" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


samedi 21 mai 2016

Universalité du Royaume de Dieu

Notre contemporain ne cesse de nous étonner. Lors d’une discussion, un de nos collègues nous a affirmés qu’il était chrétien puis sur le même ton, il nous informe que sa fille s’était convertie à l’islam. Sans la moindre gêne en apparence, il acceptait cet état de fait et il semblait être content de cette situation puisque, proclamait-il solennellement, chacun avait le droit de choisir sa religion comme il l’entendait, l’important étant que chacun trouvât sa voie et son bonheur. Par ailleurs, déclarait-il avec la même certitude, nous avons tous le même Dieu. Un autre collègue, musulman sans être pratiquant, confirmait ses propos en précisant que toutes les religions étaient légitimes tant qu’elles ne perturbaient pas l’ordre public et n’imposaient pas ses pratiques par la violence et la coercition…

Ce n’est pas la seule personne que nous rencontrons habitée par les mêmes contradictions. Des proches, de sincères pratiquants, revendiquent aussi la pleine et entière liberté à l’islam ou à toute autre religion. Elle prétend que tous peuvent suivre leur religion tant qu’elle n’est pas guidée par le fanatisme et la violence. Telle est la leçon qu’elle répète d’un ton monotone : chacun peut suivre sa voie religieuse ou spirituelle tant qu’elle ne gêne pas celle des autres puisque encore, affirme-t-elle, chacun adore le même Dieu mais de manière différente. L’important résiderait dans l’authenticité de leur foi. Puis ses déclarations achevées, son regard attend de nous une confirmation ou du moins un acquiescement silencieux. En vain. Il n’obtient finalement que notre désapprobation. Elle finit par changer de sujet…

Comment une même âme peut-elle vivre avec de telles contradictions ? Comment en effet un même cœur peut-il affirmer aux cieux et à la face du monde qu’il croit en Dieu, Créateur du ciel et de la terre, et en Jésus-Christ, son Fils unique, et au Saint Esprit, puis à la Sainte Église catholique tout en proclamant que toutes les religions servent le même Dieu et donc sont légitimes ? Pourtant, dans notre société d’informations, il ne faut pas beaucoup de temps pour comprendre que le « Dieu » des chrétiens, celui des musulmans ou encore celui des bouddhistes ne se ressemblent pas vraiment. Sont-elles ignorantes de leur propre foi ? Pourtant, la profession de foi qu’elles récitent régulièrement est claire, sans ambiguïté. Justement, c’est sa finalité. Est-ce donc vraiment par ignorance que certains proclament la légitimité de toutes les religions ?

Une telle position révèle plutôt un profond aveuglement, voire même du mépris à l’égard des croyants. Certains chrétiens répètent machinalement des phrases qu’on leur a martelées depuis des années sans véritablement prendre conscience de leur sens et de leur portée. Cherchent-elles même à les entendre réellement ? Ou plutôt à se protéger en cloisonnant leur foi dans une sphère soi-disant privée de peur de soulever des questions lourdes de conséquences ? Ou enfin, sont-ils convaincus que la foi ne concerne qu’eux-mêmes, enfermées qu’ils sont dans leur égoïsme abêtissant ? Que devient alors l’universalité de la foi qu’ils proclament pourtant sans hésitation ?

La catholicité de l’Église

« Je crois à la Sainte Église catholique. » Le mot « catholique » peut être entendu de trois façons correspondant à une triple universalité.

Au sens géographique, elle désigne la diffusion effective de l’Église dans tous les pays du monde ou du moins sa capacité à s’étendre à toutes les contrées de la terre, à rayonner partout avec sa doctrine et à se développer physiquement dans toutes les régions du globe.

Au sens temporel, elle désigne l’existence de l’Église sans interruption, elle comme sa doctrine et son gouvernement, jusqu’à la fin du monde.

La catholicité peut également s’entendre au sens où l’Église accomplit sa mission à l’égard de tous les hommes, offrant à tous, sans discrimination, les moyens de salut dont ils ont tant besoin, et s’adapte à tous les hommes, sans exception, quelles que soient leur origine, leur civilisation, leur histoire.


Extension géographique du christianisme au XXIe siècle. 

Carte des pays dont la communauté chrétienne 
représente plus de 50 % de la population.
Wikipedia
Il faut aussi distinguer la catholicité physique et la catholicité morale, c’est-à-dire l’extension effective de l’Église dans le monde entier, puis son développement par la fondation des communautés, et enfin de sa destinée comme de son aptitude à s’étendre. 

L’Église est en effet catholique car Elle a reçu de son fondateur la faculté interne et la mission de se répandre dans tous les peuples de l’Univers. Elle a, dès le commencement de son activité, fait consciemment effort, conformément à sa vocation, pour devenir une Église universelle.

Si elle possède la « catholicité morale », c’est-à-dire la puissance de s’étendre en tout lieu et de durer sans discontinuité, elle l’obtient physiquement, concrètement de manière successive et progressive, par la réalisation d’œuvres humaines, c’est-à-dire par l’apostolat. L’Église catholique aurait-elle touché tous les continents sans les Apôtres et leurs successeurs, sans les missionnaires ?

L’universalité de la foi et de l’Église prophétisée dans la Sainte Écriture

La catholicité de l’Église n’est guère une surprise pour les lecteurs de la Sainte Écriture tant la Parole de Dieu a prédit que son peuple s’étendra sur toute la surface de la planète.

Dieu prédit d’abord à Abraham qu’Il le fera « père d’une grande nation » et en lui « seront bénies toutes les nations » (Genèse, III.3). Père du peuple élu, il sera cause de la bénédiction des autres peuples. Cette promesse sera renouvelée à Isaïe et à Jacob. La terre qu’Il donne au peuple élu, « la terre sainte, elle sera ta postérité comme la poussière de la terre, et tu l’étendras à l’occident et l’orient, au septentrion et au midi ; et en toi et en ta postérité seront bénies toutes les tribus de la terre » (Genèse, XXVIII.14). La promesse divine ne se limite pas à Jérusalem. Elle concerne tous les peuples et toute la terre.

Dieu précise davantage sa pensée à Isaïe lorsqu’il décrit le Messie et annonce son arrivée. « En ce jour-là viendra la racine de Jessé qui est comme l’étendard des peuples ; c’est lui à qui les nations adresseront leurs prières, et son sépulcre sera glorieux » (Isaïe, XI.10). Dieu sera reconnu et adoré par tous. Son culte sera universel. L’universalité de son culte est aussi prophétisée par Malachie. « Depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, grand est mon nom parmi les nations, et en tout lieu l’on sacrifie, et une oblation pure est offerte à mon nom, parce que grand est mon nom parmi les nations, dit le Seigneur des Armées » (Malachie, I, 11). Le Messie viendra pour toutes les nations. Il sera la « lumière des nations » (Isaïe, XLIX, 6).

La prophétie peut nous surprendre tant elle nous semble difficile à réaliser. Au moment où Isaïe l’entend, le monde est en effet païen et rien ne semble remettre véritablement en cause le paganisme. Le discours des philosophes grecs demeure même inefficace pour faire changer les esprits. Limité à un petit peuple sans envergure, la religion juive est enfermée dans un royaume menacé par ses ennemis, prêt à s’effondrer. 

Pourtant la Sainte Écriture annonce et propose le salut à tous. « Convertissez-vous à moi et vous serez sauvés, vous tous, confins de la terre » (Isaïe, XLV.22). Car Dieu est le seul Dieu et « il n’y en a point d’autre ». Et si le salut est ouvert à tous les hommes, c’est aussi parce que tous ont besoin du salut. L’universalité du salut sous-entend le péché universel…

Dieu nous avertit donc que la mission du Messie est universelle car personne ne sera écarté du salut. Il concernera tous les hommes, y compris ceux qui étaient exclus des synagogues comme le fils de l’étranger ou l’eunuque. « Et le fils de l’étranger qui s’attachent au Seigneur, afin de l’adorer et d’aimer son nom, […], je les conduirai sur ma montagne sainte, […] parce que ma maison sera appelée maison de prière pour tous les peuples » (Isaïe, LVI, 6-8). Dieu annonce ainsi non seulement la mission universelle du Messie, qui viendra sauver tous les hommes, mais aussi celle de l’Église, de sa maison, qui apparaît comme celle de tous les hommes.

Ramener tous les hommes à la Maison de Dieu

Pourtant, les paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ peuvent nous surprendre. « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Matthieu, XV, 24). Il réaffirmera plus tard aux Apôtres que sa mission est limité au peuple juif.

Revenons de nouveau aux prophéties. Elles annoncent en effet deux temps : le Messie doit d’abord chercher à ramener les Juifs à Dieu avant de songer à convertir les nations. « Et maintenant, le Seigneur parle, lui qui m’a formé dès le sein de ma mère pour le servir, afin que je ramène Jacob à lui, et Israël ne sera pas rassemblé, et j’ai été glorifié aux yeux du Seigneur, et mon Dieu est devenu ma force. Il a donc dit : « C’est peu que tu me serves à relever les tribus de Jacob, et à convertir les restes d’Israël. Voici que je t’ai posé en lumière des nations, afin que tu sois mon salut jusqu’à l’extrémité de la terre » (Isaïe, XLIX, 5-6). Le salut est d’abord proposé à ceux qui ont été préparés pour le recevoir avant d’être proposé à tous les hommes. Mais comme nous le prédit Isaïe, dans leur grande majorité, les Juifs n’écouteront pas l’Envoyé et n’entreront pas dans la Maison de Dieu.

S’Il se tourne d’abord vers les enfants de Jacob, Notre Seigneur Jésus-Christ ne délaisse pourtant pas les Gentils. Devant des Juifs stupéfaits, Il prédit en outre leur foi vive. Mieux encore. Son attitude à l’égard de la Cananéenne ou du centurion qu’Il renvoie d’abord avant de les entendre en est un exemple…

La première mission de Notre Seigneur Jésus-Christ est donc de toucher le peuple juif avant que sa parole n’atteigne toutes les nations. « Mais, j’ai d’autres brebis qui ne sont point de cette bergerie ; et il faut que je les amène, et elles entendront ma voix, et il n’y aura qu’un bercail et qu’un pasteur » (Jean, X, 16). Tous les hommes sont destinés à entrer dans une même « bergerie ». Dans son enseignement sur le salut, Il ne fait aucune exception. Elle concerne tous les hommes. La Rédemption est universelle. Dieu le Père « a tellement aimé le monde, qu’Il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle » (Jean, III.16).

L’annonce d’un culte universel

Sous l’ancienne Loi, le Temple de Jérusalem est le seul lieu où le culte de Dieu est permis. Notre Seigneur Jésus-Christ lui voue une très grande vénération. Devant les vendeurs, Il rappelle la sainteté du lieu. « Il est écrit : Ma maison sera appelé une maison de prière » (Matthieu, XIX, 13). N’est-il pas écrit non plus : «  le zèle de votre maison me dévore » (Jean, II, 17) ?

Pourtant, Notre Seigneur Jésus-Christ annonce sa destruction et la fin de son monopole. Le culte que nous devons rendre à Dieu s’étendra partout, au-delà des murs de Jérusalem et de la Terre Sainte. À la Samaritaine, Lui demandant le lieu où il faut L’adorer, Il répond que « vient une heure où vous n’adorerez le Père ni sur cette montagne ni à Jérusalem […] Vient une heure, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité » (Jean, IV, 21-23). Le culte divin n’aura plus de frontière et ne sera plus renfermé entre quatre murs. Il concerne toutes les âmes éprises de Dieu et pourra se déployer en tout lieu. Le culte sera lui-aussi universel…

Un enseignement destiné à toutes les nations

Reste désormais à étendre la Parole du Salut. Notre Seigneur Jésus-Christ envoie en effet les Apôtres prêcher dans le monde entier. « Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations les baptisant au nom du Père, du Fils et, du Saint Esprit ; leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé » (Matthieu, XXVIII, 18-19). Les Apôtres et leurs disciples se sont alors efforcés de répondre à cet ordre en faisant de cette universalité morale et théorique de l’Église une universalité réelle, effective.

Notre Seigneur Jésus-Christ a par ailleurs prédit que la Bonne Parole sera répandue partout et s’étendra jusqu’à la fin des temps. « Cet évangile du royaume sera prêché dans le monde entier, en témoignage à toutes les nations ; et alors viendra la fin » (Matthieu, XXIV, 14). La fin du monde viendra en effet le jour où sa Parole aura atteint toutes les contrées. Et « je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles » (Matthieu, XXVIII, 20). « Tous les peuples que tu as créés viendront et tomberont à genoux devant toi, Seigneur, et glorifieront ton nom. » (Psaume, LXXXV, 9). Ainsi parlant au Messie, Dieu dit : « il ne suffit pas que tu sois un serviteur pour moi, pour relever les tribus de Jacob et ramener le levain d’Israël. Voici que je t’établis la lumière des Gentils, afin que tu sois mon salut jusqu’aux extrémités de la terre. » (Isaïe, XLIX, 6) L’ordre de mission de Notre Seigneur Jésus-Christ vaut pour le monde entier. Le Royaume de Dieu transcende donc les frontières et les temps, les peuples et les catégories sociales. Notre Dieu veut « que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ » (I. Timothée, II, 4-5).

Conclusion

L’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ et les ordres qu’Il a donnés aux Apôtres affirment clairement l’étendue universelle de la Rédemption à tout le genre humain. Il a demandé à ses Apôtres d’étendre la Maison de Dieu et de la développer dans toutes les contrées jusqu’à la fin des temps. Il lui a aussi donné les moyens dont elle aura besoin pour accomplir la volonté de Dieu. Et nous savons aujourd’hui combien cet ordre de prêcher la bonne nouvelle à toutes les nations furent fidèlement suivi par les Apôtres et leurs successeurs. L’extension de l’Église à partir des douze Apôtres depuis Jérusalem demeure un prodige extraordinaire ! Elle est un signe qui ne trompe pas celui qui sait entendre et voir. Qui aurait pu croire à une telle destinée le jour où Notre Seigneur Jésus-Christ est mort sur la Croix dans le dénuement et l’abandon total, abandonné de tous ? Quelle plus belle et véritable prophétie accomplie !

L’universalité de la foi et du salut, que la Sainte Écriture a prédite et que Notre Seigneur Jésus-Christ a réalisée, fonde l’œuvre apostolique et missionnaire de l’Église. Mais que devient cet apostolat et finalement l’universalité du salut si toute religion se vaut, si tout chemin conduit à Dieu, si tout homme trouve la paix dans toute religion ? Car à quoi bon de s’étendre en Chine si le bouddhisme garantit le salut de l’âme ? Pourquoi tant de souffrances et de martyres si la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ est finalement inutile puisque Mahomet, Bouddha et bien d’autres la donneraient aussi ? Le sang des martyrs lève une terrible objection à cette idée funeste et inconséquente. Car s’il est inutile, c’est l’ordre même qui devient insensée, c’est Notre Seigneur Jésus-Christ qui est condamné…


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