Épîtres aux Corinthiens : Enluminure
Bibliothèque Nationale de France
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La maison de Dieu est aussi faite de bois et de pierres que les Apôtres ont plantées autrefois dans les terres romaines et barbares. Écoutant la voix de leur Maître et guidés par le Saint Esprit, ils ont semé la bonne parole, répandant l’enseignement du Verbe fait chair, de Notre Seigneur Jésus-Christ, mort sur la Croix pour nous sauver et ressuscité des morts avant d’être élevé dans les cieux. Par leurs œuvres, l’Église s’est développée et s’est répandue rapidement sur toute la terre : Jérusalem, Antioche, Rome, Éphèse, Alexandrie, Smyrne, Carthage…
Mais les hommes demeurent des hommes, poussières nées de poussières. Les Apôtres le savent bien. Profondément réalistes, ils ne s’égarent pas dans des utopies ou dans des chimères. L’espérance qui les guide n’est point naïveté. Ils visitent les communautés chrétiennes, veillent sur elles, les reprennent, les réprimandent lorsqu’il le faut. Leurs paroles ne sont pas que douceur. Elles sont aussi sainte colère. Car certaines communautés chrétiennes s’égarent et s’oublient. L’Église de Corinthe en est un exemple. Au temps de Saint Paul, elle est déjà divisée par les troubles. Le premier siècle chrétien n’est pas en effet encore achevé que les chrétiens de Corinthe se font reprendre par l’Apôtre. Ses faiblesses et ses misères nous sont décrites dans une de ses épîtres. Sa lettre est dure, terriblement ironique. Elle nous rappelle combien l’unité des Chrétiens est vaine sans la charité …
La
ville de Corinthe
Au
temps de l’Empire romain, la ville de Corinthe est un des plus
importants ports de la Grèce antique. Elle est immensément riche. Célèbre par
l’éclat des arts et des sciences, elle attire un grand nombre d’étrangers.
Célèbre aussi par ses fêtes religieuses, elle abrite un temple dédié à la
déesse Aphrodite.
Temple d'Apollo, Corinthe |
Un
esprit de faction
Mais
rapidement, l’église de Corinthe est divisée par une querelle d’où naissent des
factions, chacune groupée autour d’un prédicateur. Les uns disent en effet « moi, je suis à Paul ! », les
autres disent : « moi, je suis à
Apollos » ou encore « et
moi, à Cephas ! ». Chacun prend parti pour le prédicateur de qui
il a reçu la foi.
Saint Paul |
Un
esprit enflé de vanité
Dans
son épître, Saint Paul dénonce une certaine ivresse doctrinale. Elle semble
être une caractéristique des habitants de Corinthe. Plus tard, le Pape Saint
Clément devra à son tour apaiser la communauté remuante de cette ville.
« Que nul ne s’abuse soi-même. Si quelqu’un
parmi vous pense être sage dans ce siècle, qu’il devienne fou, afin de devenir
sage. » (I Cor., III, 18) Si l’un des docteurs de l’église de Corinthe
se croit sage, sage de cette sagesse dont Notre Seigneur Jésus-Christ n’a pas
voulu, qu’il y renonce. « En effet,
la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. » (I Cor., III, 20).
Certains fidèles dotés de dons les utilisent parfois à mauvais escient au lieu de les employer pour l’édification de l’Église. Enflés de leur science et de leurs privilèges, ils prétendent même dépasser ceux qui leur ont apporté l’Évangile. Saint Paul les accable de son ironie. « Nous sommes insensés à cause du Christ, et vous, vous êtes sages en Christ ; nous sommes faibles, et vous êtes forts ; vous êtes en honneur, et nous dans le mépris ! » (I Cor., IV, 10) À eux l’élévation et aux autres souffrances et indignités ! Quelle suffisance ! Quelle vanité ! Tout cela est bien indigne du titre qu’ils portent ! « Qu’as-tu que tu ne l’aie reçu ! Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu comme si tu ne l’avais pas reçu ? Déjà vous êtes rassasiés ! Déjà vous êtes riches ! » (I Cor. IV, 7-8) Au contraire, « que personne donc ne mette sa gloire dans des hommes » (I Cor., III, 21). Saint Paul demande alors aux Corinthiens de « ne pas aller au-delà de ce qui est écrit, ne vous enflant pas d’orgueil en faveur de l’un ou de l’autre. » (I Cor., IV, 6) Il leur demande de ne pas emprunter une voie qui n’est pas celle de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Certains fidèles dotés de dons les utilisent parfois à mauvais escient au lieu de les employer pour l’édification de l’Église. Enflés de leur science et de leurs privilèges, ils prétendent même dépasser ceux qui leur ont apporté l’Évangile. Saint Paul les accable de son ironie. « Nous sommes insensés à cause du Christ, et vous, vous êtes sages en Christ ; nous sommes faibles, et vous êtes forts ; vous êtes en honneur, et nous dans le mépris ! » (I Cor., IV, 10) À eux l’élévation et aux autres souffrances et indignités ! Quelle suffisance ! Quelle vanité ! Tout cela est bien indigne du titre qu’ils portent ! « Qu’as-tu que tu ne l’aie reçu ! Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu comme si tu ne l’avais pas reçu ? Déjà vous êtes rassasiés ! Déjà vous êtes riches ! » (I Cor. IV, 7-8) Au contraire, « que personne donc ne mette sa gloire dans des hommes » (I Cor., III, 21). Saint Paul demande alors aux Corinthiens de « ne pas aller au-delà de ce qui est écrit, ne vous enflant pas d’orgueil en faveur de l’un ou de l’autre. » (I Cor., IV, 6) Il leur demande de ne pas emprunter une voie qui n’est pas celle de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Des
mœurs perverties
Un
autre sujet de querelle indigne Saint Paul. « On entend dire généralement qu’il y a parmi vous de l’impudicité, et
une telle impudicité, qu’elle ne se rencontre pas même chez les païens »
(I
Cor., V, 1) Les mœurs se sont déjà relâchées ! L’Apôtre dénonce en
effet un cas d’inceste.
Corinthe
est une ville réputée pour sa corruption et ses nombreuses tentations. Le seul
nom de Corinthe est synonyme de dissolution et de dérèglement. Le risque pour
les chrétiens d’être pervertis est donc grand. Et certains d’entre eux le sont
déjà comme le révèle un scandale. Or Saint Paul nous rappelle que « ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les
adultères, ni les efféminés, ni les infâmes, ni les voleurs, ni les avares, ni
les ivrognes, ni les outrageux, ni les rapaces ne posséderont le royaume de
Dieu » ! (I Cor.,
VI, 9)
Mais
la réprimande de Saint Paul ne concerne pas directement le cas d’inceste. Il
s’attaque principalement à l’indifférence des chrétiens de Corinthe à l’égard
de ce péché. Il s’indigne en effet que l’incestueux n’ait même pas été
excommunié, c’est-à-dire exclu de la communauté ! Les chrétiens de
Corinthe ne sont même pas émus du scandale !
L’indifférence
coupable
Saint
Paul dénonce donc leur indifférence alors qu’ils s’enflent de leurs
privilèges et s’enivrent de leurs discussions. Comment des chrétiens
peuvent s’enfler et se glorifier alors que leur communauté porte en elle un tel
scandale ! « Et vous êtes
enflés d’orgueil ! Et vous n’avez pas été plutôt dans le deuil, afin que
celui qui a commis cet acte fût ôté du milieu de vous ! » (I
Cor., V, 2) Ils
auraient dû pleurer comme nous pleurons sur un mort ! Ils auraient dû
aussi expulser de leur sein le coupable s’il ne venait à se repentir. Car nous
le rappelle Saint Paul, il ne faut pas avoir de relations avec les impudiques
de ce monde. « Ôtez le méchant
de chez vous. » (I Cor., V, 13) Comme il le précise,
il ne s’agit pas de rompre avec les gens de ce monde sinon « il vous faudrait sortir du monde »
(I
Cor., V, 10), fuir dans le désert. Il parle des impudiques chrétiens,
c’est-à-dire ceux qui portent le nom de frère. Car ils déshonorent l’Église de
Dieu. Il faut laisser Dieu juger les non-chrétiens…
Dans
une lettre qu’il adresse aux Thessaloniciens, Saint Paul nous exhorte de
nouveau à rompre la communion avec les chrétiens rebelles. « Et si quelqu’un n’obéit pas à ce que nous
vous adressons dans cette lettre, notez-le et ne le fréquentez pas, afin qu’il
éprouve de la honte. » (II Thess., III, 14) Par cette
exclusion, il s’agit bien de l’édifier. Car rajoute-t-il aussitôt, « ne le regardez pourtant pas comme un ennemi,
mais avertissez-le comme un frère » (II Thess., III, 15).
Saint
Paul redoute aussi l’action perfide qu’exerce autour d’elle une faute
scandaleuse. « Un peu de levain fait
lever toute la pâte » (Épître aux Galates, V, 9). Ce
proverbe est familier à l’Apôtre. Une faute suffit pour infecter toute la
communauté. Lorsqu’elle n’est pas réprimée, elle perd de son horreur. Son
influence est encore plus dévastatrice.
Ainsi pour le bien des coupables et de la communauté, il est nécessaire de les excommunier, c’est-à-dire de les retrancher de l’Église …
Ainsi pour le bien des coupables et de la communauté, il est nécessaire de les excommunier, c’est-à-dire de les retrancher de l’Église …
Une
charité refroidie…
Enfin,
Saint Paul nous apprend que certains chrétiens « osent aller en jugement devant les injustes, et non devant les Saints »
(I
Cor., V, 1), c’est-à-dire devant des fidèles. « Un frère est en procès avec un frère, et
cela devant des infidèles ! » (I Cor., VI, 6) Autre
véritable scandale ! Car ce sont bien les Chrétiens qui doivent juger le
monde et « ce sont des gens méprisés
dans l’Église que vous prenez pour juges ! » (I Cor.,
VI, 4)
Dans la jeune communauté chrétienne de Corinthe, la charité s’est déjà refroidie, la discipline s’est relâchée, la vie morale s’est affaiblie, donnant lieu à de véritables scandales. Et personne ne semble en être offusqué !
Ainsi
confronté aux querelles des chrétiens de Corinthe, Saint Paul nous expose les
raisons de leurs divisions : jalousie, vanité, indifférence, refroidissement
de la charité. Avant que n’éclatent les disputes, les cœurs sont déjà dominés
par un esprit contraire à celui de Notre Seigneur Jésus-Christ.
De
sa lettre, nous pouvons finalement retenir deux choses.
D’une part, le retour à l’unité impose une conversion. Puisque la division naît d’un esprit tourné vers soi et vers le monde, il est nécessaire que l’âme se retourne vers Dieu.
D’autre part, le salut des fidèles impose parfois l’exclusion de ceux qui peuvent le menacer dans sa foi ou dans sa morale. La charité le commande.
Ainsi la recherche de l’unité des Chrétiens ne doit pas remettre en cause la fin de l’Église, c’est-à-dire l’union des âmes à Dieu. La fin et les moyens ne doivent pas être confondus. La première des charités est de dénoncer les erreurs et de rappeler la vérité.
D’une part, le retour à l’unité impose une conversion. Puisque la division naît d’un esprit tourné vers soi et vers le monde, il est nécessaire que l’âme se retourne vers Dieu.
D’autre part, le salut des fidèles impose parfois l’exclusion de ceux qui peuvent le menacer dans sa foi ou dans sa morale. La charité le commande.
Ainsi la recherche de l’unité des Chrétiens ne doit pas remettre en cause la fin de l’Église, c’est-à-dire l’union des âmes à Dieu. La fin et les moyens ne doivent pas être confondus. La première des charités est de dénoncer les erreurs et de rappeler la vérité.
Le
retour à Dieu
Saint Paul aux Colossiens
Joseph-Benoît Suvée, XVIIIe.
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Mais
les divisions persistent à cause d’un clan judaïsant. Ce dernier accuse Saint
Paul d’être trop sévère, versatile et charnel, et d’agir avec intéressement.
Dans sa deuxième lettre, il se défend de ses accusations et réfute leur
calomnie. Il revendique l’autorité d’Apôtre. Il la défend avec énergie. Ses
mots sont de nouveau durs. « Je
déclare à ceux qui ont péché auparavant et à tous les autres pécheurs, que, si
je retourne chez vous, je n’userai d’aucun ménagement. »(II
Ep. Cor., VIII, 3) Ainsi il leur demande de s’éprouver eux-mêmes pour voir s’ils sont dans la foi. Le retour
de l’unité passe par un examen de conscience.
Les
lettres de Saint Paul sont pleines d’ardeur et de confiance. L’Apôtre veut
regagner le cœur des âmes. Comme une mère inquiète de ses enfants, il parle aux
Corinthiens avec douceur et sévérité, avec prière et menace, avec tendresse et
éloquence. « Notre bouche s’est
ouverte pour vous, ô Corinthiens, notre cœur s’est élargi. Vous n’êtes point à
l’étroit dans nos entrailles, mais les vôtres se sont rétrécis. Rendez nous la
pareille, - je vous parle comme à mes enfants,- vous aussi, élargissez vos
cœurs. » (II Ep. Cor., VI, 11-13) Comme un père avec ses enfants, il
veille sur leur salut, même si cela nécessite sévérité et remontrance.
[1]
Dom Paul Delatte, Les Épîtres de Saint Paul, replacées dans le milieu historique des
Actes des Apôtres, tome I, 1928.
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