" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 22 juillet 2017

Le Concile de Trente, une véritable leçon d'une vraie réforme

Dans la cathédrale de Trente, un évêque en chape et mitre est à genoux en terre. Il regarde le grand autel d’un air étonné et joyeux. Un autre pleure, assis, les mains sur le visage. À ses côtés, un autre prélat chante un psaume avec allégresse. D’autres crient de toutes leurs forces. Une église vibre ainsi au grès des acclamations et des louanges. Nombreux sont en larmes. Puis, aux premières paroles d’un Te Deum solennel, toute la cathédrale se met à chanter comme une seule voix. Enfin, les dernières paroles dissipées, le cardinal Morone bénit lentement l’assemblée d’un signe de croix et dit une dernière fois « Révérendissimes Pères, allez en paix. » C’est par ces mots que le concile de Trente se termine ...

Après la publication des derniers décrets dogmatiques et réformateurs, le cardinal Girolamo Morone (1509-1580) se lève et d’une voix solennelle s’adresse à l’assemblée des prélats :  « Illustrissimes Seigneurs et Révérendissimes Pères, vous plaît-il qu’à la louange Dieu Tout-Puissant, on mette fin à ce saint concile œcuménique et que pour l’ensemble et le détail de ce qui a été par lui décrété et défini sous les Pontifes romains Paul III et Jules III, d’heureuse mémoire, et de notre saint Seigneur Pie IV, confirmation soit demandée au bienheureux pontife romain au nom de ce saint synode par les légats et présidents ? »[1] Commencé en 1545, plusieurs fois interrompu, sous une menace persistante, le concile a débuté à Trente, puis s’est poursuivi à Bologne pour y revenir et s’achever en 1563. En dépit de cette longue histoire, le concile de Trente ne forme qu’un seul et unique concile.

À l’appel de son nom, chaque évêque répond par un « placet », approuvant ainsi le décret de clôture. Lorsque le dernier achève une très longue série, le cardinal Morone peut être satisfait. Sa joie est certaine. Sur son visage, nous pouvons lire une paix sereine et profonde. Sa tâche n’a pas été facile. Des légats pontificaux en sont morts d’épuisement ou de découragement.


Nous l’imaginons songeur. Pense-t-il aux longues négociations que Paul III a du mener pour ouvrir ce concile pourtant tant désiré ? En tant que nonce, le Pape l’a envoyé à Vienne pour annoncer au roi de Bohême et de Hongrie la convocation du concile. Il a aussi participé au vain colloque de Ratisbonne où catholiques et protestants ont cherché à conclure un compromis. Après cet échec, il a été envoyé à la diète de Spire auprès des évêques en Allemagne pour promouvoir le concile et le faire accepter. Il se souvient de ces deux longues années au château de Saint-Ange où suspect d’hérésie, il a été emprisonné avant d’être innocenté. Songe-t-il alors à Paul IV aux mesures radicales ? Vouloir corriger les abus de manière si intransigeante et implacable n’a fait que soulever l’indignation et la colère ! Ou se souvient-il plutôt de cette attente interminable à Trente, où légat, il est chargé d’ouvrir un concile sans participant et finalement de le suspendre avant même qu’il ne commençât ? Se souvient-il encore de ce jour de mars 1563 où Pie IV le désigne pour remplacer un des légats décédé alors que le concile est enlisé dans une profonde division. À son tour, mais avec une plus grande diplomatie et habilité, il assume la lourde charge de diriger une assemblée nombreuse. Il réussit à mener les débats jusqu’à leurs termes, évitant les ruptures et réduisant les oppositions. Le cardinal Morone peut se rappeler de cette aventure aux multiples péripéties. Il est l'un des acteurs qui ont sauvé le concile. Quelle joie doit-il éprouver en ce jour où les Pères conciliaires acceptent enfin sa clôture !

« Je ne saurai dire ce que fut la joie spirituelle de tous, leur gratitude envers Dieu, leur action de grâce, lorsque le concile tint sa séance ultime. […] Un déchaînement d’acclamations et d’applaudissements stupéfiant en l’honneur du Pape, marque cette dernière séance »[2] Pie IV peut aussi être fier d’avoir été l’un des instruments de cette œuvre qui s’avèrera décisive. Selon l’avis unanime des commentateurs, le concile de Trente a permis à l’Église catholique de renaître et de s’affermir. « Tout fut fait par l’inspiration de Dieu », répond-il à ceux qui le félicitent de ce succès.

Pensons à ces prétendus réformateurs, qui rient de ce concile jugé inutile et vain. Profitant de la crise qui touche et blesse profondément l’Église, ils développent un nouvel esprit chrétien, fondent une nouvelle religion chrétienne, la divisant en de multiples églises rivales. Pour lutter contre les abus qui ravagent l’Église, ils trouvent comme seul remède l’affirmation de nouvelles doctrines et la suppression de nombreuses pratiques religieuses, objets de déviation. On propose de supprimer le malade pour détruire la maladie ! La rupture est leur solution, la nouveauté, le remède. L’un s’appuie sur son expérience religieuse, l’autre sur une logique implacable. Sentiment et raison, de là sortira la « réforme ». L’Église catholique a choisi une autre solution, celle d’affirmer sa foi et de se débarrasser des abus tout en restant fidèle à elle-même.

La lutte contre les abus

Saint François de Salles
Regardons d’abord les décrets de réforme. Les principales règles disciplinaires consistent en grande partie à supprimer toutes les dispenses et les privilèges qui nuisent à l’autorité de l’évêque, y compris celles provenant des Papes et de la curie romaine. Ses principales tâches sont alors d’identifier les abus, d’« innover »[3] les décrets et décrétales en vigueur, de les préciser et de les renforcer. Les Pères conciliaires corrigent aussi des textes législatifs anciens qui eux-aussi remettent en cause l’autorité des évêques ou affaiblissent la discipline. Le concile de Trente tient donc à supprimer tous ces abus, quelle que soit leur origine, en remettant en vigueur nombre de décrétales et en les appliquant, avec parfois plus de sévérité. Ainsi, la réforme catholique ne s’appuie pas sur des dispositions révolutionnaires. Le concile invente rarement une disposition nouvelle. Pour s’opposer aux abus, il n’a pas cherché à supprimer l’objet de cet abus mais sa véritable cause tout en maintenant les principes traditionnels.

Les Pères conciliaires sont aussi conscients que les décrets doivent être applicables pour être appliquées. Règle fondamentale souvent oubliée de nos jours ! Nombre de points étaient déjà définis dans le droit antérieur mais ils se sont montrés insuffisants et leur application déficiente. L’une des décisions les plus pratiques a consisté à créer des séminaires. À quoi bon de demander que les prêtres soient à la hauteur de leur charge s’ils ne sont pas formés ? Les textes sont aussi suffisamment précis et clairs pour qu’ils ne soient pas que de simples principes soumis à diverses interprétations. Dans les décrets, ils rappellent d’abord leur intention puis prévoient tous les cas d’application afin d’en identifier les obstacles. N’oublions pas que les Pères conciliaires font aussi partie de ceux qui les appliqueront. Ils sont donc nécessairement réalistes et pragmatiques. Ainsi le concile définit sérieusement des points de discipline à observer. Il prévoit leur organisation et leur contrôle, sans oublier les sanctions en cas d’infraction. Remarquons une plus grande sévérité dans les peines. Le temps de la tolérance, de l’indulgence ou de l’indifférence est nettement terminé…

Saint Vincent de Paul


Nous pouvons alors être surpris par l’ampleur de la tâche entreprise ainsi que par la diversité des sujets débattus. Il est clair que le concile a cherché à « souligner l’importance du rôle des évêques, responsable en dernière analyse du bon ordre à faire respecter dans le fonctionnement normal des institutions. »[4] Les Pères conciliaires, aidés des canonistes, définissent les dispositions qui permettent aux évêques d’exercer leur charge en leur donnant les moyens. Le soin de l’âme n’est pas seulement souligné dans les textes. Elle se trouve réalisable sans les restrictions que de nombreuses institutions parasitaires ont apportées au cours du temps. Le concile de Trente constitue ainsi solidement le fondement essentiel de l’œuvre réformatrice.

Un exemple de décret disciplinaire

Prenons un exemple. Après avoir longuement traité de la messe sous l’aspect dogmatique, les Pères conciliaires s’attaquent aux abus concernant sa célébration. Ils cherchent à poursuivre tous les abus existants et à les condamner, puis définit les moyens pour les réprimer.

Le concile est conscient que des pratiques incompatibles se sont introduites dans la célébration de la messe. À partir d’une enquête menée par sept Pères désignés, on définit un catalogue de fautes, de négligence et de laisser-aller de la part des célébrants et des participants selon un classement par chapitre (célébration, habits, lieu et temps, tenue de l’assistance). Ce compendium logiquement constitué a pour but d’éveiller la responsabilité des évêques sur les principaux problèmes liés aux honoraires puis à la dignité religieuse de la célébration tant de l’officiant que de l’assistance. Il dénonce la cupidité, l’irrévérence et la superstition.

À partir du compendium, un premier projet de décret est établi et soumis aux discussions. Deux attitudes s’opposent. Certains Pères conciliaires veulent simplement exciter chez les évêques le sens de leur devoir. Ils doivent s’informer des abus qui règnent dans leur diocèse et les réprimer. Ils veulent ainsi se remettre aux évêques. D’autres veulent une législation détaillant les fautes et les sanctions. Un premier projet insiste finalement sur la responsabilité des évêques et leur devoir de veiller et de sanctionner. Il sera finalement voté sans peine.

Le texte comprend un préambule et onze articles. La volonté du concile est clairement exprimée dans les premières lignes : le saint sacrifice de la messe exige « le maximum de pureté intérieure, de dévotion et de piété extérieures ». La définition dogmatique de la messe est en effet le fondement de la réforme disciplinaire. Les décrets dogmatiques et disciplinaires sont ainsi cohérents. Il demande alors aux évêques de remplir leur devoir.

Puis le décret dénonce les impiétés commises, les superstitions ou tout ce qui pourrait être cause d’exactions financières. Il accuse l’indignité du célébrant, du lieu et de la cérémonie. Pour s’y opposer, il met en place des règles pour garantir la dignité de la célébration et définit l’autorité de l’Église comme seule pouvant approuver les pratiques, cérémonies ou prières sans oublier les pratiques légitimées par leur ancienneté.

Le sérieux des débats dogmatiques

Pour comprendre l’œuvre que réalise le concile de Trente dans le domaine dogmatique, nous vous proposons aussi de nous pencher sur l’élaboration d’un des principaux décrets, celui de la justification, le texte fondamental du concile.

Les Pères conciliaires sont d’abord conscients de la difficulté de leurs tâches car aucun concile n’a encore traité ce sujet et peu de théologiens en ont parlé. Mais, ils savent que là réside une des thèses fondamentales de Luther. Elle est en effet au cœur des prétentions des luthériens. Ils ne veulent donc point simplement la condamner sans examen. Ils veulent la juger sans passion. De juin à décembre 1456, elle fera l’objet de longs et sérieux débats.

Selon les règles du concile, l’étude du sujet commence par l’exposé des théologiens mineurs devant les Pères conciliaires. Ils l’ont étudié selon l’orientation fournie par les prélats sous forme de questions. Elles reprennent les principales thèses des « réformateurs ». Pour répondre aux questions, trente-quatre théologiens mineurs prennent la parole en séance publique du 22 au 28 juin 1546. Les autorités qu’ils évoquent sont restreintes : deux passages du Nouveau Testament, les conciles de Milèves et d’Orange, et le rituel du baptême. Leurs discours ainsi que les débats montrent que le cœur du sujet tourne autour de l’état où la justification peut se réaliser. À partir de ce constat, un schéma est élaboré ainsi qu’une nouvelle liste d’erreurs.

Pendant que les Pères conciliaires discutent sur les états de justification, un projet de décret est proposé par des théologiens. Mais jugé trop scolaire et imparfait dans sa rédaction, il n’est pas approuvé. Séripando, le général des Augustins, élabore un nouveau projet. Plus cohérent, il différencie clairement la doctrine catholique de la doctrine luthérienne. Il fait d’abord l’objet d’un examen par les théologiens avant d’être discuté par des prélats. La doctrine dite de la double justification, que propose Séripando, oppose les thomistes et les scotistes. Le sujet est alors mis en examen aux théologiens toujours sous forme de questions élaborées par les Pères conciliaires. Les partisans de la doctrine restent toutefois minoritaires. La doctrine sera finalement rejetée…
Un troisième projet est élaboré, puis à partir de nouvelles propositions de modifications, un autre projet est encore présenté. Pour résoudre une nouvelle question, il est demandé aux théologiens de donner une interprétation d’un verset de Saint Paul. Les théologiens ne s'entendent pas, chacun défendant les opinions de leurs écoles. Le légat rappelle aux théologiens qu’ils doivent avant tout consulter les Pères et la tradition de l’Église. Un dossier patristique leur est même remis. L’étude de ce texte scripturaire fait ensuite l’objet du débat. L’interprétation donne lieu à un vote. Enfin, un cinquième puis un sixième projet sont rédigés. Après une étude minutieuse du dernier projet, le décret de la justification est unanimement approuvé.

Il est certainement fastidieux de rappeler les différents examens qui ont abouti au décret mais quel plus beau moyen pour montrer tout le soin que les Pères conciliaires ont pris pour définir clairement et sans malentendus la doctrine catholique de la justification ! « C’était, semble-t-il, la première fois qu’une assemblée conciliaire s’était donnée pour objet, non pas seulement de rechercher et de condamner des erreurs, mais d’étudier sous toutes ses faces, avec une ampleur aussi considérable dans la discussion, un problème doctrinal. »[5] Quelle différence avec les doctrines protestantes sorties d’une âme tourmentée ou d’une intelligence subtile !

Ainsi, après plusieurs mois de libre discussion, la doctrine catholique de la justification est ainsi clairement définie. Elle s’inspire de la doctrine augustinienne, se fonde sur la Sainte Écriture avec des versets de Saint Paul dont l’interprétation est définie, et sur les conciles africains unanimement reconnus. Elle est enfin « affermie par deux ou trois siècles de réflexion théologique. »[6]

La liberté des Pères conciliaires

Les Pères conciliaires n’ont pas pris en compte les opinions d’écoles, refusant de se prononcer dans les questions librement discutées. Ils veulent s’appuyer sur la Sainte Écriture, les décisions des anciens conciles, sur les Pères de l’Église. Ils refusent de cautionner des thèses encore en discussion. Il n’y a pas de liberté sans recul ni prudence.

S’ils ont joué un rôle important, les théologiens ne sont pas véritablement les auteurs des textes. Ils ont été sérieusement entendus sans qu’ils imposent leur point de vue. Les Pères conciliaires demeurent maîtres des débats, dirigent les travaux et maintiennent leur liberté de décisions.

Les Pères conciliaires laissent volontairement certaines imprécisions pour ne retenir que l’essentiel. Le but est clairement de définir la doctrine catholique et de la distinguer de la doctrine protestante sur les questions fondamentales que les protestants ont remises en cause, sans passion et avec sérieux. Il est donc erroné de rechercher dans les textes des réponses à d’autres questions.

Affermir clairement la foi

Saint Laurent de Brindes (1559-1619)
Avec les textes dogmatiques, le concile de Trente formule nettement ce qu’un catholique doit croire. L’Église catholique a en effet clairement exprimé sa profession de foi. Face aux multiples erreurs des protestants, elle les a examinées avec sérieux et rigueur puis identifier les points de sa foi menacés avant de les déterminer avec plus de précision et leur opposer la vérité, notamment sur les trois fondamentales remises en cause, c’est-à-dire sur les sources de la foi et bases de la doctrine, sur le rôle de la grâce et des œuvres, et sur les sacrements, spécialement l’Eucharistie.

Contre l’idée selon laquelle la Sainte Écriture seule suffit pour trouver la Révélation, par simple contact avec les textes sacrés, le concile rappelle que les deux sources de la foi sont la Sainte Écriture et la Tradition, égales en autorité et qu’elle-seule assure la mission enseignante et veille à leur parfaite intégrité. Contre l’individualisme protestant et le sentiment personnel, il oppose l’universalité et la catholicité de l’Église, et le principe d’autorité. C’est l’Église qui permet à chacun de tirer de la Sainte Écriture ce qu’ils en peuvent espérer, ce qu’il faut croire, ce qu’il ne faut pas croire.

Contre les doctrines de justification par la foi seule et de la double prédestination, le concile oppose le double rôle de la foi et des œuvres, le libre arbitre de l’homme et l’infinie bonté de Dieu, l’exigence de la coopération de l’homme à l’action de la miséricorde divine dans la justification. Cette dernière est considérée comme une régénération intérieure par laquelle l’homme devient fils de Dieu, et non pas une simple imputation des mérites du Christ. Sûr de son enseignement, il rappelle avec justesse que le dogme central du christianisme est la Rédemption, la charité du Christ, l’amour de Dieu et non la chute, le péché ou la terreur du châtiment divin. Le concile se montre ainsi plus optimiste que les protestants.

Contre les remises en cause des sacrements, le concile rappelle que Notre Seigneur Jésus-Christ n’a pas donné ses bienfaits en un temps et des circonstances fixes mais qu’Il est perpétuellement agissant dans ses sacrements, où l’action ineffable de la grâce rencontre la foi, l’élan et l’effort du fidèle pour le mener vers le salut. Ce ne sont pas seulement des aliments pour la foi des fidèles, des signes de foi comme disent les « réformateurs », ils contiennent réellement la grâce qu’ils signifient et ils la confèrent à ceux qui les reçoivent, à moins qu’ils n’y mettent obstacle par leurs mauvaises dispositions. Le concile définit chaque sacrement, son essence et son action. Aux diverses et multiples thèses protestantes sur l’Eucharistie, points de division dans le protestantisme, elle en donne une définition claire, précise, sublime. Sacrement offert aux hommes pour leur salut, il est aussi et avant tout un sacrifice offert à Dieu, ce que les protestants unanimes refusent d’admettre, un sacrifice qui, reproduisant celui du Calvaire, applique éternellement l’œuvre de la Rédemption. Elle proclame enfin le rôle central de la messe dans l’œuvre du salut.

Deux voies

Revenons aux origines du protestantisme. Depuis sa révolte, à partir de son sentiment religieux, Luther développe ses idées, allant d’audaces en audaces au fur et à mesure des résistances. De manière radicale, il impose une révolution dans la religion chrétienne, supprimant des pratiques pour cause d’abus et refusant toute autorité en matière religieuse. Ses discours enflammés provoquent de furieuses illusions et de véritables révoltes. Faute de cohérence et sujette à de nombreuses contradictions, son œuvre finit par enflammer les âmes et par jeter la société dans la violence. Les princes finissent par la prendre en main, définissant même ce que les chrétiens doivent croire.

Plus intellectuel que sentimental, Calvin élabore l’Institution de la religion chrétienne et d’une manière implacable, il impose une discipline et des pratiques religieuses à ses disciples. Conscient des fautes du Luther qui ont livré son église aux princes, il décide de soumettre l’autorité civile à la seule puissance religieuse, inventant ainsi la théocratie dans l’histoire du christianisme.

Saint Charles de Borromée
L’Église catholique a choisi une autre voie ou plutôt a suivi une voie qu’elle a menée depuis ses origines, celle du concile. Conscient des dangers et soucieux de combattre les abus, le concile de Trente a élaboré des décrets dogmatiques et disciplinaires après de longs travaux menés avec rigueur et sérieux, laissant aux Pères conciliaires toute liberté pour s’exprimer avec l’aide des théologiens et des canonistes. Les travaux sont menés dans le souci d’apporter une véritable réponse à la crise. Les décrets se caractérisent par leur clarté, leur fermeté et leur prudence. Dans le domaine dogmatique, le concile répond aux questions qu’ont soulevées les protestants en s’appuyant sur la Sainte Écriture et la Tradition et selon l’enseignement de l’Église, refusant de cautionner une opinion d’école. Dans le domaine disciplinaire, le concile renforce l’autorité des évêques afin qu’ils suppriment les abus, contrôlent et sanctionnent. Il combat avec fermeté les dispenses, les négligences, les fautes tout en rappelant les responsabilités de la hiérarchie. L’autorité de l’Église y est affirmée et consolidée. Ainsi aux thèses du protestantisme, le concile de Trente oppose l’Église.

Conclusion

Une Église ne naît pas du concile. Elle se ressaisie plutôt. Elle se relève certainement. Elle mobilise ses forces pour affronter la crise qui l’affecte. Le protestantisme n’est ni sa cible ni son véritable ennemi. Elle cherche avant tout à combattre les doutes et les hésitations, les abus et les négligences, les abandons dans le domaine tant dogmatique que disciplinaire. Elle cherche donc à s’attaquer aux véritables causes de la crise, c’est-à-dire à l’ignorance, à l’indiscipline, au laisser-aller du clergé. Elle définit clairement et fermement son enseignement sur les sujets qui méritent une plus grande précision. Elle rappelle au clergé ses responsabilités et ses devoirs. Elle lui donne aussi les moyens de s’élever. Elle renforce l’autorité des évêques. Elle réveille en lui le sens de la religion, notamment le sens du sacré. Elle rejette aussi l’influence du monde et des princes dans les affaires de l’Église. Le remède n’est pas révolutionnaire. Il est celui de toute réforme véritablement chrétienne. Elle rappelle le sens de la fidélité à Notre Seigneur Jésus-Christ tout en se dotant de moyens applicables pour l’assumer. Mais, n’oublions pas, « tout fut fait par l’inspiration de Dieu ». Aucune réforme n’est possible sans l’aide de Dieu…




Notes et références
[1] Concilium Tridentinum, IX, 1108, Diarorium, Actorum, Epistolarum, Tractatuum nova collectio, Fribourg, 1901, dans Histoire des conciles œcuméniques, Le Concile de Trente, 1561-1563, Tome XI, chapitre XII.
[2] Pelotti, dans L’Église de la Renaissance et de la Réforme, Une ère de renouveau : la réforme catholique, chap. II, Fayard, 1955.
[3] C’est-à-dire remettre en vigueur.
[4] Histoire des conciles œcuméniques, Le Concile de Trente, 1561-1563, Tome XI, chapitre XI.
[5] P. Cavallera, La session VI du concile de Trente, dans Bulletin de la littérature ecclésiastique, Toulouse, 1943 dans Histoire des conciles œcuméniques, Latran V et Trente,  Tome X, chapitre III.
[6] Histoire des conciles œcuméniques, Latran V et Trente,  Tome X, chapitre III.

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