L’Église étant une par nature, toute recherche d’unité des Chrétiens doit passer par leur réintégration et leur maintien dans l’Église. Comme l’unité de l’Église se repose sur l’unité de foi, de gouvernement et de charité, les chrétiens séparés ne peuvent revenir dans l’Église que s’ils adhèrent à son enseignement et se soumettent à son autorité, notamment au Pape. En clair, ils doivent abandonner l’hérésie ou le schisme dans lesquels ils sont. Tel est l’enseignement catholique que rappelle clairement Léon XIII.
Les tentatives pour réintégrer les anglicans ou des chrétiens orientaux
échouent au XIXe siècle. De nombreux efforts sont encore menés de la part des
catholiques pour rapprocher et unir les Chrétiens. Après la seconde guerre
mondiale, les protestants poursuivent leurs mouvements œcuméniques et créent
des organisations internationales très structurées. Il est indéniable que ce
désir d’unité est aussi fort dans l’Église catholique. Il marque la deuxième
partie du XXe siècle.
Cependant,
ce mouvement semble s’essouffler lorsqu’arrive le deuxième millénaire. Pour le
réveiller, le Pape Jean-Paul II publie en 1995 une encyclique sur l’engagement
œcuménique, intitulé Ut Unum sint. « Le Christ appelle tous ses disciples à
l'unité. Le désir ardent qui m'anime est de renouveler aujourd'hui cette
invitation et de la reprendre résolument. »(1)
Nous
allons présenter cette encyclique selon un plan légèrement différent du
document. Après avoir exposé les motifs qui exigent la recherche de l’unité des
Chrétiens et qui expliquent les dissensions, nous allons décrire les moyens
préconisés par Jean-Paul II pour obtenir cette unité puis les résultats obtenus
depuis le Concile de Vatican II et enfin proposer les axes de travail pour poursuivre
les progrès constatés. Nous exposerons ensuite les points plutôt doctrinaux de
l’encyclique concernant l’unité de la foi et l’unité de gouvernement avant de
terminer par la doctrine sur la communion …
L'unité des Chrétiens, selon le Pape Jean-Paul II, est « constituée par les liens de la profession de foi, des sacrements et de la communion hiérarchique. »(10). Elle n’est pas seulement physique, c’est-à-dire le rassemblement des fidèles, ajoutés les uns à côtés des autres. Les Chrétiens sont un car ils sont unis en Dieu, vivant de la vie éternelle.
Toujours, selon le Pape Jean-Paul II, tous les catholiques doivent travailler pour unir les Chrétiens car la division s’oppose à la volonté de Dieu. Notre Seigneur Jésus-Christ est venu unir ses enfants. Par conséquent, les catholiques doivent s’opposer à tout ce qui les divise et favoriser tout ce qui les rapproche.
Toujours, selon le Pape Jean-Paul II, tous les catholiques doivent travailler pour unir les Chrétiens car la division s’oppose à la volonté de Dieu. Notre Seigneur Jésus-Christ est venu unir ses enfants. Par conséquent, les catholiques doivent s’opposer à tout ce qui les divise et favoriser tout ce qui les rapproche.
L’unité
des Chrétiens est aussi présentée comme une exigence face aux nombreux
mouvements antichrétiens. Toute division est source de faiblesse. Face à
l’ennemi, il faut se présenter unis.
Elle
est en outre une nécessité pour répandre la foi. Il faut « abattre les murs de division et de défiance »,
« surmonter les obstacles et les
préjugés qui empêchent d'annoncer l'Évangile du Salut par la Croix de Jésus,
unique Rédempteur de l'homme, de tout homme »(2).
Et
de nos jours, nous demande Jean-Paul II, est-il encore possible de ne pas s’engager
dans le mouvement œcuménique ? Car nous dit-il, « au Concile Vatican II, l'Église catholique
s'est engagée de manière irréversible à prendre la voie de la recherche
œcuménique, se mettant ainsi à l'écoute de l'Esprit du Seigneur qui apprend à
lire attentivement les « signes des temps ». »(3) Notre époque serait encore propice pour l’unité des Chrétiens. Il faut donc ne pas
hésiter à s’y lancer. C’est pourquoi le second Concile de Vatican « exhorte tous les fidèles catholiques à
reconnaître les signes des temps et à prendre une part active à l'action
œcuménique ».
Finalement,
selon Jean-Paul II, « l'Église
catholique considère dans l'espérance l'engagement œcuménique comme un
impératif de la conscience chrétienne éclairée par la foi et guidée par la
charité. »(8)
Les
raisons des divisions
Le
Pape Jean-Paul II n’ignore pas les divergences doctrinales qui séparent les
Chrétiens. Il félicite par ailleurs les progrès entrepris dans la recherche de ces
points de désunion. « Les dialogues
théologiques interconfessionnels ont donné des fruits positifs et tangibles :
cela nous encourage à aller de l'avant. »(2)
Cependant,
il rappelle que les divisions des Chrétiens persistent à cause du « poids des atavismes et de l'incompréhension
qu'ils ont hérités du passé, des malentendus et des préjugés des uns à l'égard
des autres. » Toute recherche d’unité passe donc par un rapprochement
et une connaissance mutuelle, par « une
purification de la mémoire historique. »(2) Effectivement,
dans l’histoire, des divisions se sont produites non pour des raisons
doctrinales ou disciplinaires mais pour des causes proprement humaines.
L’exemple le plus caractéristique est le schisme de l’Église orthodoxe. À
l’origine, ce sont bien des raisons essentiellement politiques et culturelles
qui provoquent la séparation des Occidentaux et des Orientaux sans oublier les querelles de personnes. Les
différences doctrinales n’ont été que des prétextes...
Le
Pape, meneur de l’œcuménisme
Jean-Paul
II définit la mission particulière du Pape dans le mouvement œcuménique en tant que successeur de Saint Pierre. « En notre époque œcuménique, marquée par le Concile Vatican II, l'Évêque
de Rome remplit en particulier la mission de rappeler l'exigence de la pleine
communion des disciples du Christ. »(4)
Nous pensons que ce message est probablement une des nouveautés du XXe siècle. Certes les Papes qui ont précédé Jean-Paul II ont toujours été soucieux de l’Unité des Chrétiens, développant et favorisant les rapprochements. Léon XIII en est un exemple mais il n’a pas été le premier. Le Concile de Latran II et le Concile de Florence ont établi des unions avec des Orthodoxes, des Arméniens et des Jacobites, établissant notamment les églises uniates. La recherche de l’unité des Chrétiens est un combat que mène l’Église depuis ses origines ! Croire qu’elle n'a commencé que par le Concile de Vatican II est une prétention insupportable…
Nous pensons que ce message est probablement une des nouveautés du XXe siècle. Certes les Papes qui ont précédé Jean-Paul II ont toujours été soucieux de l’Unité des Chrétiens, développant et favorisant les rapprochements. Léon XIII en est un exemple mais il n’a pas été le premier. Le Concile de Latran II et le Concile de Florence ont établi des unions avec des Orthodoxes, des Arméniens et des Jacobites, établissant notamment les églises uniates. La recherche de l’unité des Chrétiens est un combat que mène l’Église depuis ses origines ! Croire qu’elle n'a commencé que par le Concile de Vatican II est une prétention insupportable…
Mais
à partir du Pape Jean XXIII, les Papes s’engagent pleinement dans le mouvement
œcuménique moderne [2]. Depuis le XIXe siècle, il est plutôt mené par des
initiatives privées, individuelles, plus ou moins soutenues par Vatican. Et
c’est bien le second concile de Vatican qui a entrepris officiellement
ce « processus », cet
« élan œcuménique ». Les
Papes en prennent ouvertement la tête. Car selon Jean-Paul II, le mouvement
œcuménique fait partie intégrante de l’Église. Il « doit par conséquent pénétrer tout cet ensemble et être comme le fruit
d'un arbre qui, sain et luxuriant, grandit jusqu'à ce qu'il atteigne son plein
développement. »(20) Il est même considéré comme le centre de l’œuvre
de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Ainsi
« les deux Codes de Droit canonique placent parmi les responsabilités de
l'Évêque celle de promouvoir l'unité de tous les chrétiens, soutenant toute
action ou initiative destinée à la promouvoir, conscient que l'Église y est
tenue de par la volonté même du Christ. »(101) Cependant, la mission
dévolue au Pape n’exclut pas les fidèles d’y participer. « Le souci de restaurer l'unité concerne toute
l'Église, tant les fidèles que les pasteurs, et touche chacun selon ses
capacités propres. »(101)
Conversion
et prière dans l’œcuménicité
Jean-Paul
II souligne l’importance de la prière commune. La prière doit être « l'« âme » du renouveau œcuménique et de
l'aspiration à l'unité »(28). Elle peut être source d’unité comme elle
peut exprimer et confirmer l’unité. « Sur
la route œcuménique de l'unité, la priorité revient certainement à la prière
commune, à l'union orante de ceux qui se rassemblent autour du Christ lui-même.
Si, malgré leurs divisions, les chrétiens savent toujours plus s'unir dans une
prière commune autour du Christ, alors se développera leur conscience des
limites de ce qui les divise en comparaison de ce qui les unit. » (22)
La prière œcuménique nous révèle davantage l’unité de l’Église. Elle nous permet de retrouver
la « dimension fondamentale de la
fraternité dans le Christ » (26).
Le
dialogue œcuménique
Tout
mouvement œcuménique passe aussi par le dialogue, défini comme « échange d’idées » et « échange de dons », qui engage
l’individu, selon une conception existentielle.
Le
dialogue est un des moyens pour rechercher mutuellement la vérité. Et dès
qu’elle est trouvée, il est alors nécessaire d’y adhérer fermement. Il a aussi
pour rôle de mieux faire connaître « une estime plus juste de la doctrine et de la vie de chacune des
Communautés »(32). Enfin, troisième vertu du dialogue, elle permet
d’examiner sa fidélité envers Notre Seigneur Jésus-Christ et donc de se
réformer. Il développe l’esprit de conversion qui passe par une
reconnaissance de notre état de pécheur. C’est pourquoi la prière « en devient le fruit, d'une manière toujours
plus accomplie »(33). Ainsi le dialogue n’est pas simplement un
dialogue horizontal entre individus ou communautés mais également vertical en
faveur de notre réconciliation avec Notre Seigneur Jésus-Christ.
Critères
du dialogue
Pour œuvrer en faveur de l’unité, il faut entamer le dialogue et éviter tout
antagonisme, toute manifestation d’hostilité. « Il faut passer d'une position d'antagonisme et de conflit à une
position où l'un et l'autre se reconnaissent mutuellement comme des partenaires. »(29) Le
préalable de tout dialogue est la reconnaissance de la bonne foi chez l’autre.
« Quand on commence à dialoguer, chacune des parties doit présupposer une
volonté de réconciliation chez son interlocuteur, une volonté d'unité dans la vérité. »(29)
Le
dialogue consiste aussi à rechercher les divergences entre les communautés dans l’amour de la vérité et dans
l’humilité. « Sans cet amour,
il serait impossible d'aborder les difficultés objectives d'ordre théologique,
culturel, psychologique et social que l'on rencontre dans l'examen des
divergences. »(36) « L'esprit de
charité et d'humilité doit être inséparablement associé à cette dimension
intérieure et personnelle : charité envers l'interlocuteur, humilité devant la
vérité que l'on découvre et qui pourrait demander la révision de certaines
affirmations ou de certaines attitudes. »(36)
Cela nécessite d’exposer fidèlement la doctrine en s'adaptant à l’individu selon « les catégories mentales et de l'expérience historique concrète de l'autre ». Jean-Paul II parle de loyauté et de droiture. Par conséquent, il ne faut pas dissimuler ou atténuer les points doctrinaux qui divisent. La recherche de l’unité ne doit pas conduire à des solutions qui évitent l’étude des points sérieux de division. Elles conduiront à l’échec puisqu’ils réapparaîtront nécessairement « en d'autres temps, sous la même forme ou sous un autre visage. »(36) Jean-Paul II définit alors les références pour traiter les divergences :
Les catholiques sont en outre aidés par « le Magistère toujours vivant de l’Église »(39).
Cela nécessite d’exposer fidèlement la doctrine en s'adaptant à l’individu selon « les catégories mentales et de l'expérience historique concrète de l'autre ». Jean-Paul II parle de loyauté et de droiture. Par conséquent, il ne faut pas dissimuler ou atténuer les points doctrinaux qui divisent. La recherche de l’unité ne doit pas conduire à des solutions qui évitent l’étude des points sérieux de division. Elles conduiront à l’échec puisqu’ils réapparaîtront nécessairement « en d'autres temps, sous la même forme ou sous un autre visage. »(36) Jean-Paul II définit alors les références pour traiter les divergences :
- la Sainte Écriture ;
- la « grande Tradition de l’Église »(39).
Les catholiques sont en outre aidés par « le Magistère toujours vivant de l’Église »(39).
Enfin,
le dialogue passe par des structures ecclésiales et des méthodes. Il est mené
par des « experts convenablement
informés » (30).
L’encyclique
souligne encore l’efficacité de la prière. « Une prière plus profonde et plus lucide permet au dialogue de donner
des fruits plus abondants.»(33)
Mais
selon Jean-Paul II, l’œcuménisme « va
bien au-delà d'un geste de courtoisie œcuménique et constitue une affirmation
ecclésiologique fondamentale »(42), c’est-à-dire plus précisément dans
la reconnaissance du baptême.
Point
de situation de l’œcuménicité
Jean-Paul II décrit les résultats obtenus par le mouvement œcuménique :
- un changement de mentalité, notamment par l’élaboration d’un nouveau vocabulaire ;
- des actions concrètes de fraternité, rendant plus efficace l’influence chrétienne dans la société, surtout lorsque cette dernière piétine les droits et les besoins de tous : prêt d’édifice de culte, bourses d’étude pour la formation des ministres, intervention auprès des autorités pour défendre des chrétiens, opposition aux calomnies, apaisement des conflits, etc. ;
- l’élaboration d’une bible œcuménique, dont les traductions « sont l'œuvre de spécialistes, fournissent généralement un fondement sûr pour la prière et pour l'activité pastorale de tous les disciples du Christ »(44) ;
- le renouveau liturgique et une meilleure compréhension de l’histoire et du sens de la liturgie ;
- la participation aux mêmes sacrements si les conditions requises sont réalisées. Jean-Paul II rappelle notamment que « les divergences dans la foi » ne permettent pas la concélébration liturgique et que les « autres chrétiens qui ne sont pas en pleine communion avec l'Église catholique, mais qui désirent ardemment les recevoir, qui les demandent librement et qui partagent la foi que l'Église catholique confesse dans ces sacrements »(46) ;
- la « réduction du contentieux traditionnel »(49) par la prise de conscience des points que partagent les chrétiens, de la valeur de leur témoignage et de leur fidélité à l’égard du Christ, « témoignage commun de sainteté, comme fidélité à l'unique Seigneur» (48).
Jean-Paul II évoque ensuite les progrès établis avec les Églises d’Orient, notamment avec le
Patriarche de Constantinople. Il les définit comme étant des Églises sœurs,
c’est-à-dire les « Églises
particulières ou locales rassemblées autour de leur Évêque »(56). Il
présente la « doctrine des Églises
sœurs » comme solution pour parvenir à la pleine communion. En
soulignant l’unité de foi, il ne précise pas exactement ce qui divise. Jean-Paul II semble évoquer un point d’achoppement : l’unité de
gouvernement, c’est-à-dire la reconnaissance de la primauté du Pape.
Concernant
le protestantisme et autres confessions issues de la Réforme, Jean-Paul II
rappelle le constat plutôt amer du Concile de Vatican II, c’est-à-dire les
échecs des mouvements œcuméniques. « Il
faut reconnaître qu'entre ces Églises et Communautés, d'une part, et l'Église
catholique, d'autre part, il existe des différences d'une grande importance non
seulement d'ordre historique, sociologique, psychologique et culturel, mais
surtout dans l'interprétation de la vérité révélée. »(64) Cependant,
l’importance de ces divergences est relativisée. « Les « divergences » évoquées plus haut, malgré leur importance,
n'excluent donc pas les influences réciproques ni la complémentarité. »(65)
Jean-Paul II rappelle ensuite les événements qui marquent un progrès dans la
recherche de l’unité. Un dialogue a été instauré et menée selon le programme
établi par le Concile de Vatican II.
Le
chemin encore à parcourir
Selon
Jean-Paul II, « les progrès déjà
accomplis dans notre connaissance mutuelle et les convergences doctrinales
atteintes ont pour conséquence un approfondissement affectif et effectif de la
communion »(77). Cela peut paraître cependant insatisfaisant pour les Chrétiens. Car « le but ultime du
mouvement œcuménique est le rétablissement de la pleine unité visible de tous
les baptisés. »(77) Cette communion n’est possible que dans l’adhésion
à la vérité, c’est-à-dire « l'héritage
transmis par les Apôtres ». Elle sera pleinement réalisée lorsque tous
pourront communier. « De
cette unité fondamentale, mais partielle, il faut maintenant passer à une unité
visible, nécessaire et suffisante, qui s'inscrive dans la réalité concrète,
afin que les Églises réalisent véritablement le signe de la pleine communion
dans l'Église une, sainte, catholique et apostolique qui s'exprimera dans la
concélébration eucharistique. »(78)
Jean-Paul
II définit les points à travailler : les relations entre « la Sainte Écriture, autorité suprême en
matière de foi, et la sainte Tradition, interprétation indispensable de la
Parole de Dieu et la foi »(79), l’Eucharistie, l’ordination, le
Magistère de l’Église et la Vierge Marie.
Il
définit aussi les erreurs à éviter : le faux irénisme, l’indifférence aux
normes de l’Église, la tiédeur et le pessimisme.
Il souligne l’exigence de la vérité, en rappelant de nouveau qu’il ne faut pas « s'accommoder de semblants de solutions qui n'aboutiraient à rien de stable ou de solide. »(79)
Enfin, il rappelle que le jugement définitif n’appartient qu’à l’autorité enseignante.
Il souligne l’exigence de la vérité, en rappelant de nouveau qu’il ne faut pas « s'accommoder de semblants de solutions qui n'aboutiraient à rien de stable ou de solide. »(79)
Enfin, il rappelle que le jugement définitif n’appartient qu’à l’autorité enseignante.
La
question de l’unité de foi
Jean-Paul
II réaffirme avec fermeté que l’unité des Chrétiens repose sur l’unité de la foi. « L'unité voulue par Dieu ne peut se réaliser
que dans l'adhésion commune à la totalité du contenu révélé de la foi. En
matière de foi, le compromis est en contradiction avec Dieu qui est
Vérité. » (18) Cependant les données de la foi doivent être traduites de manière à être entendues. La vérité est une mais diverses sont les formes dans laquelle elle s'exprime. « Et
la rénovation des formes d'expression devient nécessaire pour transmettre à
l'homme d'aujourd'hui le message évangélique dans son sens immuable. »(19)
Ce travail d'adaptation est donc essentiel pour l’œcuménisme. À plusieurs
reprises, il reviendra sur ce sujet.
Conformément
au décret Unitatis redintegrati, Jean-Paul II rappelle que les formulations
doctrinales sont réparties selon une hiérarchie qui les répartit selon le degré
de « véracité » ou d’assentiment. Toutes n’ont pas la même
valeur.
En outre, tout en étant différentes,
les formulations peuvent avoir des contenus identiques. Jean-Paul II
prend soin de rappeler que les formulations dogmatiques demeurent exactes et que leur contenu exprime la vérité de manière absolue, comme le définit la
déclaration Mysterium Ecclesiæ :
« Les vérités que l'Église entend
réellement enseigner par ses formules dogmatiques sont sans doute distinctes
des conceptions changeantes propres à une époque déterminée ; mais il n'est pas
exclu qu'elles soient éventuellement formulées, même par le Magistère, en des
termes qui portent des traces de telles conceptions. Tout considéré, on doit
dire que les formules
dogmatiques du Magistère ont été aptes dès le début à communiquer la vérité
révélée et que, demeurant inchangées, elles la communiqueront toujours à ceux
qui les interpréteront bien ». Il s’agit donc d’interpréter correctement
les vérités exprimées en prenant en compte les conceptions de son interlocuteur
sans s’arrêter sur une lecture partielle de la vérité.
La
question de la primauté du Pape
L’encyclique
se termine par la difficulté que représentent les « convictions » de l’Église catholique concernant la primauté
du Pape. Il se félicite que ce sujet soit « devenu un objet d'études, en cours ou en projet […] comme
un thème essentiel non seulement dans les dialogues théologiques que l'Église
catholique poursuit avec les autres Églises et Communautés ecclésiales, mais
aussi plus généralement dans l'ensemble du mouvement œcuménique. »(89)
Après
avoir évoqué tous les motifs justifiant la primauté du Pape, Jean-Paul II
rappelle que « toutes les Églises
sont en pleine et visible communion, parce que les Pasteurs sont en communion
avec Pierre et sont ainsi dans l'unité du Christ. Par le pouvoir et l'autorité
sans lesquels cette fonction serait illusoire, l'Évêque de Rome doit assurer la
communion de toutes les Églises. »(94)
Il
définit le périmètre de la primauté : « vigilance dans la transmission de la Parole […] sur la célébration sacramentelle et
liturgique, sur la discipline, la vie chrétienne ». Il est gardien et
témoin de la vérité. « Il revient au
Successeur de Pierre de rappeler les exigences du bien commun de l'Église, au
cas où quelqu'un serait tenté de le négliger au profit de ses propres intérêts.
Il a le devoir d'avertir, de mettre en garde, de déclarer parfois inconciliable
avec l'unité de la foi telle ou telle opinion qui se répand. »(94)
Mais
face aux inquiétudes des autres confessions chrétiennes et aux difficultés que
représente la doctrine relative à la primauté du Pape, de nombreuses requêtes
demandent au Pape une nouvelle « forme
d'exercice de la primauté ouverte à une situation nouvelle, mais sans
renoncement aucun à l'essentiel de sa mission »(95). Jean-Paul
II justifie alors de nouveau la primauté du Pape en montrant qu’elle est nécessaire
pour l’unité des Chrétiens et par « le
désir d'obéir vraiment à la volonté du Christ »(95). L’histoire du
premier millénaire montre en effet que les chrétiens « étaient unis par la communion fraternelle dans la foi et la vie
sacramentelle, le Siège romain intervenant d'un commun accord, si des
différends au sujet de la foi ou de la discipline s'élevaient entre elles
»(95).
Jean-Paul II revient finalement sur la condition nécessaire de la communion pleine et
entière. « L'Église catholique, dans
sa praxis comme dans ses textes
officiels, soutient que la communion des Églises particulières avec l'Église de
Rome, et de leurs Évêques avec l'Évêque de Rome, est une condition essentielle
— selon le dessein de Dieu — de la communion pleine et visible. »(96)
« Communion
réelle » des églises
Suivant l’enseignement du second concile de Vatican, Jean-Paul II reprend la théorie de la
communion réelle :
- « l'unique Église du Christ est présente [1] dans l'Église catholique »(86), selon la constitution Lumen Gentium et le décret Unitatis redintegratio ;
- la plénitude des moyens de salut est présente dans l’Église catholique selon le décret Unitatis redintegratio ;
- la pleine unité se réalisera lorsque tous participeront à la plénitude des moyens du salut que le Christ a confiés à son Église.
Jean-Paul
II rappelle aussi que « parmi toutes
les Églises et Communautés ecclésiales, l'Église catholique a conscience
d'avoir conservé le ministère du successeur de l'Apôtre Pierre, l'Évêque de
Rome, que Dieu a institué comme « le principe et le fondement permanents et
visibles de l'unité » que
l'Esprit assiste afin que tous les autres bénéficient de ce bien essentiel »,
qu’elle est convaincue de demeurer « fidèle
à la tradition apostolique et à la foi des Pères », et de conserver
« le signe visible et le garant de
l'unité dans le ministère de l'Évêque de Rome »(88). Il présente ces
convictions comme des difficultés pour la plupart des autres chrétiens.
L’Église
du Christ serait-elle alors l’assemblage des différentes églises ? Non, répond
Jean-Paul II. Elle est déjà donnée depuis la Pentecôte. « Les éléments de cette Église déjà donnée
existent, unis dans toute leur plénitude, dans l'Église catholique et, sans
cette plénitude, dans les autres Communautés où certains aspects du mystère
chrétien ont parfois été mieux mis en lumière » (14)
Jean-Paul
II définit donc le but de l’œcuménisme : « faire progresser la communion partielle existant entre les Chrétiens pour arriver à la pleine communion dans la
vérité et la charité. » (14)
Hors
de l’Église, point de salut ?
Mais
si l’Église catholique détient seule tous les biens que son fondateur a
donnés à l'Église, « les Églises et les
Communautés séparées elles-mêmes, même si nous croyons qu'elles souffrent de
déficiences, ne sont nullement dépourvues de signification et de valeur dans le
mystère du salut. En effet, l'Esprit du Christ ne refuse pas de se servir
d'elles comme de moyens de salut, dont la vertu dérive de la plénitude même de
grâce et de vérité qui a été confiée à l'Église catholique. »
Dans
les communautés séparées, il existe, selon toujours Jean-Paul II, des éléments de sanctification et de
vérité mais de manière imparfaite. Ils constitueraient même « la base objective de la communion qui
existe, même imparfaitement, entre elles et l'Église catholique. »
(11) Le second Concile de Vatican parle de communion réelle car il y
a « présence active de l’unique Église du Christ en elles » (11)
même si la communion est imparfaite. Ainsi pouvons-nous les appeler frères car
« justifiés par la foi dans le Baptême,
ils sont incorporés au Christ, ont à bon droit l'honneur de porter le nom de
chrétiens ».
Ainsi
par cette « communion réelle »,
les « frères séparés »
peuvent se sauver. « Chez nos frères
séparés s'accomplissent aussi de nombreuses actions sacrées de la religion
chrétienne qui, de diverses manières selon les différentes conditions de
chacune des Églises ou Communautés, peuvent sans nul doute produire
effectivement la vie de grâce, et il faut dire qu'elles sont aptes à donner
accès à la communion du salut ».
Finalement,
il est possible de se sauver hors de l’Église catholique. « En dehors des limites de la communauté
catholique, il n'y pas un vide ecclésial. De nombreux éléments de grande valeur
qui, dans l'Église catholique, s'intègrent dans la plénitude des moyens de salut
et des dons de grâce qui font l'Église, se trouvent aussi dans les autres
Communautés chrétiennes. » (13)
Quelques
points importants à relever
Contrairement
à la constitution Lumen Gentium, l’encyclique de Jean-Paul II souligne l’unité de
foi comme principe de l’unité des Chrétiens. Ses paroles sont suffisamment
claires. Tout réductionnisme, concordisme ou compromission sont vivement
condamnés. Cela nécessite donc de professer clairement les vérités de foi afin
d’éviter tout malentendu.
Encore plus
claire que le texte du Concile de Vatican II, l’encyclique rappelle que toute
recherche de l’unité des Chrétiens doit nécessairement passer par l’étude des
divergences et des divisions. Certes, il faut s’appuyer sur ce qui unit mais
croire que le mouvement œcuménique peut se fonder uniquement sur ces
rapprochements est voué à l’échec. Jean-Paul précise que l’un des points
d’achoppement demeure la primauté du Pape.
Il
rappelle que certaines divisions n’auraient pas dû entraîner une rupture
d’unité, leurs causes étant purement historiques ou liées à des querelles de
personnes. Ainsi faut-il dépasser ces questions, « purifier notre mémoire ».
Jean-Paul II rappelle aussi que toutes « les vérités » n’ont pas toutes la même valeur comme l’a toujours enseigné l’Église. Il y a bien une hiérarchie de valeur. La division peut provenir d’une confusion de valeur, mettant tout au même plan.
Enfin, il faut présenter le dogme de manière à ce qu’il soit compris selon l’enseignement de l’Église. Cependant, s’il faut effectivement distinguer le sens du dogme et sa formulation, il ne faut pas oublier que la formulation du dogme demeure toujours valable et efficace.
Jean-Paul II rappelle aussi que toutes « les vérités » n’ont pas toutes la même valeur comme l’a toujours enseigné l’Église. Il y a bien une hiérarchie de valeur. La division peut provenir d’une confusion de valeur, mettant tout au même plan.
Enfin, il faut présenter le dogme de manière à ce qu’il soit compris selon l’enseignement de l’Église. Cependant, s’il faut effectivement distinguer le sens du dogme et sa formulation, il ne faut pas oublier que la formulation du dogme demeure toujours valable et efficace.
Dans
le rappel des différentes causes de division, Jean-Paul II n’évoque guère les
raisons religieuses ou les différentes conceptions religieuses qui ont conduit
à la rupture, notamment les différentes conceptions de la foi et du salut, de
l’Église. Il n’évoque que les causes purement humaines, historiques.
Puis,
Jean-Paul II rappelle l’importance de la prière et de la conversion pour mener
à bien la recherche de l’unité des Chrétiens. Cependant, la prière ne peut être
utile que si elle est entendue de Dieu. La prière ne doit pas être réduite à un
instrument d’unité mais être un appel fervent à Dieu. Car Lui-seul peut faire
entendre ce que nous ne voulons point entendre.
Enfin,
dernier point, Jean-Paul II revient longuement sur l’importance de la
visibilité de l’unité des Chrétiens, c’est-à-dire sur la communion
eucharistique. Mais cette communion nécessite une unité de foi, de gouvernement
et de charité…
Mais…
Jean-Paul II rappelle aussi la doctrine rapidement affirmée dans la
constitution Lumen Gentium tout en l’approfondissant. Il affirme clairement, selon nous, qu’hors de l’Église, dans les communautés chrétiennes séparées, il est possible de se sauver en raison même de ces
communautés tout en précisant que l’Église catholique a les moyens de
salut en plénitude. La théorie de la communion réelle n'est pas acceptable...
Ainsi tout en cherchant à encadrer le mouvement œcuménique dans un sens plus catholique, Jean-Paul II poursuit le chemin qu'a ouvert le second Concile de Vatican, chemin innovant dans l'Eglise, chemin qui mène, nous en doutons pas, à l'erreur et à l'échec.
Ainsi tout en cherchant à encadrer le mouvement œcuménique dans un sens plus catholique, Jean-Paul II poursuit le chemin qu'a ouvert le second Concile de Vatican, chemin innovant dans l'Eglise, chemin qui mène, nous en doutons pas, à l'erreur et à l'échec.
[1] Rappelons que la constitution Lumen Gentium dit que « l’Église subsiste dans l’Église catholique ». Voir Émeraude, juillet article "Mouvement œcuménique : expression "subsistit in" dans Lumen Gentium".
[2] Voir Émeraude, mai 2016, article "L’œcuménisme".
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