Au
XIXe siècle, alors que le gouvernement veut imposer la laïcité dans
l’enseignement, l’Église est accusée
d’obscurantisme, reprenant ainsi une vieille habitude issue des Lumières.
Ce terme est bien commode puisqu’il est suffisamment éclairant pour le comprendre,
suffisamment fort pour être accusateur. L’ignorance
est excusable, l’obscurantisme non.
Selon
le site Internet de Larousse, l’obscurantisme désigne « l’opposition à la diffusion de
l’instruction, de la culture, au progrès des sciences, à la raison, en
particulier dans le peuple »[1]. Littré
est encore plus explicite. C’est « l’opinion
de l’obscurant », c’est-à-dire de « celui qui est opposé aux progrès des lumières et de la civilisation »[2]. Dans
une édition ancienne de l’encyclopédie de Quillet, nous trouvons une définition
plus relative : « système réel
ou supposé de ceux qui s’opposent à la diffusion de l’instruction et au progrès
de la civilisation dans lesquels ils voient un danger pour la société »[3]. En
distinguant réalité et supposition, cette dernière définition prend mieux en
compte l’histoire et les polémiques qu’elle contient.
Au
XIXe siècle, au cours du débat sur la
laïcisation de l’enseignement, l’Église est donc accusé d’entretenir
l’obscurantisme afin de mieux contrôler les individus et la société, ce qui
justifie son exclusion de l’enseignement. Or, une telle accusation peut nous
sembler bien paradoxale. Comment est-il
en effet possible de s’opposer à la diffusion de l’instruction tout en dominant
le monde de l’enseignement ? Est-ce une calomnie ou une réalité ?
Ou le terme est-il inadapté ? Tel est le sujet de notre article…
La
parole à l’accusation : opposition entre Église et modernité
Dans
son rapport relatif à la séparation des Églises et de l’État[4], qu’il
présente à la chambre des députés en 1905, Aristide Briand dénonce « l’obscurité du dogme » qu’il faut
combattre par la loi pour en « dégager
progressivement les intelligences enfantines »[5]. Il
décrit en fait « l’abîme qui sépare
le catholicisme romain de la civilisation moderne », abîme qui « apparaîtra plus profond », « à mesure que les esprits s’éveilleront plus
nombreux aux vérités scientifiques ». Aristide Briand oppose ainsi l’Église à la civilisation moderne et à la science. Il
explique que cette opposition est cachée par l’ignorance
scientifique. Le dogme est alors dénoncé parce qu’il maintient cette ignorance.
Le terme de dogme employé soulève néanmoins quelques questions. Signifie-t-il les
vérités religieuses enseignées par l’Église, leur formulation ou encore leur caractère immuable ? Mais comme nous l’avons
déjà constaté[6],
le rapport d’Aristide Briand révèle une
profonde ignorance à l’égard de l’Église et surtout une volonté de ne point
la connaître.
La
parole à l’accusation : s’affranchir de la tutelle de l’Église
Ferdinand
Buisson, le « père de la laïcité »,
est plus subtil. Utilisant les principes du positivisme d’Auguste Comte, il
reconnaît le rôle de l’Église dans la marche de l’humanité vers « une conquête, une victoire de l’esprit
humain sur la misère et sur l’ignorance »[7] mais son rôle d’éducatrice est dépassé. Il
dénonce alors une mise sous tutelle qui restreint
l’épanouissement de l’homme. « Nous
n'acceptons pas pour l'homme ce rôle de perpétuel mineur. Nous souhaitons de le
mettre le plus tôt possible en possession d'une volonté qui soit la sienne,
d'une raison et d'une conscience qui soient les siennes. »[8]
L’éducation
doit donc être désormais attribuée à
l’instruction publique. Il évoque les actions bénéfiques de Saint Jean-Baptiste
de La Salle et de Saint Vincent de Paul en faveur de l’instruction, mais, ajoute-t-il
en dépit de leur clergé. Contrairement aux clercs du XIXe siècle, ils se
seraient réjouis, suppose-t-il, de l’instruction que la république met en
œuvre. C’est l’institution cléricale qui
est donc clairement accusée.
La
parole à l’accusation : incompatibilité entre l’Église et la république
Ouvrage élaboré par Frère Philipe des écoles chrétiennes |
Quinet
va encore plus loin. Il démontre l’incompatibilité entre les principes qui
régissent l’institution religieuse et les principes auxquels adhère la société
contemporaine. « La liberté est incompatible
avec l'esprit de cette institution »[9], en
parlant de l’Église romaine, encore accusée de maintenir le « servage spirituel ». L’exclusivisme
religieux, qui est naturel pour une religion, sans quoi elle se détruirait,
s’oppose nécessairement aux valeurs républicaines que sont la liberté de
conscience et l’égalité. Là demeure sans-doute le point central de
l’accusation. Il n’est pas possible de lier les principes qui régissent
l’Église et celles qui doivent diriger la société. Il est vrai que Buisson
semble contredire Quinet. Il s’oppose en effet à « certains esprits trop simples » qui
« se l'imaginent peut-être, qu'il y
ait incompatibilité entre le sentiment religieux et la démocratie la plus
libre. »[10] Mais
rapidement, il nous parle d’un rêve, celui d’une Église entièrement
spirituelle, sans corps ni dogme. L’accusation
porte donc sur la conception même de l’Église.
La
parole à l’accusation : incompatibilité entre les fonctions religieuses et
enseignantes
De
même, comment le prêtre et le religieux peuvent-ils enseigner de manière
indépendante quand ils sont affiliés à un ordre et à une religion ? Leur
conception de vie suit celle de l’institution religieuse à laquelle ils
appartiennent. Buisson souligne surtout la discipline des congrégations
religieuses qui ne peut guère accepter la liberté d’enseignement. Il tente de démontrer l’incompatibilité entre les
fonctions religieuses et enseignantes. « Le prêtre - et encore plus le moine- est l'homme de la foi ; le
professeur est l'homme de la raison, par conséquent du libre examen. »[11] Car,
rajoute-t-il « s’engager à être
professeur, c’est s’engager à penser et à penser librement. C'est promettre
d'éveiller et d'exercer le sens critique, l'habitude de la discussion, l'esprit
de recherche sans limite et sans réserve. C'est déclarer que, quelle que soit
la vérité, on l'acceptera le jour où la science la fera éclater, dût-elle
renverser toutes les théories reçues. » [12] Cela va à l’encontre du prêtre ou du religieux
qui s’écartera de la règle et finira par être exclu de son institution. Buisson
revient aussi sur la confusion des
fonctions alors que la société
moderne exige la division du travail.
La
parole à l’accusation : force oppressive de Église dans l’enseignement
En
outre, les moyens dont dispose l’Église dans l’enseignement font l’objet
d’accusation. Selon Buisson, par ses congrégations religieuses, elle dispose
« d'un des plus admirables appareils
de pression intellectuelle et morale, sociale et religieuse, qui aient été forgés
en ce monde », ce qui lui permet d’« assurer le maintien de sa domination sur les consciences »[13].
Finalement, elle maintient la tutelle sur l’esprit humain. Pourquoi ? Pour
rendre compatible la science à son enseignement. Nous revenons donc aux affirmations
d’Aristide Briand. L’Église veut dominer
le monde de l’enseignement pour maîtriser la diffusion de la vérité
scientifique et la rendre compatible avec son enseignement religieux.
Rapide
état des lieux : pallier au manque de système éducatif détruit par la
révolution
Quelle
est en fait la situation ? Le XIXe siècle est marqué par la renaissance des ordres religieux et des
congrégations catholiques en France. Il est vrai qu’au lendemain de la
révolution de 1789, leur situation était catastrophique. Le monde religieux
avait quasiment disparu en France.
Avant
les lois de 1880, qui fondent l’école laïque, l’enseignement est soit une des
activités des ordres religieux et des congrégations parmi tant d’autres, soit
l’objet essentiel de leur occupation. Nous constatons aussi que les religieux
ou congréganistes enseignent dans les écoles qu’ils dirigent ou dans les écoles
publiques, qu’elles relèvent de l’enseignement primaire ou secondaire. Ils
fondent aussi des écoles, notamment pour former leurs enseignants. Elles sont
généralement d’origine locale, surtout pour l’enseignement des filles. Enfin,
soulignons que ces enseignants sont soit des religieux, soit des laïcs au sens
propre du terme.
Leur
renaissance s’explique en partie par la situation désastreuse que connaît le
pays au lendemain de la révolution. Le pouvoir politique voit toute l’utilité
de leurs actions et les favorise pour pallier
de manière urgente au manque de système éducatif. En outre, le XIXe siècle
est marqué par le développement considérable de la scolarité des filles. Les congrégations offrent alors leurs
services et leurs compétences à l’État bien impuissant à relever le défi.
Elles proposent des institutrices qu’elles ont formées, permettant ainsi
l’ouverture d’écoles communales. Elles créent des sortes d’écoles normales
d’institutrices rurales. C’est pourquoi des
écoles publiques fonctionnent avec et grâces aux religieux en accord avec les
lois de l’État.
En
raison de leur utilité sociale, de leur dévouement et de leur efficacité,
et de leur gratuité, les gouvernements
français favorisent et facilitent le développement des congrégations
enseignantes. La Monarchie de Juillet œuvre pour mettre en place un système
scolaire à l’échelle nationale en le libéralisant. Ce sont les lois de Guizot
en 1833 pour l’enseignement primaire et de Falloux en 1850 pour l’enseignement
secondaire. En 1852, les congrégations exerçant une activité utile à la société
obtiennent une reconnaissance officielle. Sous Napoléon III, de nombreuses reconnaissances
officielles sont données aux congrégations, dont beaucoup sont enseignantes.
L’importance
de l’Église dans l’enseignement
Concernant
l’enseignement des filles, en 1861, près des deux tiers des religieuses et
congréganistes y œuvrent. En 1863, 73% des 100 000 jeunes filles éduquées
dans les pensionnats le sont par des religieuses[14]. En
1880, les ordres et congrégations religieuses scolarisent 60% des filles
environ. À Lyon, sur les 124 écoles pour filles, 65 sont congréganistes et 59
laïques. L’enseignement des garçons connaît le même engouement. En dépit d’une
politique plutôt défavorable, les Jésuites parviennent à s’implanter en France.
Ils auront 29 établissements d’enseignement secondaires, réunissant 11 000
élèves, quand la Compagnie de Jésus sera de nouveau dissoute en 1880. Après les
décrets des 28 et 29 mars 1880 qui ferment les établissements scolaires et
expulsent les religieux et congréganistes enseignants, 5 700 religieux
quittent la France.
À
la fin du XIXe siècle, nombreux sont les religieux et les laïcs des congrégations
qui continuent d’enseigner mais le plus souvent dans l’enseignement privé, dans
le cadre d’écoles ou d’établissements scolaires indépendants. Alors qu’après la révolution, ils tentaient
de répondre aux besoins scolaires, palliant ainsi à la désorganisation de l’État, ils cherchent
désormais à se maintenir, à survivre. Alors qu’ils œuvraient pour toute la
société, ils ne peuvent désormais que scolariser des enfants issus des classes
aisées. Telle est une des conséquences de la laïcité de l'enseignement...
Réponses
aux attaques
Pour
notre article, il serait inutile de parler de l’enseignement en France avant la
révolution. Cela ne répondrait guère aux accusations des « pères de la laïcité »
puisqu’eux-mêmes reconnaissent les bienfaits passés de l’Église. Cependant, ils
rajoutent aussitôt que ses actions ne sont plus acceptables au XIXe siècle et
qu’il est temps d’affranchir la société
de son emprise. C’est l’attaque la plus sérieuse que mènent les adversaires de l'Église contrairement aux insultes
et aux vociférations des antireligieux et des anticléricaux au travers de leurs journaux et de leurs discours.
Le
rapide état des lieux de l’enseignement nous montre un autre visage de la situation. D’une part, l’enseignement en France n’a pu subsister après la révolution qu’en
raison de l’activité des religieux et des congréganistes. Et même après les
lois de 1880, des communes ont désobéis sciemment aux lois pour les garder afin
de maintenir leurs écoles. C’est bien la
nécessité qui a fait surgir des vocations, et non un esprit de domination ou de
théocratie. Le même esprit anime les religieux et congréganistes lorsqu’ils
s’occupent des malades, des pauvres, des femmes aliénées, des délinquantes
sorties de prison, etc.
Évidemment,
au début du XIXe siècle, peu d’enseignants étaient formés. Un effort a donc été
mené dans l'Église pour mettre en place des formations au profit des religieux et des
congréganistes, généralement lors des noviciats des futures éducatrices. Les écoles
de noviciat de la congrégation de Bourg-en-Bresse et de Lyon sont si efficaces
qu’elles deviennent, à la demande du
préfet, l’école normale d’institutrices du département de l’Ain en 1880.
Quelle plus belle reconnaissance de la qualité de leur formation ? Ainsi,
leurs activités d’enseignement se développent pour répondre aux besoins.
En
outre, jusque aux années 1930 au moins, ce sont encore les municipalités qui
s’occupent des écoles en dépit des lois, des programmes et des politiques qui
se suivent. Après les lois de Jules Ferry, des maires n’ont pas hésité à garder
leurs enseignants religieux ou congréganistes. Le réalisme s’impose. L’État n’a pas les moyens de ses ambitions.
En fait, la concurrence est grande entre
les écoles de l’État et celles de l’Église[15]. Au temps de Napoléon, les lycées d’État sont durement
concurrencés par les établissements privés et des petits séminaires. L’empereur
doit mettre en place un véritable monopole pour faire disparaître cette
concurrence. Dans les régimes qui succèdent à l’empire, la concurrence est toujours très vive. Pour la combattre,, le gouvernement s’appuie plutôt sur l’uniformisation de
l’enseignement et son caractère national. Mais, c’est un échec. Il est vrai qu’en
même temps, il libéralise l’enseignement.
Les
écoles sont généralement l’œuvre d’initiatives locales et ne connaissent guère
la centralisation de notre actuel système scolaire, surtout pour l’enseignement des
filles. Dans ce cas, il est bien difficile de croire à une mainmise de l’Église
sur les consciences avec un système si
déconcentré et si disséminé. Une telle domination est plus réelle lorsque
l’enseignement est concentré et qu’il n’existe qu’un seul corps d’enseignement.
C’est encore plus facile lorsqu’il est fait l’objet d’un monopole comme aujourd'hui !
Enfin,
quels sont les principales congrégations masculines en charge de
l’enseignement ? La plus importante est celle des Frères de l’Instruction
chrétienne du Saint-Esprit, approuvée en 1835, congrégation formée de laïcs. La
Société de Marie, fondée en 1817, contient un groupe dédié à l’enseignement. Il
est composé uniquement de laïcs. Recrutées auprès de la paysannerie, les
institutrices de la congrégation de Sainte-Famille, à Besançon, ne sont aussi que des
laïques. Comment est-il alors possible de laïciser ces enseignants au sens
propre du terme ?! Au XIXe siècle, le mouvement religieux n’est plus le même
qu’aux siècles précédents. Pour mieux
s’adapter aux besoins et aux populations, l’Église évolue naturellement.
L’enseignement,
œuvre de la charité
Quel
est le but de ce développement remarquable des congrégations en faveur de
l’enseignement ? Certains, comme l’Oratoire et l’institut des Frères des
écoles chrétiennes, renaissent de la tragédie révolutionnaire pour faire
revivre l’aventure avec d’autres méthodes alors que d’autres se créent. Ils veulent
répondre aux besoins d’alphabétisation, notamment chez les filles, et à une
demande croissante d’enseignants, y compris pour les écoles publiques. Les congrégations enseignantes ne cherchent pas à remplacer l’État ou à le
remettre en cause. Ils pallient à la déficience d’un système qui ne peut
répondre à des besoins légitimes.
« Toute mon ambition est de créer en
France un enseignement qui y manque ». Telle est l’ambition du Père
Lacordaire, le fondateur du Tiers-ordre dominicain enseignant. De plus, la qualité de l’enseignement et leur
dévouement sont reconnus et donc recherchés. Comme l’avoue Buisson
lui-même, leur dévouement dépasse
grandement ceux des instituteurs publics.
La république peut exiger la gratuité des écoles. Bien avant les
lois de 1880, la gratuité de
l’enseignement était déjà mise en place dans les écoles catholiques qui
œuvrent dans les quartiers pauvres. L’idée de tout salaire ou profit n’entre
pas dans leur cadre de pensée. C’est bien plus tard, quand l’État a exclu
l’Église de l’enseignement public, qu’elle s’est tournée uniquement vers les
milieux aisés…
La
principale préoccupation des congrégations enseignantes est aussi de relever
le niveau moral et religieux de la société, surtout après la révolution de
1848 puis la débâcle de 1870. De nombreuses congrégations abandonnent certaines
activités pour se dévouer à l’enseignement comme les Oratoriens et les Frères
de l’Instruction chrétienne de Ploërmel. Même les Franciscains fondent des
collèges. Les religieux et congréganistes ne sont pas en effet seulement des
instructeurs.; ce sont aussi des éducateurs. La dimension religieuse de leurs
actions prime sur leur enseignement. L’éducation de la jeunesse et des maîtres
sont leur principale préoccupation. Comme le proclame le père Libérier devant
ses élèves du collège Saint-Charles de Saint-Brieuc : « Nous sommes de ceux qui ont foi en leur
avenir, mais cependant à une condition : c’est qu’instruits par nos revers
inouïs nous chercherions à prévenir des crises dont on peut mourir. Bien des
systèmes se présentent. Pour moi, je ne crois à l’efficacité que d’un
seul : l’éducation de la jeunesse. C’est là qu’il faut commencer toutes
nos réformes et chercher le secret de notre prospérité future… La jeunesse,
seule possède ce privilège de n’avoir aucun passé qui l’enchaîne et de choisir
librement sa voie, à condition pourtant de grandir sous la tutelle d’une forte
éducation intellectuelle et morale. »[16]
L'esprit de dévouement
Le dévouement des religieux et des
congréganistes à l’égard des enfants pour les instruire et les éduquer est
inattaquable. Leur volonté n’est pas
simplement de leur transmettre des compétences et de leur inculquer des savoirs
mais bien de les éduquer. Cela est bien naturel en raison de leur vocation et de
leur foi. Ils s’intéressent surtout à la
jeunesse car ils savent que c’est par elle que la nation peut se relever
moralement et religieusement. Pour cela, ils
se sont adaptés à la population et au contexte difficile du XIXe siècle,
enfreignant parfois la loi pour répondre aux besoins que l’État lui-même ne
pouvait répondre. Il est donc facile pour les politiques de dénoncer leur
prétendue mainmise quand ils sont bien
incapables de mener le même effort avec une telle énergie. Les
municipalités bien au fait des réalités n’hésitent pas à appeler les religieux
et les congrégations pour le bien de leurs administrés. Nous sommes bien loin
des soi-disant intrigues du pape dans les affaires de la France ou d’une
mainmise de l’Église sur les consciences des enfants. Sur le terrain, dans une
classe, la situation est bien plus terre-à-terre…
Les
enseignants religieux ou congréganistes ne peuvent guère être concurrencés par
les « hussards noirs de la
république ». Leur qualité d’enseignant et leur dévouement sont
reconnus. Ils ne constituent pas des corps attachés à leurs intérêts comme nous
le voyons parfois aujourd’hui. Ils ne cherchent pas non plus à être mieux
payés. L’ironie est que la république
demande à ses instituteurs le même dévouement avec un salaire bien faible. Leur sort n’est pas enviable.
Conclusions
Critiqués, injuriés, calomniés, les
religieux et congréganistes ont subi bien des
épreuves. De nouveau, comme en 1789, leurs œuvres ont été dilapidées. Il a
fallu attendre la première guerre mondiale et les souffrances dans les
tranchées pour que leur dévouement soit de nouveau reconnu. Mais dans une société qui veut s’enrichir, le
dévouement n’est guère une vertu. La société de consommation peut-elle
encore le comprendre ? C’est en
raison de leur conception de vie que les pères de la laïcité ont voulu les
exclure de l’enseignement.
Pour
terminer cet article, nous pensons à ces enseignants religieux et
congréganistes qui poursuivent l’œuvre de leurs aînés avec le même dévouement sans aucune aide de l’État. L’une des élèves du Tiers-Ordre dominicain
enseignant entrée cette année en faculté de lettres a eu la grande surprise
d’apprendre que son niveau en grec ancien dépassait de loin celui de son
professeur. Elle siège désormais avec des étudiants en master sans aucun
complexe. D’autres témoignages montrent le niveau de culture de leurs élèves
bien au-dessus de la moyenne. Leurs qualités de travailleurs sérieux et leurs méthodes de travail sont aussi très appréciées. Leur éducation ne fait l’objet d’aucun reproche au
point que leur comportement se fait remarquer devant les examinateurs. Ils ne sont pas comme les autres…
Contrairement
à nos écoles publiques, l’enseignement
et la qualité des écoles chrétiennes indépendantes, dites hors contrat, savent durer et puiser dans
leur expérience une mine de trésors pour le bien des âmes. Ils ne fluctuent
pas au gré des politiques et des gouvernements, des idéologies, des syndicats et
des libres penseurs, ou encore des éditeurs de manuels. Or l’éducation ne peut guère être fiable ni
efficace sans durée ni cohérence comme l’avait déjà compris Saint Jean-Baptiste
de la Salle. Telle est l’histoire de notre école publique depuis un siècle, où le bien de l’enfant n’est pas finalement au
centre des préoccupations, mais bien l’électeur, le consommateur ...
[2] Voir article « obscurantisme » puis « obscurant », littre.org, 20 octobre
2019.
[3] Dictionnaire encyclopédie Quillet,
tome L-O, article « obscurantisme »,
1965.
[4] Voir Émeraude,
septembre 2019, article « Laïcité : le rapport d'Aristide Briand,
erreurs, mensonges et anachronismes, un texte révélateur d'un état d'esprit ».
[5] Aristide Briand
(1862-1932), La séparation des Églises et de l’État : rapport fait au nom de la
commission de la Chambre des députés, suivi des pièces annexes, 1905, gallica.bnf.fr.
[6] Voir Émeraude,
septembre 2019, article « Laïcité : le rapport d'Aristide Briand,
erreurs, mensonges et anachronismes, un texte révélateur d'un état d'esprit ».
[7] Ferdinand Buisson
(1841-1932), Discours prononcé à l’inauguration des écoles de Fontenay-le Comte
(Vendée), juillet 1887, dans La foi laïque : extraits de discours et
d’écrits (1878-1911), 3e édition, 1918, gallica.bnf.fr.
[8] Ferdinand Buisson, L’éducation
de la volonté, leçon de clôture du cours de pédagogie à la Sorbonne, 22
juin 1899, dans La foi laïque : extraits de discours et d’écrits (1878-1911),.
[9] Quinet, L’enseignement
du peuple, chap. IV, 4e édition, librairie Chamerot, 1850.
[10] Ferdinand Buisson, L’Église
et l’école, Les nouvelles méthodes de la propagande catholique, 22
janvier 1899, Le Siècle, dans La foi laïque : extraits de discours et
d’écrits (1878-1911).
[11] Ferdinand Buisson, La
liberté des congrégations et la liberté de l’enseignement, IV, discours
prononcé le 10 septembre 1902, Le Temps, 17 septembre 1902.
[12] Ferdinand Buisson, La
liberté des congrégations et la liberté de l’enseignement, VI.
[13] Ferdinand Buisson, La
liberté des congrégations et la liberté de l’enseignement, V
[14] Les chiffres sont
fournis par Sophie Hasquenoph, Histoire des ordres et congrégations
religieuses en France, du moyen-âge à nos jours, Champ Vallon, janvier 2009.
[15] Voir l’article
instructif de Philippe Savoie, « Les caractères originaux de l’histoire de l’État enseignant français
XIXe-XXe siècles », Histoire de l’éducation [En ligne], 140-141 | 2014, mis en ligne le
31 août 2014, http://journals.openedition.org/histoire-education/2762.
[16] S. Hasquenoth,
« Le père Libercier (1841-1928)
Dominicain enseignant et curé de Moscou », dans Mémoire dominicaine,
n°15, Cerf, 2001.
[17] Que demandent les religieuses qui travaillent au profit des écoles publiques ? Qu'elles soient uniquement logées par les municipalités qui les emploient.
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