" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


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samedi 15 décembre 2018

L'Église apostolique

Chaque dimanche, le fidèle récite le Credo et affirme solennellement les vérités auxquelles il adhère fermement. Parmi les articles de foi, qu’il énonce debout, se trouve l’affirmation de l’Église une, sainte, catholique et apostolique. Ce sont quatre notes qui la distinguent de toute autre communauté qui se réclame à tort de l’Église de Dieu. 

Le terme d'« apostolique » signifie que les éléments essentiels de l’Église, c’est-à-dire la doctrine, le culte, les moyens du salut, les pouvoirs, proviennent des apôtres et sont transmis et garantis par la succession apostolique ininterrompue, gardant ainsi son unité. Ainsi fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ, l’Église provient de douze hommes qu’Il a Lui-même choisis pour perpétuer son œuvre selon ses ordres et sous sa protection. Voilà le fait historique, le commencement de l’Église. C’est par là également que nous pouvons la reconnaître véritablement. Toute Église qui ne proviendrait pas des apôtres ne serait qu’une imposture. Cette marque indélébile ne doit pas être oubliée dans toutes les questions qui traitent de l’œcuménisme.

Le rôle des apôtres montre également que l’Église n’a pas été instituée sans qu’elle ne soit gouvernée par des hommes bien identifiés. Or la nature de ce gouvernement a souvent été remise en cause. Nous l’avons longuement évoqué dans nos articles sur le conciliarisme. Le fait qu’Elle soit même gouvernée est remis en question, notamment par Luther et le protestantisme en général. C’est certainement un point d’achoppement pour toute union véritable entre les chrétiens.

Enfin, dans un monde où tout est remis en cause, y compris parmi les catholiques, il est nécessaire de rappeler des fondamentaux et donc de retrouver la Sainte Écriture pour nous rappeler le rôle des apôtres…

Un choix libre de Notre Seigneur Jésus-Christ

Les apôtres sont au nombre de douze comme les douze tribus du peuple élu : Simon, renommé Pierre, André, Jean et Jacques, Philippe, Barthélémy, Matthieu, Thomas, Jacques, fils d’Alphée, Jude, Simon le Zélateur et Judas l’Iscariote.

Notre Seigneur Jésus-Christ les a librement choisis. « Étant monté sur la montagne, il appela à lui ceux que lui-même voulut ; et ils vinrent à lui. Il en établit douze » (Marc, III, 13-14) Dans une des instructions qu’Il leur livre, Il insiste particulièrement sur sa liberté de choix. « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai établis » (Jean, XV, 16). Il faut insister sur cette initiative totalement, parfaitement libre. Elle montre en effet que l’Église ne s’est pas faite au hasard ou par opportunisme. Ce ne sont ni les apôtres qui se seraient donnés un rôle, par exemple pour faire face au succès de leur prédication, ni les fidèles qui leur auraient demandé d’exercer une autorité comme une troupe à la recherche d’un chef. Ils sont apôtres par volonté de Notre Seigneur Jésus-Christ. Cette liberté de choix implique par conséquent une intention. Soulignons aussi que s’ils sont choisis par le Verbe fait chair, cela signifie incontestablement que leur vocation est d’origine divine.

De même, les apôtres ne choisissent pas celui qui doit remplacer Judas. C’est par le sort qu’est choisi Saint Matthias « afin de prendre place dans ce ministère et dans cet apostolat » (Actes des Apôtres, I, 25). Les apôtres sont enfin rejoints par un treizième homme, Saint Paul, l’« apôtre des Gentils ». Lui-aussi est choisi par Notre Seigneur Jésus-Christ sur le chemin de Damas et a reçu directement des révélations.

La mission des apôtres

Notre Seigneur Jésus-Christ explique aux apôtres la nature de leurs missions. Il y revient souvent. Saint Marc est plutôt bref tout en étant suffisamment clair. Notre Seigneur Jésus-Christ « en établit douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher, et il leur donna le pouvoir de guérir les maladies et de chasser les démons. » (Marc, III, 14-15) Leur mission est donc triple : enseigner, guérir et exorciser. Saint Luc définit aussi leurs pouvoirs miraculeux. « Jésus, ayant appelé les douze apôtres, leur donna vertu et puissance sur tous les démons, et le pouvoir de guérir les maladies. C’est ainsi qu’il les envoya prêcher le royaume de Dieu, et rendre santé aux malades. » (Luc, IX, 1-2) Les douze apôtres sont donc nettement au-dessus des disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Le terme même d’apôtres, que Notre Seigneur Jésus-Christ emploie pour les désigner, est encore plus instructif. Ce sont des envoyés, des représentants, des témoins ou mieux encore des ambassadeurs. Comme Dieu le Père L’a envoyé, de même, Notre Seigneur Jésus-Christ les envoie dans le monde. « Comme mon Père m’a envoyé, ainsi moi je vous envoie. » (Jean, XX, 21) Ainsi qui les écoute L’écoute et donc écoute Celui qui L’a envoyé. 

Il ne s’agit pas seulement de porter la parole de leur maître mais aussi d’agir en son nom. « En vérité, en vérité, je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre, sera lié aussi dans le ciel ; et tout ce que vous délierez sur la terre, sera délié dans le ciel. » (Matth., XVIII, 18) Le terme de « lier » et de « délier » renvoie à la justice. Ce n’est pas seulement remettre les péchés. Plus tard, Il en parlera explicitement. Il s’agit même d’un pouvoir législatif. Tous leurs actes seront ratifiés dans le ciel. C’est un pouvoir considérable, mieux que cela encore, c’est le plus grand des pouvoirs. Ainsi les apôtres entrent dans l’œuvre de la Rédemption.

La première mission des apôtres

Au cours de sa vie publique, Notre Seigneur Jésus-Christ envoie pour la première fois ses douze apôtres en mission : « Allez et prêchez que le royaume des cieux est proche. » (Matth., X, 7) Ils sont ainsi envoyés pour annoncer la bonne nouvelle. Mais que diront-ils ? Quel sera le témoignage à apporter ? « Il n’y a rien de caché qui ne doive se révéler un jour, rien de secret qui ne doive se connaître. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en plein jour. Ce que vous entendez à l’oreille, prêchez-le au haut des terrasses » (Matth., X, 16) Ils doivent donc prêcher son enseignement de manière ouverte dans le monde entier afin que tous l'entendent. Certes, dans leur première mission, ils doivent s’adresser d’abord aux Juifs. C’est bien plus tard que leurs paroles devront toucher tous les hommes.

Les inquiétudes des apôtres

Mais les apôtres sont inquiets. Leur crainte ne peut guère nous étonner. Qui sont-ils en effet ? Ce ne sont point des savants ni des hommes illustres. Ils n’ont ni culture ni éloquence. Au contraire, ce sont d’obscures personnages qui ne brillent guère par leur connaissance, leur intelligence ou par leur éloquence. Nous pouvons même étonner qu’ils aient été choisis. La plupart sont des pécheurs, souvent incrédules. L’un d’eux trahira même le maître, un autre, et pas n’importe lequel, le reniera. Pourtant, ce sont eux les apôtres qui devront témoigner et annoncer la parole de Dieu. Ce sont eux les envoyés de Notre Seigneur Jésus-Christ ! Le choix ne réside pas dans la personne, dans leurs qualités ou encore dans leur position sociale.

Leur mission d’apostolat peut aussi surprendre ces pauvres gens. A-t-on déjà entendu et vu de telles choses ? C’est bien une nouveauté. Mais quel est le but de tout cela ? Que doivent-ils être ? Si ce n’est d’être pécheurs d’hommes. Ce sont des semeurs de la Parole de Dieu. Ils doivent semer la bonne semence partout quelles que soient les dispositions morales de leur auditeur. Et par la grâce divine, la graine enfouie dans le sol germera et se développera, et selon la volonté de Dieu, elle donnera naissance à de bons fruits, à des arbustes immenses. Comme la graine de sénevé, ou encore le levain dans la pâte, leur parole transformera le monde. Cela demandera du temps et donc de la patience, mais Dieu est aux commandes, et nul ne pourra y faire obstacle.

Une mission périlleuse

La mission des apôtres n’est pas sans danger ni douleur. Ils sont envoyés « comme des brebis au milieu des loups » (Matth., X, 16) De nombreuses difficultés les attendent. Leur maître ne leur cache pas les souffrances qu’ils devront endurer « pour rendre témoignage » (Matth., X, 16). Ils seront jugés et condamnés par le monde. Haïs, ils feront l’objet d’une terrible persécution à cause de son nom. Ils devront donc être prudents et vigilants. Ils seront aussi peu écoutés, peu entendus, et surtout incompris.

Tout cela n’est guère étonnant. Les épreuves qu’ils devront endurer, les peines et les souffrances qu’ils devront porter, tout cela ne peut guère les surprendre et donc les inquiéter. Notre Seigneur Jésus-Christ leur rappelle à plusieurs reprises. Lui-même a été mis à mort sur la Croix ignominieuse, alors comment ses serviteurs pourront-ils échapper au même sort ? « Le disciple n’est pas au-dessus du docteur, ni le serviteur au-dessus de son maître. » (Matth., X, 24) La haine qui s’est abattue sur Notre Seigneur Jésus-Christ s’abattra aussi sur eux. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Entre Lui et le monde, point de réconciliation, point d’entente, le désaccord est complet, abyssal. Ce sera même un signe de leur attachement à leur maître. Ce sera aussi un honneur.

Le monde les haïra donc comme il a haï leur maître. Il sera secoué par leur témoignage au point que l’impensable se déroulera devant eux. « Le frère livrera à la mort son frère, et le père son enfant ; les enfants se lèveront contre leurs parents, et les feront mettre à mort. » (Matth., X, 21)

Des apôtres sous l’assistance et la protection divine

Qu’ils ne s’inquiètent pas, leur dit et répète Notre Seigneur Jésus-Christ. Devant les tribunaux, ils ne devront point craindre. Aux juges, ils sauront leur parler, leur répondre, eux qui n’ont aucune culture, aucun diplôme, aucun soutien. « Ne vous mettez pas en peine de ce que vous aurez à dire ; ce que vous aurez à dire vous sera suggéré à l’heure même. » Car « ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’esprit de votre Père qui parlera en vous. » (Matth., X, 20) Dieu les assistera dans leur mission. Et pour vaincre encore leur timidité ou leur crainte, Il leur promet aussi d’être avec eux tous les jours jusqu’à la fin du monde.

Dieu veille en effet sur son œuvre, sur ses envoyés. Une scène de l’histoire de Notre Seigneur Jésus-Christ montre tout son pouvoir et par conséquent éveille ou affermi la confiance de ses apôtres en Lui. En pleine tempête, la barque dans laquelle ils sont est vivement secouée. Les apôtres ont peur, très peur. Ils réveillent leur maître qui dormait tranquillement. En un mot, Notre Seigneur Jésus-Christ apaise alors la tempête. Le vent cesse, la mer devient calme. Que les apôtres ne craignent pas ! La barque dans laquelle ils sont ne peut sombrer. Cette barque figure l’Église[1], la tempête, toutes les épreuves qu’elle devra affronter. Notre Seigneur Jésus-Christ veille sur son œuvre. Souvent, Il paraît dormir alors que ses disciples sont en plein danger, craignant succomber aux éléments du monde. Mais Il saura intervenir à l’heure qu’Il aura lui-même fixée. Il est le maître des éléments de ce monde. Ainsi les Apôtres ne doivent pas être troublés. Ils doivent avoir confiance en Lui. À plusieurs reprises, Notre Seigneur Jésus-Christ apaise leur trouble et insiste sur la confiance, affermissant leur sérénité. Ils ne sont pas seuls et ne le seront jamais. Telle est sa promesse.

La perpétuation de l’œuvre divine

Les dernières paroles d’un maître qui s’adresse à ses disciples pour une dernière fois sont souvent les plus importantes. Elles sont considérées à juste titre comme une synthèse de tout son enseignement, une sorte de testament. Rendons-nous alors en ce jour où Notre Seigneur Jésus-Christ est avec ses apôtres avant de partir sur le chemin du Calvaire. 

Imaginons en effet ces apôtres lors de cette journée à jamais mémorable, lors de la dernière Cène. Songeons à Notre Seigneur Jésus-Christ, la veille de sa Passion, connaissant tout ce qu’Il va endurer. Songeons à Notre Maître voyant une dernière fois réunis ses apôtres avant de subir l’ignominie de la Croix. Il sait que leur trouble va être extrême, que le doute les écrasera. De nouveau, Il les réconforte, les exhorte, leur révèle les derniers secrets, leur livre les dernières recommandations. Il ne les dupe pas. De nouveau, ils leur annoncent qu’ils seront haïs par le monde. Comme le maître, ils seront persécutés. Et ils gémiront, ils pleureront. Mais leurs pleurs ne doivent pas les aveugler. Une « femme, lorsqu’elle enfante, a de la tristesse, parce qu’est venue son heure ; mais lorsqu’elle a mis l’enfant au jour, elle ne se souvient plus de sa souffrance, à cause de sa joie, de ce qu’un homme est né au monde. » (Jean, XVI, 21) Notre Seigneur Jésus-Christ leur promet que leurs efforts ne seront pas vains, que leur apostolat sera fécond. Car ils seront unis à Lui. Leur tristesse se transformera en joie, leur cœur se réjouira. Tout ce qu’ils demanderont en son nom sera exaucé.

Les apôtres sont probablement surpris de son discours. Au cours des trois années passées, ils ont souvent manifesté de la faiblesse, de la lenteur à croire et à comprendre, d’un manque de confiance à l’égard de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il prie pour eux. Sa prière est ardente, émouvante. « Je prie pour eux […] Je vous demande […] que vous les gardiez du mal. […] Sanctifiez-les dans la vérité. […] » (Jean, XVII, 17).

Dans sa prière sublime, levant les yeux au ciel, Il rappelle ce que les apôtres ont reçu. Dieu leur a donné puissance sur toute chair. Ils ont connu leur maître et savent désormais d’où Il vient. Ils ont reçu les paroles que Dieu le Père Lui a données. Certes, ils sont encore dans le monde mais ils ne soient point du monde comme Lui-même n’est pas du monde. Comme Dieu le Père a envoyé son Fils dans le monde, le Fils a envoyé ses apôtres dans le monde. Et pourquoi ont-ils reçu tant de faveurs ? Pour poursuivre et perpétuer l’œuvre de Notre Seigneur Jésus-Christ. « Je leur ai fait connaître votre nom, afin que l’amour dont vous m’avez aimé soit en eux, et moi en eux. » (Jean, XVII, 26)

La manière d’être apôtre

Pour mener à bien leurs missions, Notre Seigneur Jésus-Christ leur définit longuement les dispositions qu’ils devront avoir, c’est-à-dire le désintéressement, la pauvreté, la confiance, ou encore des règles de conduite. Il insiste sur les exigences chrétiennes et sur les précautions à suivre. Certaines d’entre elles peuvent surprendre, voire remettre en cause leurs pouvoirs.

« Vous savez que les princes des nations les dominent, et que les grands exercent la puissance sur elles. Il n’en sera pas ainsi parmi vous ; mais que celui qui voudra être le plus grand parmi vous, soit votre serviteur ; et celui qui voudra être le premier parmi vous sera votre esclave. » (Matth. XX, 24-27) Dans ces paroles, il n’y a pas un refus de tout pouvoir de gouvernement. Notre Seigneur Jésus-Christ oppose en effet deux conceptions du pouvoir, celui du monde et celui de son royaume. Lui-même l’exerce en donnant ce commandement. Il ne s’oppose pas au pouvoir de gouvernement mais à ses abus qu’Il proscrit. Il ne s’agit pas de dominer, d’écraser, d’asservir comme le font les puissances de ce monde. Il demande au contraire de l’humilité, de la douceur, de la modestie, de l’exemplarité. Il ne faut pas en effet oublier ce pour quoi ils ont été choisis. « Comme le Fils de l’homme n’est point venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la rédemption d’un grand nombre. » (Matth., XX, 28) Les apôtres doivent donc imiter Notre Seigneur Jésus-Christ dans l’exercice de leurs pouvoirs.

L’unité des apôtres en Notre Seigneur Jésus-Christ

Notre Seigneur Jésus-Christ est encore plus étonnant dans ses commandements. Ses paroles sont extraordinairement déroutantes tout en étant sublimes. Quelques mots suffisent. « Vous êtes mes amis », leur dit-Il. « Je ne vous appellerai plus mes serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître. Mais je vous ai appelé mes amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » (Jean, XV, 15) Les apôtres sont intimement unis à Notre Seigneur Jésus-Christ comme des amis sincères le sont. Ils ont partagé sa vie, partagé ses repas. Ils n’ont pas cessé de L’entendre, de Le suivre. Il leur parle ouvertement. Il n’y a plus de secrets entre eux. Or n’est-Il pas uni à Dieu le Père ? Nous arrivons ainsi à une unité extraordinaire. Nous pouvons alors affirmer que celui qui entend les apôtres entendent Notre Seigneur Jésus-Christ et finalement Dieu lui-même ! Ce qu’ils ont en effet entendus n’est pas de Lui mais de Celui qu’Il L’a envoyé. De même, ils devront dire ce qu’ils ont entendus afin que la Parole divine se répande. Comme nous l’avons déjà dit, les apôtres ont des pouvoirs extraordinaires, ceux de guérir et mieux encore de remettre les péchés. Or un homme peut-il faire cela par lui-même ?

Que les apôtres ne s’enorgueillissent pas de tant de faveurs ! Ils n’en ont aucun mérite. C’est bien Notre Seigneur qui les a choisis et établis comme Il leur rappelle. Pourquoi encore tout cela ? Pour qu’ils soient les sarments de sa vigne, pour qu’ils rapportent des fruits, pour donner la vie éternelle. Il les a choisis « afin que vous alliez, et rapportiez du fruit, et que votre fruit demeure, afin que tout ce que vous demanderez à mon Père à mon nom, il vous le donne. » (Jean, XV, 16)

Mais « comme tous les sarments qui ne portent pas de fruits en moi », Dieu le Père « les retranchera ; et tous ceux qui portent du fruit, il les émondera, pour qu’ils portent plus de fruits encore. […] Comme le sarment ne peut porter du fruit par lui-même, s’ils ne demeurent unis à la vigne ; ainsi vous non plus, si vous ne demeurez en moi. Moi, je suis la vigne, et vous les sarments Celui qui demeure en moi en lui portera beaucoup de fruit ; parce que sans moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jean, XV, 2-5) C’est en étant unis à Notre Seigneur Jésus-Christ que les apôtres pourront œuvrer efficacement, prier et être exaucés.

À plusieurs reprises dans son discours de la dernière Cène, Notre Seigneur Jésus-Christ demande à ses apôtres de s’aimer les uns les autres selon sa propre mesure. Quel doux commandement ! « Voici mon commandement c’est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. […} Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. » (Jean, XV, 12-14) C’est par cet amour qu’ils resteront unis à la vigne. « Ce que je vous commande, dit-Il encore, c’est que vous vous aimiez les uns les autres » (Jean, XV, 17), contrairement au monde qui n’auront que haine et mépris à leur égard. « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure en lui » (Jean, XIV, 23). Ils doivent donc œuvrer pour répandre cet amour et ainsi fait grandir l’œuvre de Dieu. Notre Seigneur Jésus-Christ explique ainsi les soins qu’Il leur a apportés : « Je leur ai fait connaître votre nom, et je le leur ferai connaître encore, afin que l’amour dont vous m’avez aimé soit en eux, et moi en eux. » (Jean, XVII, 26)

Toutes ces recommandations sont instructives. Cela signifie clairement que l’unité des apôtres en Notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas donnée ni assurée. Le danger de séparation est réel. Ainsi, Seigneur Jésus-Christ prie pour qu’ils soient uns en Lui. Aujourd’hui, nous pouvons comprendre ces paroles. Elles ont pleinement du sens. Un apôtre qui n’est plus uni à Notre Seigneur Jésus-Unis et aux autres perd ce qu’il est. Judas en est un exemple.

L’assistance du Saint Esprit

Enfin, avant de les quitter, Notre Seigneur Jésus-Christ leur annonce qu’ils ne seront point seuls dans leurs missions. L’« Esprit de vérité », ou encore le « Paraclet », leur sera donné. Ils le connaîtront Celui que le monde ne peut connaître, ni voir ni entendre. Mais ils le connaîtront « parce qu’il demeurera au milieu de vous, et qu’il sera en vous. » (Jean, XIV, 17) Il leur annonce le jour de son envoi, le jour de la Pentecôte.

Et ce « Paraclet, l’Esprit Saint » leur enseignera toutes choses car d’autres vérités leur seront révélées, des vérités qu’ils ne peuvent encore entendre. « Il vous enseignera toute vérité. » (Jean, XVI, 13).  Il les illuminera leur intelligence. Il leur rappellera aussi tout ce qu’Il leur a dit. L’« Esprit de vérité » rendra témoignage de Lui. Il le glorifiera. Il est aussi celui qu’« Il convaincra le monde en ce qui touche le péché et la justice. » (Jean, XVI, 8). Il l’accusera et le condamnera. Le monde sera convaincu de son péché comme il sera convaincu de la justice de Notre Seigneur Jésus-Christ, condamné à tort. Enfin, Il vous annoncera aussi tout ce qui doit arriver.

Le jour de la Pentecôte, l’institution de l’Église

Pourtant, que les apôtres sont lents à croire ! Comme leur esprit est terriblement étroit. La Sainte Écriture ne cesse de nous le dire. Ils n’ont pas encore compris les paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le jour de sa résurrection, ils ont en effet bien du mal à y croire. Saint Thomas est sans-doute le plus incrédule. Il veut Le voir et Le toucher pour croire. Les paroles ne suffisent pas.

Et le jour où ils sont réunis, enfermés dans le Cénacle de peur d’être arrêtés par les Juifs, Notre Seigneur Jésus-Christ leur apparaît. Il leur rappelle leur mission. « Comme mon Père m’a envoyé, ainsi moi je vous envoie. » (Jean, XVI, 21) Ils doivent perpétuer son œuvre partout, dans le monde entier. « Allez dans tout l’univers, et prêchez l’Évangile à toute créature. » (Marc, XVI, 15) C’est tout le sens de leur vocation. Notre Seigneur Jésus-Christ leur prédit les miracles et les prodiges, qui confirmeront ainsi leur parole.

Puis plus tard, avant de les quitter, sur une montagne de Galilée, Il précise encore leur mission : « allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. » (Matth., XXVII, 19) Contrairement à leur première mission, ils doivent faire des disciples, les baptiser et les instruire dans le monde entier, sans distinction. Il n’y a plus de limite à leur prédication. Il leur rappelle enfin que jusqu’au dernier jour, jusqu’à la consommation des siècles, Il sera avec eux. Il les assistera de manière perpétuelle.

Avant de s’élever dans les cieux, Notre Seigneur Jésus-Christ rappelle une dernière fois la promesse. « Vous recevrez la vertu du Saint-Esprit qui viendra sur vous, et vous serez témoins pour moi, à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Acte des Apôtres, I, 8) Et comme Il leur a promis, Il leur envoie le Saint Esprit, le « don promis », « la force d’en-haut ». Ils sont tous remplis du Saint-Esprit. C’est le jour de la Pentecôte, le jour où l’Église naît véritablement

Conclusion

Ainsi, choisis librement par Notre Seigneur Jésus-Christ et recevant de lui des pouvoirs divins, les apôtres ont pour mission d'élever les premières pierres de l’Église que le maître a fondée et de la gouverner. « L’éternel pasteur et gardien de nos âmes afin de perpétuer l’œuvre salutaire de la Rédemption, a décidé de fonder l’Église, dans laquelle, comme en la maison de Dieu vivant, tous les fidèles seraient rassemblés par le lien d’une seule foi et d’une seule charité. […] Il envoya les apôtres qu’ils s’étaient choisis dans le monde comme Lui-même avait été envoyé par le Père »[2].

De notre Seigneur Jésus-Christ, et emplis du Saint–Esprit, les apôtres reçoivent l’ordre de répandre la bonne parole, de baptiser les hommes et de les instruire, faisant ainsi croître l’Église sous leur direction. Qui les écoute L’écoute, qui les rejette Le rejette. Les apôtres sont nettement au-dessus des disciples de Notre Seigneur Jésus-Christ. Leur mission ne se réduit pas à l’enseignement. Ils disposent d’un véritable pouvoir législatif et judiciaire. Ils ont un pouvoir de gouvernement.

Notre Seigneur Jésus-Christ a ainsi institué son Église par ses apôtres, qui, avec l’assistance divine, vont planter la semence et la Croix partout dans le monde, perpétuant l’œuvre de la Rédemption. Dans les premiers temps, eux-seuls ont le pouvoir et l’autorité d’enseigner. Pour l’exercer légitimement, une exigence : l’unité. Ils doivent demeurer unis entre eux par les liens de la charité et en Notre Seigneur Jésus-Christ. C’est à l’ensemble des apôtres réunis qu’Il leur a confié cette charge.

Leur autorité n’est pas fondée sur l’intelligence, sur les qualités humaines ou sur le mérite. Ce n’est pas non plus parce qu’ils étaient témoins de la vie de Notre Seigneur Jésus-Christ qu’ils sont devenus les gardiens de la parole divine. Leur autorité se fonde sur celle de Notre Seigneur Jésus-Christ qui les a choisis, formés et les a envoyés dans le monde pour accomplir une mission qu’Il leur a donnée. Le Saint-Esprit les a emplis de ses vertus. Ils sont sûrs de l’assistance divine. Contrairement aux fondateurs de doctrines ou de religions, les apôtres ne sont rien par eux-mêmes. Leur autorité dérive d’un commandement, d’une promesse et de moyens divins pour l’exercer. Ainsi, conformément aux paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ, à partir des apôtres et gouvernée par eux, l’Église s’est répandue et développée en dépit des persécutions. Quel plus bel argument de crédibilité !




Notes et référence
[1] Voir Émeraude, octobre 2016, article "Qu'est-e que l'Église ? Réponses par les images."
[2] Constitution dogmatique Pastor aeternus sur l’Église du Christ, 1er concile de Vatican, préambule, Denz. 3050.

vendredi 7 décembre 2018

Primauté pontificale et infaillibilité du pape


Aujourd’hui, dans un monde où la foi n’est plus guère prégnante, la charité dévoyée, l’espérance bien éteinte, où la cupidité égare les esprits, la luxure enchaîne les corps, et la violence le seul mot d’ordre, le combat s’avère plus difficile pour de nombreux catholiques. Ils font face à l’incompréhension de leurs contemporains et à leur folie, à une conception de l’homme individualiste et consumériste, imposant ses normes et exigeant la soumission. Le terme de tolérance n’a jamais été aussi galvaudé. L’aveuglement des hommes n’a jamais été aussi destructeur.

La détresse est encore plus grande pour les fidèles quand nous songeons à des déclarations et à des attitudes qui semblent remettre en cause leur certitude. Depuis plus de cinquante ans, l’Église connaît de grands bouleversements. D’apparentes nouveautés ont remplacé des usages et des coutumes illustres. Certains fidèles les ont refusées. D’autres les ont acceptées. Mais au fur et à mesure des changements, les inquiétudes ont grandi. Aujourd’hui, subsistent les doutes sur leur légitimité. Le camp du refus ne cesse finalement de croître. Faut-il  encore ignorer cette voix montante qui hésite entre le désarroi et la rébellion ?

Les anciennes générations, auteurs passionnés ou témoins impuissants, quittent peu à peu le monde avec leurs rêves et leurs illusions, avec de nombreuses ruines. Ils laissent à leurs enfants une mémoire vide ou dénaturée. Une telle tragédie est sans-doute unique dans l’histoire de l’Église. Que de mensonges, de maladresses et d’arrogances en si peu d’années ! Qu’ont-elles laissé à ceux qui doivent les remplacer ? Les nouvelles générations en sont les premières victimes. Innocentes et naïves, elles ne savent guère ce que leurs parents ont reçu et n’ont pas transmis, ce qu’elles ont perdu. Mais peu à peu, les gestes d’hier, les prières d’autrefois, les habitudes du passé, tant honnis il y a peu de temps encore, reviennent peu à peu comme un geste de mépris à ceux qui ont cru s’en défaire. Moins imprégnées de préjugés et plus sensibles à la réalité, les nouvelles générations de fidèles découvrent une culture et un esprit, demeurés cachés depuis des lustres. Mais tout cela demeure fragile. L’ignorance est grande. Mais ces générations sont fortes d’une audace qui émerveille et ne craignent pas le monde et sa folie. Comment ne peuvent-elles pas alors s’insurger contre un monde si hautain, si sûr de lui-même et si mauvais quand il avance à grand pas vers sa perte !…

Cependant, actrices ou filles de ce temps de bouleversement, les hautes autorités religieuses continuent inlassablement la route. Entendent-elles les plaintes qui montent dans l’Église ? Leurs déclarations ne les laissent plus passives ou indifférentes. Elles murmurent, elles grondent. Les doutes divisent encore plus les âmes. Comme à la fin du XXe siècle, certains fidèles abandonnent le chemin de peur de se perdre dans un monde devenu étrange et peu sûr quand d’autres remettent en cause ces mêmes autorités sans craindre le doigt accusateur. Après tant de déclarations d’un pape surprenant, les fidèles se redressent, le camp du refus grandit, voire se radicalise. Non possumus, diront certains légitimement. Même au niveau de Rome, le mécontentement est visible. Non possumus. Vous allez trop loin. Nous ne pouvons pas faire ce que l’Église a toujours refusé de faire. Le chemin est trop périlleux.

Alors, scandalisés par tant d’erreurs ou de malentendus, que colportent avec ignorance des médias insensés et imprudents, certains catholiques déclarent la vacance du trône pontificale. Comment en effet le pape peut-il se tromper puisqu’il est infaillible, se disent-ils ? Les heures sombres du Grand Schisme d’Occident sont-elles de retour ? Oh, certes, ils sont peu nombreux, une minorité parmi une minorité. Mais est-ce une raison pour ne point les entendre et être effrayé par leur séparation ? Le mépris et l’indifférence ne sont guère une solution.

Une remise en cause forte ancienne, de nouveau à entendre

Les catholiques qui déclarent la vacance pontificale, qu’on nomme habituellement « sédévacantistes », s’appuie sur une argumentation simple. Écoutons-les avec attention. Puisqu’il est de vérité de foi que le pape est infaillible en matière de foi, alors si celui qui exerce la fonction pontificale enseigne une erreur de foi, c’est qu’il n’est pas pape, c’est un intrus. Sommes-nous de nouveau au temps du  Grand Schisme où un tel discours trompait déjà les fidèles ? Que disaient-ils en effet les cardinaux révoltés ?[1] Le pape agit mal, il n’est donc pas pape. Ce n’est pas le manque de foi qui éveille la révolte, mais le manque de charité. Mais si le « sédévacantisme » demeure un courant très faible, la question qu’il soulève indirectement touche de nombreuses âmes. Elle n’est point anodine et mérite des réponses. En outre, n’est-ce pas la même question qui a divisé les fidèles depuis le XVème ?

 1er concile du Vatican, pape Pie IX
Or au temps du Grand Schisme, les partisans du conciliarisme contextuel ou absolu semblent avoir apporté une réponse au problème que peut soulever l’autorité pontificale. Ils ont vu dans le concile l’autorité capable de la limiter, de juger le pape et de le destituer. Luther a une autre réponse plus radicale. Il supprime la fonction pontificale. Bien avant eux, des églises orientales ont renié la primauté pontificale, conduisant au schisme d’Orient. D’autres voix n’ont vu qu’une primauté honorifique, qu’un pouvoir que la frontière arrête ou qu’un prince peut suspendre ou ignorer. Aujourd’hui, certaines déclarations, certaines attitudes semblent faire dire que le pape n’est que l’évêque de Rome, comparable à tout autre évêque. Encadrer, limiter, renier, supprimer, relativiser l’autorité du pape, telles sont donc les réponses apportées par le passé. De nouveau, la primauté pontificale est remise en cause, aussi bien par ses adversaires que pas ses partisans naturels. Pour y voir plus clair, revenons en effet à la primauté pontificale. Elle est définie dans une constitution dogmatique intitulée Pastor aeternus.

Primauté pontificale universelle et immédiate sur l’Église

Qu’enseigne en effet l’Église ? Définie par le premier concile du Vatican, en 1870, la constitution dogmatique Pastor aeternus a en effet pour but de « proposer à tous les fidèles la doctrine qu’ils doivent croire et tenir, conformément à la foi antique et constante de l’Église, concernant l’institution, le caractère perpétuel et la nature de la primauté du Siège apostolique »[2]. Le but du texte est sans ambigüité.

 « Nous enseignons et déclarons que l’Église romaine, par disposition du Seigneur, possède sur toutes les autres une primauté de pouvoir ordinaire et que ce pouvoir de juridiction du pontife romain, qui est vraiment épiscopal, est immédiat. » (chap. 3, Denzinger 3060)

Le fondement de la primauté pontificale

La constitution rappelle d’abord la primauté juridictionnelle de Saint Pierre sur tous les autres apôtres, « promise et donnée immédiatement et directement par le Christ Notre Seigneur » (chap. 1, Denz. n°3053). Ainsi est-il « chef de tous les apôtres et tête visible de toute l’Église militante » (canon, Denz. n°3055).

Mais la primauté juridictionnelle de Saint Pierre n’est pas limitée au temps des premiers apôtres. Elle doit « se poursuivre sans interruption dans l’Église » (chap. 2, Denz. 3056) par l’intermédiaire des papes. « Quiconque succède à Pierre en cette chair reçoit, de par l’institution du Christ lui-même, la primauté de Pierre sur toute l’Église » (chap. 2, Denz. 3057). Le pape reçoit donc ses pouvoirs du Christ Lui-même. La primauté pontificale est donc de droit divin et se fonde sur celle de Saint Pierre. La seule différence entre ce dernier et les Souverains pontifes qui l’ont succédé est que Saint Pierre l’a reçue directement de Notre Seigneur Jésus-Christ alors que les papes la reçoivent de Lui de manière indirecte, par succession.

Conséquences et finalité

Par conséquent, après avoir rappelé en quoi consiste cette primauté puis donné ses fondements, la constitution en conclue que tous les fidèles, « tous pasteurs de tous rites et de tous rangs » sont tenus à lui obéir en toute chose, et pas uniquement en matière de foi et de moral. La constitution est formelle sur la valeur de cette doctrine, « dont personne ne peut s’écarter sans danger pour la foi et le salut. » (chap. 3, Denz. 3060)

La constitution définit alors la finalité à la  primauté pontificale : garantir l’unité de l’Église, l’unité de foi et de charité. Car « l’Église est un seul troupeau sous un seul pasteur suprême. » (chap. 3, Denz. 3060) L’unité de l’Église repose sur l’unité de direction.

Pape vs évêques ?

Cependant, précise la constitution, la primauté pontificale ne s’oppose pas à l’autorité épiscopale, qu’exercent les évêques de manière ordinaire et immédiate sur le troupeau qui leur a été donné. « Au contraire, ce pouvoir est affirmé, affermi et défendu par le pasteur suprême et universel. » (chap. 3, Denz. 3061)

C’est en raison de sa primauté universelle et immédiate que le pape a le devoir et le droit de communiquer librement avec les pasteurs et les fidèles du monde entier, et de les gouverner dans la voie du salut.

Sans restriction du pouvoir temporel

« Nous condamnons et réprouvons les opinions de ceux qui disent qu’on peut légitimement empêcher cette communication du chef suprême avec les pasteurs et les troupeaux, ou qui l’assujettissent au pouvoir civil en prétendant que ce qui est décidé par le Siège apostolique ou par son autorité, pour le gouvernement de l’Église, n’a de force ni valeur que si le placet du pouvoir civil le confirme. » (chap. 3, Denz. 3062) Ainsi est indirectement définie l’incompétence et l’illégitimité de l’intervention de l’État dans le gouvernement de l’Église.

Droit d’appel au Pape, ultime instance de jugement

La primauté pontificale a aussi pour conséquence d’autoriser chaque fidèle à faire appel au pape de tout jugement qui touche à la juridiction ecclésiastique.

Puisqu’il est l’autorité suprême, le jugement du souverain pontife est définitif et sans appel. Aucune autorité n’a le droit de remettre en question ses décisions et de les juger. Ainsi est condamné l’appel à un concile œcuménique pour juger de ces décisions comme si son autorité était supérieure à celle du pape. Le conciliarisme est donc condamné.

Erreurs condamnées relatives à la primauté pontificale

Ainsi est anathème celui qui dit que le pape ne dispose pas d’un pouvoir plénier et souverain de juridiction sur toute l’Église, un pouvoir ordinaire et immédiat sur toutes et chacune des Églises, sur tous les pasteurs et les fidèles, ou restreint ce pouvoir aux seuls domaines de la foi et de la morale, ou refuse la plénitude totale de ce pouvoir suprême.

Sont ainsi condamnées les différentes théories prônant la suprématie des conciles sur le pape (conciliarisme), l’interventionnisme de l’État dans le gouvernement de l’Église (césaropapisme, gallicanisme, fébronisme, joséphisme), ou encore toute théorie définissant pour le pape une primauté d’honneur ou une simple présidence sur l’Église. Le protestantisme et toute forme d’épiscopalisme sont aussi condamnés.

L’infaillibilité du pape

Le pouvoir apostolique que reçoit le pape en tant que successeur de Saint Pierre sur l’Église comprend le pouvoir de magistère. Il est garant du dépôt de la foi. Il détient le « charisme de vérité et de foi », un charisme « indéfectible » qui a été accordé à Saint Pierre et à ses successeurs afin qu’ils « accomplissent leur haute charge pour le salut de tous, afin que le troupeau universel du Christ, écarté des nourritures empoisonnées de l’erreur, soit nourri de la doctrine céleste, afin que, toute occasion de schisme étant supprimé, l’Église soit conservée dans l’unité, et qu’établie sur son fondement elle tienne ferme contre les portes de l’enfer. » (chap. 4, Denz. 3071)

Ainsi la constitution définie ce que nous appelons l’infaillibilité du pape : « lorsque le pontife parle ex cathedra, c’est-à-dire, lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine en matière de foi et de morale doit être tenue par toute l’Église, il jouit, en vertu de l’assistance divine qui lui a été promise en la personne de Saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que soit pourvue son Église lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi ou la morale ; par conséquent, ces définitions du pontife romain sont irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église ». Cette doctrine est affirmée comme « un dogme révélé par Dieu » (chap. 3, Denz. 3072). Ainsi tous ceux qui contredisent cette définition est déclaré anathème. La constitution définie donc le cadre dans lequel peut s’exercer l’infaillibilité du pape, son fondement et en détermine les conséquences.

L’infaillibilité du pape ne s’exerce que lorsqu’il « définit » en tant que pape assumant son autorité universelle et immédiate sur toute l’Église. C’est donc au nom de sa primauté que le pape peut exercer son infaillibilité. La définition doit présenter une certaine solennité. La forme avec laquelle le pape s’exprime est donc importante. Il doit en outre définir ce que tous les fidèles de l’Église doivent croire en matière de foi et de morale. Elle porte bien sur une définition et non sur une proposition, une thèse ou sur une interprétation, une interpolation. L’opinion d’un pape par exemple n’est pas recouverte par l’infaillibilité. C’est en exerçant le pouvoir de magister que le pape peut être infaillible. Le domaine est bien circonscrit : la foi et la morale. Une définition scientifique n’est pas infaillible. N’est pas infaillible non plus un discours ou une encyclique qui n’impose aucune obéissance à tous les fidèles. L’enseignement revête une obligation. Si le pape laisse le choix aux fidèles d’obéir ou de ne pas obéir, il n’y a point d’infaillibilité.

L’infaillibilité repose sur la parole de Notre Seigneur Jésus-Christ et sur sa promesse. Elle est possible en raison de « l’assistance divine ». Elle est donc d’origine divine. C’est pourquoi elle ne se repose pas sur un consensus, un référendum ou une acclamation. La conclusion est alors évidente. Personne ne peut revenir sur la doctrine enseignée. Cela ne signifie pas qu’elle ne peut pas être précisée ou approfondie.

Témoignage de la tradition

La définition de l’infaillibilité du pape est précédée des témoignages des conciles œcuméniques que sont le VIe concile de Constantinople, le IIe concile de Lyon, et le concile de Florence. Elle s’appuie aussi sur l’usage et la coutume ancienne des appels des évêques, seuls ou réunis en concile régional, demandant de mettre fin aux dangers particuliers qui menacent la foi et de réparer aux dommages causés à la foi au pape, « là où celui-ci ne saurait subir de défaillance. » (chap. 3, Denz. 3069).

Différents modes d’expression de l’infaillibilité pontificale

Enfin, la constitution définit les différents modes où s’exprime son infaillibilité, modes qui varient selon les conditions de temps et des événements. Il peut convoquer des conciles œcuméniques ou sonder l’opinion de l’Église par des conciles régionaux ou par tout autre moyen. Ainsi l’infaillibilité pontificale ne s’exprime pas obligatoirement par la voie conciliaire. Elle n’est pas limitée aux moyens. Ce n’est pas le moyen qui légitimité l’infaillibilité du pape.

Conclusions

La constitution Pastor aeternus définit donc deux principes : la primauté pontificale, une primauté qui est la perpétuation de celle remis par Notre Seigneur Jésus-Christ à Saint Pierre, et l’infaillibilité du pape qui s’exerce dans le cadre de cette primauté selon certaines conditions. Ce sont bien deux principes qui régissent le gouvernement de l’Église.

La constitution proclame le pouvoir immédiat et direct du Souverain Pontife sur l’Église et sur tout fidèle, sur tout évêque ou sur l’ensemble des évêques. Envers ce pouvoir, les pasteurs et les fidèles sont liés par un devoir de subordination hiérarchique et de véritable obéissance. S’il peut exercer le pouvoir d’infaillibilité, le pape n’est pas indéfectible ou encore infaillible chaque fois qu’il s’exprime. De même, il peut exprimer des vérités de foi sans exercer ce pouvoir. Il ne faut pas en effet confondre l’infaillibilité et l’indéfectibilité de l’Église avec celles du pape.

La primauté pontificale est le garant de l’unité de foi et de charité de l’Église. La constitution établit en la personne du Saint Père le principe permanent et le fondement visible de cette double unité. Ainsi, en se prenant au pape, avec une violence inouïe, Luther a ouvert la porte à la division. Un œcuménisme qui ne s’appuie pas sur ce principe est aussi voué à l’échec. Un pape qui ne veut point s’en servir affaiblit sa propre autorité et celle de l’Église.

Contrairement aux conciliaristes, l’autorité du pape ne se fonde pas sur ses finalités. Ce n’est pas parce qu’il s’oppose directement ou indirectement à l’unité de foi et de charité qu’il ne doit plus exercer son autorité. Ce n’est pas parce qu’un pape commet des erreurs en matière de foi et de morale qu’il n’est plus pape. Son autorité ne réside pas dans la personne en elle-même mais dans sa fonction transmise par succession. C’est en tant que successeur de Saint-Père qu’un tel est pape. La crise qu’a connue l’Église au cours du Grand Schisme est un exemple révélateur et tragique des conséquences d’une telle erreur. Celle-ci conduit à la division des âmes et donc à leur perte. Car l’Église repose sur ce fondement. « Aussi moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. » (Matth., XVI, 18) …





Notes et références
[1] Voir Émeraude, septembre 2018, article "Les leçons du Grand Schisme : papes et cardinaux, attitudes irresponsables".
[2] Constitution dogmatique Pastor aeternus sur l’Église du Christ, 1er concile du Vatican, 4e session, 18 juillet 1870, Denzinger n° 3052.