Les fêtes de l’Annonciation et de la Nativité célèbrent un des plus grands mystères de notre foi, le mystère de l’Incarnation. Notre Seigneur Jésus-Christ, « le Fils unique de Dieu, et né du Père avant tous les siècles, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait, qui à cause de nous les hommes et à cause de notre salut est descendu des cieux, s’est incarné de l’Esprit Saint et de la Vierge Marie et s’est fait homme. »[1] Le Verbe s’est fait chair le jour de l’Annonciation et Notre Seigneur Jésus-Christ est né de la Sainte Vierge Marie le jour de Noël.
Le
mystère de l’Incarnation est inséparable de celui de la Rédemption. Il est associé à l’Annonciation et à la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Ce n’est donc pas étonnant s’ils font l’objet de vives attaques et de remises
en question. De nos jours, on les présente comme des mythes ou des symboles afin de renier clairement leur historicité et par là remettre en question le mystère de l’Incarnation.
Que deviennent alors notre foi et notre salut s’ils perdent leur réalité
historique ? C’est pourquoi il est essentiel de réfuter ces erreurs et de
défendre l’historicité de l’Annonciation et de la Nativité.
En
réfutant la réalité historique de l’Annonciation et de la Nativité, on finit
par les considérer comme des faits imaginaires, des inventions humaines, des
récits symboliques. Par conséquent, plus ou moins implicitement, on accuse
l’Église, qui les fête et les proclame chaque année, de se tromper et de
tromper les fidèles, de les maintenir dans la superstition et dans l’erreur. Le
christianisme qu’elle enseigne ne serait donc pas authentique. Il ne serait
qu’un mensonge ou encore une superstition, un reste de paganisme.
Si
les récits évangéliques qui décrivent sa conception et sa naissance ne sont pas
vrais, que devient Notre Seigneur Jésus-Christ ? Que devient notre
foi ? Pour les plus sérieux, on ne renie pas son existence, les
témoignages historiques étant suffisamment clairs et indubitables. Mais on
refuse de lui associer tout prodige. On lui refuse toute divinité. Il serait né
comme tout homme. Il ne serait qu’un homme. Le Mystère de l’Incarnation ne
serait qu’une erreur ou un malentendu. Et par conséquent, les dogmes relatifs à
Notre Seigneur Jésus-Christ seraient faux et mensongers. On affirme alors que
par ses dogmes, l’Église L’aurait déifié. Il serait devenu Dieu par les mains
des hommes. Que deviendrait finalement notre foi ? Une coquille vide.
Notre Seigneur Jésus-Christ ne serait plus qu’un prophète, un moraliste, un
saint comme un autre. Il ne serait plus l’objet de notre adoration. Une figure
mythique comme tant d’autres…
Un
des arguments pour renier la réalité historique de la Nativité consiste à
montrer que la fête de Noël est une fête d’origine païenne pour insinuer
ensuite que le récit de la Nativité est en fait une invention humaine. Dans cet article, nous allons présenter les fêtes païennes qui étaient fêtées le 25 décembre, aux alentours du solstice d'hiver...
Le
solstice d’hiver
Le
solstice d’hiver est l’événement astronomique qui correspond à une durée de
jour minimal, le solstice d’été étant la durée de jour maximal. Il correspond au
dernier jour d’un long cycle où la nuit ne cesse de croître, où le Soleil
décline.
Selon
le calendrier Julien, institué en 46 avant Jésus-Christ sous Jules César, il
tombe le 25 décembre. Depuis la réforme du calendrier par le Pape Grégoire XIII
au XVIe siècle, il tombe désormais aux alentours du 21 décembre. C’est pourquoi
aujourd’hui, Noël n’est plus fêté le jour du solstice d’hiver. mais la date a
prévalu sur l’événement astronomique.
Compte
tenu des caractéristiques de ce jour unique dans le calendrier – la fin du
déclin du soleil et sa croissance au détriment de la nuit - nous pouvons
facilement comprendre pourquoi il a été choisi pour des célébrations religieuses :
symbole du soleil renaissant, promesse d’un avenir lumineux, etc.
On
oppose classiquement la fête de Noël à trois célébrations religieuses païennes
qui ont lieu le 25 décembre : les fêtes en l’honneur du dieu Saturne à
Rome, le culte de Mithra et la fête du soleil invaincu, « sol invictis »
Les
fêtes saturnales
Le
25 décembre, les romains célébraient la fête de Brumelia en l’honneur de
Saturne. Le terme de « Brumelia »
vient de « bruma » qui
signifie « hiver » ou
« solstice d’hiver ». Elle
était précédée des fêtes saturnales, qui se déroulaient du 17 au 24 décembre,
au cours de laquelle les païens célébraient Saturne en tant que dieu des
semailles et protecteur des semences. Au jour du solstice d’hiver, les
païens attendaient ainsi de leur dieu la chaleur nécessaire pour les semailles
du printemps. Les cérémonies religieuses consistaient en prières adressées à Saturne et en "actions
de grâces".
Les
fêtes saturnales étaient les plus joyeuses de l’année. Elles étaient l’occasion
de ripailles, de somptueux repas, voire d’orgies. Au cours de ces journées, les
divisions sociales entre les Romains et les esclaves étaient censées être
oubliées. Les esclaves retrouvaient la liberté et pouvaient faire ce qu’ils
voulaient. Selon Macrobe[15], toute licence était aussi permise aux esclaves
pendant ces jours de fêtes. Les maîtres devaient même les servir. Il est en
effet d’usage « pendant les
saturnales, d’accorder toute licence aux esclaves. »[2] Parmi
les esclaves était choisi un roi éphémère. Les fêtes saturnales étaient aussi une fête en faveur des pères et des mères.
C’était enfin un temps de réconciliation. Les riches pouvaient régler les dettes de leurs amis. On faisait cesser les hostilités. Le sénat vaquait. Les tribunaux étaient fermés. Il était interdit d’exécuter les criminels. On purifiait aussi les maisons.
A la fin de cette période, lors de la fête des sigillaires[3], les Romains avaient l’habitude d’offrir des cadeaux, notamment aux enfants. Lors de cette journée, ils offraient des figures de formes humaines en terre cuite sur l’autel de Saturne pour assurer sa protection en signe d’"expiation".
C’était enfin un temps de réconciliation. Les riches pouvaient régler les dettes de leurs amis. On faisait cesser les hostilités. Le sénat vaquait. Les tribunaux étaient fermés. Il était interdit d’exécuter les criminels. On purifiait aussi les maisons.
A la fin de cette période, lors de la fête des sigillaires[3], les Romains avaient l’habitude d’offrir des cadeaux, notamment aux enfants. Lors de cette journée, ils offraient des figures de formes humaines en terre cuite sur l’autel de Saturne pour assurer sa protection en signe d’"expiation".
Les Saturnales, Mosaïque de Pompé |
D’où
viennent les fêtes saturnales ? Il existe de nombreuses hypothèses. En
règle générale, elles sont considérées comme très anciennes. Elles auraient eu
lieu avant même la fondation de Rome[8]. D’abord
réduites à une journée, nuit comprise, Auguste les a étendues à trois jours,
auxquels Caligula en ajouta un quatrième. On y a associé ensuite la fête des
sigillaires. Les fêtes saturnales finissent par compter sept jours sous
Dioclétien.
Mithra et ses attributs |
Le
mithracisme
Mithra
est un dieu d’origine indo-iranienne dont le culte s’est répandu dans l’empire
romain. Dans le Veda[9] indien,
il est le soleil qui se lève, le ciel pendant la journée, un dieu solaire ou
luminaire. Il est connu sous la domination de Mitra, « celui qui fait payer leurs dettes aux hommes ».
Son culte s’est rapidement décliné. Dans l’Avesta[10] perse,
il est le dieu de lumière et de sagesse, le symbole de justice, devenu plus
tard le dieu du Soleil. Il en est devenu la personnification. Il est aussi le
Dieu des contrats. Son culte ne cesse de prendre de l’importance. Chez les
Perses, Mithra est vénéré de manière officielle au VIème siècle après Jésus. On
le retrouve dans le zoroastrisme (Ahura - Mazda) et dans le manichéisme.
Il est difficile de définir les mythes qui entourent Mithra car ils évoluent énormément selon les influences. Il s’est en effet mêlé à de nombreuses religions. Après avoir été un dieu majeur dans un panthéon de divinités, il est devenu un ange lumineux, un serviteur du dieu de lumière, qui intercède auprès du dieu suprême pour les hommes, puis il est redevenu un dieu mais cette fois-ci unique. D’une manière générale, Mithra est associé au Soleil. Son avènement est donc naturellement fêté le 25 décembre.
Le
culte de Mithra finit par gagner l’empire romain. Les premières allusions de
Mithra à Rome datent de 96 après Jésus-Christ. Selon Plutarque[16], le culte aurait
été introduit en Occident en 67 avant Jésus-Christ par des pirates ciliciens
capturés par Pompée. Vers 160, les légions romaines de Syrie vouent un culte à
Mithra. Des temples lui sont dédiés du II au VIème siècle sur toute l’étendue
de l’empire romain. Julien l’Apostat en est un disciple. On suppose que le
culte de Mithra est une « orientalisation » du vieux culte romain en
un temps où l’Orient attirait les regards.
Le
mithracisme est le culte de Mithra accompagné d’une initiation et d’un
enseignement ésotérique. Il est fortement associé à l’astronomie, à la
cosmologie et au symbolisme. Il tend à s’approcher de ce que sera le
gnosticisme. Est associée au culte une organisation secrète hiérarchisée à
laquelle s’ajoute un serment qui lie les membres lors d’un rituel. Les
disciples du mithracisme forment en effet un ordre initiatique de sept degrés
où l’on peut seulement y accéder après une sélection rigoureuse et élitiste,
chaque degré d’initiation gardant ses secrets inaccessibles aux membres des
degrés inférieurs. On observe la loi du silence. Aujourd’hui encore, nous les
ignorons.
Les cérémonies comportent toujours un sacrifice d’un taureau dont le sang devait garantir l’immortalité de l’initié dans une sorte de "baptême". Les adorateurs suivent des rites de purification, d’abstinence et de "communion".
Le
« sol invictus »
Il
n’est pas le premier empereur à vouloir instituer un culte au Soleil. En 218,
l’empereur Héliogabale (218-222) aurait introduit à Rome le culte du dieu
solaire El Gabal dont il était grand-prêtre, afin qu’il supplante toutes les
autres divinités. Il est adoré à Éphèse en Syrie romaine. Son culte est attesté au II
et IIIème siècle. Il aurait porté le nom de « sol invictus » comme le dieu Mithra. Est-ce pour cela qu’il est
parfois confondu à Mithra[12] ?
El Gabal est un des dieux dont le culte héliolâtrique est très recherché à
Rome.
Selon
l’auteur d’une Histoire Auguste de la fin du IVe siècle, Héliogabale aurait
voulu transférer dans le temple du Soleil « les
religions des Juifs, des samaritains et les rites chrétiens, afin que le clergé
d’Héliogabale détienne les mystères de tous les cultes »[13]. Tous
les magistrats et tous les prêtres devaient invoquer en priorité El Gabal lors
des sacrifices publics[14]. Mais
sa tentative fut un échec. Héliogabale fut éliminé en 222.
Conclusion
Conclusion
Le
jour du solstice d’hiver, célébré le 25 décembre depuis le calendrier Julien,
est, par son symbolisme, un jour de célébration religieuse pour la fête antique
des saturnales mais aussi pour le mithracisme et tous ces cultes orientaux
centrés sur le Soleil. L’« héliolâtrisme »
est une des caractéristiques des religions au II et IIIème siècle de notre ère
au point qu’Aurèlien a cru unifier l’empire sous une même religion centrée sur le
Soleil. Depuis deux siècles déjà, le christianisme s’est répandu dans l’empire
romain et au-delà. L’empereur a voulu aussi y englober la religion nouvelle.
Pourtant,
en dépit d’une date commune, ces célébrations religieuses n’ont aucun rapport.
Dans les Saturnales, elle annonce l’abondance et la prospérité, la licence et
la débauche populaire. Dans le mithracisme, dédié plus aux élites, elle traduit
la lumière, la justice, la vérité. Enfin, dans la vaine tentative d’Aurèlien,
vain effort de syncrétisme des religions en vigueur, on voit l’idée ingénieuse
d’unifier un empire devenu fragile, de plus en plus influencé par un Orient qui
s’impose au détriment des traditions antiques romaines.
Les défenseurs de la religion romaine comme Celse s’opposeront aux influences des religions orientales et à leur culte solaire. La mort tragique d’Héliogabale montre encore l’incompatibilité de ces rites venus d’Orient avec l’âme païenne de la ville éternelle. Devons-nous alors croire que la religion païenne de Rome, le mithracisme et la religion d’El Gabal ont même origine du fait qu’ils ont choisi une même date pour leur célébration ? Si effectivement, ces cultes n’ont aucune relation, pourquoi devons-nous alors croire que la fête de Noël provient aussi de ces religions ?
Les défenseurs de la religion romaine comme Celse s’opposeront aux influences des religions orientales et à leur culte solaire. La mort tragique d’Héliogabale montre encore l’incompatibilité de ces rites venus d’Orient avec l’âme païenne de la ville éternelle. Devons-nous alors croire que la religion païenne de Rome, le mithracisme et la religion d’El Gabal ont même origine du fait qu’ils ont choisi une même date pour leur célébration ? Si effectivement, ces cultes n’ont aucune relation, pourquoi devons-nous alors croire que la fête de Noël provient aussi de ces religions ?
Au-delà
de la date, il est en fait plus pertinent d’approfondir la connaissance de ces
religions et de connaître la signification de la célébration de ces différents
cultes pour identifier une relation, une influence ou une filiation quelconque.
Ces exemples montreraient seulement peut-être deux choses : la capacité de
l’homme à découvrir au travers des phénomènes naturels des symboles riches de
sens, capables d’illustrer des idées religieuses (abondance, renaissance, victoire,
opposition lumière et ténèbres, etc.) et le besoin de l’homme d’associer aux
cultes religieux des faits naturels. La date du 25 décembre nous renvoie donc
vers une lecture de la Création au regard de sentiments religieux, ou plus
exactement vers une conception de la nature et de Dieu. C’est donc au travers
de cette conception qu’il est possible de comparer légitimement les religions
et de percevoir leurs relations. Tout autre comparaison n’est que
superficielle…
Notes et références
[1] Profession de foi de Constantinople, 1ère Concile de Constantinople, 381, denz. 150.
[2] Macrobe, Saturnales, livre premier. Macrobe, néoplatonicien du Ve siècle.
[3] Le terme de « sigilaire » vient du latin, « sigillum », qui signifie « sceaux », ou « cachet de cire », ou dérive de « signum » (statue).
[4] Le nom « saturne » viendrait de « satu », « semence » selon Varron, écrivain et savant romain, né vers 116 et mort vers 27 avant J.C. .
[5] Plutarque présente Saturne comme l’inventeur de l’agriculture et le dieu des richesses dans Religions de la Grèce, ou recherche sur l’origine, les attributs et le culte des principales divinités helléniques, Pierre-Nicolas Rolle, 1828.
[6] Selon Macrobe, Janus aurait été le roi d’une région d’Italie. Il aurait accueilli Saturne venu de la mer et lui aurait appris l’art de l’agriculture. Janus et Saturne battirent deux villes voisines. Après la disparition de son ami, Janus aurait institué une fête en son honneur. Voir Macrobe, Saturnales, livre premier.
[7] Nom tiré probablement d’« Ops », la Terre.
[8] Selon Festus, le Capitole était appelé « mons Saturnius » avant la fondation de Rome. Le culte de Saturne viendrait des Phéniciens. Voir Religions de la Grèce, ou recherche sur l’origine, les attributs et le culte des principales divinités helléniques, Pierre-Nicolas Rolle, 1828.
[9] Ensemble de textes dits de visions du védisme puis du brahmanisme et de l’hindouisme.
[10] Ensemble de textes sacrés de la religion perse puis plus tard du mazdéisme.
[11] Voir Contra christianos, La critique sociale et religieuse du christianisme des origines au concile de Nicée (45-325), Xavier Levieils, édition Walter de Gruyter, 2007.
[12] Voir Jours de fêtes : histoire des célébrations chrétiennes, Robert féry, édition du Seuil, 2008.
[13] www.empereurs-romains.net.
[14] Voir Contra christianos, La critique sociale et religieuse du christianisme des origines au concile de Nicée (45-325), Xavier Levieils.
[15] Macrobe, écrivain, philosophe latin, auteur notamment des Saturnales. Il est né vers 370 après J.C.
[16] Philocore, historien grec mort en 260 avant J.C.
[16] Plutarque, philosophe grec de la Rome antique, né vers 46 et mort vers 125.
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