Quand un homme politique
commet un acte jugé indigne ou immoral, il n’a pas d‘autres choix que de se
démettre de ses fonctions au grand désespoir de ses compères. Ceux-ci évoquent
la présomption d’innocence ou tentent de diviser virtuellement l’individu.
L’attitude était bien différente au début du XXe siècle. Lorsqu’il était à
l’origine d’un scandale, il se donnait la mort. Il ne cherchait aucune excuse. Pour
le citoyen moyen que nous sommes, la démission paraît normale et juste. La
question ne relève pas de la justice des tribunaux ou encore des médias mais de
celle de la conscience. Il ne juge en
effet que la moralité de l’acte. En outre, dans une élection, les votants ne
choisissent pas seulement des idées ou des partis mais également une personnalité.
Et le candidat en est bien conscient. Elle fait partie de sa stratégie de
victoire. Faut-il alors l’oublier aux sorties des urnes ?...
De même, il est légitime de
condamner toute conduite portant atteinte à la dignité ou à l’intégrité humaine,
aux biens d’autrui, aux rapports entre les hommes ou encore à l’environnement.
Des lois peuvent l’interdire mais elle fait suivre ce qui est déjà moralement
condamnable. Il est vrai aussi, et cela devient même plus fréquent, que
certaines lois contredisent la morale et autorise ce qu’elle interdit au point
de vouloir la faire changer. Cependant, faut-il simplement écrire un texte de
loi et la faire voter par une assemblée peu représentative pour faire changer
les mœurs ou pour rendre bon un acte jugé mauvais ? L’accumulation de lois au
gré des législations montrent bien leur impuissance…
Il est bien difficile de traiter de la morale sans songer à ses
fondements. Ceux-ci doivent être suffisamment solides pour s’opposer à
toute pression, d’où qu’elle vienne. Nombreux sont en effet ceux qui voudraient
ne plus l’entendre : les marchands pour que tout s’efface devant l’intérêt
financier, les scientifiques pour que rien ne limite leur curiosité, les
politiques pour que leur pouvoir ne connaisse guère de contraintes. Les lois
écrites par des hommes sont bien trop faibles et incapables de faire face à
tant d’intérêts. Elles seraient même un moyen bien commode pour faciliter leurs
affaires. Tout n’est qu’une question de rapport de forces entre les
protagonistes. La morale peut-elle alors être dépendante d’un résultat de votes
peu significatif, d’une majorité politique, par essence instable ? Elle ne
peut être le fruit de la démagogie ou d’un marchandage. Sur quel fondement plus crédible peut-elle alors se reposer pour
justifier l’obéissance qu’elle exige de nous et finalement les sacrifices qu’elle
nous impose ?
La question se pose de
manière cruciale au XIXe siècle. Dans leur combat contre l’Église et son
influence dans la société, de nombreux mouvements cherchent à détacher la
morale de tout fondement religieux. Ils considèrent en effet qu’elle doit
cesser d’« être l’humble servante du
dogme religieux ou métaphysique » pour « acquérir la qualité de science fondamentale et autonome »[1].
Ils défendent ainsi l’idée d’une morale laïque ou encore d’une « morale sans Dieu », d’une
morale indépendante ou encore absolue. Parmi ces mouvements, nous pouvons citer
celui de la Libre-pensée.
En 1905, le mouvement de la
Libre Pensée se réunit à Paris pour définir ce qu’il entend par « morale sans Dieu ». Nous allons donc
nous y rendre. Nous rencontrerons notamment Ferdinand Buisson, l’un des chantres
de la laïcité[2].
Nous écouterons les discours avec attention grâce au compte-rendu de la réunion[3].
Ainsi, dans notre prochain article, nous pourrons plus facilement dénoncer
leurs erreurs conformément à nos principes…
Le congrès international de
la Libre-pensée
La Libre-pensée est un mouvement qui prône essentiellement le
rationalisme, y compris en matière religieuse. À l’origine, elle n’est pas
essentiellement athée. Depuis 1848, elle s’incarne dans de nombreuses sociétés.
La première est celle de la société démocratique des libres-penseurs que
président Jules Simon et Jules Barni [4].
En 1881, l’ensemble des sociétés fondent l’Internationale de la Libre-pensée
qui se réunit la première fois en congrès en Belgique au cours duquel elle se revendique « société rationaliste et athéistique ». En France,
en 1902, se crée l’association de la Libre-pensée dont la commission exécutive
comprend Ferdinand Buisson, qui en est
le véritable directeur, et Aristide
Briand. Rappelons que ces deux personnalités politiques sont les principaux
auteurs de la loi pour la séparation de l’État et des Églises[5].
En 1904, réuni à Rome, le
congrès international de la Libre-pensée connaît un certain succès. C’est à
cette occasion que sa charte est adoptée à l’unanimité. Elle déclare notamment
qu’« au nom de la dignité humaine,
elle rejette le triple joug : du dogmatisme dans tous les domaines et en
particulier, en matière religieuse et morale, du privilège en matière
politique, du profit en matière économique. »[6]
L’année suivante, le congrès
se tient à Paris au palais du Trocadéro. Il commence par les honneurs puisque les
congressistes sont reçus à l’Hôtel de ville. Les sujets sont divers et multiples :
séparation des Églises et de l’État, organisation nationale et internationale
de la propagande, pacifisme, plan d‘une nouvelle encyclopédie, sans oublier la question de la « morale sans Dieu ».
La morale selon la
Libre-Pensée
La question de la « morale sans Dieu » est divisée en
trois sujets : « le fondement scientifique
de la morale », « la morale
sans dieu, au point de vue philosophique et pédagogique » et « la libre pensée et l’Art ». Nous
allons nous pencher sur les deux premiers.
Selon le rapport, la morale est considérée comme une science,
et par conséquent évolutive et portée au progrès. C’est pourquoi
« elle n’est plus une, fixe,
immuable ». Son but consiste à « synthétiser en des règles perfectibles les moyens pratiques d’action
utile, conformes à l’ensemble des connaissances de chaque temps ». Elle
se résume « à une hygiène
physiologique et morale des individus et des collectivités, à des codes
transformables et toujours subordonnés au souci du bonheur des individus et des
groupes par le progrès continuel des idées libres. » Elle a « pour principal but de développer la personne
humaine par la liberté ».
C’est pourquoi les morales
dogmatiques sont condamnées puisqu’elles « demandent l’obéissance à une autorité infaillible ». La morale est sans Dieu puisqu’elle
veut être scientifique et rationnelle.
Les fondements scientifiques
de la morale
Plusieurs discours présentent
les fondements scientifiques de la morale. Certains d’entre eux sont des
synthèses de rapports qui ont été envoyés au congrès. Nous pouvons ainsi
connaître la pensée :
- Charles Debierre (1853-1932), professeur d’anatomie à l’Université de Lille ; sénateur et président à deux reprises du Grand Orient en France puis fondateur de la Ligue de la République ;
- Charles Fulpius, président de la société des Libres-Penseurs de la ville de Genève, partisan de Darwin. Il est l’auteur d’un cours de morale fondée sur l’évolutionnisme ;
- Baillon, docteur, probablement l'écrivain belge célèbre (1875-1932), partisan d'un déterminisme absolu ;
- Émile Laurent (1861-1904), professeur de l’Université.
Le discours de Debierre sur
la morale est très clair. L’homme est un
animal comme un autre. Il n’est qu’« une forme momentanée et limitée de la matière ». Les idées religieuses sur sa création et
son âme ne sont que puérilité et folie. Debierre demande donc de « déraciner du cerveau humain l’esprit religieux. » Il
décrit la religion comme le « pays
du rêve, de l’erreur et du mensonge corrupteur. » Or, il définit la
morale comme la recherche du bien et du vrai « par bonté naturelle et respect des droits d’autrui dans l’éternelle
justice ».
Partisan
de l’évolutionnisme, Charles Fulpius défend une morale qui se transforme et évolue avec la science. Ses idées
reprennent ce que nous pouvons connaître de ses idées dans d’autres ouvrages.
« Tant que la pensée sera assujettie
à la foi, la raison humaine n’acceptera qu’avec une peine infinie les
constatations scientifiques. Tout notre espoir est, en conséquence, que la
croyance superstitieuse disparaisse peu à peu, laissant une place toujours plus
grande à la confiance dans les progrès de l’esprit humain. »[7]
Selon le rapport de
Baillon [8],
l’homme n’est qu’un animal social déterminé
à agir selon des lois naturelles fixes, identiques pour tous les éléments
de l’Univers. Il présente alors la morale comme une loi d’harmonie de l’ensemble de ses activités cellulaires.
Celles-ci dépendent de l’hérédité de l’individu, du milieu dans lequel il vit,
de l’éducation qu’il reçoit, de l’habitude. « L’homme, animal social, pratique la règle de solidarité, dominé par la
loi d’évolution que le conduit vers des fins inconnues. »
Enfin, nous entendons un
résumé du rapport du docteur Émile Laurent [9].
Partisan du darwinisme social,
décrit la société comme progressant selon les principes de l’évolutionnisme.
Cependant, ses progrès font l’objet de résistance de la part des « classes privilégiées, naturellement
conservatrices ou réactionnaires », qui « font appel aux prêtres pour endormir le peuple et lui persuader la
résignation. » Cette résistance ne sert à rien. Car « il est permis de prévoir, en termes de
l’évolution commencée depuis des siècles, l’avènement d’une société vraiment
humaine, dans tout ce mot a de grand et de généreux, détaché de tout dogme et
de toute croyance spiritualiste, fondée sur la seule idée de justice, et
déterminée à appliquer rigoureusement le principe positif et fécond de la
solidarité sociale ». La morale religieuse est ainsi présentée comme
oppressive et instrument du pouvoir alors que la véritable morale telle qu’il l’a
définie relève la solidarité sociale.
Finalement, tous les
intervenants expliquent la morale par des
principes évolutionnistes appliqués à la société et à l’individu. Ils les
considèrent comme scientifiquement prouvés et n’hésitent pas un instant à les
remettre en cause. Leurs discours en appellent à la bonté naturelle, à la
justice ou encore à la solidarité sociale mais ils ne donnent aucune
explication à ces valeurs. Sont-elles elles-aussi le produit de
l’évolutionnisme ?
Le
fondement philosophique et pédagogique de la morale sans dieu
Après le discours sur le
fondement rationnel de la morale, nous arrivons sans-doute au cœur du débat.
Nous allons entendre deux intervenants qui vont exposer leur conception :
le professeur Amédé Thalamas [10]
(1867-1953) et Ferdinand Buisson.
Thalamas a eu pour mandat
d’étudier l’ensemble des rapports qu’ont envoyés Debierre, Fulpius, Baillon et
Laurent et bien d’autres encore sur la morale sans Dieu, et d’en présenter une
synthèse.
Le rapport commence par un
constat : « les progrès de la
science positive et de l’esprit critique sont dès maintenant tels que nulle
part l’antique conception d’une morale impérative et catéchétique à base
religieuse ne satisfait plus les penseurs libres. Les temps sont venus pour une morale conforme à nos besoins
intellectuels nouveaux, à notre vie sociale démocratique, à tous nos désirs
d’un progrès continu vers un avenir humanitaire ».
Qu’est-ce que « l’antique conception de la morale » ?
« La morale n’est […] que l’ensemble des règles indiscutées et
indiscutables nécessaires à l’accomplissement des volontés divines : elle
n’est qu’un formulaire pour le salut éternel […] Elle se résume en un catéchisme […] qu’il prétend prévoir toutes les complications de la vie mondiale et
humaine ». Le discours en vient donc à définir la morale comme « un état contre nature » qui
restreint au minimum les besoins de l’homme et impose une vie monacale
considérée comme tyrannique. Thalamas
voit la cause de cette conception de la morale dans la théologie. »Pour les théologiens la science est
l’application à la vie du monde et de l’homme des affirmations surnaturelles
faites par un Dieu ou par son représentant plus ou moins autorisé. »
Plus loin, Thalamas définit
plus clairement ses reproches à l’égard
de la morale chrétienne. Une partie de ses accusations concerne plutôt son
contenu. Il dénonce surtout des règles et des préceptes figés qu’il considère
comme des « impératifs despotiques ».
Il accuse alors la casuistique de vouloir régir par elles toute la complexité
de la vie. Il dénonce aussi l’« obéissance
passive » qu’elle exige. Enfin, son discours porte sur les sanctions
décrites comme toujours punitives ou encore « afflictives ».
Or, pour les
Libres-penseurs, la science est autre chose. « La science est l’ensemble des lois tirées de l’observation des choses
et a pour but d’adapter les choses à nous, en les modifiant sans-cesse et le
plus complètement possible. » La
science des mœurs consiste à découvrir les liens déterministes qui unissent l’homme à la nature, à
analyser les conditions du milieu et à définir des procédés qui permettent à
l’homme de mieux user de ses forces. C’est alors que « la morale n’est plus une, immuable,
paralysante ; elle est variable suivant les civilisations, génératrice
d’activité productrice et elle se borne à synthétiser en des règles
perfectibles les moyens pratiques d’action utile, conforme à l’ensemble des
connaissances de chaque temps ». Elle s’adapte aux progrès des
sciences et respecte les personnes. Elle n’est qu’une « hygiène physiologique et morale des
individus et des collectivités […] toujours
subordonnée au souci du bonheur des individus et des groupes par le progrès
continuel des idées libres. » Une telle morale est alors présentée
comme adaptée à l’individu, à la mesure
de ses forces, cherchant plus à soigner qu’à punir.
Thalamas traite ensuite de l’enseignement de la morale à l’école. Il
consiste à développer l’individu tout entier et la conscience des droits des
autres en même temps que celle des droits de soi. Il souligne l’aspect pratique
de cet enseignement qui doit inculquer « la conscience du déterminisme universel », la volonté qui est « la perception des forces en présence
en soi comme hors de soi », « la
loyauté, qui est l’expression du principe du moindre effort social »
et « la générosité, qui est le
sentiment de la sympathie universelle ».
D’autres personnalités
viennent compléter le discours de Thalamas. De nouveau, elles récusent la
morale comme « un ensemble de dogmes
et de commandements impératifs » pour présenter leur conception :
« une science avec ses lois propres,
discutables, perfectibles ; une science comme l’hygiène, basée sur
l’homme, faite pour lui en vue de son plus grand bien ». Telle est la
vision de la cantatrice Alexandra Myrial, anarchiste et franc-maçonne, qui
deviendra plus tard bouddhiste.
Ferdinand Buisson définit la
notion de « morale sans Dieu »
afin de réfuter tous ceux qui ne voient dans cette expression qu’une « épithète blessante, agressive, provocante ».
Il veut alors apporter une définition
positive. Il estime que si elles ont rendu quelques services dans le passé,
les morales fondées sur des croyances
religieuses ne peuvent plus être acceptées en raison d’une « résistance invincible de la raison et de la
conscience ».
La
raison s’oppose à une telle morale puisque selon Buisson,
« il n’est plus possible d’obtenir
d’un homme capable de réflexion ni l’obéissance à une autorité prétendue infaillible
et qui a failli autant que les autres autorités humaines, ni la conformité à un
dogme prétendu immuable et qui n’a cessé de muer, ni à la foi à des faits
prétendus surnaturels et qui sont manifestement inauthentiques. »
La
conscience s’y oppose à son tour « parce qu’il n’est plus possible à l’homme éclairé par l’expérience des
siècles de se contenter d’un idéal moral qui lui impose le bien comme un
commandement et qui l’y détermine par des mobiles intéressés. »
La
morale ne peut non plus s’appuyer sur une métaphysique
puisque cette dernière suppose « un
reste de dogmatisme irrationnel ». Elle comprend « une conception générale de l’Univers »
qui ne peut que dépasser les limites de la science et provenir de « constructions a priori ».
Buisson distingue la morale
théorique, qui ne peut qu’être constituée d’éléments provenant des sciences
sociologiques, de la morale pratique définie comme « une technique de l’action » ou encore « l’art de régler les relations des hommes entre eux »,
et élaborée à partir « de la
constitution permanente de l’être humain et des données variables du milieu
social ».
Après avoir défini la
morale, Buisson présente six propositions :
- « la morale est un fait naturel ; il ne faut lui attribuer ni une origine ni une autorité qui la rende spécifiquement différente de toutes les autres œuvres de l’esprit humain » ;
- « la morale est un fait social : elle est la conséquence des idées et des sentiments dont s’inspire une société pour déterminer les droits et les devoirs des individus qui la composent » ;
- « en conséquence, la morale ne saurait avoir un caractère absolu ; elle évolue comme les sociétés par qui et pour qui elle est faite » ;
- « le caractère impératif qu’il convient d’attribuer à la morale n’est pas celui d’un dogme imposé à l’intelligence, d’un ordre imposé à la volonté par une force surhumaine, mais au contraire celui d’une prescription de la raison dont l’esprit humain se rend compte, et à laquelle il se soumet parce qu’il en a reconnu la légitimité et la nécessité aussi bien pour la société que pour l’individu » ;
- « la morale humaine ne tire pas du dehors ses mobiles et ses motifs : les sanctions de la loi morale ne consistent pas en un système de peines et de récompenses juxtaposé à la loi morale ; elles résultent de l’accord même de cette loi avec la nature humaine et des conséquences naturelles qu’entraîne son application soit dans la vie individuelle, soit dans celle de la société ».
La dernière proposition
concerne l’enseignement de la morale
qui se caractérise par, « d’une
part, le développement intégrale de la personne humaine par la liberté, et
d’autre part, par la coordination de cette personne avec toutes les autres dans
la solidarité sociale. »
Le but de la « morale sans Dieu » est finalement
de « supprimer toutes les inégalités
qui viendraient uniquement du fait de l’organisation sociale pour y substituer,
au moins graduellement, un régime de justice social, seule base de la véritable
fraternité des hommes et des peuples. » Elle est un juste équilibre entre l’égoïsme et l’altruisme afin de « concilier les droits de l’homme avec ses
devoirs envers la famille, la nation, l’humanité ».
Buisson définit la « morale sans Dieu » comme laïque, anticléricale, évolutive et
progressiste, niant l’absolu, « animée
d’un esprit socialiste ».
Conclusions
De ce rapport, nous pouvons
en déduire les critiques portées contre
la morale chrétienne. C’est en effet contre elle que s’oppose la
Libre-pensée. La morale chrétienne est accusée d’être irrationnelle,
dogmatique, oppressive, et même contre-nature. Le principal reproche est son
incapacité à répondre aux besoins actuels de l’homme et de la société. Il est
donc nécessaire de la remplacer par une
autre morale plus adaptée aux besoins de l’époque.
Les intervenants du congrès
présentent la « morale sans Dieu »
sous différents aspects. Rationnelle et fondée sur des connaissances certaines,
elle relève de la science et de
l’hygiène physiologique. Elle est aussi un « fait naturel et social », qui prend en compte le déterminisme naturel et les particularismes du milieu dans
lequel vivent les hommes. Elle est aussi sous la loi de l’évolutionnisme, allant de progrès en progrès, apportant
davantage de solidarité. Elle n’oblige pas, elle ne sanctionne pas. Elle demande l’adhésion des hommes.
Telle est la « morale sans Dieu »
qui transparaît dans les nombreux discours, une morale autonome, qui ne dépend
d’aucune religion, une morale nécessairement en conflit avec la morale
chrétienne.
Est-il vraiment possible
d’ériger une telle morale ? Cela revient en fait à se poser la question
d’une « sainteté sans Dieu »[11],
en reprenant la formule d’un des personnages de Camus. La morale est en effet
la recherche du bien ou les règles de conduite qui nous conduisent vers notre
bonheur. Affirmer que la morale doit être détachée de Dieu, cela signifie que
notre bien ou notre bonheur ne dépend pas de Lui. Si nous considérons une
morale sans Dieu, que nous soyons croyants ou non, cela revient en fait à
rendre son existence peu significative
pour nous, voire inutile et même absurde. Nous percevrons ainsi toute
l’importance de cette question. « C’est
le seul problème concret que je connaisse aujourd’hui »[12].
Notes et références
[2] Voir Émeraude,
octobre 2019, Laïcité : Ferdinand Buisson, le "père de la
laïcité".
[3] Compte-rendu/ Congrès de Paris,
3, 4, 5, 6 septembre 1905 au palais de Trocadéro, préface par Émile
Chauvelon, gallica.bnf.fr. La majorité des citations sont tirées de ce
compte-rendu. Le Rapport sur la morale sans Dieu de Ferdinand Buisson, élaboré
pour le congrès de la libre pensée, tenu à Paris en 1905 est accessible sur le site
questionsdeclasses.org. Mais, nous allons nous appuyer sur le rapport qui a été
fait de ce congrès.
[4] Nous les avons déjà
rencontrés dans notre article
[5] Voir Émeraude,
septembre 2019, articles « Laïcité : la rapport d'Aristide Briand, une
vision de l'histoire des rapports entre l'Église et l'État » et « Laïcité
: le rapport d'Aristide Briand, erreurs, mensonges et anachronismes, un texte
révélateur d'un état d'esprit ».
[6] L’histoire de la Libre-pensée en
France, Fédération nationale de la Libre-pensée, fnlp.fr.
[7] Fulpius, Préface dans
Moïse
ou Darwin ?, Dr Arnold Borel, trad. par Fulpius, éditeurs Schleicher, 1892, gallica.bnf.fr.
[8]A. Baillon, Le
déterminisme physiologique.
[9] Emile Laurent, Le
Déterminisme et la Moral.
[10] Professeur d’histoire
et de géographie dans des lycées prestigieux de Paris, Thalamas est connu du
grand public depuis le scandale qu’il a déclenché par ses cours ouvertement
opposés à Saint Jeanne d’Arc au lycée Charlemagne en 1904. Il reçoit un blâme.
Il produira encore un autre scandale à la Sorbonne en 1908
[11] A. Camus, La
Peste, édition Gallimard.
[12] A. Camus, La
Peste.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire