Bien
plus tard, au IIIème puis au IVème siècle, l’Église est aussi menacée par des
hérésies en Afrique du Nord. Des schismes viennent également la frapper. Le
manichéisme ou le donatisme font des ravages dans les communautés chrétiennes.
Et eux-aussi prétendent être l’Église de Notre Seigneur Jésus-Christ. Pourtant,
l’Église est une, une par la foi, une par la charité. Comment donc distinguer
la vrai Église ? Comment des doctrines dissemblables et contradictoires peuvent-elles
en effet prétendre venir de Notre Seigneur Jésus-Christ ? Dieu serait-Il
changeant ou insensé ? Comment l’Église peut-elle être dirigée par des
têtes opposées dans un corps divisé ? Notre Seigneur Jésus-Christ peut-Il
être démembré, opposé à Lui-même ? Or toute société déchirée et opposée à
elle-même est vouée à la mort comme notre Maître nous l’enseigne. Il ne peut
donc avoir deux Églises de Notre Seigneur Jésus-Christ. Mais comment
reconnaître la vraie ? Telle est la question que se posent notamment Optat
de Milève et Saint Augustin.
Face
au Donatisme
L’Afrique
chrétienne a souvent été une terre de schisme. Au IVe siècle, le donatisme
continue de diviser les communautés chrétiennes. Le but de notre article n’est
pas de le définir. Nous l’avons déjà
fait dans un autre article [1]. Il est
important de savoir que Parmenianus, un des chefs des Donatistes, et Optat de
Milève [11], un défenseur de l’Église catholique, sont d’accord sur trois points :·
- l’Église est une et indivisible ;
- l’Église est une et indivisible ;
- le salut n'est possible que dans l'Eglise ;
- les hérétiques sont exclus de l'Eglise.
Comment distinguer les Catholiques et les Donatistes ? Lorsque l’hérésie est la source d’une division, il est plutôt facile de reconnaître celui qui quitte l’Église puisque l’Église se reconnaît par sa foi, qui est la foi catholique. Pourtant, cela n’est pas si simple puisqu’il faut définir la règle de foi. Nous en reparlerons plus loin. La question est assurément plus délicate pour deux parties qui se réclament de la même foi catholique. Comment savoir entre eux où est l’Église ?
- les hérétiques sont exclus de l'Eglise.
Comment distinguer les Catholiques et les Donatistes ? Lorsque l’hérésie est la source d’une division, il est plutôt facile de reconnaître celui qui quitte l’Église puisque l’Église se reconnaît par sa foi, qui est la foi catholique. Pourtant, cela n’est pas si simple puisqu’il faut définir la règle de foi. Nous en reparlerons plus loin. La question est assurément plus délicate pour deux parties qui se réclament de la même foi catholique. Comment savoir entre eux où est l’Église ?
Selon
Parmenianus, une épouse légitime se reconnaît par les biens que lui a constitués
son époux en l’épousant. Ainsi comme elle est l’épouse du Christ, la véritable
Église se reconnaît par les biens que Notre Seigneur Jésus-Christ lui a donnés. Parmenianus les appelle « dotes Ecclesiae ». Si les hérétiques n’ont pas ses biens, ils
ne sont pas l’Église. Optat trouve cet argument excellent. Il va même les
utiliser contre Parmenianus. Les « dotes
Ecclesiae » sont au nombre de six : la « cathedra », symbole de l’unité de
l’Église locale, l’évêque, l’Esprit, l’eau de la piscine baptismale et le
symbole baptismal, l’autel et enfin le sacerdoce.
Contrairement
à Parmenianus, qui considère les catholiques comme des hérétiques, Optat de
Milève voit chez les donatistes des schismatiques[4]. Il se
demande alors comment il est possible de différencier le schismatique du
catholique, les deux demeurant fidèles au dépôt de la foi.
Pour
Optat, le schismatique est celui qui a rompu avec l’Église visible. Il s’est
rebellé contre son autorité. Il est donc sorti volontairement de l’Église. Pour
montrer que les donatistes sont des schismatiques, il revient sur les origines
de l’affaire. Il rappelle notamment la condamnation qu’ils ont reçue de la part
des conciles régionaux, des autorités politiques et d’un concile de Rome. Une
sentence de l’Empereur rejette en outre la prétention des Donatistes. Ils ne
sont pas en effet l’Église puisque la « Catholica » est l’Église qui est répandue dans le monde
entier. Or leurs communautés ne se sont vraiment diffusées qu’en Afrique du
Nord. Cet argument sera souvent utilisé.
En
s’appuyant sur des décisions du concile de Rome, Optat considère l’Église
catholique comme la seule légitime d’abord « parce qu’elle est à Carthage l’Église historique, enracinée dans le
passé et remontant à l’origine » et « parce qu’elle fait partie intégrante de la catholicité totale »[5]. Deux
arguments montrent donc l’authenticité de l’Église locale : l’argument
apostolique et l’argument géographique, c’est-à-dire en un mot sa catholicité
temporelle (ou historique) et géographique, catholicité voulue par Dieu. Nous
avons déjà montré que la catholicité répond à la volonté de sauver tous les
hommes. Or l’église des Donatistes ne répond pas à ces deux critères. Elle ne
peut donc se présenter comme étant la vraie Église.
L’argumentation
d’Optat de Milève n’est pas nouvelle. Nous avons déjà vu dans une des lettres
de Saint Ignace d’Antioche, datée du IIe siècle. L’expression « Église catholique » a été employée par
opposition aux hérétiques. Elle est aussi présente dans le Fragmentum Muratorianum, un écrit rédigé vers 200. La Catholica
est aussi utilisée par le Pape Cornélius dans une lettre adressé à Saint
Cyprien, par Saint Cyprien et par un participant au concile de Carthage de 256.
Deux évêques de Rome opposent aussi aux Donatistes la catholicité de l’Église.
Une église limitée à un coin de l’univers ne peut prétendre être la véritable Église.
L’expression « Église catholique »
désigne donc bien l’Église de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le qualificatif
« catholique » est en
quelque sorte un marquant pour la distinguer des communautés et autres églises
qui prétendent être l’Église de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le terme de « Catholica » est même employé,
notamment par Optat mais surtout par Saint Augustin, comme synonyme d’Église. C’est
la « Catholica » qui
possède la vérité. C’est la mère qui enfante les chrétiens. Saint Augustin
développe l’image de la vigne dont nous devons craindre d’être retranchés pour
notre salut car un serment coupé n’a plus de vie. Il identifie « Catholica » et l’Église de Notre
Seigneur Jésus-Christ.
Rappelons
que, comme nous l’avons déjà évoqué[6], nous
entendons aujourd’hui la catholicité géographique au sens moral. L’Église a la
capacité de s’étendre partout. C’est sa vocation. Elle est surtout son objectif
final. Ainsi une communauté qui ne s’attache pas à la succession des apôtres et
demeure limitée moralement ne peut prétendre être l’Église.
Dans
son argumentation, Optat rappelle que Saint Pierre est le chef des Apôtres. Il
est le fondement de l’Église. Aucun des autres Apôtres ne peut élever sa
« cathedra » particulière
contre celle de Saint Pierre. La « cathedra
Petri » assure même l’union de tous les Apôtres. Elle sauvegarde
l’unité de l’Église. L’union à cette « cathedra »
est donc un argument en faveur de la légitimité de l’Église locale. Or le schismatique s’élève contre la « cathedra Petri ».
Après
Optat de Milève, Saint Augustin reprend le combat contre le Donatisme et tente
de résoudre la querelle. Il s’appuie fortement sur l’argumentation d’Optat de
Milève. Il utilise l’argument de la « cathedra
Petri » mais progressivement il l’abandonne au profit de l’argument de
la catholicité qui lui apparaît plus forte. Ne pas se rattacher à la racine
chrétienne qui se trouve dans les sièges qui remontent aux Apôtres, c’est être
retranché de la société chrétienne. Et sur les sièges apostoliques repose la
succession apostolique des évêques. Cependant, le siège de Rome a la
particularité d’être celle de Saint Pierre, qui est le premier des Apôtres, le
fondement de l’Église.
Saint
Augustin défend donc fermement que l’Église catholique est bien l’Église du
Christ. Pour résoudre le schisme, il propose à un évêque donatiste de se
rencontrer. Que dit-il à son interlocuteur ? Il faut chercher « quel différend, quelle cause initiale,
quelle raison, a introduit dans l’Église du Christ une si déplorable et
douloureuse scission ! »[7]
Aux
fidèles qui pourraient avoir peur de la situation, Saint Augustin les rassure
puisque la « Catholica » leur
est une assurance. Il est l’héritage du Christ contre lequel rien ne peut
s’opposer. Ils peuvent donc s’appuyer sur la promesse de Notre Seigneur
Jésus-Christ. Au-delà, rien n’est sûr…
Ainsi
contre le Donatisme et leurs prétentions de former la véritable Église, Optat
de Milève puis Saint Augustin utilisent trois arguments principaux : l’apostolicité,
la catholicité, temporelle et géographique, et la communion avec le siège de
Rome. Les Donatistes sont bien conscients de leurs faiblesses. Alors qu’en 313
les Donatistes se disaient catholiques, en 393 ils se réclament de l’Évangile.
Face
à l’hérésie
L’hérésie
consiste dans la négation formelle et obstinée d’une vérité de foi. Les
hérétiques « ont préféré s’acharner
à défendre leurs erreurs plutôt que de veiller à les corriger »[8]. Elle est
donc une erreur consciente commise contre la règle de foi. La question est donc
de savoir qui est l’autorité qui définit cette règle.
Aux
hérétiques, Saint Augustin affirme que l’Église catholique est bien la seule et
vraie Église de Notre Seigneur Jésus-Christ. Certes c’est une question de foi
mais cet article de foi peut s’appuyer sur des arguments de crédibilité. Elle a
pour elle la continuité par opposition à l’hérésie qui est toujours une
nouveauté. Cela nous renvoie au terme de catholicité au sens temporel. Nous
pouvons remonter en effet dans les temps jusqu’à l’origine, jusqu’au premier
qui a cru, jusqu’à Notre Seigneur Jésus-Christ en personne, auteur premier de
notre foi. Le nom « catholique »
est ainsi attribué à la foi de l’Église. La foi catholique est la foi des
apôtres et de tous ceux qui se rattachent par la succession de ses évêques
depuis que Notre Seigneur Jésus-Christ a fondé l’Église. L’authenticité de
l’Église catholique se prouve donc historiquement. L’Église catholique est donc
celle qui enseigne la foi catholique. Ainsi, l’Église catholique est règle de
foi. S’il y a donc hérésie, cela ne peut provenir de l’Église catholique mais de
celui qui s’en sépare.
Saint
Augustin défend l’autorité de l’Église catholique, une autorité voulue par Dieu.
C’est par elle que nous recevons les Saintes Écritures. C’est par elle que nous
pouvons justifier des doctrines. C’est par elle finalement que nous observons
la tradition apostolique. Car tout cela est reçu dans l’Église universelle. Lorsqu’une
coutume n’est pas instituée par un concile œcuménique alors qu’elle reçue dans
toute l’Église catholique, elle appartient à la Tradition et fait donc partie
du dépôt de la foi. Le concile œcuménique vient même confirmer la coutume
universelle et antique lorsqu’elle est contestée ou confuse. Telles sont
notamment les pensées de Saint Cyprien. Les évêques peuvent ainsi être en
désaccord sur un point de doctrine jusqu’au jour où la controverse est tranchée
par un concile œcuménique. Le concile œcuménique ne fait donc que confirmer la
foi catholique, il ne fait pas la foi. Lorsque l’Église catholique a parlé, la
liberté de controverse est épuisée…
Notre
Seigneur Jésus-Christ ne sépare pas la vraie foi de la vraie Église. « Dans
la chaire de l’unité, il a placé l’enseignement de la vérité. »[10] Il y a
hérésie car l’Église est nécessairement dans la vérité. Pour Saint Augustin, l’Église
est infaillible dans son universalité. Elle est colonne et fondement de la
vérité. Elle est protégée par son chef qui la commande, chef invisible qu’elle
a dans le ciel, parce qu’elle est corps mystique du Christ.
Conclusion
Face
à la multitude des dénominations chrétiennes, il est important de discerner la
vraie et seule Église. Car la foi nous demande de croire en une Église. La
catholicité demeure un des critères d’authenticité incontestables. L’Église
définit dans les symboles de foi les quatre critères, ou notes, qui la
caractérisent : unité, catholicité, apostolicité, sainteté. Car destinée à
tout l’univers, à tout le genre humain, à tous les temps, l’Église est et ne
peut qu’être catholique. Elle peut être occidentale ou orientale, séjournant à
Carthage ou à Thagaste, elle demeure une et catholique.
Reprenant
une coutume populaire, déjà présente au IIe siècle et surtout au IIIe siècle,
l’expression « Église catholique »
servait à l’origine à identifier la vraie Église. Il est donc étrange aujourd’hui
de vouloir distinguer l’Église catholique de l’Église du Christ ! Mais peut-être,
est-ce le résultat d’une confusion, présente certainement dans l’opinion, entre
l’Église romaine et l’Église catholique ou entre l’Église occidentale et
l’Église catholique ? Or certaines Églises orientales unies à Rome sont
bien catholiques. Si ce n’est pas le cas, de quelles autorités pouvons-nous
dire qu’il n’y a pas pleine et entière identification entre l’Église fondée par
Notre Seigneur Jésus-Christ et l’Église catholique ? De telles idées
s’opposent aux Pères de l’Église. Qu’on nous montre donc l’unanimité
des Pères de l’Église sur cette question !
Notes et réferences
[1] Hérésie appelée docétisme. Voir Emeraude, septembre 2013.
[1] Hérésie appelée docétisme. Voir Emeraude, septembre 2013.
[4]
Les Donatistes nient la validité du baptême catholique. Ils sont véritablement
hérétiques.
[5]
Battifol, Le catholicisme de Saint Augustin, d’après Optat de Milève, I,
28.
[6]
Voir Émeraude, articles "Universalité du Royaume de Dieu" et "Le grain de Sénévé", mai 016.
[7]
Saint Augustin, Epist., XXXIII, 5.
[8]
Saint Augustin, La vraie religion, n°9, œuvres de Saint Augustin, tome VIII,
traduction J. Pegon.
[9]
Saint Augustin, La vraie religion, n°9, œuvres de Saint Augustin, tome VIII,
traduction J. Pegon.
[10]
Saint Augustin, Epistol., CV, 16 dans Le catholicisme de Saint Augustin,
Pierre Battifol, 1920.
[11] Milève (ou Mila) est une ville antique de la Numidie, aujourd'hui située en'Algérie.
[11] Milève (ou Mila) est une ville antique de la Numidie, aujourd'hui située en'Algérie.
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