" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 23 novembre 2019

Laïcité : calomnies et mensonges contre l'Église et l'enseignement catholique



Au XIXe siècle, alors que le gouvernement veut imposer la laïcité dans l’enseignement, l’Église est accusée d’obscurantisme, reprenant ainsi une vieille habitude issue des Lumières. Ce terme est bien commode puisqu’il est suffisamment éclairant pour le comprendre, suffisamment fort pour être accusateur. L’ignorance est excusable, l’obscurantisme non.

Selon le site Internet de Larousse, l’obscurantisme désigne « l’opposition à la diffusion de l’instruction, de la culture, au progrès des sciences, à la raison, en particulier dans le peuple »[1]. Littré est encore plus explicite. C’est « l’opinion de l’obscurant », c’est-à-dire de « celui qui est opposé aux progrès des lumières et de la civilisation »[2]. Dans une édition ancienne de l’encyclopédie de Quillet, nous trouvons une définition plus relative : « système réel ou supposé de ceux qui s’opposent à la diffusion de l’instruction et au progrès de la civilisation dans lesquels ils voient un danger pour la société »[3]. En distinguant réalité et supposition, cette dernière définition prend mieux en compte l’histoire et les polémiques qu’elle contient.

Au XIXe siècle, au cours du débat sur la laïcisation de l’enseignement, l’Église est donc accusé d’entretenir l’obscurantisme afin de mieux contrôler les individus et la société, ce qui justifie son exclusion de l’enseignement. Or, une telle accusation peut nous sembler bien paradoxale. Comment est-il en effet possible de s’opposer à la diffusion de l’instruction tout en dominant le monde de l’enseignement ? Est-ce une calomnie ou une réalité ? Ou le terme est-il inadapté ? Tel est le sujet de notre article…

La parole à l’accusation : opposition entre Église et modernité

Dans son rapport relatif à la séparation des Églises et de l’État[4], qu’il présente à la chambre des députés en 1905, Aristide Briand dénonce « l’obscurité du dogme » qu’il faut combattre par la loi pour en « dégager progressivement les intelligences enfantines »[5]. Il décrit en fait « l’abîme qui sépare le catholicisme romain de la civilisation moderne », abîme qui « apparaîtra plus profond », « à mesure que les esprits s’éveilleront plus nombreux aux vérités scientifiques ». Aristide Briand oppose ainsi l’Église à la civilisation moderne et à la science. Il explique que cette opposition est cachée par l’ignorance scientifique. Le dogme est alors dénoncé parce qu’il maintient cette ignorance. Le terme de dogme employé soulève néanmoins quelques questions. Signifie-t-il les vérités religieuses enseignées par l’Église, leur formulation ou encore leur caractère immuable ? Mais comme nous l’avons déjà constaté[6], le rapport d’Aristide Briand révèle une profonde ignorance à l’égard de l’Église et surtout une volonté de ne point la connaître.

La parole à l’accusation : s’affranchir de la tutelle de l’Église

Ferdinand Buisson, le « père de la laïcité », est plus subtil. Utilisant les principes du positivisme d’Auguste Comte, il reconnaît le rôle de l’Église dans la marche de l’humanité vers « une conquête, une victoire de l’esprit humain sur la misère et sur l’ignorance »[7] mais son rôle d’éducatrice est dépassé. Il dénonce alors une mise sous tutelle qui restreint l’épanouissement de l’homme. « Nous n'acceptons pas pour l'homme ce rôle de perpétuel mineur. Nous souhaitons de le mettre le plus tôt possible en possession d'une volonté qui soit la sienne, d'une raison et d'une conscience qui soient les siennes. »[8]

L’éducation doit donc être désormais attribuée à l’instruction publique. Il évoque les actions bénéfiques de Saint Jean-Baptiste de La Salle et de Saint Vincent de Paul en faveur de l’instruction, mais, ajoute-t-il en dépit de leur clergé. Contrairement aux clercs du XIXe siècle, ils se seraient réjouis, suppose-t-il, de l’instruction que la république met en œuvre. C’est l’institution cléricale qui est donc clairement accusée.

La parole à l’accusation : incompatibilité entre l’Église et la république

Ouvrage élaboré par Frère Philipe
des écoles chrétiennes
Quinet va encore plus loin. Il démontre l’incompatibilité entre les principes qui régissent l’institution religieuse et les principes auxquels adhère la société contemporaine. « La liberté est incompatible avec l'esprit de cette institution »[9], en parlant de l’Église romaine, encore accusée de maintenir le « servage spirituel ». L’exclusivisme religieux, qui est naturel pour une religion, sans quoi elle se détruirait, s’oppose nécessairement aux valeurs républicaines que sont la liberté de conscience et l’égalité. Là demeure sans-doute le point central de l’accusation. Il n’est pas possible de lier les principes qui régissent l’Église et celles qui doivent diriger la société. Il est vrai que Buisson semble contredire Quinet. Il s’oppose en effet à « certains esprits trop simples » qui « se l'imaginent peut-être, qu'il y ait incompatibilité entre le sentiment religieux et la démocratie la plus libre. »[10] Mais rapidement, il nous parle d’un rêve, celui d’une Église entièrement spirituelle, sans corps ni dogme. L’accusation porte donc sur la conception même de l’Église.

La parole à l’accusation : incompatibilité entre les fonctions religieuses et enseignantes



De même, comment le prêtre et le religieux peuvent-ils enseigner de manière indépendante quand ils sont affiliés à un ordre et à une religion ? Leur conception de vie suit celle de l’institution religieuse à laquelle ils appartiennent. Buisson souligne surtout la discipline des congrégations religieuses qui ne peut guère accepter la liberté d’enseignement. Il tente de démontrer l’incompatibilité entre les fonctions religieuses et enseignantes. « Le prêtre - et encore plus le moine- est l'homme de la foi ; le professeur est l'homme de la raison, par conséquent du libre examen. »[11] Car, rajoute-t-il « s’engager à être professeur, c’est s’engager à penser et à penser librement. C'est promettre d'éveiller et d'exercer le sens critique, l'habitude de la discussion, l'esprit de recherche sans limite et sans réserve. C'est déclarer que, quelle que soit la vérité, on l'acceptera le jour où la science la fera éclater, dût-elle renverser toutes les théories reçues. » [12]  Cela va à l’encontre du prêtre ou du religieux qui s’écartera de la règle et finira par être exclu de son institution. Buisson revient aussi sur la confusion des fonctions alors que la société moderne exige la division du travail.

La parole à l’accusation : force oppressive de Église dans l’enseignement

En outre, les moyens dont dispose l’Église dans l’enseignement font l’objet d’accusation. Selon Buisson, par ses congrégations religieuses, elle dispose « d'un des plus admirables appareils de pression intellectuelle et morale, sociale et religieuse, qui aient été forgés en ce monde », ce qui lui permet d’« assurer le maintien de sa domination sur les consciences »[13]. Finalement, elle maintient la tutelle sur l’esprit humain. Pourquoi ? Pour rendre compatible la science à son enseignement. Nous revenons donc aux affirmations d’Aristide Briand. L’Église veut dominer le monde de l’enseignement pour maîtriser la diffusion de la vérité scientifique et la rendre compatible avec son enseignement religieux.

Rapide état des lieux : pallier au manque de système éducatif détruit par la révolution

Quelle est en fait la situation ? Le XIXe siècle est marqué par la renaissance des ordres religieux et des congrégations catholiques en France. Il est vrai qu’au lendemain de la révolution de 1789, leur situation était catastrophique. Le monde religieux avait quasiment disparu en France.

Avant les lois de 1880, qui fondent l’école laïque, l’enseignement est soit une des activités des ordres religieux et des congrégations parmi tant d’autres, soit l’objet essentiel de leur occupation. Nous constatons aussi que les religieux ou congréganistes enseignent dans les écoles qu’ils dirigent ou dans les écoles publiques, qu’elles relèvent de l’enseignement primaire ou secondaire. Ils fondent aussi des écoles, notamment pour former leurs enseignants. Elles sont généralement d’origine locale, surtout pour l’enseignement des filles. Enfin, soulignons que ces enseignants sont soit des religieux, soit des laïcs au sens propre du terme.

Leur renaissance s’explique en partie par la situation désastreuse que connaît le pays au lendemain de la révolution. Le pouvoir politique voit toute l’utilité de leurs actions et les favorise pour pallier de manière urgente au manque de système éducatif. En outre, le XIXe siècle est marqué par le développement considérable de la scolarité des filles. Les congrégations offrent alors leurs services et leurs compétences à l’État bien impuissant à relever le défi. Elles proposent des institutrices qu’elles ont formées, permettant ainsi l’ouverture d’écoles communales. Elles créent des sortes d’écoles normales d’institutrices rurales. C’est pourquoi des écoles publiques fonctionnent avec et grâces aux religieux en accord avec les lois de l’État.

En raison de leur utilité sociale, de leur dévouement et de leur efficacité, et de leur gratuité, les gouvernements français favorisent et facilitent le développement des congrégations enseignantes. La Monarchie de Juillet œuvre pour mettre en place un système scolaire à l’échelle nationale en le libéralisant. Ce sont les lois de Guizot en 1833 pour l’enseignement primaire et de Falloux en 1850 pour l’enseignement secondaire. En 1852, les congrégations exerçant une activité utile à la société obtiennent une reconnaissance officielle. Sous Napoléon III, de nombreuses reconnaissances officielles sont données aux congrégations, dont beaucoup sont enseignantes.

L’importance de l’Église dans l’enseignement

Concernant l’enseignement des filles, en 1861, près des deux tiers des religieuses et congréganistes y œuvrent. En 1863, 73% des 100 000 jeunes filles éduquées dans les pensionnats le sont par des religieuses[14]. En 1880, les ordres et congrégations religieuses scolarisent 60% des filles environ. À Lyon, sur les 124 écoles pour filles, 65 sont congréganistes et 59 laïques. L’enseignement des garçons connaît le même engouement. En dépit d’une politique plutôt défavorable, les Jésuites parviennent à s’implanter en France. Ils auront 29 établissements d’enseignement secondaires, réunissant 11 000 élèves, quand la Compagnie de Jésus sera de nouveau dissoute en 1880. Après les décrets des 28 et 29 mars 1880 qui ferment les établissements scolaires et expulsent les religieux et congréganistes enseignants, 5 700 religieux quittent la France.

À la fin du XIXe siècle, nombreux sont les religieux et les laïcs des congrégations qui continuent d’enseigner mais le plus souvent dans l’enseignement privé, dans le cadre d’écoles ou d’établissements scolaires indépendants. Alors qu’après la révolution, ils tentaient de répondre aux besoins scolaires, palliant ainsi à la désorganisation de l’État, ils cherchent désormais à se maintenir, à survivre. Alors qu’ils œuvraient pour toute la société, ils ne peuvent désormais que scolariser des enfants issus des classes aisées. Telle est une des conséquences de la laïcité de l'enseignement... 

Réponses aux attaques

Pour notre article, il serait inutile de parler de l’enseignement en France avant la révolution. Cela ne répondrait guère aux accusations des « pères de la laïcité » puisqu’eux-mêmes reconnaissent les bienfaits passés de l’Église. Cependant, ils rajoutent aussitôt que ses actions ne sont plus acceptables au XIXe siècle et qu’il est temps d’affranchir la société de son emprise. C’est l’attaque la plus sérieuse que mènent les adversaires de l'Église contrairement aux insultes et aux vociférations des antireligieux et des anticléricaux au travers de leurs journaux et de leurs discours.

Le rapide état des lieux de l’enseignement nous montre un autre visage de la situation. D’une part, l’enseignement en France n’a pu subsister après la révolution qu’en raison de l’activité des religieux et des congréganistes. Et même après les lois de 1880, des communes ont désobéis sciemment aux lois pour les garder afin de maintenir leurs écoles. C’est bien la nécessité qui a fait surgir des vocations, et non un esprit de domination ou de théocratie. Le même esprit anime les religieux et congréganistes lorsqu’ils s’occupent des malades, des pauvres, des femmes aliénées, des délinquantes sorties de prison, etc.

Évidemment, au début du XIXe siècle, peu d’enseignants étaient formés. Un effort a donc été mené dans l'Église pour mettre en place des formations au profit des religieux et des congréganistes, généralement lors des noviciats des futures éducatrices. Les écoles de noviciat de la congrégation de Bourg-en-Bresse et de Lyon sont si efficaces qu’elles deviennent, à la demande du préfet, l’école normale d’institutrices du département de l’Ain en 1880. Quelle plus belle reconnaissance de la qualité de leur formation ? Ainsi, leurs activités d’enseignement se développent pour répondre aux besoins.

En outre, jusque aux années 1930 au moins, ce sont encore les municipalités qui s’occupent des écoles en dépit des lois, des programmes et des politiques qui se suivent. Après les lois de Jules Ferry, des maires n’ont pas hésité à garder leurs enseignants religieux ou congréganistes. Le réalisme s’impose. L’État n’a pas les moyens de ses ambitions.

En fait, la concurrence est grande entre les écoles de l’État et celles de l’Église[15]. Au temps de Napoléon, les lycées d’État sont durement concurrencés par les établissements privés et des petits séminaires. L’empereur doit mettre en place un véritable monopole pour faire disparaître cette concurrence. Dans les régimes qui succèdent à l’empire, la concurrence est toujours très vive. Pour la combattre,, le gouvernement s’appuie plutôt sur l’uniformisation de l’enseignement et son caractère national. Mais, c’est un échec. Il est vrai qu’en même temps, il libéralise l’enseignement.

Les écoles sont généralement l’œuvre d’initiatives locales et ne connaissent guère la centralisation de notre actuel système scolaire, surtout pour l’enseignement des filles. Dans ce cas, il est bien difficile de croire à une mainmise de l’Église sur les consciences avec un système si déconcentré et si disséminé. Une telle domination est plus réelle lorsque l’enseignement est concentré et qu’il n’existe qu’un seul corps d’enseignement. C’est encore plus facile lorsqu’il est fait l’objet d’un monopole comme aujourd'hui !

Enfin, quels sont les principales congrégations masculines en charge de l’enseignement ? La plus importante est celle des Frères de l’Instruction chrétienne du Saint-Esprit, approuvée en 1835, congrégation formée de laïcs. La Société de Marie, fondée en 1817, contient un groupe dédié à l’enseignement. Il est composé uniquement de laïcs. Recrutées auprès de la paysannerie, les institutrices de la congrégation de Sainte-Famille, à Besançon, ne sont aussi que des laïques. Comment est-il alors possible de laïciser ces enseignants au sens propre du terme ?! Au XIXe siècle, le mouvement religieux n’est plus le même qu’aux siècles précédents. Pour mieux s’adapter aux besoins et aux populations, l’Église évolue naturellement.

L’enseignement, œuvre de la charité

Quel est le but de ce développement remarquable des congrégations en faveur de l’enseignement ? Certains, comme l’Oratoire et l’institut des Frères des écoles chrétiennes, renaissent de la tragédie révolutionnaire pour faire revivre l’aventure avec d’autres méthodes alors que d’autres se créent. Ils veulent répondre aux besoins d’alphabétisation, notamment chez les filles, et à une demande croissante d’enseignants, y compris pour les écoles publiques. Les congrégations enseignantes ne cherchent pas à remplacer l’État ou à le remettre en cause. Ils pallient à la déficience d’un système qui ne peut répondre à des besoins légitimes. « Toute mon ambition est de créer en France un enseignement qui y manque ». Telle est l’ambition du Père Lacordaire, le fondateur du Tiers-ordre dominicain enseignant. De plus, la qualité de l’enseignement et leur dévouement sont reconnus et donc recherchés. Comme l’avoue Buisson lui-même, leur dévouement dépasse grandement ceux des instituteurs publics.

La république peut exiger la gratuité des écoles. Bien avant les lois de 1880, la gratuité de l’enseignement était déjà mise en place dans les écoles catholiques qui œuvrent dans les quartiers pauvres. L’idée de tout salaire ou profit n’entre pas dans leur cadre de pensée. C’est bien plus tard, quand l’État a exclu l’Église de l’enseignement public, qu’elle s’est tournée uniquement vers les milieux aisés…

La principale préoccupation des congrégations enseignantes est aussi de relever le niveau moral et religieux de la société, surtout après la révolution de 1848 puis la débâcle de 1870. De nombreuses congrégations abandonnent certaines activités pour se dévouer à l’enseignement comme les Oratoriens et les Frères de l’Instruction chrétienne de Ploërmel. Même les Franciscains fondent des collèges. Les religieux et congréganistes ne sont pas en effet seulement des instructeurs.; ce sont aussi des éducateurs. La dimension religieuse de leurs actions prime sur leur enseignement. L’éducation de la jeunesse et des maîtres sont leur principale préoccupation. Comme le proclame le père Libérier devant ses élèves du collège Saint-Charles de Saint-Brieuc : « Nous sommes de ceux qui ont foi en leur avenir, mais cependant à une condition : c’est qu’instruits par nos revers inouïs nous chercherions à prévenir des crises dont on peut mourir. Bien des systèmes se présentent. Pour moi, je ne crois à l’efficacité que d’un seul : l’éducation de la jeunesse. C’est là qu’il faut commencer toutes nos réformes et chercher le secret de notre prospérité future… La jeunesse, seule possède ce privilège de n’avoir aucun passé qui l’enchaîne et de choisir librement sa voie, à condition pourtant de grandir sous la tutelle d’une forte éducation intellectuelle et morale. »[16]

L'esprit de dévouement

Le dévouement des religieux et des congréganistes à l’égard des enfants pour les instruire et les éduquer est inattaquable. Leur volonté n’est pas simplement de leur transmettre des compétences et de leur inculquer des savoirs mais bien de les éduquer. Cela est bien naturel en raison de leur vocation et de leur foi. Ils s’intéressent surtout à la jeunesse car ils savent que c’est par elle que la nation peut se relever moralement et religieusement. Pour cela, ils se sont adaptés à la population et au contexte difficile du XIXe siècle, enfreignant parfois la loi pour répondre aux besoins que l’État lui-même ne pouvait répondre. Il est donc facile pour les politiques de dénoncer leur prétendue mainmise quand ils sont bien incapables de mener le même effort avec une telle énergie. Les municipalités bien au fait des réalités n’hésitent pas à appeler les religieux et les congrégations pour le bien de leurs administrés. Nous sommes bien loin des soi-disant intrigues du pape dans les affaires de la France ou d’une mainmise de l’Église sur les consciences des enfants. Sur le terrain, dans une classe, la situation est bien plus terre-à-terre…

Les enseignants religieux ou congréganistes ne peuvent guère être concurrencés par les « hussards noirs de la république ». Leur qualité d’enseignant et leur dévouement sont reconnus. Ils ne constituent pas des corps attachés à leurs intérêts comme nous le voyons parfois aujourd’hui. Ils ne cherchent pas non plus à être mieux payés. L’ironie est que la république demande à ses instituteurs le même dévouement avec un salaire bien faible. Leur sort n’est pas enviable.

Conclusions

Critiqués, injuriés, calomniés, les religieux et congréganistes ont subi bien des épreuves. De nouveau, comme en 1789, leurs œuvres ont été dilapidées. Il a fallu attendre la première guerre mondiale et les souffrances dans les tranchées pour que leur dévouement soit de nouveau reconnu. Mais dans une société qui veut s’enrichir, le dévouement n’est guère une vertu. La société de consommation peut-elle encore le comprendre ? C’est en raison de leur conception de vie que les pères de la laïcité ont voulu les exclure de l’enseignement. 

Pour terminer cet article, nous pensons à ces enseignants religieux et congréganistes qui poursuivent l’œuvre de leurs aînés avec le même dévouement sans aucune aide de l’État. L’une des élèves du Tiers-Ordre dominicain enseignant entrée cette année en faculté de lettres a eu la grande surprise d’apprendre que son niveau en grec ancien dépassait de loin celui de son professeur. Elle siège désormais avec des étudiants en master sans aucun complexe. D’autres témoignages montrent le niveau de culture de leurs élèves bien au-dessus de la moyenne. Leurs qualités de travailleurs sérieux et leurs méthodes de travail sont aussi très appréciées. Leur éducation ne fait l’objet d’aucun reproche au point que leur comportement se fait remarquer devant les examinateurs. Ils ne sont pas comme les autres…

Contrairement à nos écoles publiques, l’enseignement et la qualité des écoles chrétiennes indépendantes, dites hors contrat, savent durer et puiser dans leur expérience une mine de trésors pour le bien des âmes. Ils ne fluctuent pas au gré des politiques et des gouvernements, des idéologies, des syndicats et des libres penseurs, ou encore des éditeurs de manuels. Or  l’éducation ne peut guère être fiable ni efficace sans durée ni cohérence comme l’avait déjà compris Saint Jean-Baptiste de la Salle. Telle est l’histoire de notre école publique depuis un siècle, où le bien de l’enfant n’est pas finalement au centre des préoccupations, mais bien l’électeur, le consommateur ...


Notes et références
[1] Voir article « obscurantisme », larousse.fr, 20 octobre 2019.
[2] Voir article « obscurantisme » puis « obscurant », littre.org, 20 octobre 2019.
[3] Dictionnaire encyclopédie Quillet, tome L-O, article « obscurantisme », 1965.
[4] Voir Émeraude, septembre 2019, article « Laïcité : le rapport d'Aristide Briand, erreurs, mensonges et anachronismes, un texte révélateur d'un état d'esprit ».
[5] Aristide Briand (1862-1932), La séparation des Églises et de l’État : rapport fait au nom de la commission de la Chambre des députés, suivi des pièces annexes, 1905, gallica.bnf.fr.
[6] Voir Émeraude, septembre 2019, article « Laïcité : le rapport d'Aristide Briand, erreurs, mensonges et anachronismes, un texte révélateur d'un état d'esprit ».
[7] Ferdinand Buisson (1841-1932), Discours prononcé à l’inauguration des écoles de Fontenay-le Comte (Vendée), juillet 1887, dans La foi laïque : extraits de discours et d’écrits (1878-1911), 3e édition, 1918, gallica.bnf.fr.
[8] Ferdinand Buisson, L’éducation de la volonté, leçon de clôture du cours de pédagogie à la Sorbonne, 22 juin 1899, dans La foi laïque : extraits de discours et d’écrits (1878-1911),.
[9] Quinet, L’enseignement du peuple, chap. IV, 4e édition, librairie Chamerot, 1850.
[10] Ferdinand Buisson, L’Église et l’école, Les nouvelles méthodes de la propagande catholique, 22 janvier 1899, Le Siècle, dans La foi laïque : extraits de discours et d’écrits (1878-1911).
[11] Ferdinand Buisson, La liberté des congrégations et la liberté de l’enseignement, IV, discours prononcé le 10 septembre 1902, Le Temps, 17 septembre 1902.
[12] Ferdinand Buisson, La liberté des congrégations et la liberté de l’enseignement, VI.
[13] Ferdinand Buisson, La liberté des congrégations et la liberté de l’enseignement, V
[14] Les chiffres sont fournis par Sophie Hasquenoph, Histoire des ordres et congrégations religieuses en France, du moyen-âge à nos jours, Champ Vallon, janvier 2009.
[15] Voir l’article instructif de Philippe Savoie, « Les caractères originaux de l’histoire de l’État enseignant français XIXe-XXe siècles », Histoire de l’éducation [En ligne], 140-141 | 2014, mis en ligne le 31 août 2014, http://journals.openedition.org/histoire-education/2762.
[16] S. Hasquenoth, « Le père Libercier (1841-1928) Dominicain enseignant et curé de Moscou », dans Mémoire dominicaine, n°15, Cerf, 2001.
[17] Que demandent les religieuses qui travaillent au profit des écoles publiques ? Qu'elles soient uniquement logées par les municipalités qui les emploient.


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