Elle est alors « un feu, le monde de l’iniquité » (Jacques, III, 6), un feu qui provient de la géhenne pour nous enflammer…

En dépit de ses nombreuses épîtres, Saint Paul n’a pas varié dans son enseignement sur l’enfer au cours de son apostolat. Aux Thessaloniciens, il annonce la future justice, c’est-à-dire la joie à cause de leur constance et de leur fidélité alors que leurs persécuteurs connaîtront l’affliction et le tourment. « Notre Seigneur Jésus-Christ apparaîtra du ciel avec les anges, ministres de sa puissance, au milieu d’une flamme de feu, pour faire justice de ceux qui ne connaissent pas Dieu et de ceux qui n’obéissent pas à l’Évangile de notre Seigneur Jésus. » (II, Thess., I, 8) Il leur promet « une ruine éternelle, loin de la face du Seigneur et de la gloire de sa force. » (II, Thess., I, 9) Aux Galates, il prévient énergiquement que ceux qui commettent « les œuvres de la chair » (Gal., V, 29) n’obtiendront pas le royaume de Dieu. Car ils ne sont pas animés de l’esprit de Dieu mais de l’amour de soi. Comme de mauvais fruits, ils seront jetés au feu. Aux Corinthiens, il a le même discours. « Ne savez-vous pas que les injustes ne posséderont point le royaume de Dieu ? Ne vous trompez pas : ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les avares, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les rapaces ne posséderont le royaume de Dieu. » (I, Corinthien, VI, 9-10) Les souillures du monde ne peuvent convenir à ceux qui sont appelés à la sainteté, c’est-à-dire à l’union de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Dans la première épître aux Corinthiens, Saint Paul songe seulement à la résurrection des fidèles, de ceux qui sont de Notre Seigneur Jésus-Christ et qui seront en Lui. Le jour où le temps laissera sa place à l’éternité sera un jour de triomphe où tous s’inclineront devant Lui au ciel, sur la terre et en enfer. La mort sera alors anéantie.

Pourtant, Dieu nous a prévu une demeure dans le ciel, « une demeure éternelle qui n’a pas été fait de main d’homme. » (II, Corinthien, V, 1) Mais pour y habiter, faut-il « comparaître devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qu’il a fait étant dans son corps, selon ce qu’il a fait de bien ou de mal. » (II, Corinthien, V, 10)  Dans son épître aux Éphésiens (cf. Éphésiens, V, 5), nous retrouvons le même discours.

Aux Romains, il leur rappelle que « Dieu jugera par Jésus-Christ les actions secrètes des hommes » (Romains, II, 2) Le jugement se fondera sur notre attitude à l’égard de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et « si nous mourons avec Lui, nous vivrons aussi avec Lui ; si nous persévérons dans l’épreuve, nous régnerons avec Lui ; si nous le renions, lui aussi nous reniera ; si nous sommes infidèles, Il demeure fidèle, car Il ne peut se renier Lui-même. » (II, Timothée, II, 12-13) Or, cette fidélité n’est pas sans épreuve ni renoncement. Nous devons être comme des athlètes, modèles de persévérance, qu’il n’obtient sa couronne qu’à la condition de s’être exercé au combat.

Saint Paul n’a aucun doute sur ce sujet. Il demande donc aux fidèles de persévérer dans leur fidélité à l’égard de Notre Seigneur Jésus-Christ et de fuir tout discours qui s’oppose à cet enseignement car finalement, tout se joue ici-bas tant qu’il nous reste un souffle de vie.  « Et comme c’est la destinée de l’homme de mourir une fois et qu’après cela suit le jugement, ainsi le Christ […] apparaître une seconde fois, sans péché, pour donner le salut à ceux qui l’attendent. » (Hébreux, IX, 27-28) Tous feront l’objet du jugement divin. Or si nous mourons dans le péché, si nous foulons aux pieds le Fils de Dieu, si nous outrageons le Saint Esprit, nous connaîtrons la terrible vengeance de Dieu. Car « c’est une chose terrible de tomber dans les mains du Dieu vivant » (Hébreux, X, 31).

Par conséquent, la mort et les épreuves que nous subissons en raison de notre foi ne nous sont rien en comparaison avec l’éternité qui nous est promise. Pourtant, quand il écrit son épître, Saint Paul a déjà enduré de nombreuses peines et souffrances, et frôlé la mort à plusieurs reprises ? Comme nous l’avons souvent évoqué, le temps n’est rien. Il cesse au moment où il est. Nous devons nous tourner notre regard vers l’éternité, là où rien ne cessera.

Dans ses épîtres, Saint Jean précise que la vie éternelle consiste en la connaissance de Dieu. « Nous le verrons comme Il est » (I, Jean, III, 1) au point que nous Lui seront semblables. Dieu sera alors pour nous « lumière », c’est-à-dire connaissance claire comme un véritable soleil. Le ciel est alors la cité de Dieu, là où brille sa gloire. L’enfer est alors peint comme un lieu de ténèbres, d’absence de Dieu. Cependant, la vie éternelle commence dès maintenant puisque « nous sommes passés de la mort à la vie » (I, Jean, III, 14). Et, « quiconque hait son frère est un meurtrier, et vous savez qu’aucun meurtrier n’a la vie éternelle demeurant en lui. » (I, Jean, III, 15) Or qui donne la vie éternelle si ce n’est Dieu ? Par le péché, nous la perdons et quand nous mourrons dans le péché, nous perdons toute espérance.

Enfin, finissons notre rapide étude par l’Apocalypse. Dans cet ouvrage étonnant, Saint Jean nous décrit ce qu’il voit, ce qu’il entend concernant les derniers jours, le jour du jugement dernier. Dans une vision, vingt-quatre vieillards assis devant Dieu l’adorent en disant : « le moment de juger les morts, de donner la récompense à tes serviteurs, aux prophètes, aux saints, à ceux qui craignent ton nom, petits et grands, et de perdre ceux qui perdent la terre. » (Apocalypse, XI, 18). Dans une autre vision, Saint Jean voit un ange, disant d’une voix forte à toutes les habitations de la planète : « craignez Dieu et lui donnez gloire, car l’heure du jugement est venue. » (Apocalypse, XIV, 7) Puis après plusieurs apparitions, un dernier ange « jette sa faucille sur la terre, et vendange la vigne de la terre, et il en jette les grappes dans la grande cuve de la colère de Dieu. » (Apocalypse, XIV, 19)

Dans une autre vision, Saint Jean voit un trône devant lequel « les morts sont jugés selon leurs œuvres d’après ce qui est écrit dans les livres » (Apocalypse, XX, 12). Puis de nouveaux cieux s’ouvrent à lui, la Jérusalem céleste. « Et Celui qui est assis sur le trône » se présente et décrit ceux qui y habitent. Mais « pour les lâches, les incrédules, les abominables, les meurtriers, les impudiques, les magiciens, les idolâtres et tous les menteurs, leur part est dans l’étang ardent de feu et de soufre : c’est la seconde mort » (Apocalypse, XXI, 8), la mort définitive, l’éternelle damnation. Les justes connaîtront une vie éternelle. « Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d’avoir droit à l’arbre de vie » (Apocalypse, XXI, 14).

Conclusions

Ainsi, les apôtres enseignent que tous les hommes seront jugés devant Notre Seigneur Jésus-Christ selon le bien et la mal qu’ils auront fait avant de mourir. Ceux qui auront commis les œuvres du mal, qui seront morts dans leur péché et donc n’ont pas demeuré en Dieu connaîtront l’état de châtiment, un état dans lequel les peines seront sans fin, éternelles. L’enfer sera leur dernière demeure. Les apôtres avertissent alors les fidèles de ne pas commettre les œuvres qui conduisent aux supplices éternels. Pour que nous soyons bien avertis de notre destin et de nos responsabilités, ils nous livrent une longue liste des œuvres du mal qui conduisent à l’enfer. Qui peut dire qu’il ne savait pas ?

Les apôtres nous recommandent donc de rester fidèles et de faire les œuvres de la vie éternelle.  Au dernier jour, quand Notre Seigneur Jésus-Christ reviendra parmi nous, la colère divine sera alors terrible. C’est un jour de vengeance pour les méchants, de flammes de feu pour les impies et les incrédules, pour tous ceux qui ont vécu des œuvres de la chair. Mais c’est aussi le jour d’achèvement pour les bons, le jour tant attendu où l’homme, corps et âme, vivra de la vie éternelle. Habités d’une telle espérance, nous voulons « amasser ainsi pour l’avenir un trésor placé sur un fondement solide, afin de saisir la vie véritable. » (I, Timothée, VI, 19)

Les épreuves que nous endurons ici-bas n’ont qu’un temps. Qu’est-ce qu’en effet, notre existence ici-bas devant l’éternité ? Et pourtant, c’est dans le monde au cours d’un temps bref que nous gagnons notre vie éternelle ou nous la perdons. Et dans cette bataille dont l’issue est essentielle, nous ne sommes pas seuls. Dieu nous donne en effet tout ce dont nous avons besoin pour vaincre et demeurer en Lui. Car Il ne veut point notre mort. Notre Dieu est un Dieu des vivants. C’est pourquoi le terrible jugement qui nous attend ne doit pas nous pétrifier ou nous enfermer dans une crainte infantile. Les épreuves et sacrifices que nous endurons pour demeurer unis à Dieu ne doivent pas non plus nous effrayer. Nos chutes ne doivent pas nous empêcher de nous relever. Puisqu’au bout du chemin, se trouve la vie éternelle. Mais faut-il encore saisir la main de Dieu qui nous tend et nous attire à Lui. Les apôtres ont ainsi peint la vie chrétienne dans sa pureté et ses exigences afin de nous éclairer et de nous soutenir mais aussi de nous remettre sur le bon chemin. « Être dans le temps à Jésus-Christ pour être à Dieu dans l’éternité. »[1]


Note et référence

[1] Dom Paul Delatte, Les Épitres de Saint Paul, replacées dans le milieu historique des actes des apôtres, Aère épître aux Corinthiens, Troisième partie, Chap. XV.

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