Mais que devient cette histoire si à
notre prochain, nous lui disons : va servir les « autres dieux » puisque toute
religion se vaut ? Que devient l’enfant prodigue si au lieu de retourner
auprès de son père, il sert d’« autres
maîtres », croyant trouver en eux la clé du bonheur ? Car
toutes ces idées d’œcuménisme moderne ne sont pas sans conséquences. Elles influencent notre existence, elles orientent notre avenir. Sans parfois nous en soucier, elles conduisent à
la perte de beaucoup d’âmes. Beaucoup d’enfants se perdent sur le chemin du
retour…
L’Histoire
Sainte est riche d’enseignements. Elle nous raconte des faits du
passé qui manifestant la volonté divine nous éclairent sur le sens de notre vie, sur ce que Dieu nous demande encore aujourd'hui. Elle est un livre qui nous ouvre la connaissance de Dieu. Elle est aussi un guide qui nous éclaire sur les erreurs et nous aide à les déceler, à les corriger. L’épisode du Veau d’or, dans le livre de l’Exode,
nous apporte notamment quelques précieux éclairages sur les relations que nous devons avoir avec les autres cultes et religions.
L'Exode du peuple hébreu
L’Exode
est le deuxième livre de la Sainte Bible. Livre historique par excellence, il nous relate la sortie du peuple d’Israël de l’Égypte et les
grands miracles qui l’accompagnent. Les événements bibliques sont
souvent rappelés dans la Sainte Écriture, notamment dans les Psaumes.
Les souvenirs des actions de Dieu reviennent dans la bouche des Justes et des
Prophètes. Aujourd’hui encore, nous y revenons dans nos chants et nos prières.
Il contient aussi des vérités encore pertinentes de nos jours.
Les
derniers chapitres de la Genèse nous racontent l’arrivée de
la famille de Jacob sur la terre des égyptiens sous la protection de Joseph,
fils de Jacob et puissant ministre du Pharaon. Répartie en douze tribus, elle s'est développée et a gagné de l'importance au point de devenir un véritable peuple. Cependant les descendants de Jacob n’ont pas
oublié la promesse de Dieu qu’Il a renouvelée et approfondie à maintes reprises.
Avant de mourir, Joseph rappelle à ses frères : « Dieu vous visitera et vous fera monter de
cette terre à celle qu’il a juré à Abraham, à Isaac et à Jacob. » (Genèse,
L, 23)
Mais inquiet par son nombre et peu confiant en sa fidélité, un nouveau Pharaon décide de
changer de politique à l'égard du peuple hébreu. « Voici
que le peuple des enfants d’Israël est nombreux et plus fort que nous.
Opprimons-le par prudence, de peur qu’il ne se multiplie, et que, s’il élève
contre nous une guerre, ils ne se joignent à nos ennemis, et que, nous vaincus,
il ne sorte de la terre. » (Exode, I, 9-10) Les enfants
d’Israël deviennent ainsi l’objet de travaux et de rudes corvées. « Les Égyptiens haïssaient les enfants
d’Israël et les affligeaient en les insultant. » (Exode, I, 13)
Entendant
leur clameur et leur gémissement, Dieu « se souvint de l’alliance qu’il fit avec Abraham, Isaac et Jacob »
(Exode,
II, 24). Dieu
se manifeste alors à un berger du nom de Moïse pour qu'il soit l'homme de la délivrance.
« La clameur des enfants d’Israël est venue jusqu’à moi, et j’ai vu
leur affliction, dont ils sont accablés par les Égyptiens. Mais viens, et je
t’enverrai vers le Pharaon, afin que tu retires mon peuple, les enfants
d’Israël, de l’Égypte. » (Exode, III, 9-10) Au nom de Dieu,
Moïse intervient auprès du Pharaon pour accomplir sa mission. Mais ce dernier
refuse le départ du peuple d’Israël. Après de nombreux miracles et l’envoi des
dix plaies, il finit par le laisser
partir pour rapidement se repentir. La Pâque célèbre cet événement qui rappelle que « le Seigneur retira les enfants d’Israël de la terre d’Égypte »
(Exode,
XII, 51).
La perversion du peuple hébreu
Mais
au pied de la montagne, alors que Moïse écoute la voix de Dieu, le peuple
d’Israël s’impatiente. Il demande alors à Aaron de fabriquer une image des
dieux afin de les rendre visibles. « Fais-nous
des dieux qui nous précèdent » (Exode, XXXII, 1). Aaron accepte. À
partir de l’or des bijoux de leurs femmes et de leurs filles, un veau de métal
fondu est fabriqué. « Voici tes
dieux, ô Israël, qui t’ont retiré de la terre d‘Égypte. »(Exode,
XXXII, 5) Un autel est aussi bâti devant le veau, autel sur lequel des
sacrifices sont offerts. Le culte est suivi d’une fête.
Le
rôle d’Aaron est ambigu. Il accepte sans protester ce que demande le peuple
d’Israël. Cependant, nous constatons qu’il ne fait pas exactement ce qu’il
veut. Il oriente en effet le culte et la fête vers le Dieu qui l’a retiré de
l’Égypte.
De
la montagne, Dieu avertit Moïse de la perversion de son peuple. « Va, descends : il a péché, ton peuple
que tu as retiré de la terre d’Égypte. Ils se sont bientôt écartés de la
voie que tu leur as montré : ils se sont fait un veau de fonte, et ils
l’ont adoré » (Exode, XXXII, 8). Il l’avertit aussi
du châtiment qu’il lui réserve. « Ma
fureur s’irrite contre eux […] je les extermine » (Exode,
XXXII, 8). Mais par la prière, Moïse parvient à apaiser sa colère.
Moïse donne trois raisons à Dieu pour calmer son indignation.
L’extermination du peuple d’Israël serait perçue comme une impuissance de Dieu et une
ruse perfide auprès des Égyptiens. « Que les
Égyptiens, je vous prie, ne disent pas : c’est par ruse qu’il les a
retirés afin de les tuer sur les montagnes et les exterminer de la terre »
(Exode,
XXXII, 12). Il rappelle enfin l’alliance qu’Il a conclue avec Abraham, Isaac et
Israël et la promesse qu’Il leur a faite. Que deviendra-t-elle si le châtiment divin s'abbat sur le peuple de la promesse ?
La peine du péché
Lorsque
descendant de la montagne, il entend « le
tumulte du peuple qui vociférait » (Exode, XXXII, 15), Moïse
se met en colère. Il entend en effet des cris de fête. « Et lorsqu’il se fut approché du camp, il vit le veau et les danses ;
alors très irrité, il jeta les tables qu’il tenait à la main, et les rompit au
pied de la montagne » (Exode, XXXII, 19). Les tables de la
Loi sont brisées. Avant même de présenter les commandements de Dieu, le premier
est déjà violé. « Tu n’auras point
de dieux étrangers devant moi. Tu ne feras point d’image taillée au ciseau, ni
aucune représentation de ce qui est en bas sur la terre, ni de ce qui est dans
les eaux sous la terre. Tu ne les adoreras pas, ni les honoreras ; car
c’est moi le Seigneur ton Dieu » (Exode, XX, 4-5). Moïse
brûle le veau, le brise pour le réduire en poudre puis mêle cette poudre à de l'eau et enfin fait boire ce breuvage aux
enfants d’Israël pour expier leur faute. Enfin, Moïse fait massacrer trois mille
hommes comme punition exemplaire pour les survivants.
Le péché de Jéroboam
À
plusieurs reprises, l’épisode du Veau d’or revient dans la Sainte Écriture, notamment dans les Psaumes.
« Ils firent un veau à Horeb, et
adorèrent une image taillée au ciseau. Ils changèrent ainsi leur gloire contre
la ressemblance d’un veau qui mange de l’herbe. » (Psaume
CV, 19) Elle condamne sa folie et toute sa vanité. Elle souligne l’ingratitude du peuple d’Israël. Mais ce n'est pas le seul exemple. Il a en
effet suivi de nombreuses autres idoles comme Belphégor, ceux de Canaan ou le serpent
d’airain. S’il a été châtié pour ses crimes, il a aussi fait l’objet de la
miséricorde divine. « Il se souvint
de son alliance, et il se repentit selon la grandeur de sa miséricorde. »
(Psaume
CV, 45)
Bien plus tard, une autre histoire nous rappelle le souvenir du veau d'or. Au temps du schisme, quand le Royaume de David était divisé en deux royaumes, ceux de Juda et d’Israël, le roi d’Israël Jéroboam élève deux veaux d’or sur d’antiques lieux saints pour concurrencer le Temple de Jérusalem de peur que les Juifs d’Israël se retournent vers le roi de Juda. « Ayant réfléchi mûrement à son dessein, il fit deux veaux d’or et dit au peuple : ne montez plus à Jérusalem ; Israël, voici tes dieux qui t’ont retiré de la terre d’Égypte. » (III Rois, XII, 28) Il établit un culte, des prêtres, de solennités. Jéroboam officie lui-même. Ainsi « pécha la maison de Jéroboam et qu’elle fut détruite et exterminée de la surface de la terre. »(III Rois, XIII, 34)
Le péché d'idolâtrie
Que
pouvons-nous retenir de l’épisode du veau d’or ? L’idolâtrie est clairement condamnée. C'est un crime, un péché, et par conséquent mérite un châtiment,
c’est-à-dire l’application d’une peine, compte tenu qu’elle est une violation
des commandements de Dieu.
Cependant, certains biens pensants croiront peut-être que les Hébreux avaient de bonne intention, qu'ils étaient sincères et authentiques ou encore qu'ils étaient encore insuffisamment matures pour adorer un Dieu sans représentation
visible. Pourtant, Dieu la condamne durement. Et sa justice est sans faille. S'il obtient sa miséricorde, le peuple hébreu la doit aux prières de Moïse et non en ses faiblesses.
L’histoire de Jéroboam est plus révélatrice. La Sainte Écriture nous décrit clairement les effets. L’idolâtrie détourne l’homme de Jérusalem,
c’est-à-dire de Dieu et du véritable culte. Il ne s’agit donc pas de concevoir
un culte selon sa propre volonté, selon l'authenticité plus ou moins réelle du sentiment religieux qui l'inspire mais selon la seule volonté de Celui qui en est
l’objet. Il s’agit bien de faire sa volonté. Un commandement est donné non pour
le plaisir de le suivre selon ses intentions et son degré de maturité mais pour
qu’il soit respecté.
Pourquoi
le peuple d’Israël demande-t-il à Aaron de faire un veau ? Car ignorant de
ce qu’il se passe là-haut sur le montagne, il est impatient de revoir Moïse.
S’imagine-t-il qu’il est parti définitivement ? Ou se sent-il
abandonné ? Tout cela reflète un manque évident de foi. Dans cette histoire, le peuple de Dieu se révèle comme un peuple au cou raide, d’une grande
ingratitude, osant douter de la Parole de Dieu.
Plusieurs
fois, dans le désert, le peuple de Dieu se rebelle contre Moïse, voyant leur infortune dans
leur exode, regrettant même leur départ d’Égypte. Manquant d’eau dans le désert
de Sin, des hébreux s’assemblent et se révoltent. « Plût à Dieu nous eussions péri au milieu de nos frères, devant le
Seigneur ! Pourquoi avez-vous amené l’assemblée du seigneur dans cette
solitude, pours que nous et nos bêtes nous mourions ? Pourquoi nous
avez-vous fait monter de l’Égypte, et nous avez-vous amené dans ce lieu
détestable qui ne peut être semé, qui ne produit ni figuier, ni vignes, ni
grenadiers, où de plus, il n’y a même d’eau pour boire ? » (Nombres,
XX, 3-5) Il remet en fait en cause la Parole de Dieu et ses promesses car leur
existence et les choses qui l’entourent semblent les contredire. Il se défie de
Dieu ! Pourtant, les signes de sa sollicitude n'ont pas cessé de se multiplier depuis que leurs clameurs et leurs gémissements ont rappelé le souvenir de l'alliance ! Par de nombreux
miracles, Dieu a manifesté sa puissance et sa bienveillance. Manque de foi et ingratitude, telles sont
les deux véritables crimes qui se cachent derrière la sédition…
Les
Hébreux ont-ils été influencés par les religions égyptiennes ? Les
Égyptiens adoraient en effet le dieu Apis, sous forme de bœuf, incarnation du
dieu solaire. Dans l’Histoire Sainte, nous voyons parfois les Juifs se laisser
influencer par les mœurs de la société dans laquelle ils vivaient. Les Prophètes sont souvent intervenus pour condamner leur perversion religieuse et
les protéger de l’idolâtrie ambiante. De nombreuses prescriptions juives ont
été mises en place justement pour préserver les Juifs de toute « contamination ». Car il existe bien
un seul chemin pour atteindre Dieu, celui qu’Il a Lui-même défini. Et dans le
cas de Jéroboam, l’idolâtrie conduit nettement à une autre fin que celle de
Dieu. Elle ne consiste qu’à détourner les Juifs de Jérusalem, du véritable
culte. Elle répond plus à un besoin politique qu’à la foi.
En
outre, comme le répète le prophète Osée, quelle image dégradante de Dieu !
Certes le veau était symbole de fécondité et de force dans l’Orient ancien, et
par conséquent de divinité mais ce n’est qu’une créature, qu’un ruminant. Et
l’idole est œuvre humaine, sans vie, bon à être incinérée et à être un breuvage
amer. Quelle différence avec le Dieu vivant et miséricordieux qui s’est si
souvent manifesté dans le désert ?
La fidélité à Dieu
L’épisode
du Veau d’or nous montre ainsi toute la profondeur du péché d’un peuple qui,
par impatience et manque de foi, érige des idoles et un culte, désobéissant
sciemment au commandement de Dieu. La sincérité des Hébreux n’est pas remise en
cause. Cela n’est finalement guère important. Que le veau symbolise à leurs yeux Dieu est
aussi de peu d’importance. L’essentiel réside dans la volonté de Dieu et dans la nôtre, ou plutôt dans leur conformité, ou dit autrement dans notre fidélité. Car telle est la véritable unité de foi que Dieu nous demande. Nous
pouvons accomplir des merveilles qui nous paraissent bonnes, authentiques, raisonnables,
justifiables mais l’important, c’est qu’elles répondent à cette unité de foi afin qu'elles soient recevables par Dieu, le
reste étant secondaire.
Les
choses que nous éprouvons peuvent entièdir notre foi, ramollir notre confiance, éteindre notre
espérance. Elles peuvent nous faire croire que nous sommes abandonnés de Dieu.
Mais tout cela reste encore à un niveau bien humain. Que sommes-nous pour juger
Dieu et remettre en cause sa Parole ? L’épisode du Veau d’or montre le peu
de foi d'un peuple qui préfère s’attacher à une pratique païenne qu’à
supporter le temps qui passe, le silence qui entoure Moïse.
Se souvenir de Dieu
Enfin,
l’homme oublie vite les bienfaits qu’il a reçus, n’hésitant jamais à se
rebeller contre Celui qui lui a donné de la manne et de l’eau à profusion. Le
souvenir se perd avec le temps surtout lorsqu’il n’est pas entretenu. Il est
frappant de constater que dans le Temple de Jérusalem, le Tabernacle gardait les traces de tous les
bienfaits divins qui s'étaient produits dans le désert au cours de l’Exode afin
qu’elles demeurent un témoignage de l’action et de la bienveillance divine. C’est le but aussi de
toutes les solennités et les cérémonies religieuses de préserver les souvenirs de tout oubli ou déformation.
Sans ces souvenirs qui nous relient au passé, l’homme finit par oublier son
passé. Le nouveau Pharaon « qui ne
connaissait pas Joseph » (Exode, I, 8), précise la Sainte
Écriture, a opprimé le peuple d’Israël, n’ayant pas confiance en lui, ne le connaissant pas. À force
de renier sa mémoire et de se couper de son passé, un peuple risque de
commettre la même folie que celle de ces Hébreux forgeant un veau d’or pendant
que Dieu donne à Moïse la Loi !
Alors
si toutes les religions se valent, si tous peuvent choisir leur religion sans
aucune crainte, devons-nous oublier l’histoire du Veau d’or et de tous ces
récits de la Sainte Écriture qui nous demandent sans-cesse de rester fidèles à la
volonté de Dieu et à nous unir à Lui en toute vérité ? Devons-nous aussi oublier les actions de Dieu dans
l’histoire de notre pays, actions qui témoignent de Lui ?
Si seule compte le sentiment religieux dans la pratique d’une religion, que
devient la volonté de Dieu ? Mais une telle idée ne révèle-t-elle pas
plutôt un regard bien humain et dérisoire sur la religion, sur nous-mêmes et
sur Dieu ? Dieu nous demande justement d’élever notre regard de notre misère et
de ne pas nous attacher aux apparences, de ne pas juger promptement.
Finalement, l’idée que toute religion se vaut ne révèle-t-elle pas tout
simplement un manque de foi ?...
« Nos pères en Égypte ne comprirent point vos
merveilles, ils ne souvinrent pas de la grandeur de votre miséricorde. Et ils
vous irritèrent » (Psaumes, CV, 7).
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