Après avoir professé sa
foi en la Sainte Trinité, le catholique proclame aussitôt sa croyance en
l’Église. « une, sainte, catholique
et apostolique ». Mais quelle est cette Église ? Nombreuses sont
les voix qui nous décrivent, avec plus ou moins d’assurance, ce qu’elle est. N’est-elle
que spirituelle et invisible ? Est-elle en voie de construction ou une
réalité attendue ? On la réduit aux élus de Dieu en y excluant les pécheurs. On
s’interroge aussi sur son origine. Est-elle divine ou ne serait-elle qu’œuvre
purement humaine ? Depuis plus d’un siècle, l'Église fait ainsi l’objet de
diverses théories et de remises en cause. On se dispute ainsi inlassablement ;
on se défie dans l’indifférence. Depuis quelques années, son image est même devenue
encore plus floue tant la voix des autorités de l’Église catholique est devenue
confuse, imperceptible, voire inaudible. Le second concile de Vatican a
certainement contribué à cette situation en écrivant que l’Église du Christ
subsiste dans l’Église catholique. Qu’est-ce que finalement l’Église ?
Mais pour mieux saisir ce
qu’elle est, n’écoutons pas les pensées qui naissent un jour, sans aucune
racine ni avenir, encore moins celles qui ne font que plaire aux consciences. Lorsque
le vent emporte tout, lorsque la tempête se déchaîne, lorsque le ciel fulmine, il est bon de s’attacher à un roc qui a
résisté à tant d’autres orages. Dans ces temps où la vérité et le mensonge
s’entremêlent, où le sentiment étouffe l’esprit, où la vanité des hommes est si
grande quand leur mémoire est si éphémère, il est parfois bon d’entendre la
voix profonde de l’Église qui traverse les siècles sans craindre le regard des
hommes. Pour connaître ce qu’elle est, nous avons déjà écouté son fondateur et
les Apôtres, les premiers pasteurs. La Sainte Écriture nous donne des éléments
de réponse qui réfutent toutes les belles théories. Écoutons désormais ce
qu’elle nous dit par la voix de ses chefs légitimes et des conciles qui ont
parlé avant le dangereux vingtième siècle …
Avant les grandes
encycliques des XIXe et XXe siècles, avant le second concile de Vatican II, rares
sont en fait les textes qui parlent uniquement de l’Église. Elle est
indirectement traitée dans certains de ses aspects qui ont fait l’objet
d’attaques et de remises en cause, notamment par les protestants. Parmi ces
sujets, nous pouvons citer la primauté du Pape, la hiérarchie ecclésiastique ou
encore le sacerdoce. Elle est aussi traitée lorsque sa liberté a dû être
défendue face aux autorités politiques. Ainsi nous ne trouvons pas de
définition précise de l’Église jusqu’au XIXe siècle.
« Le peuple fidèle répandu dans tout l’univers »
Le Concile de Trente, qui
a donné tant de beaux textes sur la doctrine catholique, remarquables par leur concision
et leur précision, ne donne pas non plus de véritable définition sur l’Église.
Certes, pour la désigner, il reprend un mot de Saint Augustin qui la décrit
comme « le peuple fidèle répandu
dans tout l’univers »[1].
L’Église est donc avant tout un peuple marqué par son universalité et sa
fidélité à l'égard de Dieu.
Mais quels sont les
membres de ce peuple ? Le catéchisme issu du Concile de Trente nous les présente :
ce sont « ceux qui ont été appelés
par la Foi à la lumière de la Vérité et à la connaissance de Dieu, qui ont
dissipé les ténèbres de l’ignorance et de l’erreur, qui adorent avec piété et
sainteté le Dieu vivant et véritable, et qui Le servent de tout leur cœur. »[2]
Elle regroupe les chrétiens qui demeurent dans la vraie foi et servent Notre
Seigneur Jésus-Christ. Ce sont ceux qui savent et adorent le vrai Dieu. Ce sont
ceux qui L’aiment. Ce sont ceux qui peuvent demeurer avec Dieu. Or « ils ne peuvent pas demeurer avec Dieu, ceux
qui n’ont pas voulu vivre de façon unanime dans l’Église de Dieu »[3].
Une telle définition nous semble peu précise.
Le catéchisme de Saint Pie
X nous définit l’Église catholique par ses membres. Elle « est la réunion de tous ceux qui sont
baptisés, croient et confessent la foi du Christ Notre Seigneur Jésus-Christ,
participent aux mêmes sacrements et reconnaissent pour Vicaire du Christ sur la
terre le Souverain Pontife romain »[4].
Elle définit les critères d’appartenance à l’Église. Ils s’appuient sur l’unité
de foi, de culte et de gouvernement.
Entrer et demeurer dans
l’Église
Nous sommes admis à
l’Église par le baptême. Pour devenir membre de l’Église, il faut donc être
baptisé mais de manière valide, y compris si le baptême est donné par un
hérétique de manière régulière. « Celui
qui a reçu le baptême d’un hérétique de façon régulière, devient membre de
l’Église catholique en vertu de celui-ci […] dès lors qu’il confère le sacrement
selon la foi de l’Église, et qu’il se conforme à la discipline pour ce qui fait
partie de la validité du baptême. »[5]
Et comme nous le professons, il existe un seul baptême par lequel nous entrons
dans l’Église.
Nous rappelons que dans
les premiers siècles du christianisme, au temps où la majorité des chrétiens
était baptisée à l’âge adulte, la réception du baptême nécessitait au préalable
une préparation, sous le nom de catéchuménat en Orient ou auditorat en
Occident. Les catéchumènes suivaient des cours sous le contrôle de l’autorité
ecclésiastique afin d’assimiler les vérités de la foi chrétienne. Ils étaient
initiés à l’Écriture et recevaient une instruction morale. En outre, par leur
conduite, ils devaient montrer qu’ils étaient dignes d’être admis au sein des
fidèles. Ils étaient alors présentés par les parrains à l’évêque qui examinait
si leur vie pendant la période de préparation était conforme aux exigences
chrétiennes. La réception du baptême était donc précédée d’une longue
préparation intellectuelle, spirituelle et morale, qui pouvait durer trois ans
et s’achevait au jour de Pâques au cours duquel ils recevaient le baptême. Nous
retrouvons des vestiges de cette cérémonie dans l’office de la nuit pascale.
L’entrée dans l’Église nécessitait donc une préparation…
Cependant, le baptême ne
suffit pas pour demeurer dans l'Église. Si le baptisé d’un hérétique « adhère aux erreurs de celui qui l’a baptisé,
il est rejeté de l’unité de l’Église et privé des biens dont jouissent ceux qui
ont leur demeure dans l’Église »[6].
Pour y demeurer ensuite, il faut nécessairement adhérer à la foi qu’elle
professe. Mais cela n’est pas encore suffisant.
En effet, comme nous le
précise le XVIème concile de Tolède, tenu en 683 : « tous ceux qui maintenant ne se trouvent pas
en elle ou qui ne s’y seront pas trouvé, qui en sont séparés ou s’en seront
séparés, ou tous ceux qui, dans le mal du manque de foi, auront nié que les
péchés y sont remis, ceux-là, s’ils ne reviennent pas à elle à l’aide de la
pénitence et s‘ils ne croient pas d’une foi entachée d’aucun doute »
que les conciles ont défini ou « encore
de tous les saints pères qui ont vécu dans la foi juste, prescrivent de
garder »[7] seront
alors « châtiés par une sentence de
damnation éternelle ». Ce concile régional affirme la nécessité
d’appartenir à la Sainte Église catholique. Il traite surtout du sort de ceux
qui n’y appartiennent pas. Il définit trois catégories de personnes exclues de
l’Église. Le catéchisme de Trente les classe en quatre catégories : les
infidèles, ensuite les hérétiques et les schismatiques, enfin les excommuniés.
Une société de bons et de
méchants
Contrairement aux idées
répandues, l’Église ne comprend pas que des saints, c'est-à-dire les fidèles qui jouiront de la
béatitude éternelle. Ce n’est pas un peuple de saints mais plutôt d’hommes et
de femmes destinés à être saints. Il comprend donc aussi bien les bons que les
méchants, les méchants différant des bons par leur conduite et leurs mœurs. Les
bons, ce sont ceux qui non seulement professent la foi et participent aux sacrements
mais ce sont aussi « ceux qui sont
attachés les uns aux autres par l’esprit de grâce et le lien de la charité » [8] Seront en effet sauvés ceux qui sont habités
par la grâce et par la charité.
Selon la doctrine
catholique, les bons et les méchants demeurant sur la terre forment l’Église
militante. Les fidèles sauvés qui vivent de la béatitude éternelle constituent
l’Église triomphante. Enfin, ceux qui souffrent dans le purgatoire sont
l’Église souffrante. Pourtant, il ne faut pas croire qu’il existe plusieurs
églises. L’Église est une et indivise. Si les bons et les méchants
appartiennent donc à la même Église lorsqu’ils sont ici-bas, leur condition
sera différente au moment du jugement. « Les méchants en effet ne sont dans l’Église que comme la paille
confondue dans l’aire avec le bon grain, ou comme les membres morts sur un
corps vivant. »[9]
À l’heure de la mort, s’ils demeurent dans leur méchanceté, la béatitude éternelle
leur sera définitivement fermée. Ainsi l’Église est plutôt constituée de saints
en puissance.
Hors de l’Église point de
salut
Le XVIème concile de
Tolède nous dit qu’il faut appartenir à l’Église pour être sauvé. Elle
a été instituée pour cela, pour être l’unique porte par laquelle il faut passer
pour gagner le ciel. Ce n’est que le rappel de l’adage de Saint Cyprien :
« hors de l’Église, point de salut »[10].
Contre les albigeois, le IVème concile de Latran, concile œcuménique,
nous l’enseigne clairement : « il
n’y a qu’une seule Église universelle des fidèles, en dehors de laquelle
absolument personne n’est sauvé »[11].
Au XIVème siècle, dans sa bulle Unam Sanctam, Boniface VIII nous le
rappelle aussi que « la foi nous
oblige instamment de croire et à tenir une seule et sainte Église catholique
[…], hors de laquelle il n’y a pas de salut ni de rémission de péché […] »[12].
Pour réintégrer les Coptes
et les Éthiopiens dans l’Église, le Concile de Florence définit une profession
de foi commune en 1442 :« elle croit
fermement, professe et prêche qu’« aucun de ceux qui se trouvent en dehors
de l’Église catholique, non seulement païens » mais encore juifs ou
hérétiques et schismatiques ne peuvent devenir participants à la vie éternelle,
mais iront dans « le feu éternel qui est préparé par le diable et ses
anges » (Matth., XXVI, 41), à
moins qu’à la fin de leur vie ils ne lui aient été agrégés »[13].
Il poursuit que rien ne peut les sauver s’ils n’appartiennent pas à l’Église.
Inutiles sont donc les aumônes, la piété et les prières, le martyre même,
« s’il n’est pas demeuré dans le
sein et dans l’unité de l’Église catholique ». Sans la vie éternelle
coulant dans notre âme, le ciel nous est fermé. Et l’Église est ce canal par
lequel Dieu nous la donne sans compter.
L’Église forme donc une
société extraordinaire, unique, une société « surnaturelle et spirituelle en raison de la fin qui lui y est assignée
et des moyens par lesquels elle y tend »[14].
Elle est aussi exceptionnelle car Notre Seigneur Jésus-Christ l’a dotée de tout ce dont elle a besoin pour demeurer et se développer,
c’est-à-dire pour mener sa mission jusqu’à la fin des temps. L’Église est en
effet « une société parfaite en son
genre et en son droit, puisque, de par la volonté et le bienfait de son
fondateur, elle possède en elle-même et par elle-même toutes les ressources
nécessaires à son existence et à son action. »[15]
L’Église a pour but de
poursuivre l’œuvre rédemptrice de Notre Seigneur Jésus-Christ en donnant à ses
membres ce dont ils ont besoin pour y parvenir. C’est par elle que le chrétien
peut obtenir la vie éternelle. Dans une profession de foi en usage en Afrique
lorsque Saint Augustin était évêque, nous pouvons lire qu’il faut croire
« en l’Esprit saint, la rémission
des péchés, la résurrection de la chair et la vie éternelle par la sainte
Église. »[16]
La fin de l’Église, sa
raison d’être, est bien de fournir à ses membres les moyens de sanctification
dont ils ont besoin pour atteindre leur propre fin, c’est-à-dire la vie
éternelle. « De même que Jésus est venu sur terre pour
que les hommes « aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jean,
X, 10), de même l’Église se propose pour fin le salut éternel des âmes »[17].
Puis le catéchisme de Saint Pie X rappelle qu’elle a été instituée par Notre
Seigneur Jésus-Christ « pour que
tous les hommes puissent toujours trouver en elle les moyens de faire leur
salut éternel »[18].
Elle est donc l’Église du Christ destinée à perpétuer son œuvre rédemptrice
comme nous le dit le premier Concile de Vatican. Il dit en effet que Notre
Seigneur Jésus-Christ l’a fondé « pour
perpétuer l’œuvre salutaire de la Rédemption perpétuellement durable. »[19]
L’Église a été instituée
pour que l’homme puisse adhérer à la véritable religion. Le premier concile de
Vatican nous enseigne en effet que « pour
que nous puissions satisfaire au devoir d’embrasser la vraie foi et de
persévérer constamment en elle, Dieu, par son Fils unique, a institué
l’Église »[20].
L’Église est une institution divine. Notre Seigneur Jésus-Christ en est le
fondateur.
L’Église, gardienne de la foi
Le premier concile de
Vatican insiste aussi sur le rôle de l’Église comme gardienne de la foi. Elle
est encore « le dépositaire et la
maîtresse de la parole révélée »[21].
Elle est ainsi une voix qui juge en matière de foi, condamne et exclue. Dans
les canons du premier concile œcuménique, celui de Nicée en 324, il est en
effet écrit : « l’Église
catholique et apostolique anathématise » ceux qui professent des
erreurs sur la nature du Fils de Dieu. Et tous les autres conciles, sauf celui
de Vatican II, useront de ce pouvoir.
Au concile de Nicée, c’est
la première fois que l’ensemble des évêques sont convoqués pour discuter de
points doctrinaux et disciplinaires. Il est un « acte éminemment communautaire de l’Église et une manière extraordinaire
pour sa hiérarchie d’exercer l’autorité. »[22]
Avant cet « acte », les
évêques avaient l’habitude de se réunir en diverses occasions pour régler
notamment des désaccords, condamner des hérésies et terminer des schismes, et cela dès
le IIe siècle. « Après avoir
condamné l’hérésie, ils chassèrent de l’Église ses sectateurs et les
retranchèrent de la communion. »[23]
Lorsqu’une église locale prononçait une sentence d’excommunication contre un
fauteur d’hérésie, elle envoyait aux autres églises une lettre les informant de
leur décision et des circonstances. Elles devaient alors à leur tour exprimer
leur adhésion formelle à leur décision et rejeter le condamné de la communion.
Ainsi l’hérésiarque sera considéré excommunié par l’ensemble des évêques de partout.
Les évêques convoqués
de partout lors des conciles dits œcuméniques déclarent ce qu’il faut croire et
condamnent les erreurs. Au concile de Nicée, les Pères du concile ont nettement
conscience qu’ils donnent à l’Église une définition valable pour tous. C’est une sentence définitive et universelle.
Le symbole qui y est défini « doit
être conservé fermement et constamment. Il est une gloire aussi bien pour nous
que pour les Orientaux qui se reconnaissent comme catholiques, et pour les
Occidentaux. »[24]
C’est la mise en œuvre de l’unité de foi. Ceux qui n’y adhèrent pas « se sépareront de notre communion et perdront
le nom de fils. »[25]
Le concile de Nicée est
l’exemple formel et incontesté du pouvoir de magistère de l’Église catholique.
C’est elle qui enseigne ce qu’il faut croire et ne pas croire. Elle juge la
vérité ou la fausseté d’une doctrine. Elle formule par écrit des articles de
foi avec des mots auxquels tout chrétien doit adhérer. Dans le décret sur la
justification, le Concile de Trente dit que l’Église catholique « sous l’inspiration de l’Esprit Saint, a
toujours conservé » ce que « les apôtres nous ont transmis ». Elle enseigne les vérités de
la foi en les scellant par un jugement définitif et solennel auquel la foi est
due. C’est aussi cela l’Église catholique. Et au IVème siècle, personne ne met
en doute le droit de l’Église à définir sa propre loi.
Mais le Concile de Nicée
ne dicte pas uniquement des formules dogmatiques. Il délibère aussi sur
l’élaboration de la date de Pâques, sur les structures de l’Église, sur la
dignité des prêtres, sur les conditions de la pénitence, sur des prescriptions
liturgiques, etc. Elle est une société visible qui nécessite une organisation
et des règles pratiques.
Nous voyons ainsi le rôle
joué par l‘Église pour préserver l’unité de foi et de charité. Elle est bien le
bercail de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui« a résolu de construire la Sainte Église dans laquelle, comme dans la
Maison de Dieu vivant, tous les fidèles seraient réunis par lien d’une seule
foi et d’une seule charité »[26].
Se manifeste ainsi le
caractère visible de l’Église. Si elle est spirituelle par le but qu’elle
poursuit et les causes qui opèrent la sainteté, elle est aussi « extérieure et nécessairement visible »,
« si on considère ceux dont elle est
composée et les réalités qui conduisent aux dons spirituels »[27].
Elle est donc visible comme « un corps vivant, actif et plein de sève ».
L'Église dans les professions de foi
L'Église dans les professions de foi
Dans une liturgie du
milieu du IVe siècle, nous pouvons lire une profession de foi, plus ancienne
que cette liturgie, dans laquelle il est dit de « croire en Dieu […] dans la sainte Église catholique »[28].
Dans la professions de foi d’Hippolyte de Rome (170-235), nous pouvons aussi lire qu’il faut croire « une seule divinité, une seule puissance, un seul règne, une seule foi, un seul baptême dans la sainte Église catholique et apostolique »[29]
Dans une profession de foi attribuée à Quodvultdeus, évêque de Carthage (427-vers 453), il dit qu’il faut croire « en vue de la vie éternelle par la sainte Église »[30].
Enfin, les symboles de foi, définissant qu’il faut croire en l’Église catholique, sont partagés par les Occidentaux et les Orientaux. Qu’il soit arménien, éthiopien ou romain, tous adhèrent à l’Église catholique.
Ainsi l’Église catholique apparaît donc comme celle qui définit ce qu’il faut croire pour être sauvé. Elle seule définit la foi catholique dans les symboles. « Telle est la foi catholique : si quelqu’un ne croit pas fidèlement et fermement, il ne pourra pas être sauvé. »[31]
Dans la professions de foi d’Hippolyte de Rome (170-235), nous pouvons aussi lire qu’il faut croire « une seule divinité, une seule puissance, un seul règne, une seule foi, un seul baptême dans la sainte Église catholique et apostolique »[29]
Dans une profession de foi attribuée à Quodvultdeus, évêque de Carthage (427-vers 453), il dit qu’il faut croire « en vue de la vie éternelle par la sainte Église »[30].
Enfin, les symboles de foi, définissant qu’il faut croire en l’Église catholique, sont partagés par les Occidentaux et les Orientaux. Qu’il soit arménien, éthiopien ou romain, tous adhèrent à l’Église catholique.
Ainsi l’Église catholique apparaît donc comme celle qui définit ce qu’il faut croire pour être sauvé. Elle seule définit la foi catholique dans les symboles. « Telle est la foi catholique : si quelqu’un ne croit pas fidèlement et fermement, il ne pourra pas être sauvé. »[31]
S’affirmer face à
l’hérésie et au schisme
Dès les premiers temps,
les chrétiens se sont confrontés à des hérétiques et à des schismatiques qui
prétendent aussi être l’Église. Leur préoccupation était de définir les traits
qui permettaient de reconnaître la véritable Église. Ainsi ont-ils défini les
quatre notes que nous connaissons aujourd’hui : l’unité, la sainteté, la
catholicité et l’apostolicité. Ensuite, face aux erreurs
et aux attaques, provenant des orientaux et des protestants, l’Église a réaffirmé
les points suivants :
Puis au XIXe siècle, un effort a été entrepris pour mieux défendre le double caractère de l’Église. Elle n’est ni purement divine, ni purement humaine. Elle est à la fois divine et humaine.
- l’institution divine de l’Église : « Notre Seigneur Jésus-Christ a lui-même fondé l’Église en tant que Messie envoyé de Dieu et Sauveur du Monde »[32] ;
- la nécessité d’appartenir à l’Église pour être sauvé: « il est nécessaire à tous les hommes d’appartenir à l’Église pour obtenir le salut »[33] ;
- le pouvoir d’enseignement infaillible de l’Église, c’est-à-dire le magistère, dans l’annonce de la vérité divine, pouvoir confié aux Apôtres puis transmis à l’ensemble des évêques en union avec le Pape [34] ;
- l’infaillibilité du Pape : « l’évêque de Rome possède, en tant que successeur de Saint Pierre, en sa qualité de chef suprême de l’Église, le magistère suprême infaillible »[35] ;
- l’existence du pouvoir de gouvernement établi par le Christ Lui-même, autrement dit une hiérarchie[36] ;
- la primauté du Pape : « le Christ Lui-même a conféré le pouvoir de gouvernement aux Apôtres de telle sorte que l’un d’entre eux, Pierre, reçut le premier rang ou la primauté »[37].
Puis au XIXe siècle, un effort a été entrepris pour mieux défendre le double caractère de l’Église. Elle n’est ni purement divine, ni purement humaine. Elle est à la fois divine et humaine.
Retour à l’essentiel
L’Église s’est ainsi
affirmée en tant que société parfaite, à la fois divine et humaine, instituée par Notre Seigneur
Jésus-Christ pour poursuivre son œuvre rédemptrice, et dotée des moyens pour
mener à bien sa mission. Elle est la demeure de Dieu dans laquelle il faut
nécessairement demeurer pour espérer un jour vivre de la béatitude éternelle.
Il est donc essentiel à ses yeux de définir les critères d’appartenance à l’Église.
C’est pourquoi certainement et avec pertinence elle s’est définie par ses
membres. Mais elle a aussi dû lutter contre toutes les erreurs qui
affaiblissaient son rôle ou pouvaient détourner les fidèles de leur salut. Ainsi a-t-elle
défini ses caractéristiques, notamment ses origines divines, sa visibilité, sa
hiérarchie, etc., et les critères qui la font reconnaître comme tant la vraie Église. C’est surtout par nécessité qu’elle s'est définie progressivement.
Dans toutes les
affirmations que nous avons pu lire, l’Église catholique ne se distingue pas de
l’Église du Christ. Elle s'affirme comme étant l'Église du Christ. En outre, si elle définit la foi nécessaire au salut, c’est-à-dire la
règle de foi - Saint Augustin nous dit qu'elle est la règle de foi - si elle juge, « lie et
délie », pouvons-nous dire alors que l’Église subsiste dans l’Église
catholique au sens qu’elles ne sont pas exactement identiques ? Ce que
Notre Seigneur a fondé, c’est bien l’Église catholique. Comme le précise la
congrégation de la foi, dans sa note explicative de la constitution Lumen
Gentium, les moyens qu’Il a dotés à l’Église demeure pleinement dans
l’Église catholique.
Mais le second concile de
Vatican ne voit pas l’Église de manière traditionnelle car elle ne cherche
pas à justifier sa mission ou à défendre une de ses qualités. Il cherche
avant tout à unir les chrétiens par le bien des communautés séparées. Il doit
donc élaborer un discours unifiant qui évite toute discrimination. La vue
de l’Église en tant que société n’est donc pas pertinente puisque cela conduit
nécessairement à déterminer les critères d’appartenance et par conséquent de
séparation. Ainsi change-t-il l’angle de vue au risque d’appauvrir le regard
que nous devons porter sur l’Église et finalement de perdre l’essentiel. Il
définit ainsi l’Église par les moyens dont elle dispose, moyens que nous
retrouvons aussi chez les « frères
séparés », moyens qui incontestablement peuvent être bons et même salutaires.
Le baptême par un hérétique selon les conditions que nous avons rappelées reste par exemple efficace. Cependant, l’Église telle qu’elle est définie de manière
traditionnelle demeure aussi vraie. Elle est une société parfaite, faite de
bons et de méchants, une société visible et invisible, qui enseigne, définit,
juge et condamne. Elle est enfin garante de l’unité de foi et de charité. Cette
définition demeure essentielle même si elle ne semble pas être complète et
adaptée aux objectifs du concile, aux « besoins du temps ».
Pourtant la définition
traditionnelle de l'Église répond à la véritable question que nous devons nous
poser : est-ce que nous appartenons à la véritable Église ? C’est
aussi la question que les chrétiens se posaient au premier temps du christianisme où les hérésies
et les schismes étaient nombreux. La situation n’a pas changé. Au contraire.
Les confessions et communautés ne sont jamais autant multipliées. Le fidèle a
besoin d’affermir sa foi que peut fragiliser la profusion religieuse comme
l’incroyant a aussi besoin de déceler le vrai du faux dans ce véritable
supermarché du religieux qu’est devenu le monde.
Certes, les communautés
séparées ont quelques « trésors »
que rappellent avec justice les Papes mais que sont-ils ces
« trésors » s’ils sont
vains pour notre salut ? Que sont-ils si « nos frères séparés » ne s’intègrent pas dans l’ensemble des
trésors de l’Église ? C’est justement parce que parfois ils ont été mis en
exergue au détriment du reste ou mal utilisés qu’ils se sont séparés de
l’Église. Et à quoi servent ces « trésors »
puisqu’ils ne les conduisent pas à l’Église ?! Ces trésors devraient
plutôt nous faire rougir et nous inciter à les redécouvrir au sein de l’Église
catholique puisqu’elle détient ces trésors de manière parfaite et équilibrée. Nous comprenons alors l’attitude
méfiante voire hostile des incroyants sensés en écoutant les voix de l’Église qui la voient d’une façon
si réductrice... Et les églises ont fini par se vider…
« Nous croyons que la Sainte Église
catholique, rachetée au prix de son sang, régnera avec lui pour toujours. »[38]
Notes et références
[1] Saint Augustin, Enarr. In Ps. CXLIX dans Catéchisme du Concile de Trente, chapitre X, §1..
[1] Saint Augustin, Enarr. In Ps. CXLIX dans Catéchisme du Concile de Trente, chapitre X, §1..
[2]
Catéchisme
du Concile de Trente, chapitre X, §1.
[3]
Pélage II, pape de 579 à 590, lettre Dilectionis vestrae aux évêques
schismatiques d’Istrie (585 ou 586), Denzinger 469.
[4]
Le
Catéchisme de Saint Pie X, chapitre V, 2000.
[5]
Benoît XV, Bref Singulari nobis au Cardinal Henry, duc d’York, 9 février 1749,
Denzinger 2567.
[6]
Benoît XV, Bref Singulari nobis au Cardinal Henry, duc d’York, 9 février 1749,
Denzinger 2567.
[7]
Profession de foi, XVIème concile de Tolède, commencé le 2 mai 693, Denzinger
575.
[8] Catéchisme
du Concile de Trente, chapitre X, §1.
[9] Catéchisme
du Concile de Trente, chapitre X, §1.
[10] Le sujet sera traité dans le prochain article de l'Émeraude.
[11] 4ème
concile de Latran, 11-30 novembre 1215, chapitre 1, Denzinger 800.
[12] Boniface VIII,
bulle Unam Sanctam, 18 novembre 1302, Denzinger 870.
[13] Bulle sur l’union
avec les Coptes et les Éthiopiens, Cantate Domino, 4 février 1442,
Concile de Florence, Denzinger 1351.
[14] Léon XIII,
encyclique Immortale Dei, 1er novembre 1885, Denzinger 3166.
[15] Léon XIII,
encyclique Immortale Dei, 1er novembre 1885, Denzinger 3166.
[16]
Saint Augustin, Sermon 215, Denzinger 22.
[17]
Léon XIII, encyclique Immortale Dei, 1er
novembre 1885, Denzinger 3166.
[18]
Le
Catéchisme de Saint Pie X, chapitre V, 2000.
[19]
Concile de Vatican, Constitution dogmatique
Pasto Aeternis sur l’Église du
Christ, 18 juillet 1870, Denzinger 3050.
[20]
Constitution dogmatique Dei Filius sur la foi catholique,
chap. 3, 3ème session, 24 avril 1870, premier concile de Vatican
(1869-1870), Denzinger 3012.
[21]
Concile de Vatican, Constitution dogmatique
Dei Filius sur la foi catholique,
24 avril 1870, chap.III, Denzinger 3012.
[22]
Ignacio Ortiz de Urba, Nicée et Constantinople, Histoire
des conciles œcuménique, tome I, chap. I, Fayard, 1963.
[23]
Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, V, 15 dans Nicée et Constantinople,
Ignacio Ortiz de Urba.
[24]
Pape Damase dans Histoire ecclésiastique, Sozomène, VI, 23 dans Nicée
et Constantinople, Ignacio Ortiz de Urba.
[25]
Pape Damase dans Histoire ecclésiastique, Sozomène, VI, 23 dans Nicée
et Constantinople, Ignacio Ortiz de Urba.
[26]
Concile de Vatican, Constitution dogmatique
Pasto Aeternis sur l’Église du
Christ, 18 juillet 1870, Denzinger 3050.
[27]
Léon XIII, encyclique Satis cognitum, 29 juin 1896,
Denzinger 3300.
[28]
Papyrus liturgique de Dêr-Balyzeh, Fragment du
VIème siècle découvert en Égypte, Denzinger 2.
[29]
Constitution
de l’Église égyptienne, vers 500, qui remonte à la Tradition apostolique
d’Hippolyte de Rome, composée vers 215 ou 217, version copte, Denzinger 3.
[30]
Semons sur le symbole, Denzinger 22.
[31]
Saint Athanase, symbole Quicumque, dit d’Athanase,
sans-doute entre 400 et 500, n°42, Denzinger 75.
[32]
Mgr Bernard Bartmann, Précis de Théologie dogmatique,
Livre V, §138. Voir Concile de Vatican I, constitution dogmatique Pastor
Aeternis.
[33]
Mgr Bernard Bartmann, Précis de Théologie dogmatique,
Livre V, §139. Voir Latran IV et Concile
de Florence (Bulle Cantate Domino).
[34]
Voir Mgr Bernard Bartmann, Précis de Théologie dogmatique,
Livre V, §140 à 142. Voir Concile de Vatican I, Concile de Trente.
[35]
Mgr Bernard Bartmann, Précis de Théologie dogmatique,
Livre V, §142. Concile de Vatican I.
[36]
Mgr Bernard Bartmann, Précis de Théologie dogmatique,
Livre V, §143. Concile de Trente.
[37]
Mgr Bernard Bartmann, Précis de Théologie dogmatique,
Livre V, §144. Voir Concile de Vatican, Concile de Trente, constitution
dogmatique Auctorem Fidei de Pie VI (1503).
[38]
Profession de foi, n°63, IIème concile de Tolède (675), Denzinger 540.
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