Le
Concile de Vatican II a pour but de faire entrer l’Église catholique dans
le mouvement œcuménique au sens moderne du terme. Lors des discours d'ouverture, les Papes Jean XXIII puis
Paul VI affirment la ferme volonté de travailler à l’Unité des Chrétiens. La
constitution dogmatique Lumen Gentium est un des textes
fondateur de cette nouvelle politique. Elle définit ce qu’est l’Église et ce
que sont les églises et communautés chrétiennes par rapport à l’Église et à
l’Église catholique[1].
Un autre texte traite plus précisément l’œcuménisme. Il est la continuation de Lumen
Gentium. C’est le décret Unitatis Redingratio[2],
promulgué le 21 novembre 1964. Remarquons qu’il est le premier texte officiel entièrement
consacré à ce sujet.
Aider
les chrétiens à œuvrer pour l’œcuménisme
Le
décret rappelle la division des Chrétiens qui tous professent leur fidélité à
l’égard de Notre Seigneur Jésus-Christ tout en ayant des attitudes différentes.
Les conséquences sont évidentes. Une telle division est pour le monde un objet
de scandale et se présente comme un obstacle à la prédication de l’Évangile.
Elle s’oppose évidemment à la volonté de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Mais
selon toujours le décret, le contexte est favorable pour faire cesser ces
divisions. Dieu « a commencé en ces
derniers temps de répandre plus abondamment dans les chrétiens divisés entre
eux l’esprit de repentir et le désir de l’union. »(1) Cette grâce serait la cause des mouvements œcuméniques.
Le
texte a donc pour but d’aider les catholiques à participer au vaste mouvement
œcuménique qui se manifeste dans le monde. Il propose plus exactement « les secours, les orientations et les moyens
qui lui permettront à eux-mêmes de répondre à cet appel divin de la
grâce. »(1)
Qu’est-ce
que le mouvement œcuménique ?
Le
décret définit « mouvement œcuménique »
comme le mouvement vers l’unité de tous les Chrétiens, ou encore « les entreprises et les initiatives
provoquées et organisées en faveur de l’unité des chrétiens, selon les
nécessités variées de l’Église et selon les circonstances. »(4)
Ce
mouvement ne comprend pas tous les Chrétiens. Il concerne uniquement « ceux qui invoquent le Dieu Trinité et
confessent Jésus pour Seigneur et Sauveur »(1), qu’ils soient individus ou réunis en communautés. Ils aspirent aussi à une Église
une et universelle.
Les
principes de l’œcuménisme
Le
premier chapitre définit les principes de l’œcuménisme. Il rappelle d’abord
l’unité de l’Église. Elle est l’œuvre de Notre Seigneur Jésus-Christ qui en
demeure aussi le principe. Il a institué le sacrement de l’Eucharistie qui
l’exprime et la réalise. Il a fondé l’Église pour unir le peuple de la Nouvelle
Alliance. Le Saint Esprit réalise la communion des fidèles et les unit dans le
Christ, œuvrant pour construire le Corps du Christ, pour « établir en tout lieu son Église sainte
jusqu’à la consommation des siècles »(2), Notre Seigneur Jésus-Christ a
édifié l’Église sur Saint Pierre, porteur des clefs du Royaume. Il réalise
l’unité de l’Église par la profession d’une seule foi, par la célébration
commune d’un même culte, par la charité.
Œuvrer
à la « pleine communion »
Cependant,
le décret rappelle que, dès l’origine et au cours du temps, sont apparues des
scissions et des divisions au sein du christianisme. Certaines d’entre elles
persistent encore de nos jours.
Le
décret traite des chrétiens qui sont nés dans les communautés chrétiennes
séparées de « la pleine communion »
de l’Église catholique. En effet, il est important de distinguer ceux qui se
sont séparés de l’Église et ceux qui sont nés dans la division.
Or
« ceux qui croient au Christ et qui
ont reçu validement le baptême se trouvent dans une certaine communion, bien
qu’imparfaite, avec l’Église catholique. »(3) Le mouvement œcuménique
tend alors à surmonter les divergences qui font obstacle à « la pleine communion ». « Justifiés par la foi reçue au baptême,
incorporés au Christ, ils portent à juste titre le nom de chrétiens et les fils
de l’Église catholique les reconnaissent à bon droit comme des frères dans le
Seigneur. »(3) Le décret justifie ainsi le terme aujourd’hui classique
de « frère séparé ».
Les
« frères séparés » sont ainsi incorporés au Christ sans être pourtant incorporés à l’Église catholique. Nous
en déduisons donc que l’Église catholique ne forme pas le Corps du Christ. Nous
retrouvons la fameuse doctrine de la constitution dogmatique Lumen
Gentium selon laquelle l’Église subsiste dans l’Église catholique.
Le
retour de la doctrine « subsiste dans »
Les
liens qu’évoquent brièvement Lumen Gentium pour justifier la
communion imparfaite entre les chrétiens sont précisés dans le décret. En
effet, l’Église catholique, dans ses limites visibles, ne possède pas seule des
éléments et des biens « desquels
l’Église se construit et est vivifiée » comme « la parole de Dieu écrite, la vie de la
grâce, la foi, l’espérance », etc. Ces
éléments présents ailleurs sont « plusieurs
et même beaucoup, et de grande valeur »(3). Parmi ces biens, se
trouvent des dons de l’Esprit Saint. Tout cela appartient à l’unique Église du
Christ. Cependant, le décret rappellera que les églises ou communautés des
frères séparés sont « victimes de
déficiences »(3).
Que
désigne la forme visible de l’Église catholique ? Selon le décret, il
rassemble ceux qui sont incorporés à l’Église catholique par le baptême. Il est
différent du « cœur » de
l’Église qui est formé par ceux qui sont unis à Notre Seigneur Jésus-Christ. La
plénitude des grâces se situent donc dans ce cœur. Le décret rappelle en effet
que « la plénitude de grâce et de
vérité […] a été confiée à l’Église catholique. »(3) L’Église
catholique possède les « moyens
généraux du salut »(3).
Or le culte « chez nos frères séparés » peut « produire
effectivement la vie de la grâce […] qu’ils ouvrent l’entrée de la communion du salut. ». En clair,
par leur culte, les frères séparés pourraient appartenir au cœur de l’Église. Mais
remarquons qu’ils peuvent obtenir des grâces non directement par Notre Seigneur
Jésus-Christ mais par le culte lui-même comme dans l’Église catholique. Selon
la doctrine de l’Église, le chrétien séparé peut en effet recevoir des grâces
mais jamais en raison de la religion à laquelle il appartient. Elle ne peut
être la cause des grâces qu’il reçoit. Nous pourrions dire qu’il reçoit des
grâces malgré elle. Comme nous l’avons déjà évoqué[3], avant
le concile de Vatican II, l’Église évoque le sort du chrétien quand le concile
traite plutôt du sort des églises et communautés. Nous ne sommes pas dans la
même perspective.
C’est
pourquoi en toute logique le décret en déduit que « ces Églises et communautés séparées […] ne sont nullement dépourvues de
signification et de valeur dans le mystère de salut. »(3) Les églises
et communautés séparées seraient des moyens au service de Notre Seigneur
Jésus-Christ pour sauver des fidèles séparés. Néanmoins, le décret souligne que
la force du salut provient de l’Église catholique. Sa cause ou son efficacité –
le terme de force est plutôt flou - ne réside pas dans ces Églises et
communautés séparées.
Cependant,
en dépit de la valeur de ces églises et communautés, les frères séparés ne
jouissent pas de l’unité voulue par le Christ puisqu’ils n’appartiennent pas à
l’Église catholique qui seule a été édifiée pour cela.
Le
concile demande aux catholiques de reconnaître « les signes du temps », c’est-à-dire ce temps de grâces pour
l’unité des Chrétiens, et à y participer. Ce temps favorable est fortement
souligné dans les textes conciliaires comme dans les documents
post-conciliaires, notamment ceux de Jean-Paul II. Le décret définit ensuite les
actions la favorisant ou évitant d’accentuer la division.
De
manière pratique, cela consiste :
- à supprimer tout ce qui peut marquer un manque de respect et de justice à l’égard des frères séparés ;
- à faire mener les « dialogues » par des experts et à présenter de manière claire la doctrine de sa communauté ;
- à s’unir dans des actions et des prières en commun ;
- à faire un examen de conscience pour un effort soutenu de rénovation et de réforme.
Il
s’agit ainsi de faire croître la connaissance et l’estime mutuelle tout en
évitant d’accentuer les tensions qui peuvent exister avec les frères séparés.
Le but est de parvenir à la communion eucharistique.
L’œcuménicité
passe aussi par l’exemplarité des catholiques. Ils doivent tendre vers la
perfection « de sorte que l’Église,
portant dans son corps l’humilité et la mortification de Jésus, se purifie et
se renouvelle »(4) jusqu’à l’arrivée de Notre Seigneur Jésus-Christ.
« Il faut avant tout cultiver la
charité. »(4) Le décret demande aux catholiques, selon la fonction
qu’ils occupent, de « conserver la
liberté voulue » au sein de l’Église notamment dans la variété des
rites théologiques et même dans l’élaboration théologique de la vérité révélée,
tout « en conservant l’unité dans ce
qui est nécessaire ». Nous pouvons aujourd’hui comprendre ce que peut
faire cette « liberté »
livrée à elle-même dans un cadre œcuménique. Cependant, à plusieurs reprises,
le décret demande de la prudence.
Les
catholiques doivent aussi reconnaître les richesses chrétiennes qui se trouvent
chez les frères séparés.
Les
différents exercices œcuméniques
Le
décret nous donne les exercices classiques du mouvement œcuménique : la
conversion, la prière en commun, dit encore « œcuménisme spirituel », la connaissance mutuelle et la
formation (« œcuménisme intellectuel »).
Plus loin, il évoque l’ « œcuménisme
pragmatique », c’est-à-dire la collaboration des chrétiens dans des
œuvres sociales, charitables, etc.
Présentation
de la doctrine de la foi
S’il
demande que la présentation de la doctrine de la foi ne soit pas un obstacle au
dialogue avec les frères séparés en évitant notamment des termes polémiques,
le décret demande qu’elle soit exposée intégralement, sans « faux irénisme »(11). Il faut
utiliser « une manière de parler et
un langage qui soient facilement accessibles même aux frères séparés. »(11)
Les textes conciliaires en sont un parfait exemple.
Présentation
des frères séparés
Le
décret s’achève en présentant les deux catégories de frères séparés, les
Orientaux et les Protestants. Il souligne les biens qui se trouvent dans leurs
églises sans négliger les différences qui les séparent des Catholiques. Le but
est bien de « souligner certains
points qui peuvent et doivent servir de base et de point de départ au dialogue »(19).
C’est l’application des conseils donnés précédemment.
Conclusion
Conclusion
L’ « activité œcuménique ne peut être, en effet
que pleinement et sincèrement catholique, c’est-à-dire fidèle à la vérité reçue
des Apôtres et des Pères, et conforme à la foi que l’Église catholique a
toujours professée. »(24) Tout ne serait donc qu’objet de forme et
d’attitude. Mais le fond est-il vraiment dépendant de la forme ? Que
devient cet esprit œcuménique s’il n’est pas guidé par la prudence et la
vigilance ? Que devient le mouvement œcuménique quand le dialogue en
devient une fin ?
Essayons
loyalement d'examiner ce temps de dialogue. Au nom du mouvement œcuménique, des mots ont été censurés, des doctrines bâillonnées, des traditions bafouées. Des
gestes ont soulevé des cœurs et scandalisé des âmes. Des images demeurent encore vivaces dans nos mémoires. La
réalité est aujourd’hui terrible. Les années qui ont suivi le second concile de
Vatican font partie de ces années noires de l’Église, que les générations
futures regarderont certainement avec honte… Péché d’optimisme ?
Utopisme ? Naïveté ? Les textes conciliaires ont certainement manqué de rigueur et
de clarté. Il n’est pas bon d’être si équivoque et imprécis dans des domaines
si difficiles et importants. Le Saint Siège a aussi manqué de force
et d’autorité pour contrôler ce qu’il a naïvement ouvert. La prudence et la vigilance ont cruellement manqué…
Notes et références
[1] Voir Émeraude, juillet 2016, article "Le Concile de Vatican II: Lumen Gentium, source d'interrogation et d’inquiétude".
[1] Voir Émeraude, juillet 2016, article "Le Concile de Vatican II: Lumen Gentium, source d'interrogation et d’inquiétude".
[2]
Décret de Oecumenismo, Unitatis Redintegratio, texte latin
dans les Acta Apostolicae Sedis (1965) et dans les Constitutiones, Decreta,
Declarationes, traduction établie par le Secrétariat pour l’Unité des
Chrétien et publié par l’Observatore Romano (édition
française), le 11 décembre 1964 dans Vatican II, Les seize documents conciliaires,
nouvelle édition, édition Fides.
[3]
Voir Émeraude,
juillet 2016, article "Mouvement œcuménique expression "subsistit in" dans Lumen Gentium".
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