" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 26 juin 2021

La Mettrie (1/3) : un "bel esprit" au venin redoutable

De nos jours, nombreux sont encore ceux qui ne croient qu’à la science et à la technologie. Ils sont persuadés que les connaissances que la science acquiert relèvent de la certitude et que la technologie leur apportera bonheur et salut. Et quand nous voulons connaître ce qu’est l’homme et son bien-être, nous écoutons ce que disent biologistes, médecins et autres savants de la vie. Or, l’homme qui se présente à eux se réduit au corps humain, à tout ce qui s’offre à eux au moyen de leurs instruments, ne gardant que ce qui est observable, mesurable, analysable. La somme des connaissances ainsi acquises forme alors un modèle compréhensible dans lequel l’âme n’a pas sa place, ni la vie. Tout n’est que structure, organisation, flux et organes qu’une main habile et bien guidée conçoit. Si cette représentation, utile et pertinente pour leur domaine, se confond avec la réalité, il est alors tentant de comparer l’homme avec l’animal, puis de les confondre avant de considérer tout organisme vivant comme un automate aux rouages astucieux. La vie n’est alors que l’expression d’une organisation sophistiquée comme le mouvement des aiguilles d’une horloge brillamment montée.

Lorsque la connaissance se réduit à des grandeurs mesurables que nous déterminons par des instruments et des méthodes scientifiques, nous pouvons en effet avoir la tentation de réduire l’homme à sa pure matérialité, excluant toute présence d’âme et de principe de vie. Et si cette conception est validée par des succès inattaquables et un progrès incontestable pour notre quotidienneté, notre santé et notre confort, alors la tentation devient encore plus forte et implacable. Qu’importe alors la véritable nature de l’homme si le modèle ainsi conçu suffit pour nous rendre plus forts, plus robustes et nous épargne fatigue, maladie et souffrance ! L’homme conçu comme une machine ne peut que nous plaire ….

L’idée de l’homme machine n’est pas nouvelle. Elle prend forme à partir du XVIIIe siècle avec Jean Onffray de la Mettrie (1709-1751). Jusqu’à nos jours, ce philosophe médecin a été peu apprécié et finalement oublié. Or, depuis le début de notre siècle, des auteurs veulent le réhabiliter, le considérant comme le défenseur de la tolérance et de la rationalité[1], voire l’égal de Galilée et de Darwin[2]. Il est surtout un athée convaincu… Avant de connaître sa pensée, nous allons d’abord chercher à le connaître…

Onffray de la Mettrie, un médecin et un écrivain

Onffray de la Mettrie appartient à une famille aisée de petite noblesse de Saint-Malo. Destiné d’abord à la prêtrise[3], il est alors disciple du Père Cordier, un ardent janséniste, puis il découvre Descartes dont il adopte les thèses. Abandonnant sa voie religieuse, sans-doute sous le conseil de François-Joseph Hunauld (1701-1742), futur anatomiste du roi, il embrasse des études de médecin à la faculté de Paris et acquiert le titre de docteur à Reims. Il part ensuite en Hollande pour approfondir ses connaissances auprès du célèbre médecin Boerhaave[4] dont il traduit et commente les œuvres, puis écrit sa biographie.

De retour à Saint-Malo, sa patrie d’origine, il exerce la médecine et écrit des essais dont l’un fait l’objet de critiques de la part de médecin dont Jean Astruc (164-1766), titulaire de la chaire de médecine au Collège de France depuis 1731. La Mettrie répond à ses objections en attaquant avec arrogance les chirurgiens qu’il juge incultes. Plus tard, il écrit une pièce satirique La faculté vengée, dans laquelle il règle ses comptes avec Astuc, alias le personnage Savantasse, modèle du médecin vaniteux, fourbe et sans pratique. En 1743, il publie un ouvrage intitulé Observations de Médecine pratique, qui recueille ses observations sur une épidémie de choléra qui sévit en Bretagne alors qu’il exerce dans un hôpital.

Un philosophe en fuite

En 1742, La Mettrie part à Paris où il devient le médecin de Louis, duc de Gramont, colonel des Gardes Françaises. Il y mène grande vie et entre dans les salons de la capitale. Il suit son protecteur sur les champs de bataille comme officier sanitaire. Durant le siège de Fribourg, il a le temps de composer son Histoire naturelle de l’âme, dans lequel il dénie l’existence de l’âme et de l’esprit, qu’il décrit comme simples résultats de l’organisation de la matière. Ce livre provoque des scandales et une condamnation du Parlement un an après sa publication. « Sous prétexte d’approfondir la nature et les caractères de l’esprit humain », il « travaille de dessein formé à l’anéantir et en le réduisant à la matière sape les fondements de la religion et de toute vertu. » Un autre ouvrage, intitulé Politique du médecin de Machiavel, qui attaque les médecins de son temps, subit le même sort.

Fin 1746, La Mettrie fuit le royaume de France pour rejoindre la tolérante Hollande, qui, pourtant, à son tour, le rejette après la publication de L’Homme machine, bien qu’il n’ait pas hésité à renier la paternité de ce livre. Notons que dans cet ouvrage, il raille notamment le célèbre médecin suisse Albrecht Haller qui devient aussi l’objet d’un de ses pamphlets, intitulé Le petit homme à la longue queue, publié en juin 1747 Il le peint comme un homme libertin, hypocrite et faux savant.

Un philosophie menant belle vie

En 1748, sur demande de Maupertuis, alors président de l’Académie de Berlin, Fréderic II de Prusse l’accueille à Postdam auprès de qui il exerce la médecine. Cependant, ce n’est pas en raison de son art médical qu’il est reçu mais à cause de son « bon esprit » : « La Mettrie arrivera fort à propos. Je veux l’établir votre prédicateur. Il ne vous donnera pas de saines idées, mais il vous guérira de vos vieux préjugés. Il vous rendra ridicules, s’il ne peut vous rendre mécréants. Et je vous recommanderai tous à ses bons mots. Sa causticité fera plus de conversions que sa logique. »[5] Fréderic II ne cherche donc pas un philosophe mais plutôt un personnage sulfureux. Notons que Frédéric II n’estime guère les qualités philosophiques de La Mettrie. « Il est vrai que la Mettrie n’est pas philosophe ; mais il a de l’esprit, et cet esprit vaut bien de la philosophie. »[6]

La Mettrie mène belle vie à la cour de Frédéric II. Selon sa maîtresse Mademoiselle Leconte, qu’il a connue à Saint Malo et qu’il fait venir à Postdam, La Mettrie devient un « médecin volage ». Puis, très rapidement méfiant de son protégé, Maupertuis lui rappelle que sa liberté n’est pas sans-contrepartie, et, reparti à Saint-Malo, il demande à son souverain de veiller à « enrayer cette impétueuse imagination, qui l’a jusqu’ici emporté hors des bornes de la bienséance et d’une honnête liberté »[7].

La Mettrie profite de sa liberté pour écrire de nouvelles œuvres. L’amoralisme qu’il prône dans son ouvrage Anti-Sénèque ou Discours sur le bonheur, « son ouvrage philosophique le plus important »[8], soulève un nouveau scandale à la cour prussienne auquel il répond par des pamphlets. « Dans tout l’ouvrage, j’admire l’imagination brillante et la facilité d’écrire de l’auteur. Mais je suis aussi éloigné de son système, qu’incapable d’atteindre son style. »[9]

Mais, La Mettrie néglige ses obligations de médecin, notamment auprès d’un maréchal, et lorsqu’il se rend à son chevet sur demande pressante et menaçante de Frédéric II, il commet un mauvais diagnostic. Néanmoins, il continue d’écrire et publie Ouvrage à Pénélope, gros pamphlet érigé contre les médecins. Et ses œuvres se poursuivent inlassablement, allant au-delà de toute morale. Dans L’art de jouir ou l’école de la volupté, La Mettrie touche à un « hédonisme naïf d’après lequel la raison devrait être soumise à la volupté, le bonheur physique dédommageant de bien des déboires. »[10]

Enfin, La Mettrie meurt en avalant un pâté de faisan, sans-doute avarié…

Onffray de la Mettrie, une plume habile guidée par la vanité de l’auteur

Comme nous venons de voir dans sa biographie, La Mettrie a écrit et publié, parfois sous de faux noms, de nombreux ouvrages de toute nature : traités philosophiques, médical, pièces de théâtre, satires, pamphlets, libelles, etc. Il traduit les œuvres de Boerhaave qu’il commente. En fait, même si l’attribution de ses œuvres soulève des questions, la liste est impressionnante. Il est pris « de la manie, ou même de la fureur, d’écriture […] Il ne peut s’empêcher d’écrire, malgré les ennuis que cela lui cause, à tel point qu’il affirme que les doigts lui démangent quand il n’écrit pas »[11] au point qu’il délaisse ses malades et certainement l’exercice de la médecine. La Mettrie est en fait porté par le « démon de l’écriture », c’est-à-dire par les passions qui l’animent.

Ce n’est pas un hasard si son premier ouvrage s’intitule Essais sur l’esprit et les beaux esprits, dans lequel il décrit des portraits, plus ou moins critiques, d’écrivains de son temps. Il témoigne de ce « bel esprit » tel qu’il est entendu au XVIIIe siècle, esprit de pénétration, d’ironie et de vanité. Il est aidé d’un style et d’un verbe éloquents et admirables et d’une imagination impétueuse, comme nous le témoignent Maupertuis et Frédéric II. Il « s’est plu lui-même à jouer avec l’écriture, à manier l’ironie, à publier sous divers masques des essais […], qui se contredisent par endroits ou s’en prennent apparemment à ses propres ouvrages, peut-être suivant l’adage moderne que toute publicité, même adverse, serait de la bonne publicité. »[12] Tout est aussi bon pour susciter la curiosité de ses lecteurs. Est-ce pour cette raison que son goût pour la provocation est peu commun ? Est-ce par provocation qu’il se plaît à être grossier, sans pudeur ? Son art est assez singulier mais il ne peut cacher ses sottes plaisanteries. Comme le regrette Maupertuis, il ne sait pas mettre des limites à sa fureur d’écrire

La Mettrie connaît les pratiques qu’utilisent les libertins pour dire la vérité sans l’écrire, défendre son opinion tout en voulant l’attaquer, persifler leurs adversaires par la louange et le badinage. Il utilise le ridicule pour se moquer de ceux qui osent se prendre à ses écrits. Il ne réfute pas sérieusement ses adversaires mais utilise plutôt le mépris et la raillerie.

Une plume à l’image d’un homme bien peu philosophe

La Mettrie ne démontre rien ou lorsqu’il prétend démontrer ce qu’il affirme, il révèle non seulement une profonde méconnaissance, qu’il tend de suppléer par son imagination débordante, mais surtout l’absence de cohérence ou d’ordre. Écoutons un de ses biographes qui lui sont pourtant favorables. « Une grande partie des reproches qu’on a faits à La Mettrie sont fondés. Il est poursuivi par une idée dominante et il s’y livre tout entier, mais il n’a pas la mesure nécessaire, il n’a surtout pas la patience dans les recherches préliminaires. Il se croit arrivé avant d’être parti. Il conclut précipitamment, recommence à prouver, s’arrête, va de ça, de là, avec une brusquerie et une pétulance qui fatiguent. »[13] Le même biographe en conclue que « La Mettrie n’a pas le cerveau calme et ordonné […] C’est écrit comme c’est pensé, à la diable ». Diderot le décrit aussi comme « un écrivain […] dont le chaos de la raison et d’extravagance ne peut être regardé sans dégoût. »[14]

Son exercice de la médecine est en outre assez réduit. Il le néglige assurément pour écrire et répondre aux objections, pour attaquer par la plume ceux qui le dérangent. Or, selon Voltaire, « il est le moins habile de la terre dans la pratique : aussi, grâce à Dieu, ne pratiquait-il pas. »[15] Cependant, faut-il croire à ce « philosophe » dont le sentiment varie selon son humeur ? Mais il est remarquable de le voir se prendre si vigoureusement et âprement contre les autres médecins, critiquant leur ignorance et leur charlatanisme dans de violentes satires. Ses critiques et ses polémiques portent aussi sur les philosophes de son temps.

Un homme qui veut plaire ?

Enfin, La Mettrie se plaît en se mettre en scène dans ses écrits. « J’ai entrepris de me peindre dans mes écrits »[16], nous dit-il. Il a envie de se montrer à son lecteur. Concernant le bonheur dont il a fait un discours, il écrit : « il n’est donc pas surprenant que ce discours sur le bonheur diffère totalement de tous ceux qui ont paru sur le même sujet : je l’ai traité comme je l’ai senti, et j’ai si bien, pour ainsi dire, imprimé mon caractère sur ce papier que qui m’aura bien connu reconnaîtra sans peine les ressorts libres de ma machine dans ceux de mon ouvrage »[17]. Est-ce de l’égocentrisme ?

Cette volonté de se montrer dans ses écrits, alors qu’il doit se déguiser dans ses livres et les rendre anonymes pour échapper aux condamnations, reflète très probablement une grande vanité de l’homme. Il est donc assez ironique de le voir ainsi s’afficher quand il raille la vanité des médecins charlatans !

Notons enfin que ses œuvres peuvent paraître ambigües et sournoises car s’il veut plaire, il doit aussi être prudent pour éviter les peines et les condamnations, ce qui implique de nombreuses ambiguïtés et contradictions. Il évite d’afficher ses pensées, les déguisant sous divers masques.

Conclusion

Avant d’aborder sa pensée, il est toujours intéressant et instructif de connaître l’homme. La frénésie d’écrire sous différents masques, par prudence ou par jeu, son art de la provocation, par goût ou par vanité, ou encore « ses hardiesses tapageuses »[18] témoignent d’un esprit sûr de lui-même, peu respectueux de la bienséance et de toute moralité, ne cherchant qu’à se plaire et à se livrer à ses propres passions. Sans-doute, cherche-t-il à jouir de tous les plaisirs, y compris celui de railler son prochain ?

La Mettrie représente probablement le libertin du XVIIIe siècle, ce personnage de salon qui plaise à ses hôtes par leur hardiesse, leur sottise et leurs critiques acerbes, balayant la foi et la morale par un verbe sarcastique. Ce bouffon des temps modernes ne peut guère autrement s’il veut vivre de leurs subsides en toute liberté. Mais comme il le dit lui-même, il est conscient que tout cela n’est qu’illusion.

Enfin, son style passionné et ses dérisions révèlent un esprit fondamentalement matérialiste, qui se moque même de sa raison. « Est-ce la raison qui pense, ou la main qui démange ? La pensée étant comme l’effet d’une machine, il ne reste plus au philosophe qu’à rire de ses tribulations. »[19] Si tout ne résulte que d’un mécanisme, alors, tout est ironique, ridicule et méprisable. Rien n’est sérieux. Tout est finalement permis…

 

Notes et références

[1] Voir par exemple La Mettrie (1709-1751), le matérialisme converti, Simone Gougeaud-Arnaudeau, L’Harmattan, juillet 200. L’auteur est membre de l’Union rationaliste.

[2] Voir De l’âme éternelle au cerveau des plaisirs, Régis Duveauferrier, Science & Philosophie, mars 2021, édition YellowConcept.

[3] Voir Du caractère médical de l’œuvre de la Mettrie,  Paulin de Vezeaux de Lavergne, thèse à la faculté de médecine et de pharmacie, tenue en 1907, édition de l’Université de Lyon, archive.org.

[4] Voir Émeraude, juin 2021, article « La conception mécaniste du corps : méthode ou philosophie, modèle ou réalité ? ».

[5] Frédéric II, lettre du roi à Maupertuis, janvier 1748,  dans Vie de Maupertuis, Angliviel de la Beaumelle,  CVII, 1857.

[6] Frédéric II, lettre du roi à Maupertuis, CV.

[7] Maupertuis, lettre de Maupertuis au roi, 19 octobre 1748,  CXXXII.

[8] François Labbé, Un voyage littéraire en Bretagne, volume 1, chapitre Julien Onffray de La Mettrie, le sulfureux philosophe, Fanch Babel éditeur, 2018.

[9] Maupertuis, lettre de Maupertuis au roi, 26 janvier 1750,  CLV.

[10] François Labbé, Un voyage littéraire en Bretagne, volume 1.

[11] Ann Thomson, La Mettrie, l’écrivain et ses masques dans Dix-huitième siècle, n°36, 2004, Femme des Lumières, www.persee.fr.

[12] Ann Thomson, La Mettrie, l’écrivain et ses masques.

[13] Assézat, introduction, L'Homme machine, La Mettrie, 1865, libraire-éditeur Frédéric Henry, gallica.bnf.fr.

[14] Diderot, cité dans Discours sceptique et art de jouir chez La Mettrie, Anne Léon-Miehe, dans Matérialisme et passions, ENS Éditions, 2004, books.openedition.org, accessible le 06 juin 2021.

[15] Voltaire, Mémoires de Voltaire Discours sceptique et art de jouir chez La Mettrie, Anne Léon-Miehe.

[16] La Mettrie, Œuvres philosophiques, Système d’Épicure, LXXVII, 1796, II, 39, fr.wikisource.org.

[17] La Mettrie, Discours sur le bonheur dans La Mettrie, l’écrivain et ses masques, Ann Thompson.

[18] Aram Vartanian, La philosophie selon La Mettrie, dans Dix-huitième siècle, n°1, 1969, www.persee.fr.

[19] Anne Léon-Miehe, Discours sceptique et art de jouir chez La Mettrie,  booksedition.org, dans Matérialisme et passions, Pierre-François Moreau, Ann Thomson, ENS éditions 2004.

samedi 19 juin 2021

La conception mécaniste du corps : méthode ou philosophie, modèle ou réalité ?

Est-il possible de traiter du corps humain, de le soigner ou de le décrire, sans penser à la vie qui l’anime, sans songer à l’homme au-delà de sa chair et de ses os ? « Si le médecin ignore quelle est sa fin, la destination des fonctions vitales, comment pourra-t-il donner un sens à son intervention ? »[1] Ce n’est pas un hasard si la science qui se préoccupe tant des choses naturelles porte le nom de « biologie », c’est-à-dire « science de la vie ».

De nos jours, le corps est souvent représenté comme une machine au mécanisme très perfectionné, où tout n’est qu’affaire de rouages, de flux ou de molécules. Selon cette conception, nos fonctions vitales, nos sentiments, nos passions, et même nos idées ne sont que des produits de phénomènes physiques, mécaniques et chimiques. Les robots ne cessent de nous ressembler de plus en plus au point que nous puissions imaginer qu’un jour, des automates similaires à notre corps, agissent comme nous et puissent même réfléchir comme nous. Les progrès de la médecine et de la biotechnologie dépassent désormais les rêves les plus fous des auteurs de science fictions des siècles passés. Les expressions comme celle d’« intelligence artificielle » nous font aussi croire qu’au-delà de notre corps, nous ne sommes finalement qu’une machine bien programmée qui diffèrent des animaux et des plantes en raison de la complexité et du nombre de lignes de codes.

Une telle perception du corps humain nous renvoie à des doctrines médicales qui portent le  nom d’« iatrophysique »[2]. Celles-ci portent le nom d’ « iatromécanique » quand le corps est réduit à un mécanisme, d’« iatrochimique» s’il n’est que réactions chimiques. Ces doctrines, qui datent du XVIe siècle et se sont imposées à partir du siècle suivant, ne sont pas sans conséquence sur notre manière de vivre et de penser. Selon certains commentateurs, elle viendrait de Descartes, ce que l’histoire ne peut guère soutenir. Derrière ce terme, se cachent en fait une diversité de conceptions. Nous allons nous y attarder…

La vision mathématique du monde

En réduisant l’essence de la matière à de l’étendue[3], Descartes a fortement contribué au développement de doctrines qui réduisent tout type de corps à des phénomènes physiques caractérisés par des grandeurs mesurables. Il a ainsi facilité la vision mathématique du monde, même s’il n’est pas le seul à s’engager dans cette voie.

La philosophie de Descartes rend le réel plus facilement et sûrement accessible au travers d’objets mesurables et surtout manipulables par différentes opérations, c’est-à-dire par l’esprit. La nature est alors devenue exprimable par des rapports mathématiques. La connaissance du monde, y compris celle de la vie, ne passe donc plus par l’essence des choses, c’est-à-dire par ce que sont les choses en elles-mêmes, mais par des grandeurs et des relations, considérées comme beaucoup plus sûres et rentables pour les scientifiques. Les succès incroyables qu’ils ont obtenus à partir du XVIIIe siècle ont confirmé l’efficacité de cette manière de percevoir le monde.

Mais, la réalité des choses et donc l’intelligibilité de la nature ont aussi fini par n’être concevables que sous leur forme quantitative et observable. Toute autre manière de les saisir est devenue caduque ou illégitime. Et c’est tout le drame de l’homme moderne, qui ne peut ni réfléchir ni décider sans l’aide de chiffres et de courbes. À ses yeux, la vérité n’est exprimable que sous forme mathématique. Or, l’âme se laisse difficilement enfermable dans l’étroitesse d’une équation mathématique. Elle est alors exclue de cette réalité…

La vie selon la vision cartésienne

La conception d’un corps comme une machine peut provenir d’un raisonnement comme nous le montre Descartes. À partir de son célèbre cogito, selon un procédé purement déductif, il en arrive à considérer les corps vivants comme de nature identique à tout corps, ne se distinguant que par la complexité du fonctionnement. Le corps ne serait finalement qu’une machine et la vie qui l’anime le résultat d’un fonctionnement complexe. « Loin d’expliquer la vie, le cartésianisme en supprimait même la notion : la biologie n’était qu’un cas particulier de la mécanique universelle. »[4]

La vie n’a donc plus pour origine l’âme, qui se réduit à n’être que le moi de l’individu, tant elle s’oppose par sa nature au corps. N’étant pas quantifiable, elle ne peut guère entrer dans une représentation mathématique et finalement intéresser le scientifique tel que Descartes. Pourtant, celui-ci ne peut ignorer les données de notre expérience quotidienne. Le dualisme qu’il a défini de manière spéculative se heurte en effet à la réalité qui lui fait percevoir l’union intime de l’âme et du corps. Descartes en arrive donc à proposer des hypothèses sur le fonctionnement du corps et sur les interactions entre ces deux substances indépendantes et contraires que sont l’âme et le corps. C’est ainsi qu’il suggère que la glande pinéale soit le lieu de leur interaction. Mais cette hypothèse est vite démontée par les scientifiques de son temps, n’y voyant qu’une échappatoire à une contradiction inhérente à sa pensée.

Descartes n’est pas le seul à concevoir le corps vivant comme une machine soumise aux lois de la physique. La conception mécaniste du corps vivant est aussi présente chez d’autres scientifiques mais de manière différente et pour d’autres raisons. Contrairement à notre héros national, ce sont en effet des praticiens qui pensent et élaborent un modèle par la connaissance du corps et plus précisément par la description exhaustive de sa structure en raison du développement de l’anatomie et donc par l’observation. Leur maître à penser est plutôt Galilée. Ce sont surtout des scientifiques italiens, philosophes et médecins.

Un mécanisme empirique

Johannes Alphonsi Borelli (1608-1679) explique la « physiologie du mouvement animal » en utilisant les principes de Galilée pour modéliser les différents mouvements d’organismes vivants, analogues aux mouvements artificiels, selon le principe que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Se limitant aux actions physiques, son étude s’appuie sur l’observation, les mathématiques et les lois de la mécanique. Borelli considère en effet la « géométrie » comme la seule science appropriée pour étudier les mouvements organiques que sont la locomotion, la respiration, la digestion ou encore la circulation sanguine. Il met en œuvre des calculs pour évaluer par exemple la force exercée par les muscles de la même façon que les physiciens évaluent la mécanique d’un levier. De nos jours, les lois qu’il a établies sont encore utilisées dans la rééducation. Il ne cherche donc pas à théoriser l’être vivant.

Lorenzo Bellini (1643-1704) applique aussi à son tour la mécanique et le calcul à la physiologie, notamment pour décrire la structure et l’usage des reins. Alors que Borelli considère encore l’âme comme la cause des mouvements et le principe de vie, pour Bellini, l’action de l’âme sur le corps, sans laquelle il n’y a point de mouvements, échappe aux savants.

Prenons un autre élève de Galilée, Marcello Malpighi (1628-1694), un anatomiste illustre de son temps. Il établit aussi ses observations de l’anatomie sur des fondements mécaniques. Sa préoccupation première est d’abord de présenter ce qu’il observe pour rendre visibles des structures organiques. Mais, conscient des limites de sa méthode, il sait que la nature lui échappe et que les moyens qu’il utilise ne lui délivrent ni les composants du corps humain ni les clés du fonctionnement organique. Retenons en effet que l’explication mécaniste qu’il donne n’est qu’une hypothèse minimaliste pour expliquer un détail observé, et non pour fournir une théorie sur des fonctions ou sur le corps. Malpighie ne cherche pas à déterminer des causes ou encore le principe de vie. Finalement, il ne réduit ni le corps vivant ni les organes à une machine, et n’assimile pas le corps humain à un corps vivant quelconque.

Malpighie cherche donc des éléments de compréhension sur des points particuliers du corps humain. Pour cela, il décompose les organes en partie plus fines afin d’identifier leur structure, c’est-à-dire leur agencement ou configuration interne. Et comme ces parties sont communes aux autres êtres vivants, beaucoup moins complexes et plus manipulables que le corps humain, il utilise la méthode analogique pour expliquer les processus. Laissant les mammifères et les insectes qui lui donnent trop de difficultés, il a alors recours aux plantes. Il met ainsi en œuvre ce qui sera appelée au XIXe siècle l’anatomie comparée

Le développement de la connaissance par analogie

L’anatomie comparée est une technique qui permet aux scientifiques de résoudre des difficultés expérimentales, qui, « loin de les éloigner des recherches plus hautes, leur offre des voies d’accès abordables ». Elle permet en effet de « se simplifier à l’extrême et d’augmenter son pouvoir de résolution. »[5] Mais cette technique sous-entend que les corps vivants sont homogènes dans leur structure au niveau microscopique, et que structurellement, ils ne distinguent que par leur degré de complexité. L’anatomie comparée s’appuie donc sur l’idée d’une unité des corps vivants et d’un ordre au sein de la création. Les animaux simples jouent le rôle du « petit échantillon » où « la nature même nous a montré […] ce qu’elle cache ailleurs. »[6]

Giorgio Baglivi (1668-1707) est un des élèves de Malpighie. Nous connaissons bien sa pensée grâce à ses ouvrages qui présentent une philosophie de la médecine, une philosophie qui sait lier l’observation et la raison, l’expérience et l’autorité des maîtres anciens. Il s’oppose fortement à « la manie de bâtir des systèmes »[7]. Il refuse aussi toute médecine exclusive, n’hésitant pas à trouver dans la médecine chinoise des remèdes. Il s’oppose ainsi à toutes les théories qui imposent leur manière de voir sans prendre en compte l’observation et la pratique, c’est-à-dire l’expérience. Le médecin recherche certes des règles mais ne bâtit pas des systèmes ou des philosophies.

Baglivi rappelle aussi les principes du raisonnement par analogie. « Toute comparaison ne doit se faire qu’entre des êtres de même genre, entre un végétal et un autre ; entre deux minéraux ou deux corps animés, et ainsi de suite ; de façon que chaque attribut de la chose comparée puisse se vérifier sur celle à qui on la compare. »[8] La comparaison permet de mettre en lumière des réalités observées. Comme le corps de l’homme est matière et donc soumis à ses lois, l’usage de la physique et des mathématiques à la structure du corps vivant est « philosophiquement raisonnable »[9], mais souligne-t-il, « en tout ce qui regarde la structure animale ».

Une question de méthode

Quittons la terre de Galilée pour aller plus au nord de l’Europe. Dans l’actuel Danemark, à Copenhague, un autre anatomiste célèbre, devenu bienheureux à la fin du XXe siècle, cherche aussi à mieux connaître le corps humain. Il s’agit de Niels Stensen (1638-1686), connu sous le nom latinisé de Sténon.

Pour décrire le muscle, ses composants et son mouvement de contraction, Sténon utilise une représentation géométrique, utilisant alors les mathématiques, afin de mieux comprendre sa structure. « Afin de comprendre plus distinctement la confrontation des muscles, je proposerai les explications de tous les termes comme les géomètres ont l’habitude de le faire, selon un ordre synthétique et sous ne nom de définitions, en commençant par la fibre motrice. »[10] Les mathématiques lui permettent de décrire la structure des muscles sans s’immiscer dans des calculs comme l’a fait Borelli. Cependant, ce n’est par elles que Sténon démontre ses thèses. « Toute la géométrisation de Sténon s’appuie sur d’abondantes expériences anatomiques : elle ne s’y substitue pas, ni, moins encore, n’en minore l’importance. »[11] Les mathématiques facilitent la compréhension de son modèle.

Dans son ouvrage intitulé Discours de Monsieur Sténon sur l’anatomie du cerveau[12], Sténon avoue d’abord son ignorance sur cette partie du corps humain. « Je n’y connais rien », écrit-il simplement. Il est pourtant déjà connu pour avoir écrit des ouvrages d’anatomie, notamment sur les muscles. Alors qu’il avoue son ignorance sur une partie du corps humain la plus délicate, Sténon s’étonne de l’assurance de ceux « qui ont le caractère affirmatif si prompt », qui « vous donneront l’histoire du cerveau, et la disposition de ses parties, avec la même assurance, que s’ils avaient été présents à la composition de cette merveilleuse machine, et qu’ils avaient pénétré dans tous les desseins de son grand Architecte. » Il explique notamment qu’il est erroné de croire que la connaissance de la nature physiologique du cerveau suffit pour connaître l’âme.

C’est dans cette lettre qu’il réfute la solution de Descartes, sur la localisation de l’âme dans la glande pinéale pour expliquer l’interaction entre le corps et l’âme. Mais son attaque porte au-delà. Il remet en effet en cause tous ceux qui s’appuient sur un fonctionnement mécanique du corps humain pour rendre compte de l’homme lui-même. Il nous avertit que ce qui n’était qu’un artifice heuristique, une aide technique pour expliquer comment pouvaient fonctionner certaines parties du corps, devient un principe, une théorie, une philosophie.

Dans ses ouvrages, il apparaît que l’usage des mathématiques dans la science de la vie a pour objectif d’améliorer les techniques d’anatomie, de mieux présenter et analyser les observations. Il ne cherche pas à expliquer par exemple la cause des mouvements mais à présenter la manière dont s’accomplit leur processus afin de mieux éclaircir leur fonctionnement.

Le corps, une machine hydraulique ?

Enfin, terminons cette rapide description de l’iatromécanisme par d’autres conceptions, celle de Boerhaave (1668-1738) et d’Hofmann (1660-1742), où le corps apparaît comme un ensemble de solides et de liquides soumis aux principes de forces motrices qui déterminent les mouvements et les actions des uns sur les autres. Le corps humain n’est en fait qu’« une machine hydraulique », dotés de mouvements. Boerhaave et d’Hofmann ont la particularité de vouloir réunir dans leur doctrine l’ensemble des résultats scientifiques de leur époque.

Boerhaave est une des grandes célébrités de son temps. Il nous a laissé les principes qui guident sa méthode. Elle commence inévitablement par sa conception de l’homme, un « composé de corps et d’âme unis ensemble »[13]. Il distingue alors des actions qui relèvent de l’âme, « qui les préside, les produit et les détermine » et des actions corporelles, composées ou formées des deux espèces. Cependant, la médecine ne s’intéresse seulement qu’à « tout ce que l’expérience pure et simple a véritablement démontré en anatomie, chimie, mécanique, physique », etc. Il ne se préoccupe pas donc de la métaphysique mais uniquement des résultats de la science expérimentale. Il considère ensuite « le corps humain » comme un « composé de solides et de fluides », soumises aux « lois hydrostatiques, hydrauliques et mécaniques. »[14] Cependant, plus éclectique que systématique, il n’hésite pas à prendre en compte de nombreuses théories, y compris anciennes, et celles qui ne relèvent pas des iatromécanismes, même si sa physiologique est fortement mécaniste. Mais contrairement à ce que pensait Auguste Comte, il ne suit guère la voie ouverte par Descartes.

Élève de Boerhaave, Hoffmann ne cherche pas seulement à décrire ce qui est observé et à modéliser le corps mais de déterminer aussi les causes de la vie selon le principe que tout est mouvement. « Il faut chercher la raison formelle et l’essence de la vie dans les mouvements qui se produisent en la machine de notre corps, machine si ingénieusement agencée au moyen du ressort des solides et d’innombrables tubes de diverse grandeur, forme et figure »[15]. C’est ainsi qu’il définit la vie comme « mouvement progressif et circulaire des liqueurs, causé par la pression du cœur et des artères et le ressort des fibres, lequel au moyen des sécrétions et excrétions, conserve tout le corps dans son intégrité, la préserve de la corruption, et règle toutes les fonctions. »[16] Mais ne confond-il pas la vie avec ses phénomènes ?

Cependant, Hoffmann n’ignore pas l’âme qui utilise le corps comme un instrument tout en l’excluant de ces modèles car « le recours à un tel concept théorique est dénué de valeur explicative »[17]. Elle n’apporte aucune raison explicatives sur les forces motrices qui animent le corps et aucune certitude. Il est convaincu néanmoins qu’un principe spirituel est à l’origine des mouvements volontaires, réintroduisant les notions d’âmes sensitive et rationnelle pour expliquer les capacités imaginatives et désirantes de la machine, croyant en leur séparation. Par conséquent, l’âme est exclue en raison de son inutilité. Le corps est ainsi défini comme « un tout fonctionnel autosuffisant, quitte à admettre pour une catégorie spéciale de phénomènes que les dispositifs physiologiques apparaissent comme des instruments dirigées par l’âme. »[18]

Finalement, « par corps organique humain, j’entends la partie matérielle visible de l’homme, construite de diverses parties assemblées avec la plus grande sagesse et mécaniquement unie en vue de subir des mouvements déterminés : cette partie est dotée de vie propre et constitue l’organe des opérations déterminées de l’âme. »[19]

Conclusions

Selon Descartes, la vie résulte du seul fonctionnement d’un mécanisme complexe et ne dépend d’aucun principe immatériel. L’âme est radicalement séparée du corps, même si ces deux « substances » peuvent s’interagir. Le corps humain n’est que matière et par conséquent est soumis aux mêmes lois qui régissent tout corps matériel sans faire intervenir l’âme réduite à la pensée. Or au même moment, de nombreux savants, médecins, anatomistes, prennent une autre voie et cherchent plutôt à appliquer les méthodes scientifiques à leur discipline. Et contrairement à Descartes qui s’appuie sur une théorie et un raisonnement déductif, ils s’efforcent en effet d’œuvrer par des méthodes empiriques et d’avancer par raisonnement inductif.

La comparaison du corps à une machine est alors, pour ces savants, un moyen pratique de décrire sa structure et d’expliquer son fonctionnement par analogie. Ce type de raisonnement est un procédé efficace et simple qui permet de modéliser et de comprendre le corps vivant afin de mettre en valeur ce que le scientifique peut retirer de son observation. Mais la comparaison n’est ni identité ni confusion. Le modèle n’est pas réalité. Or, comme le signale Sténon, de plus en plus, les principes d’une méthode deviennent principes philosophiques.

En outre, contrairement à Descartes, pour ces savants, il ne s’agit pas d’expliquer ce qu’est l’homme ou la vie, de chercher leur finalité ou encore de déterminer ce qu’est l’âme. Le but est d’expliquer le fonctionnement du corps vivant à partir d’un modèle et des concepts facilement compréhensibles, sans chercher à spéculer sur la nature de l’âme et du corps. Ils ne veulent pas concevoir un système. Enfin, comme le montre Hofmann, ils sont conscients des limites de leurs sciences. Ils ne partagent pas la certitude orgueilleuse qui caractérise la pensée cartésienne.

Enfin, constatons que ces savants ne remettent nullement en cause la conception de l’âme comme principe de vie comme ils sont aussi persuadés de son union avec le corps. Ils sont convaincus de sa nature spirituelle mais l’excluent de leur modèle puisqu’elle n’est ni saisissable par leur scalpel ni modélisable.

Finalement, le corps apparaît pour certains comme un instrument à disséquer quand d’autres le perçoivent uniquement comme objet de connaissances, manipulable par l’esprit. Les conceptions mécanistes du corps se distinguent ainsi par leurs méthodes et leur finalité. Cette opposition se retrouve aussi dans la pratique de la médecine qui se divise entre les médecins rationnels et les médecins empiriques, entre les savants cloisonnés dans leurs certitudes et les savants éclectiques ouverts à tous les domaines de la connaissance. La comparaison entre le corps et la machine résulte pour les premiers de théories philosophiques alors que pour les seconds, elle n’est qu’une méthode analogique. L’histoire montre que ce sont bien les seconds qui ont élaboré la science de la vie. Cependant, un danger menace les partisans de cette méthode empirique, l’inféodation de la science de la vie aux mathématiques, ce qui impliquerait l’exclusion de l’âme dans leur vision de la vie…


Notes et références

[1] Georges Canguilhem, Encyclopædia Universalis, article “Vie”, 1989

[2] Le préfixe « iatro » est tiré du grec qui nous renvoie à la médecine. 

[3] Voir Émeraude, juin 2021, article « L'homme de Descartes, une rupture lourde de conséquences ».

[4] Paul Vernière, Spinoza et la pensée français avant la révolution, PUF, 1982 dans Entre chimie et biologie : nutrition, organisation, identité, Cécilia Bognon-Kiss, Philosophie, Université Panthéon-Sorbonne, Paris I, 2018.

[5] Raphaël Andrault, Leibniz et les iatromécaniciens, dans Studia Leibnitiana, Bd.38/39, h. 1, 2006/2007, www.jstor.org. L’auteure étudie les rapports entre les iatromécaniciens et Leibniz à partir de la correspondance de ce dernier.

[6] Malpighi dans Raphaël Andrault, Leibniz et les iatromécanicien.

[7] G.Baglivi, De l’accroissement de la médecine pratique, Chap. III, I

[8] G.Baglivi, De l’accroissement de la médecine pratique, Chap. VI, I

[9] G.Baglivi, De l’accroissement de la médecine pratique, Chap. VI, II.

[10] Sténon, Specimen, 4, Opera philosophica, 2, 68, dans Mathématiser l’anatomie : la myologie de Niels Stesen (1667), Raphaële Andrault, ENS Lyon, Early Science and Medecine, vol. 15, n°4-5, 2010.

[11] Raphaële Andrault, Mathématiser la médecine : les enjeux de la position leibnizienne, dans Leibniz and the Empirical Sciences, édition Juan Nicolas et Sergio Toledo, éditorial Comares, 2011, halshs.archives-ouvertes.

[12] Œuvre accessible par Gallica, Discours de Monsieur Sténon sur l’anatomie du cerveau à messieurs de l’assemblée, qui le fait chez Monsieur Thevenot, 1669, gallica.bnf. Sténon écrit en français à une assemblée de savants, adeptes des sciences expérimentées. Les citations sont traduites en français moderne.

[13] Boerhaave, Institutions rei medicae, proposition 27, 1708, dans Étude sur Hermann Boerhaave,

[14] Boerhaave, Institutions rei medicae, proposition 39 à 41.

[15] Hoffmann, Commentarius de differentia inter Friderici Hoffmanni doctrinam medico-mechanicam et Georgii Ernesti Stahlii medico-organicam, §52, Operum omnium physic-medicorum supplementum, I, dans La physiologie mécaniste d’Hoffmann, François Duchesneau, dans Dix-huitième siècle, n°23, 1991, Physiologie et médecine, www.persee.fr.

[16] Hoffmann, Commentarius, §52, Operum omnium physic-medicorum supplementum, I.

[17] François Duchesneau, La physiologie mécaniste d’Hoffmann.

[18] François Duchesneau, La physiologie mécaniste d’Hoffmann.

[19] Hoffmann, Operum omnium physic-medicorum supplementum, I.