Léon XIII (1810-1903) |
Au XIXe siècle, le Pape
Léon XIII est sans-doute l’un des Papes les plus préoccupés par l’unité des Chrétiens
et plus précisément du retour des « frères
séparés » dans l’Église. Il définit en effet cette recherche comme une
de ses principales fins de son pontificat. « Vous savez assez qu'une part considérable de Nos pensées et de Nos
préoccupations est dirigée vers ce but : Nous efforcer de ramener les égarés au
bercail que gouverne le Souverain Pasteur des âmes, Jésus- Christ. »[1] Puisque,
rappellera-t-il l’année suivante, « le
désir manifeste du Christ est de réunir tous les hommes en un seul bercail sous
un seul pasteur. »[2] Ainsi pour
travailler efficacement à la réconciliation des Chrétiens, Léon XIII rappelle
la doctrine de l’Église catholique sur ce sujet dans l’encyclique Satis
Cognitum le 29 juin 1896. Notre article a pour but de la présenter
rapidement.
Après avoir rappelé
la nature de l’Église selon la doctrine catholique, Léon XIII démontre que
l’Église est constituée une par la volonté même de son fondateur, Notre
Seigneur Jésus-Christ, afin de fournir à tous les hommes les moyens dont ils
ont besoin pour se sauver et se sanctifier. Notre Sauveur a en outre institué
l’Église de manière à maintenir cette unité en dépit des hérésies et des
schismes qui, pour des motifs de foi ou d’obéissance, excluent des chrétiens de
l’Église. Il en conclut que s’il faut travailler pour réconcilier les Chrétiens,
faut-il avant tout se tourner vers Celui qui l’a instituée et continue à la
protéger afin d’entendre la volonté de Dieu. Léon XIII puise la doctrine dans
la Sainte Écriture, dans les Pères de l’Église et dans les décisions des
conciles.
Contexte
Situons d’abord l’encyclique
Satis
Cognitum dans son contexte. Rappelons que le Pape Léon XIII est très
soucieux de réintégrer les « frères
séparés » dans l’Église catholique. Au cours de son pontificat, trente-deux
documents sont consacrés à ce sujet. En 1895, il institue la neuvaine de
prières en faveur de l’unité des Chrétiens. Il est aussi un ardent artisan pour
le rapprochement de l’Orient chrétien. Mais une tentative de retour des
orthodoxes dans l’Église catholique aboutit à un échec. On étudie aussi la
possibilité de la réintégration des anglicans. Dans la lettre Ad
Anglios, le Pape soutient cette initiative avec un ton généreux et
tendre mais rapidement, il se heurte à la validité des ordinations
anglicanes. Une commission pontificale est mise en place pour étudier la
question. Le 13 septembre 1896, l’encyclique Apostolici Curae leur donnera
une réponse défavorable. La tentative échoue…
Le milieu
protestant connaît aussi un fort mouvement d’union, en particulier dans la
jeunesse et dans le monde missionnaire. En 1895, naît la Fédération
universelle des associations chrétiennes d’étudiants en Suède. En 1896,
est créée la Conférence continentale des missions qui réunit environ 160
sociétés évangéliques. Des hommes travaillent en faveur du mouvement œcuménique
protestant. Nous pouvons notamment citer Nathan Söderblom,
archevêque d’Upsal, primat de l’Église luthérienne de Suède (1866-1931) et
encore Charles Brent (1862-1919), futurs fondateurs respectifs des mouvements
Life and Work et Faith and Order, qui donneront naissance en 1948 au Conseil
Œcuménique des Églises. Enfin, de manière isolée, des hommes appellent à
l’unité des Chrétiens et définissent une doctrine de réconciliation. Vladimir
Soloviev (1858-1900) ou Ignace von Döllinger (1799-1890) en sont des exemples.
La
fin du XIXe siècle est donc marquée par de véritables mouvements tant chez les
catholiques que chez les protestants pour l’unité des Chrétiens mais selon des principes
et des doctrines différentes. Le moment est en effet opportun pour que la
doctrine catholique sur l’unité de l’Église soit clairement définie.
La Nature de l’Église
L’Église n’est pas
uniquement soit une chose invisible, cachée, insaisissable, soit une
institution purement humaine, munie d’une organisation, d’une discipline, de
rites. La considérer selon un seul de ces aspects est une erreur. Elle est
invisible et visible. Elle est comme tout homme qui, par nature, est constitué
de l’union d’une âme et d’un corps, d’un élément visible et d’un élément
invisible. Notre Seigneur Jésus-Christ est une seule personne en deux natures,
l’une divine, l’autre humaine, l’une invisible, l’autre visible. « C'est pour toutes ces raisons que l'Église,
dans les saintes lettres, est si souvent appelée un corps, et aussi le corps du
Christ. Vous êtes le corps du Christ. Parce que l'Église est un corps, elle est
visible aux yeux ; parce qu'elle est le corps du Christ, elle est un corps vivant,
actif, plein de sève, soutenu qu'il est et animé par Jésus-Christ qui le
pénètre de sa vertu à peu près comme le tronc de la vigne nourrit et rend
fertiles les rameaux qui lui sont unis. Dans les êtres animés, le principe
vital est invisible et caché au plus profond de l'être, mais il se trahit et se
manifeste par le mouvement et 1’action des membres : ainsi le principe de vie
surnaturelle qui anime l'Église apparaît à tous les yeux par les actes qu'elle
produit. »
L’Église est le
corps du Christ animé de sa vie surnaturelle. Elle n’est ni le corps en
lui-même, ni la vie surnaturelle en elle-même. Elle en est l’union. « Son corps mystique n'est la véritable Église
qu'à cette condition, que ses parties visibles tirent leur force de leur vie
des dons surnaturels et des autres éléments invisibles ; et c'est de cette
union que résulte la nature propre des parties extérieures elles-mêmes. »
Ainsi « cette réunion d'éléments
visibles et invisibles étant, par la volonté de Dieu, dans la nature et la
constitution intime de l'Église, doit nécessairement durer autant que durera l'Église
elle-même. »
L’Église est une par nature
L’unité de l’Église
est incontestable pour un chrétien tant les témoignages de la Sainte Écriture
sont multiples. La difficulté réside plus dans la nature de cette
unité. « Quand il s'agit de
déterminer et d'établir la nature de cette unité, plusieurs se laissent égarer
par diverses erreurs. » Pour savoir ce que signifie réellement l’unité
de l’Église, il faut se tourner vers Notre Seigneur Jésus-Christ, son Fondateur.
« Il faut rechercher non pas de quelle
façon l'Église pourrait être une, mais quelle unité a voulu lui donner son
Fondateur. »
« Qu'a cherché, qu'a voulu Jésus-Christ
Notre-Seigneur dans l'établissement et le maintien de son Église ? Une seule
chose : transmettre à l'Église la continuation de la même mission, du même
mandat qu'il avait reçu lui-même de son Père. C'est là ce qu'il avait décrété
de faire, et c'est ce qu'il a réellement fait. » Or sa mission réside
dans le salut de tous les hommes, sans aucune distinction dans l’espace ni dans
le temps. « La mission de l'Église
est donc de répandre au loin parmi les hommes et d'étendre à tous les âges le
salut opéré par Jésus-Christ, et tous les bienfaits qui en découlent. »
D’où la nécessité qu’elle soit une dans toute l’étendue du monde et dans toute
la durée du temps.
L’Église est
indivisible
L’Église n’est pas
constituée comme une formation de plusieurs communautés se ressemblant. « Si nous examinons les faits, nous
constaterons que Jésus-Christ n'a point conçu ni institué une Église formée de
plusieurs communautés qui se ressembleraient, par certains traits généraux,
mais seraient, distinctes les unes des autres, et non rattachées entre elles
par des liens, qui seuls peuvent donner à l'Église l'individualité et l'unité
dont nous faisons profession dans le symbole de la foi : Je crois à l'Église
une. »
L’Église n’est pas
un ensemble de membres séparés et dispersés. Ce corps est d’abord uni à un chef,
Notre Seigneur Jésus-Christ. C’est un corps hiérarchique, dirigée. Puis ses
membres sont unis et liés comme ceux de notre propre corps. Tout membre qui en
est détaché n’appartient plus au corps et meurt. Ainsi « quiconque se sépare d'elle, s'éloigne de la
volonté et de l'ordre de Jésus-Christ Notre-Seigneur, il quitte le chemin du
salut, il va à sa perte. »
« Celui qui a institué l'Église unique, l'a
aussi instituée une : c'est-à-dire de telle nature, que tous ceux qui devaient
être ses membres fussent unis par les liens d'une société très étroite, de
façon à ne former tous ensemble qu'un seul peuple, un seul royaume, un seul
corps. » Notre Seigneur Jésus-Christ rapproche cette unité à sa propre
union avec son Père. Reprenant les paroles de Saint Cyprien, Léon XIII rappelle
l’unité de charité entre les membres de l’Église.
L’unité de la foi
Mais il ne peut y
avoir d’unité de cœur sans unité d’intelligence d’où découleront l’harmonie des
volontés et l’accord des actions. « La
foi est le premier de tous les liens qui unissent l'homme à Dieu et c'est à
elle que nous devons le nom de fidèles ». Tel est l’enseignement clair
de Saint Paul qui condamne toute division dans les esprits et les sentiments.
Léon XIII voit la
division dans les interprétations diverses et différentes de la Sainte Écriture
tant à cause de la difficulté de sa lecture que dans la diversité des esprits
et du trouble que causent les passions. « Des différences d'interprétations naît nécessairement la diversité des
sentiments : de là des controverses, des dissensions, des querelles, telles
qu'on en a vu éclater dans l'Église dès l'époque la plus rapprochée de son
origine. »
L’Église
enseignante
Si la doctrine de
Notre Seigneur, dont une grande partie est consignée dans la Sainte Écriture,
est nécessaire pour unir les esprits et maintenir l’accord des sentiments, elle
ne suffit pas. Toujours en remontant aux origines du christianisme,
c’est-à-dire à la volonté de Notre Seigneur Jésus-Christ, Léon XIII expose
l’autre principe indispensable pour l’unité dans la foi qu’Il a voulu établir.
Notre Seigneur
Jésus-Christ a envoyé ses Apôtres répandre son enseignement. Quiconque les
entend L’entend. Celui qui refuse d’y adhérer n’adhère plus à son propre
enseignement. Ils sont aussi munis de la même puissance que leur Maître,
accomplissant de véritables prodiges. Enfin, Notre Seigneur Jésus-Christ leur
assure sa protection de manière permanente. « Dans l'accomplissement de cette grande mission, il a promis d'être avec
eux, et cela non pas pour quelques années ou quelques périodes d'années, mais
pour tous les temps ».
Mais « comment tout cela eut-il pu se réaliser dans les seuls Apôtres que leur condition d'hommes assujettissait à la loi suprême de la mort ? » Comment l’Église aurait pu survivre à leur disparition ? D’où l’institution d’un magistère transmissible de génération en génération. Les Apôtres ont ainsi ordonné leurs successeurs « Il est donc vrai que de même que Jésus-Christ, a été envoyé par Dieu, et les Apôtres par Jésus-Christ, de même les évêques et tous ceux qui ont succédé aux Apôtres, ont été envoyés par les Apôtres. » Une chaîne interrompue …
Il y a donc une
double nécessité « que d'une
façon permanente subsiste, d'une part, la mission constante et immuable
d'enseigner tout ce que Jésus-Christ a enseigné lui-même ; d'autre part,
l'obligation constante et immuable d'autre part de professer toute la doctrine
ainsi enseignée ». Ainsi l’Église a le devoir de garder intègre la foi
qu’elle a reçue et qu’elle transmet. Elle est donc dans la nécessité de
dénoncer les erreurs et d’exclure ceux qui les répandent. « Telle a été toujours la coutume de l'Église,
appuyée par le jugement unanime des saints Pères, lesquels ont toujours regardé
comme exclu de la communion catholique et hors de l'Église quiconque se sépare
le moins du monde de la doctrine enseignée par le magistère authentique. »
Ainsi dans le
domaine de la doctrine, l'Église
a une double tâche : « enseigner
la religion, combattre sans relâche l'erreur »[3] afin de garder la pureté
de la foi.
L’institution du
Magistère
Rappelant que
l’unité de charité ne peut subsister sans celle de la foi, et reprenant le
témoignage de Saint Paul et des Pères de l’Église, Léon XII conclut que « Jésus-Christ a institué
dans l'Église un magistère vivant, authentique et de plus, perpétuel, qu'il a
investi de sa propre autorité, revêtu de l'esprit de vérité, confirmé par des
miracles, et il a voulu et très sévèrement ordonné que les enseignements
doctrinaux de ce magistère fussent reçus comme les siens propres. »
L’unité de foi ne
consiste pas à accepter tel ou tel enseignement selon notre propre jugement
« car ceux qui ne prennent de la
doctrine chrétienne que ce qu'ils veulent, s'appuient sur leur propre jugement et
non sur la foi ». Ils obéissent plutôt à eux-mêmes qu’à Dieu. Il
s’agit d’adhérer à l’ensemble des vérités qui la constituent.
Comme la doctrine
enseignée a été confiée aux Apôtres pour la répandre
dans le monde entier au lieu de
l’abandonner au caprice et au jugement individuel de chacun, Notre Seigneur
Jésus-Christ les a aussi choisis pour accomplir le culte divin. « De même, de la même façon, ce n'est qu'aux apôtres et à leurs légitimes successeurs qu'il a ordonné de paître le
troupeau, c'est-à-dire de gouverner avec autorité tout le peuple chrétien, lequel est en conséquence obligé,
par le fait
même à leur être soumis et obéissant. »
La vocation de l’Église
« Ainsi Jésus-Christ a appelé tous les hommes sans exception, ceux qui
existaient de son temps, et ceux qui devaient exister dans l'avenir, a le
suivre comme chef et comme Sauveur, non seulement chacun séparément, mais tous
ensemble, unis par une telle association des personnes et des cœurs, que de
cette multitude résultat un seul peuple légitimement constitué en société : un
peuple vraiment uni par la communauté de foi, de but, de moyens appropriés au
but, un peuple soumis à un seul et même pouvoir. » Ainsi instituée
pour servir de guide vers le ciel à tout homme, l’Église a été constituée en
société. Elle est une société divine par son origine et humaine par ses
membres, unis entre eux.
Unité de gouvernement
Or quel organisme ou
société peut se maintenir sans gouvernement, sans tête ? Que serait en
effet le corps sans la tête ? « De
même que l'Église pour être une en tant qu'elle est la réunion des fidèles requiert nécessairement l'unité de foi, ainsi pour être une en tant qu'elle,
est une société divinement constituée, elle requiert de droit divin l’unité de
gouvernement, laquelle produit et comprend l’unité de communion. » Il
existe deux types de relations dans l’Église : les liens qui relient les
membres entre eux et ceux qui les relient à celui qui la dirige.
Notre Seigneur Jésus-Christ
continue à diriger et à protéger l’Église. Mais comme cette dernière est
visible, elle a aussi besoin d’un chef visible comme nous avons besoin de prêtre
pour administrer les sacrements alors que le véritable prêtre est Notre
Seigneur Jésus-Christ. « Comme il
ne devait pas rester avec tous les fidèles par sa présence corporelle, il a
choisi des ministres par le moyen desquels il pût dispenser aux fidèles les
sacrements. […] De la même
façon, parce qu'il devait soustraire à l'Église sa présence corporelle, il a
donc fallu qu'il désignât quelqu'un pour prendre à sa place le soin de l'Église
universelle.» Ainsi avant son Ascension, Notre Seigneur Jésus-Christ a
choisi Saint Pierre pour paître ses brebis, c’est-à-dire les diriger. C’est à
lui seul qu’effectivement Il a confié cette charge. Saint Pierre est alors devenu
la pierre sur laquelle est bâtie l’Église.
« Le rôle de Pierre est donc de supporter l'Église et de maintenir en
elle la connexion, la solidité d'une cohésion indissoluble. » Il
détient bien un pouvoir de juger, de défendre, de commander. « Une primauté d'honneur ou encore le pouvoir
si modeste de conseiller et d'avertir, qu'on appelle pouvoir de direction, sont
incapables de prêter à aucune société humaine un élément bien efficace d'unité
et de solidité. » Comme Notre Seigneur Jésus-Christ l’a affirmé, rien
ne pourra détruire l’Église. Elle résistera à tous ses ennemis et ses épreuves.
« Si Dieu a confié son Église à
Pierre, c'est donc afin que ce soutien invisible la conservât toujours dans
toute son intégrité. Il l'a donc investi de l’autorité nécessaire. » Notre
Seigneur lui a en effet donné les clés du Royaume, « insigne ordinaire de l’autorité ». Saint Pierre est aussi
préposé comme pasteur au profit des brebis. « Puisque Pierre a été préposé comme pasteur au troupeau des fidèles, il
a reçu le pouvoir de gouverner tous les hommes pour le salut desquels
Jésus-Christ a répandu son sang. »
Or pour perpétuer la charge
de Saint Pierre, sa puissance a été transmise à ses successeurs. « Cette autorité faisant partie de la
constitution et de l'organisation de l'Église comme son élément principal,
puisqu'elle est le principe de l'unité, le fondement de la sécurité et de la
durée perpétuelle, il s'ensuit qu'elle ne pouvait en aucune façon disparaître
avec le bienheureux Pierre mais qu'elle devait nécessairement passer à ses
successeurs et être transmise de l'un à l'autre. » Ainsi les
successeurs de l’Apôtre sont aussi les chefs de l’Église comme successeurs
légitimes de Saint Pierre. « Dans la
personne du bienheureux Pierre, a été donné par Notre Seigneur Jésus-Christ le
plein pouvoir de paître, de régir et de gouverner l'Église universelle. »
Mais « si la puissance de Pierre et de ses
successeurs est pleine et souveraine, il ne faudrait cependant pas croire qu'il
n'y en a point d'autre dans l'Église. Celui qui a établi Pierre comme fondement
de l'Église a aussi choisi douze de ses disciples, auxquels il a donné le nom
d'Apôtres ». Et pour les perpétuer à leur tour, les évêques, en leur
qualité de successeurs des Apôtres, ont leurs pouvoirs. Cependant, leur
autorité est différente de celle de Saint Pierre et des Papes. Elle n’est
« ni pleine, ni universelle, ni
souveraine ». Mais « on ne
doit pas cependant les regarder comme de simples vicaires des Pontifes romains,
car ils possèdent une autorité qui leur est propre, et ils portent en toute
vérité le nom de prélats ordinaires des peuples qu'ils gouvernent. »
La primauté du Pape
Or si le Pape et les évêques
ne sont pas unis, il est difficile de garantir bien longtemps les liens entre
les Chrétiens. « Si ce lien se
dénoue, le peuple chrétien lui-même n'est plus qu'une multitude qui se dissout
et se désagrège, et ne peut plus en aucune façon former un seul corps et un
seul troupeau. »
Finalement, pour donner à
l’Église « l'unité de foi, de
gouvernement, de communion », Dieu « a choisi Pierre et ses successeurs pour établir en eux le principe et
comme le centre de l'unité. » Les évêques sont donc soumis au Pape et
lui doivent obéissance sans quoi ils se dispersent dans la multitude et la
confusion. « Et pour conserver l’unité
de foi et de communion telle qu'il la faut, ni une primauté d'honneur ni un
pouvoir de direction ne suffisent ; il faut absolument une autorité véritable
et en même temps souveraine, à laquelle obéisse toute la communauté. »
Mais comme le précise Léon
XIII, l’autorité du Pape ne se limite pas en chacun des évêques, pris
isolément. L’Église universelle n’est pas contenue dans les églises locales.
« Celui qui possède les clés du
royaume a évidemment droit et autorité, non seulement sur les provinces isolées,
mais sur toutes à la fois ; et de même que les évêques, chacun dans son
territoire, commandent avec une véritable autorité ; non seulement à chaque
particulier, mais à la communauté entière, de même les Pontifes romains, dont
la juridiction embrasse toute la société chrétienne, ont toutes les parties de cette société, mêmes réunies ensemble, soumises et obéissantes à leur pouvoir. »
Car « Jésus-Christ Notre Seigneur,
Nous l'avons déjà assez dit, a donné à Pierre, et à ses successeurs la charge
d'être ses vicaires et d'exercer perpétuellement, dans l'Église le même pouvoir
qu'il a exercé lui-même durant sa vie mortelle. » Ainsi « l'autorité du Pontife romain est souveraine,
universelle et pleinement indépendante : celle des évêques est limitée d'une
façon précise et n'est pas pleinement indépendante. » Leur autorité
étant de degré inégale, il n’y a pas ni confusion ni trouble.
L’appel à la Tradition
La doctrine que donne Léon
XIII n’est pas une invention du Pape. Il s’appuie sur la Sainte Écriture, sur les
Pères de l’Église et enfin sur des décisions de conciles régionaux et
œcuméniques.
Ses propos comme son
interprétation de la Sainte Écriture s’appuient sur certains Pères de l’Église
de l’Orient et de l’Occident. Nous pouvons noter Origène, Saint Grégoire de
Nazianze, Saint Jean Chrysostome, Saint Irénée de Lyon, Tertullien, Saint
Cyprien de Carthage, Saint Hilaire de Poitiers, Saint Léon le Grand, Saint
Augustin, Optat de Milève, Saint Jérôme, … Il cite aussi le Concile de
Chalcédoine, le IIIème Concile de Constantinople, le IVème Concile de Latran,
IIème Concile de Lyon et le 1er Concile de Vatican.
Léon XIII n’innove pas. Il
définit ce qu’ont rappelé les Pères de l’Église et les Conciles, c’est-à-dire à
partir de la Tradition.
Notre Seigneur Jésus-Christ
est venu sauver tous les hommes sans exception. L’Église, qu’il a fondée, a
pour vocation de perpétuer sa mission, dans le temps et l’espace, à l’égard de
tout homme sans aucune discrimination. Mais si elle est constituée de membres
divers, l’Église forme un seul et unique corps dont le chef est Notre Seigneur
Jésus-Christ. Les membres sont liés entre eux comme ils sont liés au chef. L’unité
se fonde ainsi sur l’unité de charité, de foi et de gouvernement. Pour
perpétuer sa mission rédemptrice, Notre Seigneur Jésus-Christ a donné à
l’Église les moyens de garantir son unité tout en lui assurant une protection
jusqu’à la consommation des siècles. Les fondements reposent sur les Apôtres et
ses successeurs et plus spécialement sur le Pape.
L’unité de l’Église n’est donc
ni une finalité, ni un but à atteindre. Elle a été fondée et demeure une par
nature. Il est donc inutile de vouloir rechercher ce qui existe déjà. Le seul
but que nous pouvons nous fixer est donc d’unir les Chrétiens ou plus
précisément de les unir dans l’Église, c’est-à-dire de réintégrer ceux qui n’y
sont pas ou qui l’ont quittée, et d’affermir ceux qui y sont. Le mouvement
œcuménique catholique passe donc par leur réintégration et leur maintien dans
l’Église. Et cette unité ne peut subsister que s’il y a unité de foi et de
gouvernement, s’il y a adhésion à son enseignement et à son chef visible, s’il
n’y a plus d’hérésie ou de schisme.
Telle est en quelques mots la
doctrine claire qu’expose Léon XIII. Tout en répondant à des besoins
spécifiques, liés à une époque précise, le Pape définit ce que l’Église a
toujours enseigné. Il est particulièrement soucieux de montrer qu’elle est bien
tirée de la Sainte Écriture et de la Sainte Tradition. Il transmet
finalement l’enseignement qu’il a reçu…
Notes et références
[1] Léon XIII, Encyclique Satis Cognitum sur l’unité de l’Église, le 29 juin 1896, trad. officielle du R. P. Tiandreau, dans Lettres apostoliques de Sa Sainteté Léon XIII, tome IV, A. Roger et F. Chernoviz, éditeurs, www.liberius.net.
[1] Léon XIII, Encyclique Satis Cognitum sur l’unité de l’Église, le 29 juin 1896, trad. officielle du R. P. Tiandreau, dans Lettres apostoliques de Sa Sainteté Léon XIII, tome IV, A. Roger et F. Chernoviz, éditeurs, www.liberius.net.
[2] Léon
XIII, Lettre encyclique Divinum Illud Munus sur
le Saint-Esprit, 9 mai 1897,
Introduction
[3] Léon
XIII, encyclique Aeterni Patris sur la philosophie chrétienne, 4 août 1879, Libreria
Editrice Vaticana
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