" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 22 décembre 2018

Saint Pierre, sur lequel est bâtie l'Église...


Avant de rejoindre les cieux, Notre Seigneur Jésus-Christ a envoyé ses apôtres pour perpétuer son œuvre. Il les a choisis et leur a donné les pouvoirs nécessaires pour que l’Église qu’Il a fondée se répande dans le monde entier. Leur mission est néanmoins dépendante d’une double exigence, d’une double unité. Ils doivent être unis en Notre Seigneur Jésus-Christ comme un sarment à une vigne, et ils doivent être unis eux-mêmes par la charité. Mais nous connaissons la nature humaine et la liberté qui est donnée à tout homme. Nous ne pouvons guère oublier les séquelles du péché originel.  Nous portons nous-mêmes le lourd fardeau de notre misère. Sans ignorer l’assistance divine que Notre Seigneur Jésus-Christ leur a promise, nous pouvons craindre des dissensions entre les apôtres et les communautés qu’ils doivent fonder. Pourtant, au cours du premier siècle, les paroles de Notre Seigneurs Jésus-Christ ont été accomplies…

Nous pourrions alors croire que l’Église n’a été fondée que sur les apôtres unis entre eux et avec Notre Seigneur Jésus-Christ. Or, selon l’enseignement de l’Église, les successeurs des apôtres sont les évêques légitimes. Certains prétendent alors que l’Église ne doit être gouvernée que par les évêques fidèles unis entre eux. D’autres affirmeront que c’est le rôle du concile puisqu’il est le lieu où ils s’assemblent. Telles sont les idées émises par une certaine forme de conciliarisme et toutes les doctrines favorables à l’épiscopalisme. Or ces propositions ou opinions se fondent sur une erreur. Elles oublient, négligent ou relativisent un point fondamental : parmi les apôtres, Notre Seigneur Jésus-Christ a nettement distingué l’un d’entre eux, Saint Pierre

Simon, appelé Pierre, premier des apôtres




Lorsque les évangélistes Saint Matthieu, Saint Marc et Saint Luc énumèrent les noms des douze apôtres, le premier de la liste est toujours Simon « à qui il donna le nom de Pierre » (Marc, III, 16), ou « appelé Pierre » (Matth., X, 2), « auquel il donna le surnom de Pierre » (Luc, XVI, 14). Les trois évangélistes nous apprennent tous ce changement de nom. Dans les Actes des Apôtres, écrits par le même Saint Luc, la liste commence aussi par Pierre sans préciser son nom originel. Ainsi, dans ces énumérations, nous constatons clairement deux choses propres à Saint Pierre : la première place qu’il occupe et le changement de nom.

Le premier point nous éclaire sur la primauté qui lui est donnée sur les onze autres apôtres. Notons que la place des autres apôtres change selon les listes, ce qui souligne encore plus la place incontestable de Saint Pierre. Saint Matthieu est encore plus explicite. Simon est en effet appelé le « premier » (Matth., X, 2) sans qu’il n’évoque un second ou un troisième. Pourtant, il n’est pas le premier à avoir été choisi. C’est en effet son frère André. Le second point est plus éclairant.

Nouveau nom, nouvelle vocation

Saint Jean nous évoque la première rencontre entre Notre Seigneur Jésus-Christ et Simon. En le regardant, Il lui dit : « Tu es Simon, fils de Jona ; tu seras appelé Cephas, ce qu’on interprète par Pierre. » (Jean, I, 42) Le terme araméen est Kefa[1]. Il désigne le roc inébranlable. Remarquons que le terme de « rocher » évoque Dieu dans l’Ancien Testament.

Le changement de nom n’est pas anodin pour les Juifs. Il souligne un fait extraordinaire, le début d’une histoire. Le cas le plus célèbre est celui d’Abram dont le nom a été changé en Abraham. Le nom n’est pas simplement le moyen d’identifier un individu. Dans notre société, nous avons tendance à l’oublier. Il est constitutif de sa personne. « Pour les Israélites comme pour leurs voisins, le nom exprime en quelque sorte la personne même […] qu’il désigne. »[2] Le nom est intégré à la personne qui le porte. Connaître le nom ou l’attribuer à une personne revient ainsi à donner pouvoir sur elle. En outre, le changement de nom indique une nouveauté, une nouvelle vocation de la personne. Abram, qui signifie « père très haut », c’est-à-dire de bonne race noble, devient Abraham, « le père d’une multitude de nations ». Ainsi en modifiant le nom de Simon en Pierre, Notre Seigneur Jésus-Christ s’en accapare et lui attribue une nouvelle vocation, une fonction, une mission. Il est le seul apôtre qui a eu ce privilège. Même Saint Jean, le bien-aimé, n’a pas eu cette faveur.

La confession de foi de Saint Pierre

Saint Matthieu nous explique en détail les raisons de ce changement et, par-là, nous fait comprendre son rôle, ce pour quoi il a été choisi.

De Bethsaïde, Notre Seigneur Jésus-Christ se dirige vers le nord, vers Césarée de Philippe, aujourd’hui une petite bourgade appelée Bânias, dans la partie la plus au sud de la Palestine, non loin des sources du Jourdain. Il est accompagné de ses disciples. Il les interroge : « quel est celui que les hommes disent être le Fils de l’homme ? » (Matth., XVI, 13). L’expression « Fils de l’homme » est chère au peuple juif qui attend la venue du Messie[3]. Il en est une des multiples désignations.

La question peut nous étonner. Seul Saint Jean nous a habitués à un langage si personnel. Les autres évangélistes s’intéressent en effet plutôt au Royaume de Dieu. Et que signifie-t-elle ? Est-ce par ignorance qu’Il leur pose cette question ou pour un quelconque intérêt sur les rumeurs qui circulent sur Lui ? Certainement pas. Elle annonce plutôt des paroles solennelles. Elle veut provoquer une réaction auprès de ses disciples. Il veut attendre de leur bouche ce qu’Il est après leur avoir enseigné par sa vie, ses paroles, ses miracles.

Les apôtres Lui donnent alors des réponses variées. La population ne sait pas trop ce qu’Il est : Saint Jean-Baptiste, Elie, Jérémie…  Ils ne font ainsi que reprendre ce qu’ils ont attendu.



Puis Notre Seigneur Jésus-Christ les interroge de nouveau : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » (Matth., XVI, 15) La question est de nouveau posée à tous les apôtres réunis. Pourtant, un seul répond : Simon. « Prenant la parole, Simon-Pierre dit : vous êtes le Christ, le fils du Dieu vivant. » La réponse est affirmative, claire, unique. Elle n’amène aucune contradiction. La formule est aussi complète. Il est le Christ, c’est-à-dire l’oint de Dieu, le Messie attendu, et aussi le Fils du Dieu vivant, du Dieu véritable. Il n’est pas uniquement un Fils mais le Fils. Alors que la population hésite sur l’identité du « Fils de l’homme », Saint Pierre n’a donc aucun doute sur ce qu’Il est. D’une voix inébranlable, même magistrale, il professe sa foi en Notre Seigneur Jésus-Christ.

Saint Pierre, le roc sur lequel est établie l’Église de Notre Seigneur Jésus-Christ

La réponse de Saint Pierre est si belle et si pleine que Notre Seigneur Jésus-Christ le félicite aussitôt. « Tu es heureux, Sion, fils de Jean, car ni la chair ni le sang ne t’ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux. » (Matth., XVI, 17) La réponse nous renvoie aux Béatitudes. « Heureux êtes-vous… » Est-Il dans l’admiration et dans la joie d’entendre une telle réponse ? Nous songeons aux paroles sublimes de Saint Jean, à « ceux qui ne sont point nés du sang ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. » (Jean, I, 13)

Saint Pierre n’a pas trouvé sa réponse dans la raison ou auprès des autres disciples ou du peuple juif, lui qui ne sait pas reconnaître les signes que Dieu lui a pourtant donnés pour identifier le Messie. Sa connaissance est plus profonde. Elle est une révélation divine tout en étant un acte de foi. Comment un être de chair et de sang, un fils d’homme, limité aux lumières naturelles, peut-il en effet faire une telle profession de foi s’il n’était pas inspiré ? Une fois encore, Notre Seigneur Jésus-Christ l’appelle de son nom, insistant davantage sur sa nature de créature. Il lui rappelle ce qu’il est par nature, « fils de Jean » avant de lui donner un nouveau nom qui lui révèle ce qu’il va devenir. Le contraste est saisissant.

Saint Pierre a dit ce qui est Jésus, désormais, c’est à son tour de lui dire ce qu’il est. « Aussi moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. » (Matth., XVI, 18) Si les paroles araméennes perdent de leur force en les traduisant, nous percevons encore un magnifique jeu de mots[4]. Néanmoins, nous devrions dire « sur Pierre » au lieu de « sur cette pierre ». C’est donc sur sa personne que l’Église est bâtie. Le changement de nom annonce la place privilégiée qu’il va occuper dans l’édifice divin. L’Église, dont le fondateur est Notre Seigneur Jésus-Christ – c’est son Église, soulignons-le – est bâtie sur Saint Pierre, la pierre de fondement, la pierre fondamentale.

De nombreux commentaires voient dans le terme « pierre » d’autres significations. On en a recensé au moins dix. Certains considèrent par exemple qu’il s’agit de Notre Seigneur Jésus-Christ Lui-même. Ces interprétations ne peuvent pas cependant résister longtemps à une lecture sérieuse des paroles.

Un fondement inébranlable

L’image du rocher est lumineuse. Elle est associée aux idées de fondement et de stabilité. « Le rocher porte vraiment l’édifice et lui prête sa forme ; ainsi Pierre soutiendra l’Église par son autorité. Il ne s’agit pas non plus d’un rôle passage… Déjà l’image du fondement annonce par elle-même un rôle stable, une action durable et permanente. »[5] L’image nous renvoie à d’autres paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ. « Quiconque donc entend ces paroles que je dis et les accomplit, sera comparé à un homme sage qui a bâti sa maison sur un roc. »(Matth., VII, 24)

Le roc ne désigne pas Notre Seigneur Jésus-Christ comme certains commentateurs l’ont pensé sinon la tournure de phrase n’aurait plus de sens. En outre, Il s’adresse bien à Saint Pierre et à lui-seul, et non aux apôtres. Enfin, ce n’est point une promesse mais une prophétie, une réalité qui doit se réaliser dans l’avenir.

Une Église infaillible

Notre Seigneur Jésus-Christ nous révèle aussi, en même temps, que « les portes de l’enfer de prévaudront point contre elle » (Matth., XVI, 17). Le terme de « porte » signifie puissance. Le terme d’« enfer » peut signifier deux choses selon les exégètes, soit le séjour des morts, et donc la mort elle-même, soit le séjour des damnés et des démons, par conséquent l’empire de Satan. L’Église sera donc invulnérable aux puissances de la mort ou du mal. Dans le premier cas, elle sera immortelle, dans le second, indéfectible. La dernière interprétation est la plus vraisemblable en raison du contexte. Le terme de « prévaloir » est proche de « triompher » ou de l’expression « être fort contre quelqu’un ». Dans ce cas, Notre Seigneur Jésus-Christ annonce une Église indéfectible, et par conséquent infaillible. Comme cette annonce suit immédiatement celle qui assure à Saint Pierre son rôle de socle, nous pouvons en déduire que l’infaillibilité est garantie à l’Église à cause de Saint Pierre. Elle défit à tous les assauts du mal parce qu’elle a Saint Pierre pour fondement. L’Église et Saint Pierre sont indissociablement liés.

Saint Pierre, maître des clefs

Saint Matthieu nous révèle ensuite en quoi consiste la place particulière de Saint Pierre dans l’Église. « Et je te donnerai les clefs du royaume de Dieu […]»(Matth., XVI, 19). Si l’Église est du temps, le Royaume de Dieu est éternel. C’est néanmoins le même édifice qui se construit ici-bas et s’achève dans les cieux. Saint Pierre est donc le gardien des clefs de l’Église, celui qui détient les clefs de l’entrée du Royaume de Dieu. C’est lui qui ouvre et ferme, accueille et écarte, accorde ou refuse l’accès à la demeure céleste. Ainsi, Saint Pierre reçoit le pouvoir de recevoir dans l’Église ceux qui veulent y entrer, et d’en exclure certains. Le terme de « clefs » signifie aussi d’une manière générale tout l’exercice de l’autorité. Saint Pierre a ainsi les pleins pouvoirs du maître de maison, c’est-à-dire de l’Église.

Saint Pierre, gardien de la foi et de la morale

« […] tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les cieux ; et tout ce que tu délieras sur la terre, sera aussi délié dans les cieux. » (Matth., XVI, 19) Notre Seigneur Jésus-Christ atteste le pouvoir suprême de remettre les péchés. Néanmoins, plus tard, les apôtres recevront aussi ce pouvoir comme l’atteste Saint Jean. « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; et ceux à qui vous retiendrez, ils leur seront retenus. » (Jean, XX, 23) Quel est alors le privilège de Saint Pierre ?

Notons d’abord que Saint Pierre l’a reçu en premier. Ce n’est pas un hasard. Laissons Bossuet nous donner quelques éclaircissements. « C'était manifestement l'intention de Jésus-Christ de mettre premièrement dans un seul ce que, dans la suite, il voulait mettre dans plusieurs ; mais la suite ne renverse pas le commencement, et le premier ne perd pas sa place... Les promesses de Jésus-Christ aussi bien que ses dons sont sans repentance, et ce qui est donné une fois indéfiniment et universellement est irrévocable ; d'ailleurs la puissance donnée à plusieurs porte sa restriction dans son partage, au lieu que la puissance donnée à un seul, et sur tous, et sans exception, emporte la plénitude. »[6] Saint Pierre reçoit cette puissance de manière personnelle alors que les apôtres l’exercent de manière collective. Telle est aussi l’interprétation du pape Innocent III. « Ce qui est dit à Pierre lui est adressé personnellement, à l'exclusion des autres ; ce qui est dit aux autres s’adresse à eux dans leur union avec Pierre. En conséquence, le pouvoir lui est donné de telle sorte qu'il ne puisse être l'apanage des autres sans lui, mais que lui-même puisse le revendiquer à part des autres, en raison d'un privilège qui lui est conféré et de la plénitude de puissance qui lui est accordée. »[7] Par ailleurs, Saint Pierre a un pouvoir sans lien avec d’autres, les apôtres ont un pouvoir qui ne peut subsister sans unité. Enfin, étant premier, le pouvoir de Saint Pierre s’exerce aussi sur les autres apôtres. En effet, avant qu’Il souffre la Passion, Notre Seigneur Jésus-Christ lui demande : « quand tu seras converti, affermis tes frères » (Luc, XXII, 32). Il est bien érigé comme le gardien des autres apôtres, veillant sur eux comme des frères. C’est à Lui que Notre Seigneur Jésus-Christ s’adresse.

Les termes de « lier » et « délier » nous renvoient probablement aux pouvoirs des docteurs de la Loi. Ils étaient dits lier ou délier quand ils prononçaient : « ceci est défendu, ceci est permis ; telle chose est inexacte, telle autre ne l’est pas. » Finalement, « le pouvoir de Saint Pierre est tel que ce qu’il fit ici-bas à son retentissement au ciel. »[8] Ainsi nous pouvons entendre dans la parole de Notre Seigneur Jésus-Christ la constitution du plein pouvoir doctrinal dans l’ordre spéculatif et pratique. Saint Pierre est donc aussi le gardien de la foi et de la morale.

Le passage de la Sainte Écriture est ainsi riche en enseignement, suffisamment clair et complet pour démontrer le rôle fondamental de Saint Pierre dans l’Église dont il est institué chef par son fondateur Notre Seigneur Jésus-Christ. Un autre passage de l’Évangile doit également être évoqué.

La confession de charité de Saint Pierre

La scène se déroule en Galilée, au lac de Tibériade. Saint Pierre pêche avec six autres apôtres. Toute la nuit, ils ont travaillé sans rien prendre. Leur filet est vide, la barque légère. Les malheureux pécheurs reviennent vers le rivage. Au loin, sur la berge, Notre Seigneur Jésus-Christ ressuscité les regarde. Ils ne L’ont pas encore reconnu. À sa demande, ils jettent de nouveau un filet à droite de la barque, et tout-à-coup, il se remplit d’une multitude de poissons. Par ce miracle, Saint Jean Le reconnaît. Il dit à Saint Pierre : « C’est le Seigneur. »(Jean, XXI, 7) Alors le reconnaissant à son tour, « il se ceignit de sa tunique, et se jeta dans la mer. »(Jean, XXI, 8) Les autres disciples viennent au rivage par la barque. Un repas les attend, du pain, du feu, des poissons sur la braise. « Venez, mangez. » (Jean, XXI, 12) Ils se retrouvent comme avant, dans l’intimité. Notre Seigneur Jésus-Christ distribue à chacun du poisson et du pain. Les apôtres sont assis, certainement émus de cette nouvelle manifestation.




Remarquons que Saint Pierre est celui qui invite les apôtres à pêcher, celui à qui Saint Jean confie son secret, celui qui tire le filet rempli de poissons et le premier qui va à Notre Seigneur Jésus-Christ. Il est le personnage central de la scène, agissant comme un chef.

Après ce repas, Notre Seigneur Jésus-Christ dit à Saint Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? Il lui répondit : Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. Jésus lui dit : Pais mes agneaux. » (Jean, XXI, 15) À trois reprises, Il lui pose cette question et à chaque fois, Saint Pierre confirme son amour pour lui. À chaque attestation de charité qu’Il provoque, Il lui confirme sa charge de pasteur. « Pais mes agneaux », « pais mes brebis ».

Pourtant, il n’y a qu'un seul pasteur, un seul troupeau, Notre Seigneur Jésus-Christ. Que signifient donc ses paroles si claires et si insistantes ? Et c’est Lui qui institue Saint Pierre comme pasteur de ce troupeau ! Qui ne voit pas dans ces paroles une sorte de relais ? Osons le dire. Saint Pierre doit prendre sa place, Lui succéder.

Saint Pierre, le pasteur de l’Église

Lors de la dernière Cène, Notre Seigneur Jésus-Christ annonce aux apôtres qu’Il doit partir, là où ils ne peuvent suivre. Et sûr de lui, Saint Pierre intervient : « pourquoi ne puis-je vous suivre à présent ? Je donnerai mon âme pour vous. » (Jean, XIII, 37) En guise de réponse, Notre Seigneur Jésus-Christ lui prophétise son triple reniement. Lors de sa passion, Saint Pierre L’a en effet renié trois fois.

Avant de les quitter pour se rendre à la montagne des Oliviers, Notre Seigneur Jésus-Christ annonce aux apôtres sa Passion et leur révèle qu’ils prendront du scandale à son sujet pendant la nuit comme l’avait prédit le prophète Zacharie. De nouveau, Saint Pierre lui répond : « quand tous se scandaliseront de vous, pour moi jamais je en me scandaliserai. » (Matth., XXVI, 33) La réponse de Saint Pierre n’est plus seulement pleine de témérité ; il se compare désormais aux autres disciples et s’élève au-dessus d’eux. Et Notre Seigneur Jésus-Christ lui annonce son triple reniement. Il sera le seul, tombant ainsi au-dessous d’eux. Celui qui sera exalté sera humilié. Mais Saint Pierre persiste. « Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renierai point. » »(Matth., XXVI, 35) Notre Seigneur Jésus-Christ ne lui répond plus.

Les larmes de saint Pierre

Le Greco
Quel chemin parcouru par Saint Pierre depuis la dernière Cène ! Sur les rives du lac de Tibériade, la question de Notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas anodine. L’aime-t-il plus que les autres, lui demande-t-Il ? La réponse de Saint Pierre est plus prudente, plus humble. Il ne tombe pas dans le piège. Il ne se compare plus aux autres, ne faisant que protester son amour. Mieux encore. Il laisse au Seigneur le soin de répondre. « Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. » (Jean, XXI, 16) Sa réponse ne s’appuie plus sur lui-même. « Seigneur, vous connaissez toutes choses, vous savez que je vous aime. » (Jean, XXI, 17) Il n’affirme rien de lui-même contrairement à ses réponses précédentes si téméraires. Il en appelle désormais au témoignage et à la science infinie de Notre Sauveur. Certes, à la troisième fois, Saint Pierre est attristé. Comment peut-Il encore poser une telle question, Lui qui sait tout et qui sonde les cœurs ? Mais son triple reniement ne nécessite-t-il pas une triple protestation d’amour afin que tout s’efface ? Puis, Notre Seigneur Jésus-Christ lui annonce sa mort, son martyre, tout imprégnée d’humilité. Il mourra pour Lui, glorifiant ainsi Dieu.

À ses trois protestations d’amour, Notre Seigneur Jésus-Christ lui confirme sa charge de pasteur auprès des agneaux et des brebis. Lors de la scène où Il annonce qu’il sera la pierre de fondement de l’Église, Saint Pierre a professé sa foi. Cette fois-ci, Il provoque une attestation de charité. Le terme même de « paître » est important. Il est plus qu’un chef, plus qu’un docteur. Il est un véritable pasteur qui doit prendre soin de ses agneaux et de ses brebis, les nourrir, les conduire, les ramener dans le seul troupeau. Or qui est le Pasteur si ce n’est Notre Seigneur Jésus-Christ ? Ainsi Il le confirme dans la perpétuation de son œuvre. Il lui remet le troupeau tout entier, ainsi que les apôtres …

Conclusions

La Sainte Écriture est d’une très grande clarté. Trois images nous décrivent nettement la primauté de Saint Pierre. Il est le roc sur lequel s’élève l’Église qui doit traverser les siècles. Il est aussi le détenteur des clefs, le maître dans toute la maison de Dieu. Il est enfin celui qui lie et délie, sur terre comme au ciel, manifestant ainsi un pouvoir et une responsabilité suprême. Notre Seigneur Jésus-Christ remet personnellement et directement à Saint Pierre la charge de diriger l’Église en son nom. Il en est le fondement à cause de sa foi et de sa charité. Ainsi, si les apôtres ont reçu pour mission de perpétuer l’œuvre de la Rédemption, poursuivant ainsi son œuvre, Saint Pierre en assure la primauté. Il est leur chef. Et soulignons : saint Pierre est le chef de toute l’Église, et non celle réunie à Rome ou à Antioche. Saint Ambroise le dira : là où sera Pierre, là sera l’Église[9].

Notre Seigneur Jésus-Christ l’a désigné comme le pasteur de ses fidèles. Or ne s’est-Il pas lui-même désigné par ce titre ? Ainsi, Saint Pierre doit agir comme Il a agi envers ses brebis. Il lui remet certes son Église mais pour la servir. Attentif et vigilant, il doit donc assurer l’unité de son troupeau et le défendre contre tout ce qui peut le menacer avec les mêmes dispositions qu’Il nous a témoignées. Ainsi nul ne peut être uni à Notre Seigneur Jésus-Christ s’il n’est pas uni à Saint Pierre. Les apôtres doivent donc être unis à celui qui a été appelé Pierre. Il est le principe de leur unité.

Les passages témoignant la primauté de Saint Pierre, notamment celui de Saint Matthieu, ont souvent fait l’objet de critiques. Leur authenticité a été remise en cause. D’autres interprétations ont été données, relativisant le rôle de Saint Pierre. On n’a pas cessé ainsi d’attaquer ces passages pour remettre en cause la primauté du pape. Les princes, les conciliaristes, les protestants, les gallicans, les modernistes, etc. La liste est longue. Leurs attaques montrent l’importance ces paroles tout en les éclairant davantage. Elles nous montrent surtout le lien entre Saint Pierre et ses successeurs, les papes. Là demeure le point d’achoppement Si rares sont désormais ceux qui remettent en cause sérieusement la primauté de Saint Pierre, point dorénavant indiscutable et primordiale après d’âpres luttes, la véritable question qui soulève les passions et les interrogations, est celle de la primauté pontificale chez les successeurs de Saint Pierre.



Notes et références
[1] En grec, "képhas", en latin "petrus", c’est-à-dire pierre en français.
[2] André-Marie Gérard, Dictionnaire de la Bible, mot « Nom », Robert Laffont, 1989.
[3] Voir Émeraude, juin 2015, article "Le Messie, l'Oint de Dieu,: les titres messianiques".
[4] « Pierre »  et « pierre » désignent la même chose. « Si le français, comme le latin, passe du masculin au féminin, il n'en est pas de même du syro-chaldéen, langue dont se servait le Sauveur, ni de la plupart des versions orientales ; là c'est absolument le même mot qui est répété : Tu es rocher et sur ce rocher... »
[5] Lectoure, Supplément au Dictionnaire de la Bible, dans Manuel d’Écriture Sainte, R. P. J. Renié, S. M., Tome IV, Les Évangiles, n°376, Librairie Emmanuel Vitte, 1943.
[6] Bossuet, Sermon de l’unité de l’Église.
[7] Innocent III, lettre Apostolicae Sedis au patriarche de Constantinople.
[8] R. P. J. Renié, S. M., Manuel d’Écriture Sainte, Tome IV, Les Évangiles, n°377.
[9] Sant Ambroise, Enn. in Ps. 40, 30: PL 14,1134.

1 commentaire:

  1. Exégèse de Matthieu XVI, 18 et réponses aux objections : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2016/01/23/les-fondements-bibliques-de-la-papaute-1-matthieu-xvi-18-le-christ-fait-de-pierre-la-pierre-de-fondement-de-son-eglise/

    L'enseignement des Pères de l'Eglise : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2015/10/05/lenseignement-des-peres-de-leglise-sur-tu-es-pierre-et-sur-cette-pierre-je-batirai-mon-eglise/

    Les auteurs non-catholiques avouent : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2015/11/07/des-erudits-non-catholiques-reconnaissent-que-pierre-est-la-pierre/

    Exégèse de Matthieu XVI, 19 : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2016/01/23/les-fondements-bibliques-de-la-papaute-2-matthieu-xvi-19-le-christ-donne-les-cles-du-royaume-des-cieux-a-saint-pierre-et-en-fait-ainsi-son-premier-ministre/

    Exégèse de Luc XXII, 32 : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2016/01/23/les-fondements-bibliques-de-la-papaute-3-luc-xxii-32-le-christ-donne-a-saint-pierre-le-charisme-dinfaillibilite/

    Exégèse de Jean XXI, 15-17 : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2016/01/31/les-fondements-bibliques-de-la-papaute-4-jean-xxi-15-17-le-christ-confie-a-saint-pierre-la-charge-de-son-troupeau/

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