Dans l’article précédent,
nous avons décrit des théories qui décrivent les faits religieux sur un plan
uniquement fonctionnaliste. Elles cherchent à expliquer l’origine des
religions et leur diversité, les réduisant à un domaine d’étude au détriment de
leur complexité. Moins instrumentaliste, le diffusionnisme tente plutôt de
découvrir les modes de diffusion des faits religieux afin d’atteindre les
possibles souches religieuses de l’humanité. Nous allons dans cet article décrire d'autres approches d’étude.
L’étude psychologique de
la religion
Dans un article déjà
ancien[1],
nous avons évoqué la conception psychologique de la religion de Feuerbach
(1804-1872) : « les dieux ne
sont que les désirs des hommes mués en entités véritables »[2].
L’homme aurait créé la religion afin de se délivrer de ses craintes et se
débarrasser de ses angoisses. « Tout
discours humain sur les dieux, qu’il s’agisse de mythes, de symboles ou de
théologies, n’est que miroir qui renvoie à l’homme sa propre image. » Par
conséquent, l’étude des religions reviendrait à étudier les modes par lesquels
les hommes se représentent. Mais « l’être
divin n’est pas réductible aux modes d’appréhension du sujet pensant. » Aucune image, aucun symbole ne sont la
divinité qu’ils représentent. Il n’y a pas d’identité entre l’image et ce
qu’elle représente.
Les chercheurs vont
développer la pensée de Feuerbach en étudiant le croyant de manière clinique
pour définir des lois qui déterminent l’existence d’attitudes religieuses à
partir de l’analyse des états de conscience et de ses comportements rituels. Le
phénomène religieux se réduit alors rapidement à un phénomène pathologique, à
des variations de l’équilibre physiologique, du tonus nerveux, etc. Le
mysticisme est par exemple rapporté à un cas d’hystérie. Si les premiers
chercheurs se sont perdus dans la naïveté scientiste, tel que Charcot, chef de
file de l’école française, d’autres se montrent plus sérieux[3].
La conception freudienne
de la religion
Mais toutes ces recherches
ont rapidement disparu au profit de l’interprétation freudienne de la religion.
Freud part de deux principes pour établir sa théorie.
D’abord, les attitudes
religieuses seraient comparables aux symptômes névrotiques individuels. Le
phénomène religieux serait donc assimilable au processus
névrotique. « La religion
n’était rien d’autre que la névrose obsessionnelle et universelle de
l’humanité »[4].
Puis, le développement de chaque culture humaine et l’évolution psychologique
de l’individu seraient identiques. Freud cherche alors à identifier les
différents âges psychologiques de l’humanité comme on peut identifier l’histoire
psychique de l’individu. Or selon le freudisme, les comportements psychiques seraient
explicables par les traumatismes de la petite enfance. Par conséquent, des
traumatismes historiques expliqueraient de même la notion d’un Dieu-Père.
Freud développe alors
plusieurs idées, celles du totem et du tabou. En voici un exemple, fondé sur le
complexe d’Œdipe. Des fils sont excédés par la tyrannie sexuelle de leur père.
Rebelles à son autorité, ils l’auraient tué mais alourdis par le poids de la
culpabilité, ils l’auraient idéalisé puis adoré au point qu’il serait devenu un
dieu personnalisé. Freud déploiera toute son imagination pour trouver d’autres
justifications.
À partir de Freud, la
psychanalyse est utilisée pour expliquer les phénomènes religieux. Le complexe
d’Œdipe sera maintes fois repris pour décrire des religions. « Dans la culture des aborigènes d’Australie,
il décèle que leurs mythes sont un moyen de résoudre symboliquement les
problèmes posés par l’attachement ambivalent des enfants aux parents, mais
qu’ils sont aussi une sorte de sublimation de traumatismes psychiques provoqués
par la sexualité. Le culte religieux
serait finalement la projection des fantasmes exprimant les réalisations
symboliques de désirs interdits ou impossibles. »[5]
La religion résulterait des désirs interdits, des tabous, des refoulements.
Ainsi Freud et ses
disciples ne voient sous l’aspect des faits religieux comme le rite et la
liturgie que des systèmes de défense contre l’angoisse sur les « actes obsédants ». La religion ne
serait qu’une « fausse sublimation »,
« la sublimation étant la façon dont
on renonce à ses illusions infantiles pour déboucher dans l’ordre de la culture
et de la société organisée »[6].
Des chercheurs de l’école
culturaliste[7]
remettront en question ces théories[8].
Ils ont rapidement découvert que Freud avait généralisé un certain phénomène
religieux. Ce qui croyait être un état général de l’humanité n’est en fait
qu’un type particulier. Sans qu’elle soit au cœur de leurs études, ils
intégreront cependant la psychanalyse dans leur anthropologie religieuse.
La théorie des archétypes
Avec sa « psychologie analytique », le
pasteur suisse, psychiatre et psychologue, Carl Gustav Jung (1875-1961) présente
une autre conception psychologique de la religion. Il a développé une théorie
qui deviendra florissante, celle des archétypes[9].
Ce sont des « formes existant a
priori ou normes biologiques de l’activité psychique », « schémas de réaction ancestraux »[10].
Ces schémas pourraient être réactualisés dans chaque individu afin de l’aider à
régler ses « adaptations
instinctives ». La religion reproduirait en fait la structure de l’inconscient.
Ainsi est-il opposé à la conception religieuse de Freud. Contrairement à lui, il
est conscient que le fait religieux est sérieux, qu’il existe réellement.
Selon cette approche, la
religion n’est plus étudiée pour connaître ses fonctions, son rôle positive ou
négative, ou pour déterminer les facteurs qui l’auraient fait naître mais pour
déterminer ce qu’est l’homme. La religion est étudiée selon ce qu’elle peut
nous apprendre de l’homme.
La théorie structuraliste
de la religion
Il existe aussi d’autres
théories plus intéressées à la connaissance que peut apporter la religion sur
l’homme. En étudiant des sociétés proches de la nature, Levy-Bruhl (1857-1939) tente de
prouver que les primitifs sont incapables de développer un système rationnel
pour justifier les relations qu’ils entretiennent avec leur environnement. Ils habitent
alors le monde d’êtres merveilleux et de surnaturel qu’ils expriment par un
langage mythique. Le système qu’ils construisent se rationaliserait quand les
rapports mystiques avec la nature seraient moins saisissables, plus lointains.
Mais pour passer d’un monde mythique à un système rationnel, c’est-à-dire à des
pensées logiques, les hommes devraient, toujours selon Lévy-Buhl, faire l’objet
d’une évolution mentale. La pensée humaine devrait donc évoluer pour passer
d’un stade pré-religieux à la religion. Le phénomène religieux serait donc
associé à la structure mentale de l’homme. L’évolution des religions manifesterait
donc celle de la pensée.
Une conception structurale
de la religion
Lévy-Strauss décompose un
grand mythe en grandes unités puis compare ses différentes variantes selon ces
composantes. Nous pourrions dire que le premier temps de sa méthode consiste à
déstructurer un mythe pour ensuite les comparer par unité de structure. Par la
comparaison de nombreux mythes, il démontrerait alors que leur structure
n’évolue guère en dépit de leur diversité. Il propose ensuite d’étudier une
religion de la même façon, selon des modèles, des éléments permanents que les
hommes arrangeraient de manière inconsciente. La diversité religieuse
résulterait alors du nombre inépuisable de combinaisons de la pensée humaine.
La conception structurale de la religion s‘oriente naturellement vers le
symbolisme.
Nous ne sommes guère
éloignés de la conception psychologique de la religion que nous avons déjà
rencontré dans le cas de la psychologie des profondeurs d’Eugen Drewermann[12].
Nous sommes proches de la psychanalyse. Car si « toute culture peut être considérée comme un ensemble de systèmes
symboliques, elle ne parvient jamais à fournir à tous ses membres et au même
degré le moyen de participer pleinement à l’élaboration d’une structure
symbolique qui, sur le plan de la pensée normale, n’est réalisable qu’au plan
de la vie sociale »[13],
ce qui exclut tout comportement symbolique autonome, toute individualité. Telle
est l’idée d’aliénation.
Comme dans toutes les
théories en quête de structure, le phénomène religieux n’a en fait aucune
réalité dans la vision structurale. Le sacré n’existe pas. Il ne servirait qu’à
différencier les groupes humains. Le mythe ne serait qu’une perception de la
réalité, la religion « une
humanisation des lois naturelles », la magie « une naturalisation des actions humaines »[14].
Les images mythiques n’expriment aucune expérience religieuse.
Enfin, selon ces théories,
le phénomène religieux n’est compréhensible que de l’intérieur, que si on est
né dedans. Par conséquent, la vision structurale refuse d’intérioriser toute
compréhension du sacré c’est-à-dire toute interprétation qui leur semble pure
subjectivité. Un observateur ne peut donc comprendre un phénomène religieux. Il
ne peut y parvenir qu’en démontant le mécanisme du fonctionnement de l’esprit
humain. Il n’est pas au niveau du contenu de la pensée de l’homme.
En utilisant les principes
de Lévi-Strauss, c’est-à-dire la décomposition d’un mythe en motifs et en appliquant
aux mythes des méthodes et des outils phylogéniques[15],
Julien d’Huy établit un véritable « arbre »
généalogique entre les différentes mythes, ce qui lui permet de décrire leur
évolution en fonction du temps et de l’espace. « L’histoire d’un mythe est semblable à un arbre dont le tronc serait le prototype
et les branches les différentes façons dont le proto-mythe a évolué au cours du
temps. »[16]
De manière statistique, à la manière de la phylogénie, il reconstitue ainsi l’histoire
des mythes.
Comme Lévi-Strauss, il
conclut que les mythes n’évoluent guère ou plutôt qu’ils évoluent à la manière
de l’évolution ponctuée, telle qu’elle est définie par le paléontologue Stephen Jan Gould. Un mythe
« connaîtrait une grande
permanence avant d’évoluer très fortement sur une brève période à l’occasion de
migrations, de tensions territoriales ou de bouleversements sociaux. »[17]
La conception structuraliste contemporaine de la religion tente donc d’associer le mythe ou la religion dans un ensemble plus vaste et concret que le fait la théorie de Lévi-Strauss. Elle englobe tous les aspects du fait religieux pour relier les différents motifs qui les constituent, mêlant statistique, phylogénétique, évolutionnisme, histoire. Mais tout cela ressemble fort à un montage artificiel, à une déstructuration et à une restructuration de l’esprit. Si la raison est capable de déstructurer et de reconstituer le mythe, cela ne signifie pas simplement sa capacité à le faire au lieu d’y voir une structure inhérente au mythe ?
La conception structuraliste contemporaine de la religion tente donc d’associer le mythe ou la religion dans un ensemble plus vaste et concret que le fait la théorie de Lévi-Strauss. Elle englobe tous les aspects du fait religieux pour relier les différents motifs qui les constituent, mêlant statistique, phylogénétique, évolutionnisme, histoire. Mais tout cela ressemble fort à un montage artificiel, à une déstructuration et à une restructuration de l’esprit. Si la raison est capable de déstructurer et de reconstituer le mythe, cela ne signifie pas simplement sa capacité à le faire au lieu d’y voir une structure inhérente au mythe ?
La
phénoménologie de la religion
Des théories plus vastes
interrogent davantage la religion en soi, c’est-à-dire sur le sens de son
contenu. Telle est l’approche de la phénoménologie des religions. La religion est
plus précisément vue selon son essence, sur ce qu’elle est, afin d’y déchiffrer
quelque chose cachée. La phénoménologie religieuse[18]
propose donc d’atteindre le sens des faits religieux. « La phénoménologie concrète des objets et des actes religieux
vise à une compréhension aussi complète que possible du sens intrinsèque d’une
ou plusieurs créations religieuses »[19].
Cette approche est parfois intitulée essentialiste.
La phénoménologie des
religions est directement une application de la philosophie d’Husserl et de
Scheler aux faits religieux. L’un des premiers à l’appliquer est Chantepie de
la Saussaye (1848-1920) dans le but d’élaborer une science de religion capable
de contribuer à l’explication de la religion, de son essence, de ses
apparences. Brede Kristensen (1867 – 1953) développe la phénoménologie des
religions afin de chercher le sens des phénomènes religieux. À travers Gerardus
van der Leeuw (1890-1950), la phénoménologie des religions prend de
l’importance et devient célèbre. Les phénomènes religieux en soi ne sont pas
compréhensibles, ils doivent être reconstruits.
La phénoménologie
religieuse part de l’objet de la religion (milieu sacré, tabous, personnage,
etc.) puis analyse le sujet de la religion (croyant, communauté, âme) pour
déterminer les interactions de l’objet sur le sujet dans l’individu et dans le
monde qui l’entoure. Cette analyse a pour but de déterminer les structures
fondamentales des systèmes religieux, c’est-à-dire l’essence du phénomène
religieux. En étudiant les phénomènes communs aux religions, elle veut
atteindre « les structures
fondamentales qui déterminent l’essence de tout phénomène religieux ».
Ou dit autrement, elle veut saisir l’ « a-temporel ». La phénoménologie de la religion part aussi du principe que « le fait religieux soit saisi, « compris », interprété en lui-même et par lui-même, sans appel à quoi que ce soit d’extérieur »[21]. Elle ne peut guère s’échapper de constructions schématiques et abstraites. Elle oublie vite que le fait religieux est aussi
enraciné dans une réalité concrète.
La phénoménologie
religieuse suppose donc que la compréhension du fait religieux se ramène à la
recherche d’une structure idéale. Elle présuppose aussi que l’homme soit
naturellement religieux. « Hegel dit
même de la religion qu’elle est ce que l’homme et les civilisations ont de plus
propre et de plus précieux »[20].
Aucun homme ne pourrait vivre sans quelque forme religieuse. Le phénomène
religieux serait inné et congénital chez l’homme en tant que tel.
La phénoménologie
contemporaine
Mircea Eliade |
Les structures de la
religion s’insèrent alors dans des structures plus larges. Ce sont des « structures à travers lesquelles
l’homme prend conscience du sacré en même temps que les images par lesquelles
il se représente. »[24]
Les différentes formes religieuses seraient les modalités particulières que le
sacré prend en un moment donné de son histoire vécue par les hommes et aussi un
moyen par lequel l’homme donnerait du sens à sa vie.
La conception de la
religion serait, selon ses commentateurs, plus centrée sur l’expérience
religieuse dont l’élément fondamental serait le « sacré », qui, selon Rudolf Otto, est une donnée « pleine de sens , et elle donne un sens
à la vie de l'homme qui y participe ». Selon la Cardinal Poupard,
l’expérience religieuse « n'est pas
un simple état affectif, un sentiment sans objet, mais bien une saisie
authentique, une prise de conscience et une certitude intimes, un processus qui
donne à celui qui en fait l'expérience la connaissance de quelque chose de
précis et de réel : une réalité en rapport avec le monde, bien que
n'appartenant pas au monde. »[25]
Mais contrairement aux propos du cardinal, la phénoménologie religieuse n’est
pas aussi proche de la réalité religieuse.
Une telle vision de la
religion part du principe qu’objectivement, tout se divise entre sacré et
profane, que tout se structure par cette opposition. Il existerait donc un
principe objectif qui imposerait de répartir les choses en choses sacrées ou
profanes. Le sacré est aussi réel que le profane. Nous retrouvons l’idée de Carl
Gustav Jung.
En outre, le « sacré »
serait efficace selon la capacité de faire durer les choses. Ainsi l’expérience
religieuse la plus profonde serait liée à une conception cyclique du temps, à
un temps primordial originel, et
finalement à un refus de l’histoire, d’un sens de l’histoire. Selon Eugen Diederichs, travailler
sur l‘histoire des religions mène l‘homme aux régions qui sont inaccessibles pour
la raison, donc à la « véritable vie »[26]. Cette vision des choses ne
donne guère de place à la réalité historique de la religion, à une réalité
vécue, à des actes concrets qui veulent donner du sacré à ce qui n’était que
profane. Dans cette conception religieuse, la frontière entre sacré et profane
ne dépend pas de l’homme, ce que dément l’expérience. La phénoménologie
s’oppose finalement à toute approche historique des religions.
L’approche historique des
religions
L’historien en religion identifie,
répertorie, classe les objets propres des religions. Il recherche aussi des
témoignages et regroupe des faits. Son objectif est de déterminer le
développement historique d’une communauté religieuse, de comprendre des
expériences religieuses, de chercher une origine ou des filiations,
d’identifier les causes et les conséquences. Son étude suppose que la religion
est enracinée dans un contexte déterminé et que ce contexte lui permet de la
comprendre. « C’est l’enracinement
dans un temps et une culture donnés qui peuvent exprimer la réalité vécue de
cette expérience ».
L’histoire des religions
se réduit finalement aux caractères spécifiques de l’expérience religieuse,
conditionnée par un milieu socio-culturel temporel. Elle ne cherche aucune
transcendance, aucune réalité distincte de l’homme. Elle refuse toute idée
d’existence objective de Dieu. Elle rejette aussi toute présupposition de
religion « innée » ou
psychologique. L’historien ne veut ni formuler un jugement, ni étendre son
sujet vers les sciences naturelles. «Toute
religion, toute conception religieuse, toute institution du culte répond à
des circonstances données et s'explique par elles. Voilà le principe général
qui fait de l'histoire en général, de l'histoire des religions en particulier un
objet d'étude vraiment solide : par là, nous logeons dans la vie réelle »[27].
Ne faisant constater et
interpréter des faits avérés, « la
réalité historique ne connaît qu’une pluralité de religions et non pas la
« religion », que celle-ci soit fondée sur le transcendant ou sur la
« nature humaine » ou sur des « lois psychologiques. »[28]
L’historien porte uniquement
son regard sur la volonté humaine de sacralité. Il ne voit du sacré que « comme une réalité vécue au niveau de
l’expérience quotidienne, de sa sensibilité individuelle et collective ».
La religion ne serait qu’une fabrique de sacralité. Les actes religieux ne
serviraient qu’à agir dans le monde pour perpétuer un ordre, qu’à organiser son
temporel et son espace dans cet ordre.
Les
« historiens des religions »
recherchent donc les faits religieux, les inventorient, les classent, les
interprètent en vue de les comprendre et d’en déterminer les origines, les
développements, les conséquences. Mais sous le soi-disant « contrôle permanent de l’histoire »,
fait plus de silences et de bruits, peuvent-ils les considérer uniquement comme
des événements d’un passé ? Bien des choses leur demeureront
inaccessibles. La prière d’un croyant disparu depuis des siècles est-elle
perceptible pour un historien qui a vécu dans un monde épuré de toute
religiosité ?
L’anthropologie religieuse
Selon l’anthropologie
religieuse, la religion serait l’expression de la plénitude humaine au plan
individuel et collectif. Elle est en effet vue comme un moyen à l’homme de se
définir dans le monde et vis-à-vis de ses semblables, et à un groupe d’homme de
fonder leur cohésion. « Un système
religieux sera ressenti comme d’autant plus vrai qu’il réussira mieux à aider
l’homme à réaliser l’unité de son essence. » Cette théorie a pour but
de répondre aux questions de sens et de déterminer la fonction des phénomènes
religieux. Contrairement à l’essentialisme, elle ne cherche pas à voir dans la
religion ce qu’elle est ou comment elle est structurée mais à comprendre ce
qu’elle dit et enseigne. Contrairement au fonctionnalisme, elle ne cherche pas
l’intérêt des hommes dans la religion mais ses effets, ses conséquences. Elle
voit plutôt la religion comme une incarnation d’un idéal dans la réalité. Ainsi
cherche-t-elle les multiples facteurs qui l’influencent. Le phénomène religieux
est comme « le reflet produit par un
ensemble de conditionnements d’une situation socio-historique et comme un
exemple concret, historiquement réalisé, d’un type religieux idéal »[29].
Il résulterait donc de l’interaction entre le réel et l’idéal. La religion
serait donc l’idéalisation d’une réalité socio-historique et la réalisation
d’un idéal religieux. « Tout fait
religieux est à la fois reflet et exemple. »[30]
Selon l’anthropologie
religieuse, tout acte religieux se composerait de deux temps :
l’appréhension par l’homme d’un sacré qui est, pour lui, une réalité objective,
une réalité transcendante, et l’expression qu’il donne de cette réalité.
« Chaque expression d’une expérience
religieuse n’est pas une description d’un sacré extérieur à l’homme, mais
seulement le témoignage vécu d’une relation entre l’homme et autre chose que
lui-même qui cependant informe et modifie ses conduites. »
Note et références
[2] Feuerbach
dans Michel Meslin, L’Histoire des religions.
[3]Par
exemple H. Delacroix, Étude d’histoire et de
psychologie du mysticisme, ou W. James, The
Varieties of religious Experience (1902).
[4] Freud
dans Histoire des religions, tome I.
[5] Geza
Roheim dans Histoire des religions, Préface,
tome I.
[6] Entretien
avec Michel Cazenave, philosophe spécialiste de Jung, propos
recueillis par Florence Quentin, La religion sur le
divan, Le Monde des religions, n°53,
mai-juin 2012.
[7] Br.
Malinowski, de Heusch, Mead, Kardiner, Erikson, Benedict.
[8] Br.
Malinowski contre le complexe d’Oedipe. Dans une société
primitive, l’autorité parentale appartient à l’oncle maternel,
ce qui contredit l’idée du dieu-père.
[9] Voir Émeraude,
janvier 2016, article « de la psychologie des
profondeurs ».
[10] G.
C. Jung dans Histoire des religions, Préface,
tome I.
[11] Lévi-Strauss, Anthropologie
structurale (1958) dans Michel Meslin, L’Histoire
des religions.
[12] Voir Émeraude,
janvier 2016, article « de la psychologie des
profondeurs ».
[13] Introduction
à l’œuvre de M.Mauss dans Michel Meslin, L’Histoire
des religions.
[14] Lévi
Strauss, La Pensée sauvage dans Michel
Meslin, L’Histoire des religions.
[15] La
phylogénie est l’étude comparée des gènes entre les êtres
vivants.
[16] Julien
d’Huys, doctorant à l’Institut du monde arabe, dans Apparenter
la pensée ? Vers une phylogénie des concepts savants,
ouvrage collectif dans La science veut y croire,
Héène Staes, Le Monde des religions, n°53,
mai-juin 2012.
[17]Hélène
Staes, La science veut y croire, dans Le
Monde des religions, n°53, mai-juin 2012
[18] Parmi
les disciples, signalons notamment Gérard van der Leeuw, historien
des religions, néerlandais (1890 -1950.
[19] Scheler, Das
Ewige in Menschen (1926) dans L’Histoire
des religions, Michel Meslin.
[20] Jean
Grondin, La philosophie religieuse, chap. III, V.
[21] G.
Dumézil dans Henri-Charles Puech, Préface, Histoire
des religions, tome I.
[22] Celle
choisie notamment par Mircea Eliade, Traité d’Histoire
des Religions (1948).Mircea Eliade est une historienne
et philosophe roumaine (1907-1986).
[23]
Description de l'ouvrage Mircea Eliade et le phénomène
religieux, Douglas Allien, éditions Payot, décembre 1979,
sur le site de l'éditeur www.payot-rivages.net.
[24] Angelo
Brelich, Prolégomènes.
[25] Cardinal
Paul POUPARD, L’expérience religieuse,
Conférence au Centre Universitaire Méditerranéen, à Nice, le 31
mars 1998.
[26] Voir
Eugen Diederichs, Die religiösen Stimmen der Völker dans
Introduction en Science des Religions, Ricarda Stegmann, cours
magistral, semestre automne 2012, faculté de philosophie de
Fribourg.
[27] J.
Toutain, L'histoire des religions de la Grèce et de Rome
au début du XXe siècle, dans Revue de
synthèse historique, 20, 1910 dans L'histoire
des religions en France au début du XXe siècle, Laplanche
François dans Mélanges de l'École française de Rome,
Italie et Méditerranée, tome 111, n°2. 1999, publié
le 23/09/2015
sur http://www.persee.fr/doc/mefr_1123-9891_1999_num_111_2_4660.
[28] Angelo
Brelich, Prolégomènes à une histoire des
religions dans Histoire des religions,
tome I.
[29] Angelo
Brelich, Prolégomènes.
[30] Angelo
Brelich, Prolégomènes.
[31] Angelo
Brelich, Prolégomènes.
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